Un air d'anniversaire
- Rien de méchant…
- Mais un nouveau tour quand même ?
- Tout le monde aime les anniversaires. Et si en plus, il s’agit du mien… Les gens ne peuvent que l’adorer.”
Du haut du rempart, l'homme regarde la ville s’étendre devant lui, un sourire radieux sur le visage. Le plan avait été minutieusement mis en place plusieurs semaines avant et répété afin de s’assurer que rien ne serait laissé au hasard. Ou plutôt, il avait vaguement pris le temps d’y réfléchir avant de décréter que rien ne se passerait mal. Et sa comparse l’avait suivie, plus assidue que lui, elle s’était assurée qu’effectivement rien n’était laissé au hasard et que tout se passerait bien. Les bons objets avaient donc ainsi été donnés aux bonnes personnes et ce n’était maintenant plus qu’une question de temps avant que tout ne se mette en place.
Derrière eux, le soleil étire ses derniers rayons et, alors que la ville quitte son manteau orangé et se teinte du voile de la nuit, un chant commence à doucement se faire entendre entre ses murs, berçant les dormeurs, endormant les couches tard et faisant somnoler les créatures nocturnes. Rapidement, tout ce petit monde se retrouve bercé dans une douce illusion, un rêve de fête propre à chacun.
À vous qui avez été victime de cette mauvaise blague, vous ouvrez les yeux dans un lieu qui vous est propre. Peut-être est-ce chez vous, peut-être est-ce sur la place centrale d’un des quartiers, peut-être est-ce chez une connaissance, un ami, un collègue de travail. Quoi qu’il en soit, un seul mot vous vient à tête à ce moment-là. Anniversaire. Celui de qui ? Je ne sais pas, je ne suis pas à votre place, mais ce qui est certain, c'est qu’aujourd’hui, vous allez fêter l’anniversaire de quelqu’un. Et peut-être qu’à votre réveil, quand vous penserez que tout ça n’était qu’un drôle de rêve, vous trouverez dans votre poche (ou non loin de vous), un petit cadeau emballé qui viendra vous faire vous demander si, effectivement, tout cela n’était qu’un rêve.
Explications HRP
Bonjour à tous et à toutes
Voici pour vous le petit RP pour fêter l’anniversaire du forum. Les règles sont simples, deux personnes vous ont joué un mauvais tour (pas si mauvais que ça) et vous vous retrouvez pris dans une illusion. Cette dernière peut se dérouler où vous voulez du moment que c’est dans la ville et elle doit tourner autour du thème de l’anniversaire. C’est tout pour les obligations.
Vous pouvez jouer votre anniversaire, l’anniversaire de quelqu’un d’autre, l’anniversaire de la ville, c'est à votre discrétion. De même, comme tout se passe en rêve, vous êtes libres de faire un peu ce que vous voulez et de faire intervenir qui vous voulez (mais n’hésitez pas à envoyer un petit message au joueur concerné si vous décidez de faire intervenir son personnage ).
De plus, si jamais vous avez été assez joueur pour tirer un objet à la loterie, je vous encourage fortement à utiliser ce rp pour marquer son obtention, même si tout se passe en rêve, votre personnage trouvera son cadeau dans sa poche ou non loin de lui en revenant à lui. (Et si vous n’avez pas été courageux, n'ayez pas peur, nous nous sommes assurés qu’aucun objet dans la loterie ne puisse vous mordre.)
Vous pouvez répondre à la suite de ce poste, un seul message par compte sans limite de taille minimale ou maximale, vous avez jusqu’au 24 septembre pour participer et la participation vous rapporte 75 Azys (par personnage).
C’est tout pour les règles, régalez-nous de vos RPs et de votre créativité et encore une fois un bon anniversaire à TLC
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?! iot AA toi ?!
?! oim AA moi ?!
?! suon AA nous ?!
