Septembre, 30 118

Deux jours pleins qu'Amelia et Grouik Nugget étaient inséparables. Le remue-ménage de la dératisation passé, l'Ibouris avait pleinement digéré ses prises et avait retrouvé une ligne digne de ce nom. Désormais accompagnée de son fidèle compagnon, la vampyre semblait reprendre goût à la vie. Ou du moins y trouvait un intérêt désormais. Elle avait même été vue sortant de la ville, son ami miniature sur l'épaule, l'emmenant cueillir baies et noix à l'extérieur pour le nourrir. Elle avait bien vu la bête dévorer des Sanalos quasi aussi gros que lui mais ses dernières recherches - oui, Amelia s'était documentée sur les Ibouris, lui avaient appris que ces créatures étaient omnivores. Elle s'assura donc qu'il dispose d'un régime équilibré et varié. Sa petite chambre du QG de la flamme et de l'ombre était même dévenue accueillante aux yeux de la jeune femme. Grouik Nugget allait définitivement changer sa vie, bien qu'elle l'ignorait encore.

Mais voilà, l'heure de l'expédition approchait, les préparatifs se faisant de plus en plus chronophages. Et vint soudainement l'heure des questions pratiques pour Amelia, qu'allait-elle faire de Grouik pendant son absence ?

« Ben oui mon vieux, m'regarde pas comme ça, j'vais pas t'emmener tu te ferais bouffer en deux secondes. » Dit-elle alors, fourrant une chemise propre dans son sac à dos de cuir. Elle avait reçu la visite du Lion au matin, après qu'il ai entendu parler de l'exploration approchante, il s'était hâté de forger l'arme de la vampyre, la lui apportant en personne non sans la remercier pour son travail efficace. En effet, la demeure était débarrassée de ses occupants inattendus et le lion avait retrouvé sa sérénité.

Ses armes étaient étendues sur le lit qui de toute manière ne servait pas à grand chose à la vampyre. L'Ibouris, agacé par les préparatifs de sa maman s'était planté devant elle, un air boudeur flanqué sur sa frimousse. Amelia eut un sourire, venant finalement s'asseoir à ses côtés pour le laisser grimper sur ses genoux.

« Ça m'enchante pas plus que toi mais j'ai pas le choix, on va aller voir notre copine Nelly. » Et l'Ibouris la fixait toujours méchamment, fronçant les sourcils au dessus de son petit bec fermé. « Mais faudra pas la pincer okay ? Si j'apprends que t'as été vilain je te transforme en rôtis quand je rentre. » Et elle se pencha pour embrasser sa petite tête duveteuse, l'oiseau-rongeur fermant un instant les yeux avant de voler jusqu'à une chaise pour s'y percher en attendant que sa maman l'entraîne avec elle jusqu'à leur prochaine destination. C'était la fin d'après-midi, les rues étaient toujours animées et Amelia sortit, se surprenant même à échanger quelques sourires avec ses camarades de maison avant de prendre la direction du quartier Est. Durant la balade, Grouik Nugget voleta parfois jusqu'à des balcons, courant parfois aux côtés de sa maîtresse qui tenait avec elle une petite bourse de noix et de baies fraîches. L'animal s'amusait à effrayer les passants, leur grondant parfois dessus tout en leur planant en pleine tête. Amelia, bonne maman qui éduquait à merveille son fils ne trouvait rien d'autre à faire que de rire, ne comprenant visiblement pas l'importance d'apprendre à son rejeton à se comporter en société.

Elle l'avait bien houspillé quand il avait pincé ses camarades de maison, mais l'animal leur apportait un certain respect tant tous ses petits camarades frisaient tous avec la créature terrifiante eux aussi. Alors, Nelly n'allait certainement pas s'ennuyer avec Grouik dans les pattes le temps que l'expédition revienne, mais ça, elle ne le savait pas encore. Et puis, l'animal pourrait sans doute l'aider dans sa chasse au Sanalos qui avait élu domicile dans un de ses murs.

Une fois au QG, elle fila directement par les couloirs, trouvant sans difficulté aucune la chambre de la sylphe dans laquelle elle était déjà allée. Elle toqua trois coups sur la porte, Nugget toujours fierement installé sur son épaule, pinçant les bords de son chapeau dans un espèce de jeu qui faisait au mieux sourire, au mieux pester la vampyre.

