TW : Notion de guerre, d'amputation et de violence dans cette histoire.

Parfois, quand les maux de têtes deviennent trop importants, que la fatigue brise mon corps de façon aussi certaine que la douleur, je trouve la ruelle sombre la plus proche afin de sombrer dans l’inconscience. Quand j’étais une guerrière, mes frères et sœurs d’armes me parlaient des rêves qu’ils faisaient, des champs de fleurs multicolores, des promesses d’une vie meilleure, de leurs Shangri-La, le paradis…

Moi, quand je dors, depuis que j’ai conscience de ce qui me hante dans le royaume des songes, je ne fais que le même cauchemar. Celui de mon propre enfer. Un monde en ruine, sans aucun soleil plongé dans les ténèbres. Aucune plante ne pousse. Aucune âme qui vit, seuls les carcasses du peuple gisant sur un sol aride et sec éclairé par la lune. Et il y a moi, l’abandonnée au milieu de ce drame, marchant, rampant et pleurant ma solitude, mon échec, ma propre perte.

Le bras que, jadis j’avais perdu, remplacé par une lueure fantomatique. Mon corps est recouvert de cicatrices, de brûlures en tout genre, d’impacte de balle, ressemblant bien plus à une revenante qu’une humaine. Et au loin, inaccessible, un prisme gigantesque, plus haut que n’importe laquelle des montagnes ayant pu exister sur Terre, brillant plus fort que la lune, m'aveuglent presque. J’ai beau marcher dans cette direction, il semblerait que la distance ne diminue jamais. Pourtant, j’ai l’impression d’entendre des rires de cette structure. La joie, le bonheur… L’impression d’en comprendre l’opulence.

Le monde des riches et des puissants, protégé, inatteignable… Et celui de la plèbe, condamné. Voilà comment je perçois ce cauchemar. Et à chaque fois il se termine de la même façon, avec moi qui, à bout de souffle, m’écroule pour rejoindre les carcasses de ce monde en ruine… Puis de me réveiller, en sursaut, en pleure et en détresse…

Je ne veux pas disparaître seule… Et je ne souhaite encore moins voir ce monde finir ainsi.

C’est pour cela que je me bats depuis si longtemps. Orpheline, n’ayant jamais eu la chance de connaître mes géniteurs, j’ai été kidnappée et embrigadée dans un centre de formation pour futurs enfants soldats des révoltés de la Mongolie. Un mouvement qui s’était formé grâce à la multiplication de projets et autres créations anti-gouvernementaux. Ayant vu le jour dans la partie de l’ancienne tribu des Magan, l’on m’en donna leur nom. Et comme j’étais supposée amener le bien comme bon nombre d’enfants à sacrifier, l’on me nomma Khaïr. Vous pourriez penser ainsi que je me devais de détester ce que j’étais devenue? Que maintenant que je suis à Ozéna, je cracherais sur mes origines, sur mon héritage? Encore moins.

Je me battais car je croyais en ce combat. Ce qu’était devenue la terre… Tout cela à cause de l’envie du gain et du pouvoir des sociétés et gouvernements? Comment ne pas leur en vouloir? Comment ne pas vouloir enfin en finir avec cette absurdité qui emmenait l’Humanité tout droit vers sa destruction? Alors oui, à défaut d’apprendre comme bon nombres d’enfants chéries des pays riches, j’ai appris à tuer au couteau et à tirer avec une arme à feu. Le temps de mes premières règles était aussi le temps de mon premier meurtre. Je ne regrette aucunement le chemin que j’ai choisi, car je considère que c’était la meilleure chose à faire. Dans un monde où les barrières et les murs sont si grands, si épais, il faut savoir tout détruire. Et s’il fallait recouvrir le monde de sang et de cendre pour y faire fleurir l’espoir du renouveau, alors je l’aurais fait. Tout paradis mérite que l’on se batte pour elle.