Les voix se mélangent, se passent le témoin pour susurrer à la jeune nymphe. On s’esclaffe de son visage endormi, comment peut-on paraître autant tête en l’air en ce grand jour. — Réveille-toi donc ! Gronde-t-on tout en ne se fatiguant pas à hausser le ton. On se joue de son sommeil, de son insouciance et on chercherait d’ailleurs à ne pas trop le perturber pour pouvoir avoir de quoi l’accuser plus tard. Les espiègles créatures des bois encerclent son corps, des pâtes marchent sur la traîne de sa robe qui s’allonge à mesure que le temps s’écoule. Le temps ! Parlons-en ! Une horloge en suspension au-dessus de sa tête comptabilise la durée de son inconscience. C’est que celle-ci rêve depuis longtemps. Le tic-tac-tic-tac urge un petit être aux longues oreilles, son souffle saccadé fait rebondir son petit torse, son museau s’agite dans les airs, appelle au calme alors qu’il est le moins calme de tous. Un trou, le trou va s’ouvrir et l’Alice va être tirée hors de son état comateux ! Pas l’choix, pas l’choix !
— Creusez-tous, creusez et qu’ça saute - comme moi. Alors les invités de cette fête se mettent à creuser au moyen de leur force physique. — Jusqu’où doit-on creuser ? — Très bonne question, quand je vous dirais stop. S T O P. Pas avant, pas moins. Il surveille ses paupières, accroupie sans gêne sur sa poitrine. Le lapin blanc renifle le parfum de fleurs, ses moustaches chatouillent les narines de l’humaine. — Elle n’a de nymphe que le nom, que le nom je vous dis ! — Regardez donc là, pâle comme un linge, non humaine que de nom aussi ! Ses coussinets pâtissent sa peau.
— STOOOOP !
Et le monde entier s’arrête, hagard. — La belle au bois dormant revient parmi nous ! L’orateur en question se prend un coup de pâte sur le pif. — On est pas dans ce conte-là imbécile, tu parles de la mauvaise blonde. La mine boudeuse, il bredouille qu’elle n’est même pas blonde.
Les yeux de Zora s’ouvrent et elle baille si foooort que cela fait réagir toute l’assemblée.
Le lapin prend la parole — Affirmatif, pas de caries les amis, le gâteau pourra être servi !
L’assemblée sautille de joie et un autre animal s’exprime — Magnifique, on a pas écoulé trois litres de farine pour rien ! C’est qu’on l’a volée en douce chez ce bon boulanger du coin, faudrait pas qu’il nous chope par la fourrure et qu’on ait rien à lui montrer pour notre défense. Pas con le spitmon.
Zora tente de prononcer un mot pour qu’on se dégage de son corps, qu’on lui explique ce qu’il se passe bon sang de bonsoir.
— Désolé la môme, j’te raconte pas le nombre de fois où tu nous as empêché de dormir avec tes promenades de fille-sans-amis, alors aujourd’hui tu vas t’éclater avec nous, mais en silence. Et le rodini applaudit leur idée en tapant fort des aîles.
Elle est libre de ses mouvements et constate avec surprise que sa robe est longue d’approximativement dix mètres. Cette dernière recouvre la flore, du buisson au parterre de fleurs sauvages et sa blancheur nous rappelle les immenses toiles d’araignées.
En se levant il est facile de comprendre que se déplacer ne sera pas une mince affaire, c’est encore une fois l’idée d’une des créatures. — Ça t’apprendra à marcher trop souvent sur nos plates bandes, envahisseuse ! — Tu nous voles les eaux et maintenant tu t’accapares nos terres.
Le lapin n’est pas encore parti, il bondit en rond et presse Zora. — Bouge-toi, lève-toi, reste pas plantée là ! Elle tire sur les muscles de ses bras pour se redresser et s'agrippe à sa robe. Toute la forêt se déplace et l’accompagne vers son destin. Un pas de travers et ZIOUM. Le trou s’agrandit, la chute libre : le ventre à l'air, les cheveux recouvrant la vue, son derrière atterrit sur un trône devant un immense banquet.
