Juin 18, 118

Les test d'entrée avaient déjà été une plaie, mais les cours théoriques. Les cours théoriques étaient tout bonnement la hantise de la recrue exploratrice. Deux semaines à peine qu'ils avaient été intégrés et on leur avait servi plus de théorie redondante qu'Amelia ne pouvait le supporter. Heureusement, dans toute cette salade interminable sur fond de "fruits que vous pouvez manger", la vampyre trouvait toujours une compagnie agréable en son acolyte, cette grande bringue sympathique qui lui collait aux basques. Elle aimait faire semblant que sa présence l'exaspérait, qu'il lui était insupportable. Mais comme chiens et chats, lorsque Veyn n'était pas là, Amelia le cherchait.

Les fesses vissés sur une chaise depuis bientôt deux heures, les deux compères étaient soumis à un ultime cours magistral. Les recrues, prévues pour partir en exercice prochainement, devaient imprégner tout le savoir, s'en remplir les méninges avant de pouvoir enfin sortir, sous l'égide protectrice d'un des mentors. Mais la vampyre, comme à son habitude n'avait presque rien écouté. Oui il allait faire froid lorsqu'ils sortiraient l'hiver blablabla, faire du feu, blablabla, ne pas manger cette racine, blablabla... Si elle avait pu dormir, elle aurait sûrement piqué un somme, mais sa condition l'empêchait d'être cueillie par les bras de Morphée, heureusement pour le pauvre professeurs.

Veyn, comme à son habitude était studieux, attentif, concentré. Alors la vampyre ne pu s'empêcher de venir l'embêter. De la pointe du coude, elle fit bouger son bras pendant que celui-ci essayait d'écrire, un sourire de peste venant ourler sa bouche quand la calligraphie du golgoth en fut gribouillée. Il masquait sa copie, comme un gamin, comme si Amelia allait tenter de recopier. Bien-sûr que non, elle avait bien gribouillé quelques notes dans son carnet, mais le véritable but de sa manoeuvre était simplement d'agacer son petit protégé. Il n'était pas vraiment son protégé, mais elle aimait à l'appeler comme ça après qu'ils aient échangé quelques mandales dans le but de s'entraîner. Aussi grand et costaud qu'il était, il ne faisait toujours pas le poids au bras de fer et Amelia aimait à le lui rappeler.

« Ça va c'est bon détend toi on va pas avoir une interro surprise sur les crottes de bouc. » Et elle ricane, décroisant les jambes alors qu'elle lorgne sur les notes appliquées de Veyn. La voix du prof s'éclaire alors, un tantinet agacé par les bavardages des deux acolytes.

« Votre attention s'il vous plaît, le cours se termine là, mais restez dans la salle, vous prendrez bientôt vos affaires pour sortir. Aussi, avant que vous ne partiez en exercice, je vous rappelle que vous serez observés de loin en tout temps en cas de danger. L'objectif est de vous abriter, vous nourrir et passer la nuit entière dehors afin d'éprouver vos capacités à l'extérieur. Aussi, ne croyez pas que cet exercice est éliminatoire, il nous permettra simplement de vous attribuer des rôles en adéquation avec vos capacités. » Et il jeta un regard sévère à la vampyre qui lui adressa un sourire des plus angélique. Légèrement penaude, mais toujours acerbe dans ses moqueries avec Veyn, Amelia se penche alors vers lui et chuchote, le sourire aux lèvres.

« Alors t'as les mouillettes ? T'inquiètes je te protèges, les moustiques géant à quatre tête n'ont qu'à bien se tenir. » Était-elle vraiment si dénuée de peur ? Non, bien sûr que non, mais elle aimait tellement embêter le colosse qu'elle se devait de garder la face. Après tout, il n'était qu'un gros bébé de cent kilos qu'elle s'amusait à embêter. Le sourire aux lèvres, la morgue à l'oeil, l'héritière attendit la réponse de son compère, les autres élèves se levant peu à peu pour aller récupérer leurs sacs qui les attendaient au fond de la salle.

