Octobre 3, 118

Mise au repos de force par ses récentes blessures, Amelia n'allait pas mieux. Alors certes, les bleus changeaient de couleurs, les coupures recousue se refermaient peu à peu et sa côte brisée se ressoudait au fil des grimaces douloureuses que sa simple respiration lui tirait, mais surtout, son esprit ne semblait aller mieux. Pour elle, rien de différent, elle restait elle-même après tout, mais quand on voyait les récents progrès qu'avait fait la vampyre sur cette dépression ravageuse qui lui grignotait l'esprit, la savoir retombant peu à peu dans ses anciens travers avait de quoi faire lever de nombreux doutes. Mais bien-sûr, toute à son égo démesuré, à ses certitudes d'héritière pourrie gâtée, bien-sûr qu'Amelia ne voyait pas comme elle s'enfonçait peu à peu dans cet océan de noirceur, redevenant le monstre qu'elle avait toujours été. Non, pour elle, elle ne faisait que profiter de quelques nuits de sommeil, une cicatrice venant même désormais orner son poignet droit, preuve étant qu'elle avait déjà payé ses dettes auprès de la sorcière.

Alors sûrement parce qu'elle se pensait aller mieux, parce qu'elle n'avait plus arpenté le terrain d'entraînement depuis quelques temps, outre pour s'entraîner à l'épée, Amelia s'était peu à peu convaincue qu'elle sortait de ce trou noir, avançait vers la guérison, malgré la magie sombre qui infusait peu à peu ses veines à chaque nuit supplémentaire pendant laquelle elle dormait. La dernière en était d'ailleurs une, en témoignait le lit défait dans lequel elle n'avait pourtant pas dormi pendant deux ans. Et à son réveil, malgré la faim qui la tiraillait peu à peu, elle s'était préparée, avait enfilé sa tenue habituelle et affreusement rébarbative, appliquant le twill sur ses lèvres comme elle l'avait toujours fait. C'était aussi ces quelques bribes de coquetterie qui lui faisaient garder la tête hors de l'eau, même si mettre tous les jours le même ensemble, la même chemise, le même veston pouvait faire naître des questions quant à la normalité de sa porteuse.

Mais les préparatifs fait, elle tira une chaise, au milieu de la pièce sans décoration, sans véritable âme, attendant celui qu'elle avait fait mander il y avait déjà de ça quelques jours, pour marquer à tout jamais le souvenir de ces deux années passées.
Et comme toujours, les quelques minutes d'attente parurent être des heures pour l'impatiente notoire et quand enfin trois coups retentirent sur la porte, elle s'avança bien trop vite, cette vitesse surnaturelle liée à sa race prenant le pas pour ouvrir à celui qu'elle attendait. Elle ne l'avait pas imaginé comme ça, le tatoueur, pourtant elle resta d'abord silencieuse, l'observant de pied en cap comme s'il ne pouvait pas la voir. Car Amelia n'avait aucune gêne, aucune honte et se décalant finalement pour le laisser entrer dans un silence presque pesant d'abord, elle finit par le saluer, crevant cette gêne étrange que le faë lui transmettait. « Salut, t'es Neldris c'est ça ? Entre, je t'attendais. » D'un signe de la main plutôt évident, elle lui montre la chambre plus que spartiate, où trônent simplement un lit, une chaise, un miroir abîmé et une commode plus que basique contenant peu ou prou tous les effets personnels de la vampyre.

Devant le presque mutisme de son interlocuteur, Amelia hausse alors un sourcil incrédule, peut-être était-il simplement taciturne, comme elle. Et plantée devant lui au milieu de la pièce, elle l'observe un peu plus avant de finalement reprendre, une légère sensation qu'elle allait faire la conversation seule aujourd'hui la prenant. « Comme tu t'doutes, je t'ai fait venir pour un tatouage. J'aimerais le faire sur l'avant-bras, c'est possible ? » Et toujours sans décrocher son regard du faë elle l'observe, essayant de sonder ce qu'il pouvait bien y avoir dans sa caboche pour qu'il soit si... étrange. Elle lui indique alors la chaise, placée tout près du lit et continue de l'observer, sans réaliser que son regard fixant pouvait le gêner. « J'ai rien à t'offrir à boire, désolée, en général ici le seul liquide qu'il y a c'est du sang, j'espère qu'tu m'en veux pas. » Mais son sourire narquois était si évident qu'il était plutôt clair que la vampyre n'en avait rien à faire d'incommoder le Faë, alors elle vient s'asseoir, sur le lit, de cet air princier qu'elle avait en tout temps, attendant qu'il en fasse de même sur la chaise.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Si Amelia avait imaginé que cette grande bringue qui la dépassait aisément de trois têtes serait toute bégayante et hésitante, elle aurait sûrement refusé d'y croire. Car c'était surprenant, de voir un homme bâti de la sorte se faire jouvenceau, muet comme une carpe face au regard insistant de la minuscule vampyre. Elle était d'ailleurs ridicule à côté de lui, du haut de ses trois pommes et demi et son air princier. Deux mètres de muscle pour un résultat bégayant face à un mètre soixante de pure rage et d'orgueil. Non, vraiment, ce duo était fait pour dénoter, malgré la couleur de leurs cheveux qui aurait pu un instant les rassembler.

Alors en le voyant hésiter, ne pas répondre aux salutations, Amelia a un haussement de sourcil naturel avant de les froncer tout à fait. Sur quel genre d'énergumène elle était encore tombée ? Lui indiquant l'endroit où prendre place, elle le suit alors du regard, le voyant détailler l'aspect sommaire de la chambre qui faisait figuration de vie privée et prenant place sur le lit, elle remonte lentement sa manche, retroussant la chemise jusqu'au coude pour dévoiler la zone à tatouer. Puis, voyant bien qu'elle était face à un silencieux dans son genre, elle entame la conversation, un sourire moqueur flanqué sur les lèvres. Et la voix qui sort de la bouche du mastodonte est ridicule. Hésitant, bégayant presque, il semble allumer un intérêt malsain dans le regard de la vampyre qui ne peut s'empêcher d'y voir une pauvre âme à tourmenter. Amelia doit d'ailleurs se faire violence pour ne pas retomber dans ses vieux travers, acculer le pauvre tatoueur et le tourmenter un peu plus. Sage, on a dit.