1, 2, 3
Nos voeux ! Quoi ? Les plus sincères ! Les plus estimés, même si pas forcément mérités !
Au lieu d’emmerder les étoiles pour quoi faire ? Souhaiter le bien et le mal ; souffle sur ces bougies et arrête de te prendre pour la reine de la nuit.
— Ouais parce que quitte à mettre en place un gouvernement, on vote pour une démocratie hein.
— Affirmatif chef numéro six.
— Merci chef numéro cinq, j’apprécie cette affirmation.
Le brouhaha rythme le repas, Zora est affublée d’une couronne en fausses épines. De part et d’autres est attablé la faune qui s’est invitée à cette fête d’anniversaire. — Hahaha, c’est comme la Cène. — Qu’est-ce que c’est la Cène l'ami ? Ah, de Paris, la polluée ! — La mal aimée, haha ça nous rappelle pas quelqu’un ça ! — Mais noooon, paraît qu’on l’appelle ma jolie et soleil ! — Zo-leil tu veux dire ! Un silence.
Le lapin se racle la gorge — Pas merci pour ce jeu de mots qui plombe l’ambiance. Ma Zora. Bichette. De ses patouilles il lui gonfle les joues et la regarde droit dans les yeux. — Trente-et-un balais, ça en fait assez pour nettoyer un quartier entier ! HAHA. Bref. Qui dit un an de plus dit cadeau, bien évidemment !
Et tout le monde applaudit.
— J’ai dégoté the present. Et sortit de sous la table une arme des plus sophistiquées selon les non-connaisseurs, parait que c’qui brille rend bien. — Dans ton pays natal il y a cette femme qui s’est fièrement battue, malheureusement rip elle a fini au bûcher. Le mielochat enlève son chapeau et le pose contre sa poitrine, — RIP. — Mais regarde-toi tu es vivante, pour le moment.
— Chef... On attire son attention sur un détail pas si insignifiant que ça. — Mauvais pays chef, elle est pas Française, mais Allemande. — Ah bah merde, alors pourquoi on lui offre c-. — Hm. — T-Tu accompliras de grandes choses ! On sait pas encore lesquelles, c’est ton problème à partir de maintenant ; BOUFFONS.
Elle souffle sur ses trente-et-une bougies, une par une provoquant une joie collégiale avant de manger sans s’arrêter avec la nette impression que son estomac ne sera jamais rassasié. Elle se goinfre, dotée d’un appétit d’enfant en pleine croissance. Après ce festin les paupières sont lourdes, c’est plus fort qu’elle, on voit qu’elle lutte et contrairement au début de ce texte, on l’accompagne en lui chantant une berceuse et POUF elle tombe dans les vapes. Les doigts tout collant de sucre glace laissent croire que cet anniversaire était plus que réel.
Ça va faire un an que les affaires ont commencé et que Friedrich peut être aperçu aux quatre coins de son quartier ainsi que dans les rues de la maison de la Flamme et de l'Ombre, un travail autrement plus complexe qu'il n'y parait de prime abord de par le manque cruel d'infrastructure dans cette bourgade en plein essor. Le concept même de logistique semble complètement étranger aux habitants si l'on excepte la tête pensante de la guilde marchande. Trop primitif, trop fragmenté, les chaînes de production restent majoritairement composées de lignes droites allant directement du producteur au consommateur, quand elles existent ! Quel enfer que d'essayer de comprendre comment fonctionnent la maison du Ciel et de la Foudre ou celle des Maintes Eaux quand l'une est hautement renfermée sur elle-même et l'autre partiellement infranchissable pour le commun des mortels. Et pour couronner le tout, c'est un rat géant, un RAT, qui est chargé de relier tout ce fatras.