« Nelly ? C'est Amelia ! J'ai une surprise ! » Quelle petite rigolote celle-là. Débarquer chez quelqu'un avec un animal possiblement agressif sur l'épaule pour lui dire "salut tu vas garder cette petite teigne pendant plusieurs semaines voire une vie si je crève en exploration, tiens des baies et des noisettes !" était tout bonnement hi-la-rant.

Feat Nelly

Septembre, 30 118

L'Ibouris sur l'épaule, Amelia avait fait sensation en traversant la maison du Ciel et du Souffle. L'animal était sympathique à l'oeil, mais c'était surtout son comportement qui attirait les regards. Espiègle, carrément farceur, il mordillait les rebords du chapeau de l'exploratrice pour attirer son attention et quand celle-ci ne lui accordait pas l'attention nécessaire, le petit trublion allait même jusqu'à lui croquer l'oreille.
Comme cul et chemise, ils semblaient avoir encore plus développé leur lien, bien que seuls quelques jours leur ai permis d'apprendre à se connaître d'avantage.

Quand elle toqua à la porte, Amelia attendit, patiemment - ou presque, venant d'une main repousser l'Ibouris qui tentait de monter sur le bord de son chapeau. Devant le visage endormi de Nelly, la vampyre eut un sourire, quasi narquois avant de le perdre au profit d'une mine un tant soit peu plus sympathique.

« Pas de risque, les lapincureuils ont été éradiqués, on ne risque pas d'en revoir avant un bon moment. » Et Grouik Nugget eut un semblant de réaction outrée, n'appréciant visiblement pas le fait que ses victimes favorites ne soient pas au menu pour l'instant.

« Non en réalité je viens te voir pour une toute autre raison, je peux entrer ? »

Et bien vite, Nelly lui répondit par la positive, filant refaire le lit pour masquer plus ou moins franchement le fait qu'elle la prenait en pleine sieste de fin de journée. Plantée là, au milieu de la chambre, Amelia attendit qu'une chaise lui soit désignée et vint finalement visser son derrière dessus, Nugget en profitant pour voleter jusqu'au lit et s'approcher prudemment de Nelly. Il était craintif, mais semblait chercher les caresses et même si la sylphe pouvait éventuellement le craindre, il vint glisser sa petite tête sous sa main, roulant finalement sur le dos pour qu'elle lui grattte le ventre.

« Ça va, il est un peu con par moment alors je lève la voix mais globalement il est sympa. » Et elle sourit en voyant l'Ibouris se tortiller sous la main de Nelly pour l'inciter à le caresser plus intensément. « Il a cette manière de se faire comprendre qui assure que ses besoins soient satisfait, comme tu peux le voir. » Amelia avait véritablement un faible pour l'animal qui n'avait clairement pas hésité à en jouer.

À la dernière question, Amelia sembla se souvenir de quelque chose et se tortilla un instant pour sortir une dague de son dos, l'ayant coincé dans son pantalon le temps de venir. Le fourreau était rudimentaire, mais si Nelly tirait la lame, elle pourrait voir qu'elle était d'excellente qualité. « Oui il est passé ce matin, tiens ta récompense, fais attention ça coupe. » Quasi maternelle, Amelia tendit la lame à sa compagne de dératisation, un sourire aux lèvres. Elle semblait calme, prête, déterminée à l'idée de partir le lendemain, aussi elle reprit. « Donc ouais, justement. J'viens te demander si tu peux garder cette affreuse petite crotte pendant mon absence. Je pars demain avec les explorateurs et je peux décidément pas l'emmener avec moi, on sait pas ce sur quoi on va tomber. J't'en serais éternellement reconnaissante. » Et son sourire se mua en une moue angélique, tandis qu'elle forçait le trait en étirant ses lèvres en un immense sourire. Ses deux paires de canines dévoilées, l'aspect général de la vampyre avait plus l'air d'une psychopathe que d'un ange, mais au moins, elle essayait, n'est-ce pas ?

Feat Nelly

Septembre, 30 118

Peu enclin à réfléchir, Amelia était plus du genre à agir. Alors forcément, quand l'Ibouris l'avait adoptée, elle n'avait pas pensé aux possibles répercussions négatives avec son départ pour l'exploration qui approchait. En réalité, elle n'avait pensé à rien. À rien d'autre qu'à cette envie de liberté qui la brûlait par les deux bouts, l'envie de voir le monde, de sortir de ces murs trop confortables. Un sourire aux lèvres, elle avait regardé Nelly câliner l'Ibouris, celui-ci la mettant déjà à sa botte non sans remarquer l'étrange gêne qui habitait les doigts de la fée. Elle le craignait, à n'en pas douter et comment lui en vouloir. L'animal était imprévisible, comme sa maîtresse et avait la fâcheuse tendance à découper les doigts de ceux qui le gardaient enfermé. Ils s'étaient finalement vraiment bien trouvés avec la vampyre.