Alors, tentant de retenir le sourire qui lui vient en entendant cette voix si hésitante se faire, elle hoche la tête, attrapant le carnet déposé sur la table de nuit bancale pour l'ouvrir à une page où est griffonné un motif. Une tête de mort, entourée d'ailes, dans un espèce de signe de gang de motard d'années trop lointaines pour que le temps s'en souvienne auquel elle rajoute une précision.
« J'aimerais qu'il y ai une ronce et deux roses de chaque côté avec, c'est possible ? » Pourquoi une rose ? Elle haïssait les roses ? Sûrement parce qu'Amelia était un personnage singulier, étrange.

Et la conversation continue, sur un ton presque trop léger pour la manière dont la vampyre couve du regard le tatoueur. Alors quand il relève un regard interloqué vers elle à la mention du régime alimentaire de l'opaline, son sourire s'agrandit plus encore, comme si la réaction du Faë était celle escomptée. Étrangement, malgré l'ostracisation que créait le fait de terroriser ses concitoyens, Amelia adorait voir naître ce vent de panique dans leur regard lorsqu'ils comprenaient qu'elle était du type sangsue. Alors son sourire dévoile quatre canines, acérées et pensées pour le meurtre et elle hoche finalement la tête lorsqu'il demande, bégayant un peu plus encore.

« Une vampyre, oui. » Un peu plus et elle aurait haussé les sourcils de cet air entendu et presque matois. Et sûrement parce qu'Amelia est la reine de son petit monde partout où elle va, surtout chez elle, elle laisse posé le carnet sur le lit, à ses côtés, avant de se vautrer un peu plus sur la couchette inconfortable. Car ces lits moyenâgeux n'avaient rien à voir avec les draps de satin dans lesquels elle avait normalement l'habitude de se vautrer, mais passons.

Fière de son petit effet, satisfaite d'avoir suffisamment semé la discorde dans les neurones qu'elle imagine gentillet du tatoueur, Amelia l'observe, sans gêne elle aussi, habituée à détailler du regard tout ceux qu'elle croise comme si aucun n'en serait gêné avant de reprendre, passant une main paresseuse dans ses cheveux d'argent.

« M'enfin bref, tu sais tout. T'as besoin de temps pour préparer ? Si c'est le cas, j'vais te laisser quelques minutes, j'ai des emplettes à faire. Ta nervosité fait battre ton coeur super fort et j'ai un peu faim, alors si on veut éviter que j'te croque mi-tatouage, mieux vaudrait que j'aille me chercher un truc à boire. Tu veux quelque chose au passage ? Laisse moi deviner, une grenadine ? » Elle le provoque ouvertement, mais en même temps, n'était-ce pas le propre d'une véritable petite garce comme elle, de dire tout ce qu'elle pensait comme si les conséquences ne pouvaient pas exister ?

Le motif:

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Ce Neldris était tout à fait singulier. Avec ses airs de boeuf sous stéroïde et sa petite voix de jouvencelle. Non, vraiment, il était vraiment étrange. Et peut-être était-ce les restant de magie noire de sa dernière nuit passée lui colorant parfois une veine d'un noir épais, poisseux, mais l'héritière avait toutes les envies du monde de l'embêter. Simplement parce qu'elle le pouvait, certainement, mais aussi parce que quelque chose en elle lui murmurait qu'il y avait plus que tout ce que le Faë voulait bien montrer. Mais pourtant, elle se fait d'abord sage, observatrice, ses yeux rubis coulant parfois sur sa gorge qu'elle observe palpiter paisiblement. Mais lorsque la vampyre sourit, tous crocs dehors, elle voit la veine battre plus fort, s'agiter sous sa peau laiteuse, lui faisant presque monter l'eau à la bouche. Non, non il fallait qu'elle se tienne, elle ne pouvait pas agresser ses concitoyens.

Alors elle garde son calme, au prix de nombreux efforts qui passent pourtant inaperçus, habitudes de vampyre oblige et elle lui sort finalement son carnet avec le croquis. Comme un vieux souvenir d'années qu'on ne sait plus nommer, le sigle semble venir tout droit d'une époque lointaine, mais doit sûrement signifier quelque chose pour la jeune femme qui laisse finalement le carnet aux mains du tatoueur.

Mais ledit tatoueur est toujours aussi bavard et levant cette fois tout à fait les yeux au ciel quand il articule une réponse en trois mots, Amelia se lève, bien décidée à aller se chercher quelque chose à manger avant que l'ennui ne la pousse à croquer Neldris, juste pour le fun, juste pour obtenir une réaction un peu plus expansive que ses réponses monocordes.
Même là, même maintenant qu'elle lui avait déballé le package complet de la parfaite petite sangsue, le con restait de marbre. Non, vraiment, on avait vu mieux comme amusement.
Debout sur ses jambes, elle ricane un peu lorsqu'il répond par l'affirmative au sujet de la grenadine. Cochant sûrement la case "simplet" dans sa tête au sujet du Faë gigantesque, Amelia n'essaye même pas de cacher le fait qu'elle se moque ouvertement de lui, enfonçant ses mains dans ses poches, du haut de ses trois pommes.

« Grenadine, lait de Biquelly, tout ce que tu voudras mon petit pour ton goûter. » Quelle garce celle-là décidément. Mais elle ricane de nouveau, agitant la main d'un air de dire "ouais ouais" quand il demande si ça convient, filant sans un regard par la porte par laquelle le Faë était venu, lui laissant peaufiner son dessin en paix pendant qu'elle trouve de quoi se nourrir et de quoi abreuver la gorge d'enfant du cher tatoueur.
Il ne faut pas très longtemps, quelques minutes à peine pour qu'elle revienne, un verre de sang dans une main, un jus de fruit adorable dans l'autre et poussant la porte d'un coup de pied sans grande délicatesse, elle la referme d'un coup de talon, faisant sûrement sursauter ses voisins de chambre. Mais fidèle à elle-même, toujours aussi agréable, Amelia revient, se plante devant Neldris et lui tend le jus, l'odeur prenante de sang de l'autre verre venant de toute façon lui chatouiller les narines et elle reprend place, régalienne, supérieure, même lorsqu'elle était simplement vautrée dans des draps froissés par sa nuit à dormir.

