New-York, une mégapole remplie de buildings et de pollution. Certains jours, même le soleil avait du mal à passer les nuages noirs qui semblaient voguer perpétuellement dans le ciel. Calithéa était née par une chaude après-midi, dans cet appartement miteux situé au cinquante-sixième étage d’un immeuble délabré. Elle était née quelques minutes avant sa jumelle, Dahlia. Cela avait été une surprise de découvrir la naissance de deux filles, alors que sa mère n’en attendait qu’une seule. Leurs parents avaient toujours voué leurs vies aux autres. Leur père était mécanicien, s’occupant de réparer tout ce qui pouvait payer et sa mère était médecin, bien qu’elle n’ai que le diplôme d’infirmière. En effet, elle n’était jamais parvenue à se payer les études lui permettant d’accéder à la médecine et s’était contentée d’apprendre elle-même les choses. Elle se rendait tous les jours dans les quartiers pauvres pour soigner les plus démunis, leur permettant de ne pas devoir payer des sommes inconcevables pour des soins basiques.

Deux filles étaient inespérées, leurs parents étaient ravis, malgré les tracas que cela leur causait déjà. Deux bouches supplémentaires à nourrir alors qu’ils peinaient déjà à atteindre les deux bouts… Cela n’avait rien d’anodin. Mais la famille vivait au jour le jour, trouvant le bonheur dans chaque petite chose du quotidien. Ils étaient soudés, s’aimant passionnément. Les années passèrent et la famille ne cessait de travailler pour assurer la survie de tous. Les assiettes n’étaient jamais véritablement remplies, les estomacs jamais complètement pleins, pourtant rien ne semblait déranger les petites. Malgré leur jeune âge, elles se montraient naturellement calmes et discrètes, aimant s’occuper à deux. Elles vivaient dans leur propre monde, les deux faces d’une même pièce. Elles se comprenaient sans devoir parler, semblant partager un lien bien particulier.

Mais lorsque la situation devint d’autant plus compliquée, le coût de la vie ne cessant d’augmenter toujours plus au fil des années, les jumelles furent séparées. Leurs parents ne pouvaient plus se permettre de payer la voisine pour les garder, malgré le prix dérisoire que cette dernière demandait. Calithéa se mit à accompagner leur mère et Dahlia, leur père. Naturellement, Calithéa s’intéressa à ce que sa mère faisait, aux soins qu’elle prodiguait. Désireuse de se rendre utile, elle se mit à l’aider, à lui donner les compresses, les médicaments et les outils dont sa mère avait besoin lors des soins. Calithéa avait toujours été curieuse du monde qui l’entourait et cette nouvelle activité ne faisait pas exception à la règle. C’est à partir de ce moment-là que la jumelle commencèrent à se dissocier, se forgeant chacun leur propre caractère. Il était désormais plus facile de la différencier. Calithéa était la petite fille calme, discrète, à l’écoute et prudent. Dahlia, quant à elle, était la petite fille qui aimait l’aventure, qui se bagarrait, un tempérament de feu. Leurs parents aimaient dire que l’une était la lune et l’autre le soleil.

Calithéa suivait tous les jours sa mère, apprenant à ses côtés, se plongeant dans la médecine. Elle aimait cela, soigner les gens, déterminer de quelle maladie ils souffraient, leur apporter le soulagement. Elle était aussi altruiste que sa mère et se mit petit à petit à assister celle-ci dans ses soins. Elle était douée, délicate et rassurante. Sa mère était ravie de la voir suivre sa propre voie et bientôt, elle pourrait à son tour prodiguer des soins, leur permettant de ramener de l’argent. Dahlia, elle, ne cessait de se bagarrer avec les enfants du coin, récupérant des objets partout où elle les trouvait, afin de les revendre et ainsi contribuer également. Elle s’amusait à réparer les objets, mais avait décidé de choisir une voie sensiblement différente de celle de leur père. Elle revenait sans cesse couverte de petites blessures et c’est Calithéa qui se chargeait de la soigner. Ensemble, elles se protégeaient l’une l’autre à leur façon, pour le plus grand bonheur de leurs parents.

Mais un beau jour, leur père ne rentra pas à la maison et ce sont des hommes en noirs qui virent annoncer à la famille qu’il était décédé, ne pouvant respecter la dette qu’il avait contractée. L’enfer s’abattit donc sur la famille, abîmée par le deuil. Non seulement, elles venaient de perdre un père et un mari, mais elles découvraient qu’il s’était enfoncé dans les dettes afin de leur offrir assez de nourriture pour vivre. Une catastrophe pour elles trois, car la somme de la dette était exorbitante. Ainsi, les deux jumelles prirent la décision de mettre véritablement la main à la pâte, désireuses d’aider leur mère à traverser cette épreuve. Après tout, elles s’avaient l’une l’autre, mais leur mère n’avait désormais plus personne pour lui offrir ce genre de réconfort. Calithéa se mit à prendre des patients, toujours plus de patients afin de pouvoir effacer cette épée de damoclès au-dessus de leurs têtes. Dahlia, quant à elle, tenta de reprendre le métier de son père, tout en continuant ses affaires à côté. Mais malgré tous leurs efforts, cela ne suffisait pas, même quand leur mère se remit également au travail.