« Il est toujours imprévisible, mais j'imagine qu'en le sortant suffisamment et en lui offrant de quoi s'occuper l'esprit, il a fini par devenir un peu plus docile... » Et elle eut un sourire, observant l'Ibouris se rouler sur les genoux de la sylphe comme le pacha qu'il était. Vautré, la brioche en l'air, il réclamait son dû de grattouilles, attrapant parfois un doigt de Nelly entre ses petites pattes duveteuses par simple plaisir de la voir sursauter de crainte qu'il ne la pince. Quelle petite saloperie.

« Le lion m'a demandé de te l'apporter, par soucis de praticité. Il a dû saisir que je ne dormais pas et est passé tôt ce matin. Au moins, tu as de quoi te défendre pendant mon absence. » Mais se défendre de quoi ? La ville était aussi sûre que le pentagone et pas l'ombre d'un danger ne les guettait.

Haussant les épaules pour elle-même devant ce constat un tantinet absurde, Amelia accueillit l'Ibouris qui revint entre ses mains, grattouillant presque machinalement cette petite tête qui n'en avait jamais assez qu'on la câline. Grouik Nugget se jeta même sur le dos, sans se soucier d'être rattrapé pour quémander son dû sur cette brioche encore arrondie par les faveurs de l'enfance. Amelia, en bonne maman dévouée le rattrapa au vol et reprit sa besogne de grattouilles, un léger sourire flanqué sur les lèvres.

« Ouais, on part demain, on devrait être absents une vingtaine de jours, si tout se passe bien. » Si tout se passe bien. Cette phrase était importante, primordiale même. Car Amelia savait qu'elle pouvait ne jamais revenir, alors, elle cessa un instant ses caresses, Grouik s'apaisant sur ses genoux pour une petite sieste.

« J'pense justement que t'es la seule qu'il apprécie assez pour que je puisse te le laisser. En soit, t'as pas besoin de grand chose, une fenêtre ouverte et il saura sortir pour faire ses besoins. » Et elle baissa les yeux sur la créature, roulée en boule sur ses genoux, le bec caché dans sa queue enroulée sur elle-même. « Après, il se nourrit de baies, de noix et de temps en temps de petits rongeurs, donc t'auras qu'à l'emmener une fois par semaine dans un champ dehors et il se trouvera un truc vivant à manger. » Et elle sourit, relevant le nez vers la fée avec ce même air prédateur qu'elle avait quand elle pensait à vider de son sang un de ses congénères. Mais bien vite, elle retrouva son sérieux, quand la question d'un évènement plus dramatique fut posée.

« Si j'reviens pas... Ben faudra le ramener à la guilde j'imagine. Ils sauront quoi en faire et lui trouveront un maître plus durable. J'espère qu'ils arriveront à ramener mes affaires au moins et tu pourras te servir, en guise de dédommagement. Et puis dans l'cas où j'reviendrais, j'me ferais un plaisir de te rendre le service que tu veux en l'échange de cette garde. Après tout, j't'en devrais une fière chandelle pour avoir gardé mon fils. Tu verras il dort beaucoup, quasi tout le temps enfait, donc une fois passé l'acclimatation, il se fera oublier, si tant est qu'tu lui laisse une place dans tes bras la nuit quand tu dors. » Et elle sourit, son regard alternant entre Grouik Nugget l'adorable et Nelly dans une espèce de tentative de lui dire "regarde comme il est adorable, comment pourrais-tu dire non ?"

Feat Nelly

Septembre, 30 118

Nelly était gentille. Suffisamment gentille pour qu'Amelia la considère comme son seul et unique choix en matière de garde de son fils. Car Grouik n'était pas facile, du moins pas avec les inconnus et même si l'idée de savoir l'Ibouris pincer et croquer les inconnus amusait grandement Amelia, elle voulait malgré tout qu'il soit heureux. Et comment l'être plus qu'avec une adorable fée, le coeur sur la main et possédant déjà des connaissances en matière animale ?
Bon, ça et puis le fait que Nelly était sûrement la seule amie d'Amelia. Mais ce n'était évidemment qu'un détail. Comment reprocher à une sociopathe avérée le fait qu'elle n'ai quasi pas réussi à construire de relations saines en deux ans de présence ? Outre Veyn qui la supportait quasi quotidiennement et l'appréciait pour des raisons qui lui étaient obscures, Amelia restait seule. Continuellement et perpétuellement seule.

