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Bienvenue sur Ozéna

Saison froide ☃︎ Azamyr • An 118 — Novembre à Décembre

Imaginez un monde dans lequel votre avenir est incertain, la fin se rapprochant de plus en plus, sans que vous puissiez changer votre destin. Un jour, une solution est trouvée, vous permettant d’espérer, de croire en la possibilité d’une autre vie, une nouvelle vie. Il vous faut trouver une clé, vous permettant de traverser le portail menant à un nouveau monde. Là, tout est possible, vous naissez à nouveau, différent. Vous devrez faire face aux dangers, aux complots, aux découvertes. Mais l’avenir s’étend devant vous. Le petit journal d'Azamyr

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Un gramme dans chaque patte! [Pv Alden Vangar]

Zapas Nietseli
Maison de la Terre et du Sang



Un gramme dans chaque patte!





Dieux, que les nuits sont douces quand elles sont silencieuses, quand les rues sont bercées par le vent froid, marin, qui vous glace jusqu’aux os et remplit les allées de ses embruns iodés...Enfin. D’une, oubliez l’adresse aux dieux, je trouvais simplement que ça faisait un bon début de chapitre, un peu mélancolique. De deux, le vent froid à deux ou trois degrés, c’est du tiédasse à côté de Norilsk au printemps ! Déjà, si on atteignait les moins quinze en hiver, c’était un coup à se foutre en T-shirt, alors j’aime autant vous dire que c’était pas cette p’tite brise à la manque qu’allait m’estampiller les noyaux d’un logo « surgelé » ! Même à Hokkaïdo, un vent comme ça, on était à deux doigts d’appeler ça un p’tit air d’été ! Mais ici, où des gens habitués à toutes les températures vivaient, ça vous vidait les rues plus vite qu’un pet d’lendemain d’soirée alcoolisée vous vidait une parfumerie. En parlant d’soirée alcoolisée, pardon d’casser les codes et d’briser vos habitudes, mais c’était pas un soir à picoler jusqu’à épuisement pour un Zapas’ esseulé. Trop d’monde se tassait dans les tavernes chaudes, où y aurait eu trop d’bruit, trop d’gens, trop d’tout pour ma vieille carcasse. Alors au lieu d’passer la soirée au coin du feu au milieu des gonzes et gonzesses avinés, j’étais passé sommairement faire remplir mon outre de gnôle (payée rubis sur l’ongle, ‘tention), et ma flasque au passage. Si l’envie m’en prenait, j’serais très bien chez moi pour cuver tranquillement. Mais après avoir englouti mon gruau du soir, c’est l’estomac lesté qu’j’étais parti en promenade, le temps d’faire descendre un peu la plâtrée que j’m’étais foutu dans la cambuse.

C’est pas d’ma faute si j’ai jamais appris à faire à bouffer avec les aliments du coin ! Déjà qu’sur Terre, j’étais pas foutu d’imaginer qu’une quantité normale par personne, ce soit pas celle qui vous envoie directement à la sieste digestive après manger, alors ici...C’était l’même souci. Pis j’aime pas gâcher, alors y avait pas intérêt à en laisser une miette...Résultat des courses, me v’la à m’traîner sous les lunes dans l’espoir d’alléger un peu la charge de mon système digestif supérieur. Ca m’rapp’lait les premières fois qu’j’avais du faire à manger, sur Terre. Amara rentrait tard, j’avais du m’occupper d’la p’tite...J’pouvais pas savoir, moi, qu’à quatorze mois, déjà, la dentition, c’était pas ça ! Enfin, si, j’avais bien vu qu’on était pas sur des chicots à broyer du béton, mais de là à imaginer qu’même de l’échine de porc panée, ce s’rait de trop...J’en ai un p’tit frisson, rien que d’repenser à la peignée que m’avait passée ma femme… Et j’vous parle même pas du moment ou elle a découvert qu’y avait trois tranches de deux cent cinquante grammes par personne. La môme incluse. Accompagnements exclus. Deux kilos de riz, pour trois, ça m’semblait adapté...J’avais juste oublié qu’ça gonflait à la cuisson. Pis qu’la p’tite mangeait un cinquième de c’que j’mangeais Amara, qui elle même mangeait un quart de c’que moi j’mangeais. Bref. On a bouffé du porc pané et du riz toute la s’maine. Et j’me suis pris une volée, mes p’tits potes, y avait d’quoi en faire pâlir d’envie un adjudant-chef en manque d’inspiration !