Je ne suis pas réellement quelqu’un de vraiment plongée dans la religion, mais j’ai tout de même été bercée par les chants des prêtres et prêtresses qui nous souhaitent bonne chance dans notre quête. J’ai écoutée leurs histoires du paradis, du lendemain meilleur… C’est peut-être une des raisons qui fait que je n’ai pas si peur que cela de la mort. Car, et parce que ma cause est juste, je suis persuadée que mon après vie sera radieuse. Même si je ne compte pas souffler le dernier morceau d’air de mes poumons si tôt. Tant qu’il restera toujours un patron ou un chef pour assouvir ses pulsions malsaines sur l’opprimé, je garderai toujours un peu de force pour lui nuire…

Nuisance que j’ai été pendant neuf longues années. Parcourant alors les Steppes de mon pays natal, voyageant de jour comme de nuit avec plus d’armes que de nourritures, attaquant villes et villages pour repousser toujours plus loin le gouvernement. Parfois c’était une victoire, nous avions l’occasion de voir les visages heureux de ceux que nous libérons de l’oppression. Leur offrant alors bien plus de nourritures et de bien que nous n’en prenions nous même. Car nous avions choisi de nous battre. De nous sacrifier. D’offrir ce lendemain meilleur… Le peuple lui, ne fait que subir à chaque fois, il mérite du réconfort, pas la haine… Mais la joie de nos victoires est terriblement exaltante. Le fait de pouvoir s’amuser, juste un peu. Profiter d’une joie éphémère. Boire à en oublier son nom, manger les choses les plus farfelues que nos cuisiniers amateurs peuvent préparer. Enlacer quelqu’un que l’on apprécie pour un peu de réconfort dans un monde infernal…

Mais parfois… Il y a bien entendu des défaites. Des batailles qui se perdent, des amis qui meurent, des blessures… Je ne sais pas ce qui fait le plus mal, finalement? Voir quelqu’un que j’ai apprécié mourir? Voir mon premier amour devenir fou par l’enfer de la guerre? Ou sentir une balle transpercer mon épaule, ma jambe, mon corps et saigner tout en criant les nombreuses insultes que je connaissais?

Oh, si… Je sais ce qui est encore pire que tout cela… L’espoir que l’on voit partir en fumée… Tout en sentant la peur nous briser…

Je me souviens d’une bataille non loin des frontières. Je devais avoir quoi… Vingt-ans? Et presque toutes mes dents pour vous dire, une survivante. Je me battais déjà depuis sept années pour la cause et nous avions tout juste libéré une ville. Nous fêtions cela avec un bon repas et l’alcool coulait à flot. Je m’étais à un moment retirée pour passer un peu de temps avec une amie, plus loin quand l’appel de la nature me forçait à me séparer d’elle. Juste le temps de trouver des toilettes à minima fonctionnelles qu’une alerte retentissait à travers la ville. Un bombardement? Sur nous, juste après une victoire? C’était quelque chose qui arrivait bien souvent oui, mais là, c’était bien différent des obus habituels. Un dérivé du Napalm. Le gouvernement semblait ne plus vouloir affaire à nous quitte à détruire de bien nombreuses vies civiles. Craignant pour la vie de Nagat, je me suis élancée rapidement en arrière en espérant la retrouver, mais le lieu où je l’avais abandonnée n’étais plus que ravagé par les flammes. Aucun corps en vue. J’avais beau crier son nom tout en revenant plus loin en arrière pour rejoindre mon équipe, tout ce que je voyais c’était des écrans de flammes et de fumer avec comme réponse les échos d’hurlements et d’autres cries de douleur…

Et clairement, j’avais été une idiote d’ainsi agir, de ne pas chercher à me réfugier quelque part, car un obus vint à s’écraser non loin de moi, libérant son produit liquide hautement inflammable, recevant alors sur mon bras gauche le produit même de l’enfer. Mes vêtements prirent feu, me forçant alors à essayer de me rouler en boule dans la terre pour espérer ne pas finir immoler. Sentant la douleur vriller mes sens. Je pleurais de douleur, je n’en pouvais plus. Je pensais clairement finir ma vie ainsi. Et vous savez ce qui est le pire dans tout cela? C’est que ma plus grande crainte n’était pas de mourir, non. Mais de quitter ce monde seule. Imaginez vous, vos derniers instants, les ténèbres vous recouvrant d’une cruelle étreinte. La douleur étouffante… Et personne autour de vous. Pour vous consoler, pour vous écouter, pour ne serait-ce que vous étreindre une courte seconde. J’espérais que si la faucheuse existait vraiment, elle me prendrait dans ses bras, avant de m’emmener au paradis…

Mais elle n’était pas venue, tout comme mon heure. Si la douleur avait fini par me faire perdre connaissance, le réveil lui ne fût pas spécialement plus joyeux. Mon corps était dans un sale état, l’on avait dût m’amputer un bras, les conséquences du produit sur ce dernier m’aurait sinon causée une douleur éternelle… Ma peau avait majoritairement pris feu mais l’équipe était venue assez tôt pour éviter d’avoir des brûlures au second degré profond sur toute la peau. Mais ma tristesse fût que personne n’avait pût retrouver Nagat… J’étais persuadée qu’elle n’était pas morte mais, avait-elle désertée la cause? Possible. C’était dommage, c’était une fille bien…