« Alors, t'avances bien ? » Comprenez par là "bouge toi le cul, j'ai pas que ça à faire", mais Amelia a des manières, alors elle se retient. Son regard rouge détaille plus le Faë qu'autre chose, ne regardant que peu le dessin qu'il est en train de faire et se vautrant un peu plus encore sur le lit inconfortable, elle l'observe, très, très fixement. Il fallait qu'ils se mettent à tatouer vite, sans quoi Neldris finirait cuisiné, d'une manière, ou d'une autre.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Comme Neldris était adorable. Hermetique à l'ironie, il ne semblait pas comprendre les moqueries que lui lançait la vampyre et sûrement pour le mieux pour lui. Car qui avait envie de voir en face lorsqu'une petite crotte haute comme trois pomme vous prenait pour le dernier des abrutis ? Non, mieux valait pour lui qu'il reste naïf, après tout, il s'épargnait bien des peines. Et quand il acquiesce à la proposition de l'opaline de lui ramener un lait fraise, elle manque de rire tant l'absurde de la situation ne pouvait être plus tranché encore. Comment pouvait-il ne pas voir comme elle se fichait ouvertement de lui ? Ça resterait un mystère, mais à mesure qu'il ne réagissait pas à ses piques, l'héritière se lassait, comme toute gamine pourrie gâtée avec un jouet se montrant moins brillant une fois sorti de sa boite. La pie n'aimait que ce qui ne mordait pas en retour, alors forcément, elle n'allait pas continuer son petit jeu très longtemps, pas tant qu'il n'y avait pas une once de combativité ou d'intérêt dans le regard fuyant du tatoueur.

Et bien sûr qu'elle joue l'indifférence quand il lui montre le motif. Non pas que le tatouage ne signifie rien pour elle, bien au contraire, mais puisqu'il était imperméable à cette verve qu'elle exhibait comme du beau métal, elle serait imperméable à son art. Donnant, donnant.

Alors elle sort, comme si le bâtiment lui appartenait, fière, le menton haut et part quérir quelques ravitaillement pour sa panse de sangsue et un lait fraise pour l'herbivore. Elle n'est d'ailleurs pas absente très longtemps, une dizaine de minutes tout au plus et quand elle revient dans la chambre, faisant claquer la porte un peu trop fort pour que ça ne soit pas volontaire, elle semble avoir oublié sa petite bouderie passagère. Son sourire est revenu, étincelant de blancheur, les yeux rivés sur le Faë qu'elle compte bien voir à minima se fissurer pendant cette entrevue. Car si Amelia n'avait pas vraiment bon fond, elle était surtout une gamine dans le corps d'une femme, n'ayant jamais vraiment appris les codes sociaux. Car quelle était l'utilité d'apprendre à respecter autrui quand on avait toujours tout eu sur un plateau d'argent ?

Elle prend alors place, sur le lit, comme précédemment, vautrée comme la reine mafieuse qu'elle avait toujours été quand la réponse à sa petite question innocente lui fait lever un sourcil. Neldrisounet serait vexé ? Un point pour l'héritière. Elle sourit pourtant, d'un air presque... doux, avant de reprendre, se faisant le plus nonchalante possible. « Allons je blaguais, si je t'ai choisi toi, c'est bien parce que tu es le meilleur. » Et les violons étaient de sortie. Mais sans la connaître ? Difficile de voir qu'elle passe clairement de la pommade dans le dos du tatoueur. Sûrement aussi qu'elle l'espère assez naïf pour marcher dans ses petites flagorneries ridicules, au moins histoire qu'il ne fasse pas la soupe à la grimace toute la séance.

Et voyant le dessin être dégrafé puis posé à côté d'elle, elle prit un instant pour l'observer. Même si elle ne le dirait jamais - fierté oblige, elle était très satisfaite du résultat, le bougre avait bel et bien du talent. Mais puisque l'héritière ne complimente que pour mieux manipuler, elle se contente de sourire, fixant cette fois tout à fait son regard sur le visage d'un Neldris affairé à sortir tout son petit matériel. Elle avait bien des tatouages sur terre, mais ils avaient tous sautés à son passage du portail, tout comme les cicatrices qu'elle avait ça et là, de son propre fait en général tant quiconque osait verser le sang de la fifille chérie du patriarche Gouttenoire finissait en pâté pour chien. Et tandis qu'elle le fixe, le bougre en fait de même, visiblement peu au fait lui non plus des règles tacite de société. Et loin d'imaginer que le Faë pouvait... parler ? les yeux d'Amelia s'ouvrent encore plus grand, lui faisant lever les deux sourcils tant elle est surprise des paroles qui sortent de sa bouche. Si elle n'avait pas été si sûre d'elle, elle aurait sûrement rougi. Mais voilà, Amelia n'était pas une jouvencelle rougissante, ni plus qu'elle n'était impressionnée par un simple compliment. Alors elle répond, d'une voix calme bien que descendue d'un octave pour paraître plus suave : « T'es pas mal non plus dans ton genre, mais désolée de te le dire mon coeur, je les préfère plus... mordant. Je doute que tu tiennes le choc de toute manière. » Et de nouveau, ses lèvres s'ourlent d'un sourire ravissant et la peste dénude son avant bras, pas plus dérangée qu'elle ne l'était quelques secondes auparavant bien que l'égo flatté par les flagorneries qu'elle prétend ne pas l'atteindre.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Si Amelia avait voulu tourmenter le Faë, c'était peine perdue. Il ne semblait pas de ce monde, totalement incapable de remarquer sarcasme et moquerie, il serait une bien piètre victime pour la vampyre au sang teinté de magie noire. Non, vraiment, ce Neldris était spécial. Abandonnant peu à peu son idée de le faire tourner en bourrique, Amelia observait ses réactions comme on surveille du lait sur le feu. Au compliment - teinté de mensonge, il se mit à sourire, signe étant qu'il n'avait pas compris tout le miel qui enrobait les paroles de l'héritière, il n'y avait rien vu et semblait même se satisfaire d'une telle pommade, comme si il n'était pas évident que l'héritière mentait comme elle respirait. Mais pas de réponse à offrir, alors Amelia se contente de rester silencieuse, haussant simplement un sourcil lorsqu'il évoque la beauté de son regard. À mi-chemin entre une envie furieuse de se moquer de nouveau de lui et son besoin irrépressible de faire sa loi partout où elle allait, elle lui sort même une réponse un tantinet cinglante, seulement pour que le tatoueur reste... pantois ?