J’essuyai machinal’ment mes yeux en y r’pensant. Pas une larme n’en avait coulé, cette fois. Y avait bien longtemps qu’j’avais asséché les canaux. Mais c’était pas pour autant qu’il n’était pas douloureux d’me rappeler de cette époque. D’à quel point j’étais heureux et consternant, à la fois, du soir au matin. « Ca fait ton charme », qu’elle me disait, plus pour s’en convaincre et n’pas essayer d’m’étrangler que parc’que ça faisait vraiment mon charme, à mon avis...De toute façon, c’est pas comme si j’allais pouvoir lui redemander de si tôt. La balle lui avait perforé les poumons et sectionné l’aorte net. Mon vieux Zapas’, si tu veux des réponses, y faudra d’abord passer l’arme à gauche...Et c’était pas au programme de la soirée. J’avais encore sans doute quelques années à tirer avant d’profiter du néant ou d’l’éternité. Comme si mon instinct d’survie m’servait d’conscience, et qu’la rage de vivre était devenue un moyen d’faire pénitence…

J’secouai la tête. V’la qu’la balade digestive tournait à l’indigeste. Repenser à tout ça m’avait r’tourné l’estomac. Pas au point d’me faire gerber, mais pour c’qui est d’la digestion, on était pas sur l’effet d’un bon vieux citrate...Bah. Suffisait d’aider à descendre ! Et me v’la donc parti pour dégaîner ma flasque, et m’enfiler une rasade de tord-boyaux, histoire, paradoxalement, de détordre un peu les miens...C’est en en vidant la dernière goutte, coude et tête levée, qu’une ombre sur les toits attira mon attention. Réflexe numéro un ? Se mettre sur ses appuis, proprement, en laissant la flasque vide tomber au sol dans un tintement métallique. Réflexe numéro deux ? Observer pour réagir en conséquence. Observer et...écouter. Ecouter cet espèce de gros chat, que les lunes ne m’permettaient d’voir qu’à contre-jour, en train d’se balader sur les toits avec un équilibre...qualifions-le de « relatif ». J’aurais aimé pouvoir dire que c’était relatif à la pente des toits sur lesquels il marchait, mais à l’écouter chantonner, les paroles entrecoupés de petits hoquets un peu discordants qui annonçaient l’arrivée possible d’une régurgitation non-causée par une boule de poils, j’pense surtout qu’il était rond. Pis alors, j’parle pas du « rond comme un chat en boule sur un fauteuil », hein ! Non non, rond comme une queue d’pelle ! L’idée même du mélange whisky-croquettes m’arracha  un p’tit rire, mais la vraie question, c’est : s’il se pétait la gueule, est-c’qu’il allait pas atterrir sur la mienne ? Bah. C’est pas moi qu’allait lui j’ter la pierre, s’il en faut une sacrée couche pour que j’finisse fin bourré, ça veut pas dire qu’c’était jamais arrivé…



- Psss Psss Psss ! Eh, chaton ! Tu f’ras gaffe, t’as les coussinets qui tanguent!, que j’lui lançai, histoire qu’y puisse raligner la trajectoire.

Mais ça l’empêchait pas d’chantonner, continuant en équilibre (instable) sur sa toiture (elle, bien stable, hein, qu’on dise pas qu’c’est la faute des tuiles). Bon. Une bonne chose de faite : en continuant plus lent’ment qu’lui, j’me l’prendrais pas sur l’coin du museau. Qu’y s’en rende compte ou non, probablement qu’non d’ailleurs, ça f’sait du bien. Du bien d’changer un peu l’disque qu’avait commencé à m’tourner dans l’crâne. Du bien d’voir quelqu’un être joyeux de lui-même. Ca f’sait tout simplement du bien aussi, d’avoir une compagnie pas trop intrusive. J’ramassai ma flasque, dont l’bruit d’fond m’signala qu’elle était pas si vide  que c’que j’avais anticipé, l’agitai pour en être sûr, puis la l’vai tranquillement à l’attention du félin, qu’était déjà bien trois-quatre pas d’vant mois, reportés à son altitude, marmonnant dans ma barbe avant d’finir d’en vider le contenu :

- A ta santé, boule de poils...





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Zapas Nietseli
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