Seigneur que les premiers jours avaient été difficiles, entre l'établissement de trajets efficaces pour parcourir le quartier, la mise en mémoire des différents points d'influence, la localisation des différents commerces, l'acheminement des provisions depuis les fermes et vignobles, les ressources minières, les relations inter-maisons... Et ce satané rat géant qu'il a dû se farcir à plusieurs reprises, c'est encore pire quand ça parle ces bestioles. Mais l'heure n'est plus aux maux de tête, dans quelques heures à peine il pourra se rendre à la taverne la plus proche pour fêter son premier anniversaire de messager ainsi que l'inauguration de son premier entrepôt pour optimiser le transit et le stockage de tout ce qui circule à Azamyr... ou du moins dans son quartier, le problème des rues inondées devra attendre.
- Nom de... Elle s'est fourrée où cette bouteille de... ?
Un grand crû de rouge de Paleberge, obtenu il y a de ça deux mois pour après une quelconque livraison. L'occasion est rêvée, quand on doit gérer tout un pan de la ville, on ne peut pas vraiment se permettre ce genre de douceurs, autrement le prochain colis risque de finir sur le parquet, affublé de nouvelles couleurs, voire les deux à la fois. En plus l'empaquetage était relativement sympathique avec son petit ruban bordeaux, le verre rutilant en plein soleil, verre qui... roule à présent par terre ?
- AH HA ! Trouvé ! Mais qu'est-ce que...
Déjà, comment cette bouteille s'est-elle retrouvée sur le plancher ? Et au-delà de ça, il est où le ruban, et le bouchon ? Et le vin ??? Il n'y a qu'une coquille vidée de tout contenu roulant depuis un coin de la pièce, amassant de nouveaux grains de poussière à chaque nouvelle rotation. Elle finit par s'arrêter mollement contre une étagère, signalant sa fin de course avec un léger tintement contre le bois. Le silence retombe dans la pièce jusqu'à ce qu'un hoquet se fasse entendre dans le fond. Sonné par l'incompréhension, le vieil homme s'approche prudemment de la source du bruit pour découvrir un épais ibouris affalé par terre, le bec dégoulinant de reflets rougeâtres.
Un rat, encore et toujours un foutu rat. Friedrich hurlerait bien au diable mais a priori il n'existe pas ici. A la place, il se contente d'hurler de colère sur le petit animal grassouillet qui commence à réaliser l'ampleur de la boulette.
- Espèce de sale petit ! Le reste de sa phrase se perd dans le fracas du balais contre le plancher. A la surprise du briscard, le malfaiteur échappe de justesse à la sentence et commence à fuser dans tous les sens dans un élan de panique. Le balais le suit inlassablement sans jamais pouvoir l'atteindre. Une étagère tremble, une planche saute, une vitre se brise et enfin la petite bête se retrouve acculée dans un coin de la pièce. Sauf qu'à ce moment précis, un nouveau hoquet survient et se transforme rapidement en geyser inarrêtable. Le corps de l'ibouris se retrouve propulsé à toute allure dans la pièce, rebondissant sur toutes les surfaces qu'il percute avant de finir sa course droit dans la caboche de Friedrich qui tombe à la renverse, assommé sous le choc.
L'illusion se brise et le vieil homme relève la tête, les formes de son bureau encore imprimées sur sa joue gauche. Sacré cauchemar qu'il vient de vivre, saccager son plus grand accomplissement à une date aussi importante pour quelque chose d'aussi ridicule qu'un ibouris gorgé de vin. Il se dit qu'il est grand temps de faire une pause s'il en est réduit à halluciner de la sorte, après tout, son projet n'en est encore qu'à ses débuts, s'il commence déjà à imaginer les embrouilles alors que rien n'a été fait, il risque de perdre la tête avant la fin de l'année. Dans un soupir las, il repousse sa chaise pour se relever et faire quelque pas, histoire de se débarbouiller la tête. Et puis un bruit se faire entendre.
- Cui-cui ?
Horrifié, Friedrich tourne la tête. Perché sur une poutre latérale, un ibouris le dévisage avec un air curieux.