Feat Veyn

Juin 18, 118

Amelia n'avait jamais été une intellectuelle, c'était un fait. Convenablement douée pour fournir le strict minimum, elle s'était vautrée toute sa vie Terrestre dans la soie, avait eu les meilleurs précepteurs et n'avait eu besoin que de lever le petit doigt pour obtenir les diplômes nécessaires pour maintenir la réputation de sa famille. Alors forcément, retourner sur les bancs de l'école maintenant qu'elle venait d'atterrir dans le nouvel Eden l'avait passablement agacée. Et dans la compagnie de Veyn elle avait trouvé le parfait petit fayot lui assurant de toujours avoir des notes correctes et ainsi ne pas risquer sa place chez les explorateurs.
Alors quand il prend ses grands airs pompeux de premier de la classe, Amelia le mimique, grimaçant exagérément son air sérieux tandis qu'elle agite la tête de droite à gauche pour accentuer ses airs ridicules.
« Gneugneugneu, mes notes sont à moi tu copies pas Amelia » Et elle ricana, un peu trop fort si bien qu'elle dû un moment se masquer la bouche devant le regard du professeur qui retombait une énième fois sur le duo infernal. Car ce n'était pas la première fois que l'héritière se faisait remarquer, mais faute de bras, d'âmes suffisamment suicidaires pour envisager de mourir à l'extérieur, jamais on ne l'avait encore menacée de la jeter.
Alors Amelia, comme elle savait si bien le faire, continua d'asticoter son binôme, allant même jusqu'à le pousser du coude pendant que celui-ci écrivait. Et la réaction du géant fut immédiate. Se jetant sur sa feuille pour la gribouiller en long en large et en travers, Amelia fut si surprise qu'elle en resta pantoise. Légèrement écartée pour le laisser finir son oeuvre, elle profita même de l'attention de la grande bringue pour venir dessiner un énorme phallus en plein milieu de sa copie. Ils étaient bons pour repasser cet examen...

Comme deux gosses, ils se poussaient, se bousculaient, gribouillaient des obscénités sur les paraphes de l'autre. Comme deux gosses, ils oublièrent même jusqu'à la présence des autres, jusqu'à ce qu'enfin un raclement de gorge bruyant les fasse se calmer. Piquant un fard, Amelia eut pour la première fois l'impression qu'elle avait cessé de sombrer. Elle qui n'avait connu que le malheur depuis son arrivée voyait enfin une fenêtre se dessiner dans cet océan de peine qui avait été sa vie depuis son arrivée. Le sourire aux lèvres, la joie au coeur, Amelia dû se faire violence pour cesser de ricaner, feignant un peu de sérieux tout en tentant ses airs les plus angéliques à l'attention du professeur agacé.

« Ça doit te changer de tes 108 ans vieux bouc. » Et elle pouffa de nouveau comme une gamine à sa propre blague. Puis Veyn, dans toute sa bonté d'âme vint mentionner le fait qu'il allait devoir ramasser ce pauvre crayon et qu'elle pourrait très certainement en profiter pour copier. Il n'en fallu pas plus pour que l'héritière prenne la perche qui lui était tendue et après avoir "malencontreusement" fait tombé sa plume, elle se pencha plus ou moins discrètement pour venir tout observer. Notant ça et là quelques choses qui lui paraissaient importantes, elle ricana pourtant d'un air entendu quand Veyn se redressa enfin, victorieux d'avoir gagné sa bataille contre le crayon fuyant.

Reprenant ce qu'ils pouvaient de sérieux, la paire termina bon gré mal gré le cours et c'est une fois tout le discours du prof fini qu'Amelia entendit Veyn la comparer à un insecte buveur de sang, provoquant chez elle une mine faussement outrée et faisant partir le coup dans son épaule comme une comète. « T'es gonflé de me dire ça, t'as vu le bide que tu te traînes, si tu continues tu vas finir par rouler pour la prochaine exploration ! » Bien évidemment, c'était faux. Le colosse semblait avoir été taillé dans la pierre et, sûrement une des raisons qui faisait qu'elle l'appréciait, donnait du fil à retordre à la vampyre lorsqu'ils se décidaient à s'entraîner. Mais elle reprend, son petit air pédant flanqué sur le visage. « Mais soit, moques toi, mais je serais toi je ne fermerais pas les yeux cette nuit si tu ne veux pas te réveiller avec mes quenottes sur la nuque. » Et des regards mauvais se tournent vers elle, comme si elle ne faisait pas que blaguer. « Ça va je rigole calmez vous, le consentement tout ça, tout ça. » Alors que quelques mois plus tard, elle finirait par le faire, sur le pauvre Eos.