Alors quand Nelly vint féliciter ses compétences en matière d'éducation Ibouresque, Amelia eut un sourire, voyant la petite créature embêter sa marraine en lui prenant le doigt dans son bec d'un air menaçant.

« Le secret c'est de pas se laisser faire. Il a sale caractère mais il a surtout que de la gueule, faut pas lui montrer que t'as peur et lui faire les gros yeux. Voir même élever la voix et normalement il se calme. » Elle avait légèrement insisté sur le normalement, car il était vrai que le jeune Ibouris était encore fougueux. Mais Amelia croyait en les capacités de la fée à se faire respecter. Du moins... Elle espérait fortement.

Un léger sourire ourlant ses lèvres, la vampyre accueille l'Ibouris qui revient sur ses genoux, observant Nelly avec sa nouvelle dague non sans craindre qu'elle ne s'entaille la main à peine le couteau sorti du fourreau.

« Je t'apprendrais à mon retour, en attendant, fait très attention et ne le sort pas en cas de danger imminent. Un couteau peut facilement être retourné contre toi, alors en cas de pépin, une seule stratégie ; cours. » La fuite était toujours la meilleure solution, surtout quand on ne savait pas tenir une dague dans le bon sens. Maternelle, protectrice, Amelia se découvrait un côté tendre. Sûrement la faute à l'autre boite de conserve qui s'était vu être désigné son binôme, mais elle se reprit pourtant, perdant ce sourire sympathique qu'elle avait quelques instants auparavant.

« Oui il t'apprécie, je pense... Les autres il les martyrise, les terrorise. Il va sûrement essayer avec toi, mais j'ai confiance en tes capacités de dresseuse d'Ibouris ! » Et puis surtout, elle n'avait pas vraiment le choix. C'était Nelly ou abandonner l'oiseau derrière, une chose qu'Amelia n'envisageait pas.

Nelly acceptait, planifiant déjà sa gestion de l'Ibouris dont elle aurait la garde en se voyant déjà l'emmener avec elle à la Guilde. Caressant l'Ibouris distraitement, Amelia opinait du chef, désormais parfaitement convaincue de la capacité de Nelly à garder la créature aîlée.

« C'est parfait oui, il pourra se dépenser, chasser et ne t'embêtera pas trop. Merci, d'ailleurs... » Le remerciement avait été prononcé à demi mot, comme une confidence. Amelia n'était jamais à l'aise lorsqu'elle devait se montrer sympathique, en témoignait son regard fuyant et son malaise à prononcer un simple mot comme "Merci".
Puis la discussion se fit plus sérieuse, plus douloureuse aussi à en juger par la réaction de Nelly et Amelia pinça un sourire désolé, son regard restant figé sur l'Ibouris désormais parfaitement endormi sur les genoux de sa maman.

« Ben... J'vois pas qui voudrait adopter ce petit con, donc j'ai proposé la Guilde pour pas t'embarrasser si tu te sens pas prête à le garder durablement. Mais ouais.... Si j'reviens pas, faudra penser à tout ça. » Et elle haussa les épaules, de cette même manière désinvolte qu'elle avait de considérer sa propre mort. Mais Nelly avait de la ressource et se plaçait déjà en marraine la bonne fée, arrachant un sourire à la vampyre devant l'absurde de la situation.

« J'vais tout faire pour revenir entière, j'te le promets, mais j'ai aucune idée de ce qui nous attend dehors... » L'atmosphère était lourde, on pouvait la trancher au couteau tant la discussion quasi morbide prenait des teintes défaitiste. Levant le nez vers Nelly, un sourire désolé flanqué sur les lippes, Amelia reprit. « Alors c'est okay pour toi ? Tu peux l'garder jusqu'à mon retour ? On va s'dire que je vais revenir hein, vous me manqueriez un peu aussi si j'restais paumée au milieu de la pampa sauvage. » Et elle eut un petit sourire sympathique de nouveau, feignant l'indifférence quand elle venait tout juste d'admettre qu'elle aimait bien Nelly.

Feat Nelly