Prise au dépourvu, visiblement peu satisfaite par la réponse cryptique que lui offrait le Faë, Amelia reste sans voix. Je ne sais pas ? Comment ça je ne sais pas ? N'était-ce pas lui qui venait tout juste de lui dire que ses yeux étaient magnifique ? Complètement séchée par cette conversation sans queue ni tête, Amelia ne sait plus quoi dire, un fait rare quand on connaît l'animal et elle se contente de l'observer encore, dénudant son avant bras pour le poser comme jugerait bon le tatoueur, l'observant sortir son petit matériel non sans éprouver une pointe de fascination pour le sérieux que mettait le gentil benêt à ses gestes. Il était dans sa zone, concentré, passionné et étrangement, les moqueries de l'héritière semblaient commencer à tarir, faute d'oreille attentive pour les écouter.

Alors Neldris désinfecte, nettoie, prépare la zone de tatouage et son matériel, sous le regard curieux et un brin amusé de l'héritière qui reste sage et lorsqu'il mentionne que le tatouage ne sera pas agréable, elle hausse les épaules.
Neldris ne les a pas vu, mais hier encore, Amelia se tenait les côtes, arborait encore des marques de son dernier débordement, en bref : la douleur ne lui faisait pas peur, ni plus qu'elle n'y était particulièrement sensible alors elle se contente de lui donner son approbation de commencer, d'un simple hochement de tête. Comme convenu, la douleur est largement supportable, sûrement parce que depuis son dernier tatouage, la jeune femme a éprouvé de bien pires souffrances. Elle reste donc parfaitement immobile, les yeux posés sur les lignes qui commencent à se former au rythme des appuis de l'aiguille sur sa peau, un point après l'autre. On était bien loin des machines de tatouage high tech des années 4000 qui vous dessinaient le tatouage sur la peau à toute allure, sans vraiment nécessiter l'intervention d'un Homme. Mais il y a un côté sympathique au travail de Neldris, sûrement parce qu'il est lent, manuel et nécessite tout le talent de l'artiste en train de le réaliser. Alors un silence passe, sûrement long car les lignes avancent bien, délimitant peu à peu les contours du motif qu'avait exigé l'héritière quand la voix du tatoueur se fait de nouveau entendre. Et si Amelia hésite un instant avant de dévoiler l'origine du tatouage qu'elle est en train d'obtenir, elle finit par répondre, sans plus la moindre moquerie dans la voix.

« Ouais plusieurs, on en refait un là, justement. »  Et elle lève les yeux vers lui, en quête d'indices sur ce que pouvait bien penser le tatoueur, une idée fugace de le mordre lui traversant l'esprit. Mais cette-fois (pour l'instant), elle se tient sage, laissant simplement son regard carmin lorgner sur la veine qui bat lentement dans la gorge du tatoueur. Il devait être délicieux, avec son air niais et ses gentils sourires. Un genre d'herbivore stéroïdé. Et si elle se tient coi, elle laisse pourtant son esprit divaguer au goût que devait avoir le Faë. Mais il est si concentré, si hermétique à toute moquerie venant de l'héritière qu'il ne remarquera sûrement pas n'est-ce pas ? Tout comme il ne remarquera pas que la garce se lèche les lèvres, sans même le réaliser tant regarder cette veine lui met l'eau à la bouche. Non, non il faut qu'elle se reprenne. Elle ne pouvait pas agresser le tatoueur, pas dans sa maison alors que nombre d'âme les entourent. Non, non.

Alors pour tenter de reprendre contenance, les yeux désormais rougeoyants se détournent, se posant sur un des trous dans le mur de la chambre, dernière trace des crises de colère de la vampyre à son arrivée. Et si Amelia avait eu une petite voix dans sa tête, celle-ci serait sûrement en train de lui murmurer discrètement de profiter de leur proximité pour l'attaquer, car personne n'en saurait jamais rien. Non, vraiment, Amelia n'était pas aidée.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Pourquoi fallait-il toujours qu'Amelia tombe sur les plus paisibles herbivores ? Ce monde devait receler de gens mignons et gentils, qui vous tenaient la porte et vous souriaient gentiment lorsque vous leur disiez bonjour. Et Amelia n'avait strictement rien à voir avec ces gens là. Elle n'échangeait pas des banalités emmerdantes avec ses concitoyens lorsqu'elle allait se promener, ni plus qu'elle n'appréciait la mièvrerie ambiante qu'on lisait sur le visage de chacun de tous ces rescapés. Car ils étaient rescapés après tout. D'un monde en flammes, à l'agonie. Alors peut-être que toute cette joyeuse bande d'herbivores avait fini par oublier que parfois, il pouvait y avoir un loup dans la bergerie.
Ce devait d'ailleurs être grandement la faute à cette magie néfaste qui lui rongeait le crâne, si Amelia avait tout le mal du monde à détourner son attention de cette veine. Car la magie sombre semblait lui chuchoter tout bas à l'oreille de succomber à ses plus sombre pulsions, à faire couler le sang et la terreur dans cette joyeuse petite bourgade de culs serrés.

Non, non. Il fallait qu'elle se contienne, elle ne pouvait décemment pas faire ce genre de choses. Elle n'était plus un monstre désormais, elle était dotée de sentiments. Et à peine laissait-elle libre cours à son imagination, que les images fugaces et sanglantes suffisait à faire lever un vent de compassion pour ceux qu'elle rêvait d'égorger. Non, maintenant, elle était capable de se sentir coupable, là où avant, elle tuait sans une pensée pour celui qui avait eu le malheur d'être sur sa route.