Veyn lui tendit donc son bras, que la vampyre attrapa sans se faire prier pour qu'il la lève comme la princesse qu'elle était. Ce genre de choses lui rappelait de vieux souvenirs, lui mettait un peu de baume au coeur et même si la plaisanterie ne semblait jamais cesser, elle commençait vraiment à apprécier le golgoth. Mais bien évidemment, elle ne le montrerait jamais. Mais Veyn lui coupa alors l'herbe sous le pied, lui sortant un discours grandiloquent sur sa volonté de faire équipe. Et le détail qu'il rajouta même sous la forme d'une proposition la fit frissonner. Il lui offrait de l'aider à se nourrir ? En lui proposant son sang, à lui ? Non, c'était impossible. Elle devait se faire des films, il allait simplement l'aider à chasser. Mais le colosse ponctua sa phrase en mentionnant qu'il lui prêtait bouclier et sang et les yeux d'Amelia virèrent au rouge, en un battement de cil. Ses prunelles d'habitude bordeaux avaient l'humour de virer au rouge lorsque la demoiselle vivait des émotions intenses, avait faim, alors, dans un mélange des deux, elle mordit un instant l'intérieur de sa lèvre avant de dire, presque craintive.

« C'est pas une bonne idée, j'arriverais pas à m'arrêter et je serais obligée de traîner ton cadavre jusqu'aux remparts, contente toi de m'aider à chasser. » La gorge serrée, l'eau à la bouche, Amelia tenta bien de chasser cette idée de son esprit, mais soudain, la veine de la gorge de Veyn sembla battre plus fort, ou alors ne l'avait elle simplement pas remarquée. Jusqu'alors, elle avait principalement réussi à éviter ce genre de pulsions en restant dans son coin, loin de tout et tout le monde. Mais maintenant qu'elle était intégrée en société, elle devait composer avec l'odeur des gens - et certains sentaient divinement bon, de voir leurs veines, le sang battre sous leur peau claires. Elle y pensait souvent, à les mordre, les vider de leur sang. Mais elle ne pouvait pas penser à ça, non, elle devait rester droite.

Et puis elle coupa court à cette bribe de conversation, partant chercher son sac pour tenter de s'ôter cette idée de la bouche. Mais sa gorge l'obsédait... Si bien qu'elle resta un moment silencieuse avant de reprendre contenance et de s'adresser à Veyn qui ne semblait toujours pas avoir compris qu'elle acceptait leur alliance.

« Bon tu viens ? » Marmonna-t'elle, retrouvant son petit air de peste agacée dont elle ne se détachait jamais. Et ils sortirent, suivant le groupe qui se dirigeait vers les remparts. Ils n'étaient pas très nombreux, une dizaine tout au plus, car il fallait dire que sur une population de trois cent âmes, les occupations étaient multiples et les besoin sans cesse grandissant. Explorer les alentours n'était que secondaire face au simple fait de survivre. Et pendant qu'ils marchaient, Amelia cessa d'ignorer Veyn - quand en réalité elle ne faisait que saliver à l'idée de goûter son sang, pour se mettre à son niveau, son sac à dos bien attaché sur ses épaules.

« Merci d'avoir proposé que j'boive ton sang, c'est gentil. C'est pas que j'veux pas, mais j'me fais pas confiance, tu comprends ? » Étrangement, la peste ne voulait pas le vexer. Peut-être avait-elle finalement des intérêts à s'allier à lui ? Ou alors, elle essayait de se distraire pour ne plus penser à sa carotide dont elle voyait encore clairement le battement dans son esprit.

Feat Veyn