"JE PORTE UN TOAST!" Mon bras se tend devant une foule d'inconnus assemblés avec boucan dans une petite salle des fêtes, un énorme gâteau en évidence sur une table toute proche, deux tourtereaux devant, les yeux collés l'un à l'autre comme s'ils étaient seuls et que la nuit, la vie même ne leur donnerait pas assez de temps pour se reproduire (ou tout du moins essayer), dégoulinant d'une passion dévorante. C'est son anniversaire à elle, je le sais comme si c'était moi, mais ce n'est pas le cas. C'est ma sœur, son anniversaire, son mariage, et les voix joyeuses retentissant de toute part. Pourtant, alors que le champagne coule à flot y compris dans ma gorge, un sentiment de tristesse s'y bloque, comme un sanglot retenu. Pourquoi ce sentiment dans une moment de liesse? Je finis la flute et la re-remplis pour finir ce que j'ai commencé, juste pour le courage.
"A la mariée, et à son trente et unième anniversaire célébré avec brio!" Le sourire de la mariée se fait plus grand encore si c'est possible, et je me tourne vers sa femme, réprimant un sanglot grandissant "A sa femme, que vous soyez heureuses..." Ma voix casse un peu et je simule une toux avant de reprendre en levant la voix comme pour l'empêcher de faiblir: "... Et que ça dure toujours!" Une clameur se fait tandis que je descend de la table et je me dit en regardant mes jambes flageoler que je n'en suis pas à mon premier verre... Et que les précédents devaient être plus chargés. J'ai besoin d'air... J'ai besoin de sortir.
Je laisse la seconde demoiselle d'honneur faire son discours et m’éclipse par la première baie vitrée venue, m’amenant à une terrasse chauffée par un soleil qui avait dû taper fort dessus pour qu'en cette nuit on en ressente encore la chaleur. Je pleurerais bien, mais les sentiments pour ma belle-sœur restent coincés dans ma gorge, me laissant tousser contre une embarde protégeant le lit d'un petit ruisseau taris depuis des siècles. Oh, si les larmes venaient à couler, elle referait bien la rivière...
Une éternité passe où j'alterne levage d'yeux vers un ciel sans étoiles et tête baissée dans les roches sèches calcifiées. Quelle poisse, d'éprouver du désir pour une mariée... Et une nouvelle membre de ma propre famille. Il faudrait boire des litrons pour oublier cet échec amoureux... Et il fallait s'y mettre dès à présent. Je reviens dans la salle, empoigne gin, tequila, vodka, whisky et eaux-de-vie diverses et variées sous le regard de plus en plus désapprobateur des serveurs qui voient mon excès pour du zèle d'enthousiasme. Quelle erreur de jugement! J'en ris si ce n'était à pleurer, un peu trop fort et m'excuse d'un regard vitreux, verre finalement vidé dans ma gorge en feu.
Je suis franc jetée, et bientôt l'appel du dehors revient. Je m'enfonce dans le petit jardin d'une taille ridicule, mais que voulez vous: avoir un bout de terre sur cette planète, cela semble déjà un miracle. Un banc isolé est posé dessus, et de même je pose mon fessier sur le bois... Enfin essaye et m'étale dans la boue craquelé avec un bruit de poussière remué et un AIE pathétique.
Le cul sur la terre, lamentable dame d'honneur ayant plus d'alcool que de sang dans les veines, je finis par m'allonger au sol avant d'entendre "Tu sais que tu aurais pu lui dire?" Je me redresse subitement et regarde autour de moi, cherchant un visage, une silhouette ou tout autre indice m'indiquant que je ne suis pas seule, mais rien. De toute façon, qui pourrait savoir ça ? "La petite voix dans ta tête, duh." Allons bon... "ça ne servirait à rien, elles sont MARIÉES."
