Je m'appelle Boyd. Balthazar Boyd.
Et comme bon nombre de nos concitoyens, je suis arrivé à Ozéna sans le vouloir.
Oh, je sais ce que vous vous dites: Ce début de fiche, ça ressemble à un de ces vielles séries télévisées d'un ancien temps et d'un ancien monde, le genre qui commence à la fin et qui fait un retour en arrière pour introduire le personnage...
Vous auriez raison de le penser.

Je suis donc né dans l'ancien monde, dans une famille, grand dieu heureusement pour moi, avec un pedigree. Une illustre famille ayant colonisé le secteur de la bourse, de la politique, des médias et tutti quanti. Un patriarche riche, ayant épousé une héritière fortunée elle aussi, construisant un empire sans réserve et sans mesure sur tout le secteur britannique.
Je suis donc né à Edimbourg, position familiale de choix, Ecossais de sang... Pour venir ensuite s'installer à Londres. Il ne fallait pas trop en demander non plus. L'Angleterre recueillait les fortune plus que les ancêtres, même si pour leur rendre hommage on était prêt à envoyer les femmes accoucher sur leur terre par hélicoptère. J'étais le second né, un second garçon voyez vous. Un petit rouquin, comme le premier, comme les parents, grands-parents et toute la cousinade, c'était d'usage. Et même si ma venue au monde tenait plus de la lubie que de l'obligation, mon ainé tenant déjà le rôle d'héritier, je fût bien accueilli comme de juste, et eu une éducation tout à fait convenable.

Cependant, j'avais un petit défaut qui me tenais au corps: J'étais irrémédiablement, naturellement, éperdument curieux. Dès mon plus jeune âge, je furetais à la recherche 'informations, de potins, de ragots, de découvertes, d'histoires... Au grand dam de mes précepteurs qui finirent par se faire virer après la découverte de méfaits diverses et variés, du petit vol de cuillères en argent à la reproduction répétitive avec la femme de chambre dans le petit salon la nuit. Je n'y pouvais rien: Je voulais tout savoir, et le temps passant mes passe-temps devinrent mon métier.

Je devins journaliste. Oh, pas le plus grand des journalistes, mais suffisamment pour étancher ma soif. Le journal était tenu par mon père (financièrement parlant, le patriarche n'était pas intéressé du tout par la chose, à part pour ses affaires et son image), et le directeur s'était donc fait une joie de me recevoir dans son équipe. J'étais plutôt libre de mes appréciations, sauf pour quelques unes où la famille (ou leurs amis, ou leurs collaborateurs, ou n'importe qui qui leur était favorable) mirent le ola, ce qui était pour fortement me déplaire.

En aparté, je pris donc la décision de créer un second journal, ou plutôt une missive pour parler des histoires de mœurs et autres amusements de commères dont mon journal ne pouvait et ne voulait pas parler. "Mice Voices" (La Voix des Souris) vit le jour et se retrouva dans les boîtes aux lettres un an jour pour jour après mon admission au journal de Londres.
Ce qui me mit dans les ennuis.

Bien qu'anonyme, et suffisamment bien doté pour payer seul mes petits papiers, je me mis à dos plus d'un bourgeois aux secrets pas suffisamment bien gardés. Bien vite on fût à la recherche de "La Souris", avec des intentions plus ou moins bonnes à son égard. Et si ça ma passait bien au-dessus, me pensant suffisamment malin pour me sortir de situations délicates, il en était autrement de l'avis d'autrui.
Mon patriarche eut vent de l'affaire, évidemment, et reconnaissant le style d'écriture (car il lisait le journal, pas intéressé mais pas sot non plus), il s'en suivit un coup de colère comme il n'y en avait pas eu à ma connaissance depuis des générations. Tenaillé par mon cas et les représailles que j'aurais à tout moment sur le bout du nez, ainsi que pour son image indirectement impactée, il me donna un ultimatum: Arrêter ma critique, fermer la voix des souris, ou partir pour l'autre monde.

Mon erreur fût de penser qu'il voulait me faire peur, et je promis de lâcher l'affaire... Avant de reprendre celle-ci en étant plus discret, mais plus retord encore, incapable de ne pas laisser fouiner mon petit instinct.
Il ne fallut pas un mois pour que le couperet tombe, et mon père n'étant pas le seul à connaître mes articles on commença à toquer à la porte, en premier lieu mon patron bien sûr, peu rassuré de devoir travailler avec un employé si... Dangereux pour son commerce. Ni une, ni deux, mon passeport pour Ozéna fût acheté aux enchères et, un soir, la famille m'attendait au pas de la porte, la clé prête pour mon départ.
Je n’eus pas le choix: Après une tasse de thé et une discussion plus ou moins animée mais arbitrée par le plus têtu et le plus puissant des hommes de l'arbre généalogique, je fûs contrains d'apposer mon ADN sur le rubis de "mon salut". C'était en 4178, et je me souviens comme si c'était hier de ma rage d'avoir été fait... comme un rat par ma propre famille.