Et même si Neldris essaie de faire la conversation, la vampyre peine à suivre, les difficultés d'élocution du bougre suffisant à faire perdre le fil à l'héritière capricieuse qui semble perdre patience. Si bien d'ailleurs qu'elle ne répond rien lorsque le gentil benêt philosophe. Quoi répondre à ça ? Oui, les marques d'encre que tu enfonces dans ma peau avec une aiguille depuis vingt minutes marquent ma peau et mon esprit ? D'accord Neldris, merci.

Alors pour ne plus avoir à endurer cette agonie qu'est une discussion avec Neldris, Amelia rentre peu à peu dans une transe silencieuse, laissant le rythme des piqûres régulières lui indiquer une mesure de temps. Parfois le Faë remet un peu d'encre sur son aiguille, mais Amelia ne le regarde plus vraiment, ouvrant simplement parfois les yeux pour mieux les refermer tant ses pensées divaguent vite.
Et sûrement que la longue avancée du tatouage est rythmée par les coups d'oeil insistants que lance parfois la vampyre, aussitôt calmés par une fermeture volontaire de ses prunelles, pour ne pas se laisser submerger. Elle avait ramené une chope de sang après tout, avec le lait fraise de l'herbivore, alors elle buvait parfois une gorgée ou deux, le crâne appuyé contre le mur, fixant le plafond en silence.  

Et commençait alors le long silence d'une séance appliquée. Enfin, ça aurait dû en tout cas, car mi-travail peut-être, le Faë semble devenir plus pâle et la vampyre l'observe maintenant tout à fait. Si elle ne comprend d'abord pas ce qu'il se passe, les traînées rouges qui s'écoulent du nez de Neldris pour goutter sur son menton parlent à leur place et Amelia se redresse, avec une vitesse phénoménale, manquant presque de bondir tant l'odeur qui lui arrive aux narines dépasse ce qu'elle aurait imaginé. Ça faisait bien trop longtemps qu'elle n'avait pas pu goûter à du sang humain... Voilà que la petite voix revenait pour elle aussi, la voix tentatrice de la magie noire qui tente de la pousser au pire.

Sans même remarquer qu'il se confond déjà en excuses, Amelia est soudain bien silencieuse, bien concentrée aussi et le voyant tamponner avec un linge le sang sous son nez, on pourrait presque voir une canine luire du coin de l'oeil. Féline, la vampyre avance, les yeux rivés sur sa proie et déglutit péniblement, un sourire matois ourlant ses lèvres avant qu'elle ne prononce, un petit rire dans la voix. « C'est rien t'en fais pas... » Mais à son regard, non, ça n'allait clairement pas. Et avançant peu à peu jusqu'à la chaise où était encore assis le tatoueur, la vampyre vient lui saisir la gorge, de sa minuscule main et quand la poigne se resserre Neldris a tout le loisir de réaliser quel genre de colosse était enfermé dans ce petit corps. Elle aurait pu lui broyer la trachée d'une seule main, pourtant elle n'en fait rien, comme retenue par un filet invisible prenant place dans son esprit ravagé. Alors, même si elle lutte, même si Neldris peut voir toute la dualité qui l'habite, elle le soulève de sa chaise, sans forcer et approche son visage du sien, les yeux brûlants d'une faim qu'elle peine à contenir. « C'est pas très sympa de m'agiter pareil festin sous le nez par contre. »

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Comment diable Amelia aurait pu imaginer que Neldris cachait en réalité un monstre de violence, comme elle ? Impossible. Avec ses airs de jouvenceau, ses bégaiements et son hésitation certaine, elle le pensait n'être qu'un herbivore dans le corps d'un lion et bien vite, sa petite cervelle étriquée par la magie noire se mit en branle, ses gestes répondant avant même que son esprit parvienne à en faire de même. La main sur la gorge était venue se placer sans qu'elle ne l'ai vraiment voulue, dans un réflexe naturel de prédateur mis face à son repas et si elle s'imaginait le voir se rouler en boule, la supplier et pleurer toutes les larmes de son corps, elle ne s'attendait certainement pas à ce qu'il.... rigole ? Prise au dépourvu, ses yeux rouges s'agrandissant comme deux ronds de flanc, Amelia fixe le visage tordu par les rires du tatoueur dont le sang continue cette fois de couler sans qu'il ne s'en soucie. Qu'est-ce qu'il était en train de se passer au juste ? Impossible de comprendre, Amelia conservant simplement les doigts serrés autour de la gorge qu'elle tient en écho, la sentant vibrer sous les rires sous sa paume et si elle peine à saisir ce qu'il vient de se produire dans la cervelle de l'herbivore, elle voit bien la lueur de son regard changer du tout au tout.

Et si ses alarmes internes s'étaient toute allumées en rouge en le voyant ricaner, cette fois, c'est le branle bas de combat dans la boîte crânienne de l'héritière quand elle l'entend chanter. Elle ne reconnaît ni la voix, ni le timbre, ni plus qu'elle n'aurait pu se douter que le con parlait anglais. Et si les rires l'avaient surprise, cette fois elle est complètement décontenancée, lâchant sûrement un peu sa prise sur la gorge en réalisant que de biche, Neldris venait de passer à chasseur. C'était d'ailleurs le pire défaut de l'héritière, celui de se croire plus fortes que les autres, de s'imaginer toute puissante au milieu des colosses, quand en réalité, son culot était sûrement plus grand encore que cette force surhumaine.

Et si tout ça n'était pas suffisant, voilà maintenant que le bougre abandonne ses manières de petite fille et renifle bruyamment pour... cracher le mollard de sang à la face de l'héritière ? Cette fois, Neldris peut voir Amelia passer par toutes les couleurs, du vert au rouge, avant de revenir au blanc si typique de cette peau laiteuse mais dégoulinant cette fois du grumeau infâme qui lui est arrivé en pleine tête. Estomaquée, la vampyre en a complètement perdu ses moyens et ne voit d'ailleurs pas la riposte arriver, sous la forme d'une rencontre entre le front et le nez de l'héritière qui manque de se briser sous l'impact. Pissant alors allègrement du nez elle aussi, elle a un mouvement de recul, lâchant cette fois pleinement la gorge qu'elle tenait jusqu'alors et elle recule de quelques pas, portant une main sous son nez pour récolter un peu du sang qui s'écoule en abondance avant de se mettre à rire. Elle rit d'ailleurs si fort qu'elle a pour réflexe de se tenir les côtes, mais la douleur a disparu, heureusement pour elle, au profit d'un mal de crâne qui va certainement la suivre toute la journée.