La voix se tait puis réapparait: "Alors tu n'as plus qu'à passer une bonne soirée." Je souffle mais un objet non identifié me tombe dessus.
"HE!" Je proteste mollement avant de me rassoir pour regarder l'objet chu. C'est une paire de lunettes ordinaires, avec des verres ronds, une monture noire, bref, rien qui fasse rêver ou qui va m'aider à passer une "bonne soirée". Je les met au cas où, mais rien ne se produit et je soupire. "Il faut vraiment être au bout de la bouteille pour parler avec soi et penser qu'une paire de lunettes jetée dans un mini parc puisse améliorer ma condition..." Vite, je pourrais prétexter une migraine atroce et m'éclipser... Il me faut juste reprendre mon sac et m'excuser auprès de ma sœur. Un peu de courage...
Je me relève et m'époussète avant de marcher cahincaha vers la salle des fêtes où la musique bat son plein. Arrivée à la porte non sans difficulté, je remarque que les lumières se sont éteintes au profit des stroboscopes bleutés de la sono, et j'aurais pu même partir sans demander mon reste si seulement l'endroit ne s'était pas transformé en club de strip tease.
Car n'importe où que je regarde, les femmes, les hommes, et les autres même sont en sous vêtements. "C'est quoi ce bordel?" Un homme passe avec un caleçon à canards, et je glousse. J'essaye de ne pas faire attention malgré l'énormité de la chose, et surtout d'éviter les mariées mais arrivé à l'entrée où les affaires sont gardés, la concierge du jour me fais éclater de rire. Une culotte léopard, un soutien gorge rembourré d'une poitrine énormissime qui se meut au rythme des ronflements qu'elle propulse et sur celle-ci, un chien minuscule, si petit qu'il se fait bercer par les lolos animés. Aux larmes, le souffle hoquetant en pensant que même l'animal est à poils, je m'assois contre le mur pour essuyer mes larmes qui ont fini par changer de camp. J'enlève les lunettes et c'est avec stupéfaction que je me rend compte... Que personne n'est déshabillé. Les habits sont revenus, ceux classiques de la gardienne, ceux à paillettes, à rayures, à pois ou à plumes des convives...
Je regarde à travers les verres mais ne vois pas de différences jusqu'à ce que les branches retrouvent le contact de mes oreilles. "Woaaaaa" Un rire me reprend, fou dans ce groupe de fesses plus ou moins dénudées. Un moment les regards se tournent vers moi et je finis de dire entre deux hoquets: "ça va, je suis- juste bourrée."
La soirée continue et j'oublie presque le mariage quand arrive le moment de souffler les bougies de ma frangine en body blanc.
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Je riote un moment avant que mes yeux s'ouvrent sur la fraîcheur des hautes herbes du fond du jardin. Il a plu, et je suis trempée... Je me redresse, regardant à gauche et à droite avant de dire tout haut: "Un rêve?" Ou un souvenir? Je regarde mes doigts avant de hausser les épaules: Je ne peux pas dormir, ça doit être un souvenir pêché quelque part. Pourtant je me sens... reposée. Les thermes m'attendais pour une bonne douche chaude, histoire de ne pas attraper la mort, et je me lève d'un petit bond en gloussant encore de ce souvenir ridicule jusqu'à ce qu'en cherchant les clés du Jardin je tombe sr quelque chose qui me redonne un pouffement. "Je ne sais pas encore ce que je vais voir avec ça... Mais on va rigoler!"
"Cassandre !"
Un nom, clamé avec agacement. Elle, devrait savoir. Elle, s'occupait de ces tâches si futiles et importantes. Elle, devrait savoir. Et, aussi vive que fut cette certitude, elle ne le sauva pas d'un trébuchement, et d'une chut dans l'un de ses tiroirs, dont les fichus recoins ne recelaient pas la moindre compresse ! Et hop, tombé, avalé comme cela le médecin, tombant dans un chaos de ciseaux, d'aiguilles et de fils, de torchons et d'onguent, de boîtes et d'étiquettes inutiles parce que nul part il ne trouvait enfin de fichue compresse, s'emmêlant, cheveux, vêtements et membre dans ce bazar incongru.