Il me fallut presque deux ans pour repartir en mission. Deux années à ne rien faire hormis de la réhabilitation. Apprendre à vivre avec un bras en moins. Entendre des voix déprimées de mes amis que le gouvernement devenait de plus en plus violent et que l’on reculait continuellement. La seule chose qui maintenant la révolte en place c’était le soutien des opprimés que l’on recevait ainsi que les différentes voix de libérations, voix du peuple que l’on pouvait entendre par la radio pour combattre le gouvernement. Il y en avait une, particulièrement que j’aimais écouter dans mes moments de doutes dans nos bases mobiles bien avant l’accident. Une partie tant d’autres que celles qui vinrent s’ajouter, mais quand elle vint à s’arrêter ce fût probablement une qui m’embêtait le plus de ne plus entendre. Mais bon, que voulez-vous, les gouvernements sont peuplés d’horribles monstres, normal qu’ils cherchent à faire taire les belles voix.

Quant à la mienne, elle revint sur le champ de bataille à l’aube de mes vingt-deux ans pour ce qui allait être ma dernière mission sur terre. Une mission sans retour. Pour la peine on nous avait offert ces espèces de clefs pour voyager dans cette espèce d’autre monde où je suis maintenant. Ils ne voulaient pas nous voir mort, et puis on était une petite équipe, à peine une dizaine d'individus. On devait accomplir une action clairement dangereuse dans un des bâtiments gouvernementaux de la Mongolie et tout faire exploser. Clairement, rien de bien compliqué pour une armée. Pour une escouade… C’était clairement de la folie. Mais au moins nous avions la chance de périr ensemble, c’était pas mal non?

On eut l’occasion d’essayer d’accomplir la mission… Mais impossible d’atteindre la finalité. Le bâtiment étant bien trop gardé, notre escouade presque rasée, c’est mon chef d’escouade qui, alors que nous étions sous une pluie de balles et d'insultes, força à utiliser mon ticket de sortie. Je… Initialement je ne voulais pas partir de la Terre… Bien qu’elle me semblait condamner, j’aurais voulu tout de même finir sur son sol dans un combat juste. Mais c’est les paroles d’une des rares personnes à qui j’autorisais de recevoir des ordres,qui me firent douter et accepter de partir sur un autre monde. Espérer empêcher l’Humanité de ne pas refaire les mêmes erreurs, c’était un bon but je trouve… Et c’est ce qui m’avait convaincu. Une dernière étreinte, et alors que je sentais le sol trembler, je fis couler mon sang pour disparaître…

Cela fait un peu plus d’un an que je suis arrivé dans la “Merveilleuse Cité” d’Azamyr. Et je compris bien vite que cet endroit aussi pouvait avoir besoin de changement, tout comme la Mongolie. Ce principe de chefs de maisons, voir ainsi les races divisés et mis dans des carrés cela m’énervait clairement. Mais ce lieu était trop jeune encore, sans véritable esprit de révolte pour me suivre. Tout ce que j’y gagnais c’était remontrance et critiques… Finalement, la seule personne au début à m’avoir vraiment tendu la main, c’était Soren. Une Chimère comme ce que j’étais devenu. Un peu étrange, parfois un peu froid, mais clairement c’était… Enfin… Il est devenu comme un père pour moi. Il me protégeait, m’empêchait de faire des actions trop stupide, me donnait de quoi manger ou m’habiller car j’étais trop révolté pour garder un emplois plus de quelques jours… D’ailleurs, mon écharpe bleu? Un cadeau de sa part. Durant la saison froide que je vins à affronter à mon arrivé, je grelottais comme pas possible à ses côtés. Et sans mots dire, il vint à m’offrir cette magnifique écharpe de haute qualité. D’un bleu si pure… Même si clairement la couleur ne s’adapte à aucun de mes vêtements, j’en ai que faire. C’est un cadeau. Et je la porte. De même, c’est lui qui m’a permis d’utiliser et de comprendre mes pouvoirs, tout en m’aidant à apprendre à me servir de nouveau de mon bras… Bon sang, il m’avait manqué celui-la…

Mais actuellement… Me voilà, dans un monde qui me révolte presque autant que l’ancien. A pouvoir découvrir de nouvelles saveurs, de nouvelles aventures, rencontrer de nouvelles personnes… La grande question que je me pose c’est…

Est ce que j’arriverais à me faire une place malgré tout?

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