Elle rit d'ailleurs de longues minutes, interminables, essuyant même du revers d'une main quelques larmes dues à son hilarité et manquant de s'effondrer sur le lit tant elle ricane. Vraiment, tout ça n'était qu'une vaste blague. Levant même un doigt au milieu de son hilarité dans une demande silencieuse à Neldris d'attendre qu'elle ai fini de rire, elle reprend peu à peu contenance, passant une main ensanglantée dans sa tignasse neigeuse avant de planter son regard, brasillant d'intérêt sur le visage du tatoueur. Étrangement, maintenant qu'elle le sait aussi mordant qu'elle, elle n'a plus trop envie de l'attaquer, sûrement parce qu'Amelia n'est pas du genre à foncer tête baissée dans un combat qu'elle ne peut gagner.

« T'as bien caché ton jeu hein ? C'est quoi cette petite mascarade alors ? Tu fais semblant d'être un adorable idiot pour ensuite balancer des fronts à tout va ? » Elle essuie alors le sang sous son nez d'un revers de la main, toussant un peu quand du sang lui dégouline dans la gorge. Et comme si de rien était, comme si elle ne venait pas littéralement de se prendre un coup de tête des enfers au milieu de sa chambre, elle sourit un peu, plus amusée par la situation qu'autre chose avant de continuer, touchant son nez du bout des doigts pour estimer les dommages. « Va vraiment falloir que vous arrêtiez de me cogner le pif par contre, vous allez finir par m'le péter. » Et ainsi ruiner son beau visage ? Non, elle ne pouvait pas se le permettre, comment ferait-elle pour minauder ensuite ?

Craquant sa nuque qui a sûrement violemment été secouée par l'impact, elle lève alors les deux mains en signe de paix, le sang continuant de couler sur son menton, tâchant sa chemise avant qu'elle ne reprenne, d'une voix étrangement douce et calme pour quelqu'un qui se trouvait face à un psychopathe invétéré. « Okay okay pardon, j'aurais pas dû t'attraper par la gorge mais t'avais l'air tellement... gentil ? j'me suis dit que j'pouvais un peu t'asticoter... » Bon, certes, elle croyait Neldris du genre docile et facilement agressable, mais tout le monde pouvait se tromper, non ?

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Là où Amelia imaginait Neldris être un véritable petit agneau innocent, il n'en était en réalité rien. Et si de prime abord elle avait cru avoir à faire à un espèce de taré jouant les jouvencelles pour mieux laisser parler son côté... piquant, à mesure qu'il exulte de rage, gronde presque devant la vampyre prise en flagrant délit de tentative d'agression, les yeux rougeoyants s'arrondissent comme deux ronds de flanc.
Une fois passée l'hilarité d'une telle surprise, sûrement aussi un peu sonnée par le coup qui lui avait agité la cervelle, Amelia recule, levant un doigt dans l'espoir d'obtenir au moins le temps de finir de rire. Mais elle a visiblement enragé Neldrisounet en face d'elle, car le bougre crache des paroles pleines de fiel, visiblement peu enchanté à l'idée d'avoir été attrapé à la gorge par une créature minuscule comme la vampyre. Roh, on ne pouvait vraiment plus rigoler décidément.

Pourtant, quand il énonce "l'autre" comme une entité à part, cette fois le rire de l'héritière s'arrête bel et bien et elle l'observe, sourcils froncés, incrédule. Alors comme ça ils étaient deux dans cette adorable caboche d'herbivore ? Ça expliquait donc beaucoup. Interdite, elle reste pourtant sur ses gardes, les mains levées dans un signe d'apaisement hasardeux et écoute attentivement chaque parole bien plus fluide de cet autre et lui vient alors en tête les leçons de négociation de son cher père.

« Oh je vois... Et comment tu t'appelles alors ? Si l'autre est Neldris, tu dois avoir un nom rien qu'à toi j'imagine... » Comme du miel, sa voix coulait de gentillesse, dans un signe plutôt évident qu'elle tentait d'apaiser la situation. Elle n'avait pas trop envie de perdre un oeil, pas maintenant qu'elle s'était faite à leur couleur. Et si ses tentatives d'apaiser la situation sont plus ou moins fructueuses, elle ne perd pas la face, tentant de se faire inoffensive quand il y a quelques secondes à peine elle tenait la gorge du Faë avec une force colossale. Et si face à elle, elle a un taureau enragé, la vampyre se sait pourtant loin du danger. Au pire des cas, elle hurlerait à l'agression, verrait la moitié de sa maison entrer en trombe dans la chambre miteuse et voler à son secours. Gardant l'idée dans le creux de son esprit, elle reprend pourtant, d'une voix étrangement calme pour quelqu'un face à un fou.