"CASSANDRE !"
Décidément, il avait assez perdu de temps comme cela. S'accrochant à droite et à gauche, le LaFleur tenta de remonter vers le haut du tiroir sans font. Enfin, s'il l'appelait, elle viendrait bien. C'est pour cela qu'il l'avait engagée, pour qu'elle l'aide, qu'elle fasse toutes ces petites tâches fastidieuses, qu'elle soit là, qu'elle lui rappelle pourquoi il faisait tout cela. Mais qu'est-ce qu'elle a fait ?! Voilà que le matériel médical était mélangé à ses rouleaux de tissu, quelle absurdité ! Soudainement, c'est à des pans de cotton ou de soie - ou tout autre végétal utilisé dans ce monde-là - qu'il s'accrochait tout en tombant encore, enveloppé, entouré par ces grands rideaux multicolores. Non, non, ils n'allaient pas les gâcher pour une simple histoire de compresse ! C'était tout autre chose qu'il cherchait, c'était...
"CASSAAAAAAANDRE !"
Le choc lui coupa le souffle. Et pourtant il fut doux et, rouvrant les yeux, Frédéric découvrit qu'il ne tombait plus, qu'il gisait plutôt... Dans des buissons... De boucles... Noires... Douces ? Perplexes, il se redressa, levant les yeux vers un infini nébuleux, où se devinait tout juste, au loin, l'ouverture du tiroir, et son patient, toujours, qui attendait sa compresse. Peste et choléra, que ne faut-il pas faire pour soigner les gens ici ! Contrarié, il se redressa en tirant sur les boucles... Et manqua partir à la renverse quand un grand "Aïe !" résonna dans l'univers. Un 'aïe' qui, aussi géant soit-il, lui parut familier.
"Ca... Cassandre ?!"
Traversant à grandes enjambées les collines de boucles noires, le spectre reconnut bientôt... Oui. Les amas si étranges et pourtant caractéristiques, qu'il avait fini par connaître par cœur, à les voir tous les jours sur ce même visage : les champignons faciaux de la dryade. Il était dans ses cheveux !
"Cassandre, très chère Cassandre, je n'en puis plus, dites-le moi, où avez vous bien pu ranger les compresses ? Tiroir et placard, je les ai tous ouvert, je suis même tombé dans l'un d'entre eux et pourtant, nul part je n'ai vu, pas la moindre non, pas la moindre compresse !"
Face à pareille supplique, il n'en doutait pas, la serviable dryade allait trouver rapidement son bonheur, et il pourrait alors retourner auprès du patient, et en finir enfin... C'est avec un grand soulagement qu'il vit les mains de la - géante ! - dryade s'affairer, son humble voix claire le rassurant bien sûr. Alors, pourquoi, sentit-il une piqûre, là, en son cœur ? Comme une fausse note dans leurs habitudes, un rythme décalé qui l'eut fait chuter encore s'il ne s'était pas accroché à une boucle. A ses yeux, la géante porta diverses objets et non, non, il n'y avait pas de compresse ! Il n'y avait pas... Pas... De... Des couleurs emplirent son regard, et une odeur de sucre lui chatouilla le nez, le faisant saliver, lui rappelant des senteurs et des goûts d'antan. Parbleu, que fichait un gâteau dans son attirail de médecin - tailleur ?! Avant même de pouvoir se récrier, protester, s'indigner, le LaFleur se sentit de nouveau tomber, les boucles sombres lui échappant, traîtresses. Et dans un chaos de cheveux et de longs membres paniqués, le médecin chût dans l'amas sucré.
"Monsieur LaFleur ?
- Hein ?!"