Et en matière de rat, j'ai été servi.Enfin à quelques détails près: De ma carrure svelte d'homme d'une vingtaine d'années, il ne restât bientôt que de la fourrure rousse. J'avais pris une taille tout à fait ridicule, sauf pour les oreilles. De honte, je ne sortis pas de l'enceinte du temple pendant deux mois, le temps de me faire à l'idée que la souris, le nom d'anonymat de ma critique, était devenue... Moi, tout court. Littéralement.

Puis je dû me faire à la vie de la petite cité d'Azamyr, et ce ne fût pas si difficile. L'endroit avait son charme, et la maison dans laquelle j'étais tombée était suffisamment accueillante et festive pour que je trouve ma place avec aisance. Je me trouva rapidement un boulot à la hauteur de mes talents: je devins le facteur officiel des lieux. Avec moins de deux cents habitants à mon arrivée, et à peu près trois cent ensuite, il fallait un coureur rapide et discret, peu oublieux des noms et des rues. J'étais tout cela. Et on finit par me reconnaître, non seulement pour mon faciès (car en matière de souris, Azamyr n'était pas la ville la plus chargée, encore moins de souris rousses! ) mais aussi pour mon métier qui me faisait connaître d'à peu près tous.

Et depuis, c'est ce que je suis pour la face du monde d'Ozéna. Balthazar, le petit facteur. Toujours à l'heure, un rien blagueur, un peu chuchoteur mais jamais trop, et fiable avec ça: Jamais une lettre n'était perdue ou ouverte avant d'arriver à l'expéditeur. Il fallait dire qu'au fil du temps j'avais appris à aimer mon travail, et qu'il me tenait à cœur, bien que parfois la tentation était bien lourde...

Bien sûr, bientôt mes penchants de commérages revinrent au galop. Peu de gens, beaucoup de secrets, mais je ne pouvais pas tomber ici comme j'étais tombé à Londres; Après tout, à part les enceintes barricadant l'extérieur, nul porte vers laquelle se tourner en cas de pépin, et la puissance familiale n'avait aucun impact sur ma nouvelle vie. Pour le meilleur ou le pire, j'étais condamné à passer sous silence mes découvertes... En tout cas au début. Je compilais mes découvertes, aidé de mes oreilles disproportionnées mais fort pratiques pour écouter toute conversations, et de mes pattes fines ne faisant aucun bruit sur les pavés policés. Parfois, bien que rarement, j'ai même profité de mon habileté à l'escalade, mais ce fût un entrainement sur plusieurs années pour savoir comment utiliser mon physique de la manière la plus efficace pour mes desseins.

Après trois ans passés à la maison de la Terre et du Sang, j'ai finalement pu m'acheter une petite bicoque suffisante pour une souris cumulatrice de papier, toujours dans le quartier Sud, mais dans les habitations les plus proches du quartier central pour faciliter mes allées et venues dans toute la cité. On peut donc facilement me voir de jour dans les rues de tout Azamyr, distribuant mon courrier ou flânant dans les parcs, le nez dans les nuages, le soir dans les bars à l'ambiance festive, et parfois lors de mes nuits d'insomnies, longeant les rues vides ou presque à la recherche du sommeil... Ou d'une prochaine histoire?

Un an après mon installation, je fis la rencontre avec Petit doigt. Si notre amitié fût longue à se mettre en place, nous sommes maintenant presque inséparable. Et nous avons une grande chose en commun: L'amour des petites cachoteries, qui nous a bien rapprochés. Et puis, les années passant, nous avons réussi à suffisamment bien nous entendre pour qu'il me présente son groupe de copains, que j'ai finis par nommé les Compagnons. Si je ne fais pas parti de la bande à part entière, j'étais assez content d'être intégré dans un groupe qui comprenait mon penchant pour le ragot.

Ainsi aidé par quelques amis dont Petit doigt et les Compagnons, je finis par lancer "la gazette d'Azamyr", un mensuel anonyme la encore, il y a deux ans. Nous récoltons les petites histoires de la ville et les amassent dans un journal rédigé laborieusement au tampon et distribué dans les Maisons... En espérant que ça ne me fasse pas d'ennemis, comme la première fois.

Palier de pouvoir:

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