« Écoute, j'ai débordé un peu, j'm'en excuse, mais on a tous les deux à y perdre à s'faire remarquer alors... » Mais la rage du Faë continue de déborder et voilà maintenant qu'il tend son cou, le regard de la vampyre courant sur cette gorge offerte. La garce a même le toupet de passer sa langue sur ses lèvres, récoltant plus de son propre sang qu'autre chose quand elle entend frapper à la porte, une voix agacée se faisant entendre de l'autre côté. Cette fois, il faut agir. Avec une vitesse phénoménale, elle s'approche en silence et vient poser la main sur la bouche du Faë, un doigt levé barrant la sienne dans un signe plutôt évident qu'il fallait se taire. À découvert, elle se sait facilement attaquable, surtout avec l'aiguille qu'a Neldris en main, pourtant elle le maintient un moment avant de chuchoter tout bas. « T'as pas envie que la moitié de la maison débarque et apprenne ton petit secret et j'ai pas envie qu'on me colle un blâme pour tapage, alors on se tient calme, okay ? » Ce n'était pas un ordre, en témoigne la voix presque hésitante de l'héritière, pourtant elle reprend d'une voix plus forte à l'attention de celui venu les déranger dans le petit tango mortel. « Pardon, on se calme. » Et d'un regard, elle jauge Neldris, exaltée par le frisson dangereux qu'il fait courir dans ses veines bien que consciente qu'à tout moment, elle pouvait perdre un oeil. C'était ça de jouer avec le feu, parfois, on pouvait se brûler.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Si Neldris premier était d'un ennui mortel, Neldris second savait garder l'héritière sur la pointe des pieds. Dans une de ces valses mortelles qu'elle n'avait que trop dansé, Amelia semblait exaltée par le frisson du danger qu'il faisait naître en elle. Masochiste, à n'en pas douter, mais aussi terriblement ennuyée par cette vie morne qu'avait été ces deux premières années d'existence à Azamyr, le Mister Hyde de ce docteur Jekyll avait de quoi la faire frissonner. Et si au départ, elle tente de négocier, espérant même amadouer cette nouvelle personnalité en lui demandant son nom, c'est d'abord un échec cuisant.
Ainsi ils étaient les même, portaient le même prénom, à l'unique différence que l'un d'entre eux était chiant à mourir et l'autre semblait avoir le potentiel de raser la ville. Au moins, ce Mister Hyde avait du panache, se dit sûrement l'héritière, un maigre sourire ourlant ses lèvres couvertes de sang par le coup violent dans son nez. Il était fou, elle l'était aussi, sûrement la faute à cette magie noire, ou alors son masochisme revenait au galop après pourtant avoir été contenu par les remontrances de sa maison au sujet de sa propension à se faire du mal. Et même si elle sait l'autre parfaitement sérieux lorsqu'il commence sa phrase, la vampyre ne peut s'empêcher d'y voir de nombreuses similitudes avec ce maudit veilleur, chez qui elle s'était oubliée au creux de ses bras violents et tentateurs.

Mais pas le temps de penser à ses amants passés, du bruit derrière la porte la fait bondir, se mouvant avec une vitesse surnaturelle pour barrer la bouche du Faë d'un doigt clair, lui murmurant quelques paroles dans l'espoir de calmer cette haine viscérale qui le forçait à beugler comme un poissonnier.
La demande semble faire son effet, car malgré les yeux noirs de rage du Faë, il se tait, gardant malgré tout son aiguille en main, la vampyre ôtant sa main non sans se douter qu'il aurait facilement pu la mordre dans un énième coup de sang. Étrangement, sûrement parce qu'Amelia était aussi folle, aucune crainte ne se lisait dans son regard, seulement cette étincelle d'intérêt qui faisait luire ses pupilles rouge d'un carmin encore plus vif. Elle l'aimait bien ce Neldris là, bien plus que l'autre en tout cas.

Les yeux rivés sur son visage, Amelia tente d'y lire quoi que ce soit, de comprendre ce qui se passe dans cette cervelle sombre et malade. Mais le bougre ne laisse rien transparaître, se contente de la renifler et de dire qu'il aime son parfum qui doit facilement avoir été annihilé par cette odeur de sang, pourtant ses lèvres rouges se tordent d'un sourire, un de ces sourire de peste qu'elle avait lorsqu'elle se se faisait complimenter. Mais encore trop incertaine dans la volonté du Faë de lui faire sauter un oeil avec une cuillère, elle se tait, gardant toute réflexion sur l'odeur de Neldris qui venait clairement de passer d'herbivore paisible à celle de prédateur enragé.

Alors quand elle le voit se reculer, faire un petit tour sur lui-même, les épaules de l'héritière se détendent cette fois tout à fait, son instinct de survie laissant peu à peu place à son envie irrépressible de jouer avec le feu. Silencieuse, elle le laisse faire son petit tour du propriétaire, constater qu'hormis quelques traces de coup de poing sur les murs, la décoration est inexistante, le confort inutile. Alors elle hausse les épaules, glissant les mains dans les poches de son veston d'un air détaché avant de laisser un petit rire clair lui échapper. Ce Neldris là était drôle, à n'en pas douter, elle le préférait largement à l'autre.

« C'te chambre me sert à rien à part y mettre mes affaires et à me battre avec un tatoueur à la personnalité dédoublée. Mais merci pour le compliment, il me va droit au coeur. » Dit-elle alors, un sourire dans la voix. Car qu'on dise que la chambre était vilaine au possible ne lui faisait ni chaud ni froid, elle n'y était jamais, sauf ces derniers temps pour dormir sous l'influence de cette magie noire.

En le voyant revenir droit sur elle, Amelia ne cille pas, comme si derrière son attitude provocatrice se cachait finalement une certaine volonté de mourrir. Et plantée devant lui, sans détourner le regard, elle le toise, de sa petite taille mais tout de même. Et quand il demande si elle est du genre à sortir de sa grotte pour aller rouler sa bosse sur le terrain d'entraînement, elle a un de ces petits haussements d'épaules innocent, un sourire matois tordant sa bouche. « J'aime bien la bagarre que veux-tu... » Alors qu'en réalité, elle était allée chercher un pugilat, une correction en bonne et due forme et en avait fini traînée de force chez un psychiatre. Quelle vie.

Et sûrement parce que danser sur le fil du rasoir l'amusait plus que n'importe quelle séance chiante chez un psy, Amelia ne perd rien de son sourire, hochant la tête de cet air entendu lorsqu'il mentionne qu'il n'aurait pas parié sur elle. C'était là son avantage d'ailleurs. Qui soupçonnerait un petit brin de femme de cinquante kilos d'avoir la capacité de vous soulever comme un fétu de paille ? Personne. Pas même lui.

Et si l'envie de ricaner la prend en voyant le golgoth saisir le verre de sirop sucré pour le porter à ses lèvres, elle s'abstient, ayant vite compris que l'égo de ce Neldris était bien plus envahissant que celui de l'autre. Et sûrement qu'elle le regarde un peu trop fixement car le Faë l'interroge, avec ce langage de charretier qu'elle préférait aux bégaiements agaçant de l'herbivore.

