Il fallait qu'elle se rende à l'évidence, cet atelier n'était plus suffisament grand pour ses expériences et Nyméria avait beau être bonne patte, elle allait devoir arrêter de coloniser l'endroit. Petit à petit, l'arrière boutique s'était remplie de babioles qui n'étaient qu'en partie à la propriétaire des lieux et depuis sa sortie de l'hopital, le phénomène s'était amplifié. Avec ses tests d'encre, depuis l'avant-veille et l'opsite qui lui avait permis de finaliser ses préparatifs sans contraindre son corps à trop de magie, il n'y avait plus un espace qui ne soit pas utilisé dans la pièce que Nyméria lui avait accordé pour ses travaux d'enchantement.

Des étagères suivaient tous les murs, ne laissant qu'un grand établi sous la fenêtre. Plusieurs caisses s'y étaient ajoutés, des bocaux, des bouteilles aux contenus étranges. Au fond, un paravent en bois gravé cachait un baquet d'eau et quelques draps de bain pour se débarbouiller quand elle ne rentrait pas chez elle. Un miroir en pied de deux mètres de haut était posé à moitié devant, reflettant un cercle parfait gravé dans le plancher qui lui servait de base pour ses rituels. De la cire de bougie de plusieurs couleurs en tachait le montant en bas et restait dans les reignures du sol. Mais aujourd'hui, sur un pan de laine brute, trônait un cerseau de métal argenté damassé de strilles sombres, entièrement gravé de symboles et de courbes mystiques. Niels avait fini le matin même la commande de la sorcière, comme prévu. Il était parfait.

En attendant l'arrivée des trois hommes qu'elle avait cordialement invité pour le début de soirée, elle avait disposé quatre coussin en cercle autour du cerceau et tracé toutes les lignes cabalistiques dont elle avait besoin avant de s'aprêter elle-même pour l'enchantement le plus complexe qu'elle n'avait jamais réalisé.

Aujourd'hui, c'était quitte ou double. Soit ses deux mois de préparation aboutissaient à un équilibre viable, soit ses rêves de protection magique pour la ville s'écroulaient définitivements. Elle était fébrile rien qu'à y penser, mais elle allait devoir se calmer.

Nyméria travaillant chez un client pour terminer une oeuvre directement sur le mur de son salon, Galatéa avait remis deux buches dans l'âtre, sortit quelques herbes pour une tisanes et s'occupait en relisant le petit livre de cuir noir subtilisé dans le QG Nord la nuit du drame, assise derrière le comptoir. Elle n'avait confiance en la ponctualité d'aucun de ses convives de toute façon. Elle s'entendait plutôt bien avec les trois, c'était déjà un signe. Le frère, l'amant et le... euh... débiteur ? Finalement Neldris avait trouvé une façon de rembourser les travaux qu'elle ferait pour enfermer sa facette la plus obscure.

Elle ne s'attendait pas à ce qu'aucun d'eux n'arrive alors que le soleil d'hiver se couchait à peine. La boutique et son monceau de babioles luisaient dans la lumières des lampes magiques et du feu de cheminée. Aussi, quand la clochette de la porte tinta, elle ne leva pas les yeux de sa lecture, laissant simplement échapper un bref et ennuyé " Navrée mais nous sommes fermés. ", avant de tourner la page dans un bruit de papier, telle la plus blasée des secrétaires.