La joie et le bonheur semblaient s’être presque éteints dans la famille, ne réapparaissant que par moments. Le temps filait à vive allure et Calithéa redoutait de ne pas avoir assez de temps. Une peur qui s’installa profondément dans son cœur au fur et à mesure que l’échéance approchait. Elle avait beau travailler autant que possible, s’empêchant parfois de dormir, se tuant à la tâche, ce n’était jamais assez. Elle était devenue aussi douée que sa mère pourtant, mais le temps leur manquait. Alors, lorsque vint le jour de l’échéance, les hommes en noirs leur proposèrent d’embaucher Dahlia, afin d’effacer une partie de la dette. Calithéa avait parfaitement compris qu’il ne s’agissait là, que d’un horrible plan afin de prendre le pouvoir sur leur famille, comme ils avaient dû le faire avec bien d’autres avant elles. Mais Dahlia avait toujours été du genre à se sacrifier pour sauver sa famille, alors elle accepta. Calithéa découvrit plus tard qu’ils la faisaient participer à des combats clandestins pour gagner de l’argent. Le coeur en morceaux, elle passait ses nuits à soigner sa jumelle, à prendre soin d’elle.

Mais ce n’était jamais suffisant, ces hommes étaient cupides, désireux de capturer sous leur coupole ces trois femmes laissées à leur propre sort. Calithéa et sa mère étaient épuisées à force de travailler pour gagner ce qu’elle devait et sa mère fini par tomber malade. Le sort semblait s’acharner sur elles, comme s’il leur faisait payer le bonheur qu’ils avaient connu. Surveillant attentivement la situation de leur famille, les hommes firent une autre proposition à Calithéa. Si elle acceptait de devenir leur médecin et également de se marier à l’un de leur membre, leur dette serait complètement effacée. Même si elle savait le terrible destin qui l’attendait, elle n’hésita pas une seule seconde et accepta. Cet accord mit en rage Dahlia, car elle refusait que sa jumelle se retrouve entre leurs mains, elle refusait que sa sœur soit vendue comme une marchandise. Les deux sœurs se disputèrent longuement, jusqu’à l’épuisement. Et avant de sombrer dans le sommeil, Calithéa senti une piqûre sur son doigt. Elle entendit vaguement sa jumelle lui demander pardon, lui souhaiter de vivre une meilleure vie en lui assurant un avenir radieux. Si Calithéa avait pu rire, elle l’aurait fait, mais elle était tellement fatiguée.

Elle n’avait pas compris que sa sœur venait de lui piquer le doigt avec une clé. Si elle avait su les intentions de sa jumelle, elle aurait tout fait pour l’en empêcher. Elle avait à peine eu le temps de dire au revoir à sa famille, avant d’être emportée. Elle avait haït sa jumelle pour cela, tout en ayant le cœur brisé par la perte des deux femmes qui comptaient le plus pour elle.

Lors de son arrivée à Azamyr, elle s’était refermée sur elle-même, incapable d’accepter la réalité des choses. Des semaines durant, elle avait vécu comme un fantôme dans sa maison, avant de constater qu’il s’agissait désormais de sa vie. Aucun retour en arrière n’était possible et elle se sentait tellement coupable d’avoir abandonné sa jumelle, ainsi que sa mère. Ne pouvant se morfondre indéfiniment, elle se trouva des choses à faire. Aider les membres de sa maison, s’impliquer dans les tâches quotidiennes. Rendre service, mettre en pratique ce qu’elle avait appris sur Terre. Elle se mit à apprendre la botanique et les effets des plantes, déterminant celles à utiliser pour soigner et réparer. Elle finit par apprécier sa vie à Azamyr, une fois accepté le fait qu’elle devait au moins profiter de sa vie ici, pour sa sœur et sa mère. Elle s’impliqua autant que possible dans cette nouvelle existence, voulant se rendre utile.

Elle se noua d’amitié avec la dirigeante, une élémentaire de glace. Elle apprit beaucoup à son contact et c’est grâce à ses encouragements qu’elle ouvrit une petite échoppe de soin. Elle recevait de nombreux habitants, soignant les petits et les plus gros bobos. Les années passèrent, sans que la fae ne s’en rende vraiment compte. Et lorsque la dirigeante décida de céder sa place, elle fut étonnée d’être élue. Calithéa n’avait jamais envisagé de devenir dirigeante, le bien-être de sa maison lui tenant seulement à cœur. Mais il semblait que sa simplicité avait séduit les membres de sa maison et voilà qu’elle en devenait la protectrice. Elle se jura de faire en sorte que les membres de sa maison ne souffrent jamais d’un destin semblable au sien sur Terre.

Palier de pouvoir:

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