« Mh ? Oh non rien, c'est juste... surprenant. Mais j'te préfère à l'autre, sans aucun doute. D'ailleurs, si tu veux, on peut aller chercher une bouteille de c'te merde qu'ils appellent whisky, plutôt que tu t'farcisse cette boisson d'herbivore. D'ailleurs, t'es tatoueur toi aussi, ou simplement dévisseur de tête à temps plein ? » Et dans le regard de la vampyre brillait une flamme dangereuse ; celle de l'intérêt. Elle qui était sur le chemin de la rédemption allait très certainement avoir le plus grand mal à ne pas verser de nouveau dans les vilainies, maintenant qu'elle avait trouvé plus fou qu'elle.

Feat Neldris

Octobre 3, 118

Amelia avait toujours préféré les hommes dangereux. Qu'il s'agisse de sa vie sur Terre ou de cette nouvelle vie dans ce monde fantastique, elle restait irrémédiablement attirée comme un aimant vers ceux qui auraient pu entraîner sa perte. Neldris ne faisait pas exception. Et si l'humour caustique du double maléfique aurait pu faire grincer des dents n'importe quelle personne normale, elle y trouvait une forme nouvelle d'intérêt. Masochisme ou simple critères d'héritière pourrie gâtée, la vampyre avait besoin de ce frisson, de cette crainte de mourir pour apprécier la vie.

Alors naturellement, quand Neldris hasarde une pointe d'humour sur le fait qu'il ne lui ai pas broyé la nuque, la vampyre ricane, essuyant une bonne fois pour toute le sang qui avait dégouliné sous son nez. Au moins, ses paroles avaient stoppé la folie meurtrière du Mister Hyde. Et si Amelia avait malgré tout un instinct de survie, une petite part d'elle rêvait de voir ce dont ce Neldris serait capable sur quelqu'un d'autre. Car quoi de mieux que de sacrifier quelqu'un pour son petit amusement ?

En tout cas, la violence retombe comme un soufflé, au profit d'un nez qui profite d'un jour supplémentaire de répit, sûrement tout autant agacé qu'on teste sa solidité aussi régulièrement que l'héritière et retrouvant peu à peu son panache, l'opaline passe une main dans ses cheveux d'argents. Haussant les épaules de cette manière désinvolte lorsqu'il admet ses paroles, Amelia ne semble plus se soucier de l'aiguille dans la main du tatoueur, sûrement parce qu'elle se sait en position de force au milieu de sa maison et avec tout le flegme du monde, elle s'adosse à l'armoire bancale, seule décoration de la chambre avant de demander avec une innocence crasse dans la voix.

« Alors comme ça t'es du genre à bien aimer crever les yeux des gens avec tes pouces, toi aussi ? » Neldris était le premier devant qui elle assumait ses penchants meurtriers sur Terre, sûrement qu'elle faisait une erreur, mais pour une fois qu'elle rencontrait un monstre comme elle, autant en profiter, non ?
Et si elle entend bien la question sur ses congénères que pose le tatoué, elle pince un moment ses lèvres, jetant un oeil par la fenêtre ternie avant de répondre d'un ton presque monocorde.

« J'en sais rien, j'suis pas adepte des tables rondes de vampyre pour parler de nos petites émotions et de nos petites pulsions de mordre nos camarades. » Et de nouveau ce haussement d'épaules insupportable, ce flegme détestable qui avait de quoi faire lever les cheveux sur la tête à quiconque tenterait de lui soutirer quelconque information.

Pourtant quand la vampyre mentionne du whisky, le golgoth semble réagir. Après tout, si son double lui faisait se farcir des grenadines et des lait fraises à longueur de temps, le pauvre double avait de quoi se frapper la tête contre les murs. Un ravissant sourire sur ses lippes au rouge délavé par le sang qui y avait coulé, on aurait presque pu voir une auréole venir se poser sur la petite tête blanche de la jeune femme, adorable on a dit.
À la mention du tatouage, elle hausse pourtant les épaules, regardant un instant l'oeuvre inachevée qu'elle devra faire finir, mais comprenant bien que la seule maîtrise qu'à ce Neldris des aiguilles est pour les planter dans des tympans, elle abdique, avant de répondre dans un souffle.

« Pas grave, j'te préfère à l'autre herbivore, un peu de fun surpasse facilement un tatouage à moitié terminé. » Sa voix n'était ni mielleuse ni plus qu'elle ne cherchait vraiment à le brosser dans le sens du poil, elle énonçait un simple fait, l'herbivore était chiant à crever, ce Neldris là, non.

Alors quand elle le voit lui tourner le dos, elle a bien quelques pensées impures qui lui traverse l'esprit, mais se souvenant bien de la douleur lancinante qui lui vrillait encore le crâne suite à la tentative d'enfoncement de son nez, elle reste sage, les bras croisés dans son dos qui repose contre l'armoire, unique meuble de la chambre avec ce lit. Elle eut même un petit ricanement à la phrase pleine de panache que prononça le Faë, répondant le plus simplement du monde, une veine noire passant sur sa gorge quand la magie noire revient faire des siennes.
« Pas besoin de putes, t'as qu'à aller conter fleurette à une de ces herbivores en puissance, lui promettre l'amour éternel, bla bla bla et t'auras peut-être la chance de voir une cheville. Et dire qu'on a transcendé les mondes pour finir dans une utopie puritaine façon jardin d'Eden de merde. À croire qu'on a rien appris. » Car Amelia pouvait aussi être philosophe quand elle le voulait. Et si l'idée d'aller boire un verre avec un type qui voulait la tuer ne semble pas la déranger plus que ça, quand il l'invite à sortir, la vampyre hausse un sourcil avant de quitter l'armoire pour venir se planter devant Neldris, le nez haut pour pouvoir le regarder.

« Et qu'tu puisses fouiller dans mes p'tites culottes pendant que j'suis pas là ? Tu rêves, allez vient on sort de là, cette chambre me colle la gerbe. » Sans vraiment lui laisser le choix, d'une voix aussi autoritaire qu'une taille aussi ridicule pouvait le permettre, elle lui indiqua la porte d'un geste ample, l'invitant à la suivre dans leur petite aventure à l'extérieur. Qui sait, ils pourraient peut-être tourmenter quelqu'un au passage ? Tout ça s'annonçait décidément fun.

Feat Neldris