Dans un sursaut fort peu gracieux, le médecin revint à lui. Il sentait encore dans sa bouche le goût écœurant du gâteau bien trop sucré pour son palais n'y ayant plus goûté depuis plus de deux années. Le goût, le poids de la masse molle dans laquelle il s'était enfoncé. Tâtonnant son visage et sa tête, il eut la surprise de sentir comme une bosse... Délicatement, n'en revenant pas, il tira un champignon gris de sa chevelure. Comment donc cela avait fini là... ? Levant la tête, il croisa le regard aussi troublé que lui, de la dryade. Le champignon n'avait rien à voir avec ceux de la dryade, mais l'on était pas à l'abri d'une nouvelle maladie où des plantes pousseraient sur des hôtes non consentants... Il devrait se surveiller quelques temps.
"Mademoiselle LesBrises attend pour... parvint à dire Cassandre, après un temps d'étrange silence.
- Cassandre, est-ce votre anniversaire aujourd'hui ?"
La question lui était venue aussi brusquement que son étrange 'rêve' éveillé, comme une évidence sortie d'un placard oublié. Idiote, sans doute. Et pourtant, cette attention surprenante et simple créa un très joli rose sur les joues de la jeune femme. Fichtre, c'était bien son anniversaire.
Un an TLC
Il m'attend tout sourire, une ligne tracée au sol juste devant ses grands pieds nus.
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Je me hâte de sortir du bassin aussi sèche qu'un grain de sable dans le désert, Ekaris m’écrase sous sa grandeur.
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Je me positionne sur sa droite, prenant la même pose, les jambes prêtes à se détendre.
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Et il rit en prenant les devants, je le poursuis à travers les salles avant de retrouver les rues du quartier central. Je prends les devants mais je sens bien qu'il me laisse le rattraper.
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Comme un seul homme nous tournons dans les rues jusqu'à notre destination, la bibliothèque du Ciel et du Souffle. Rapide, il me guide vers l'ouvrage que je feuillette, ravie de la découverte, de nombreuses annotations décorent les marges.
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Nous reprenons notre course jusqu'au laboratoire où je retrouve la brune, je lui glisse le carnet entre les doigts en lui souhaitant un joyeux anniversaire.
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Déjà mon guide me devance, riant toujours de mon retard.
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Je m’exécute et nous voilà en train de valser, mon élan nous envoie au sol. Je roule dans l'herbe, lorsque je me relève les remparts dominent au loin. Nous sommes dans le pré à une centaine de mètres du refuge de Viktor et des Ozénys.
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Je m’apprête à protester mais déjà mon binôme se dirige vers le bâtiment de mon ami. A l'intérieur Viktor s'affaire, il prépare une couveuse pour les œufs de Rodini qu'il a récupéré. Je sens qu'il est pressé, débordé.
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L’élémentaire de glace remarque tout juste notre présence, il rassemble ses idées et nous donne quelques directives. Nourrir un rinapi en convalescence, nettoyer les différents enclos, tondre les trois spitmons, remplir la réserve d’eau … Mis bout à bout, nous avons été occupés tout l’après-midi. Quand le calme revient enfin et que mon mentor et ami s’accorde une pause, je lui souhaite son anniversaire. Il me remercie en souriant, ayant lui-même oublié que c’est aujourd’hui.
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Je regarde mon acolyte qui me fait un clin d'œil, nous restons encore quelques heures avant de quitter le refuge où je prends Viktor dans les bras.
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Mon partenaire d’anniversaire recommence son manège, il court avant de se retourner pour que je lui saute dans les bras. Cette fois je ne me fais pas prier et nous atterrissons de nouveau en plein centre ville où quelques boutiques que je ne connais pas ont vu le jour. Il fait beau soleil alors que quelques minutes auparavant la lune avait gagné le ciel.
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Et nous reprenons notre course effrénée jusqu’au laboratoire de l’alchimiste. Il est fier d’avoir poussé la porte en premier et me nargue de son sourire narquois.
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Elle me salue de son doux sourire, un léger froncement de sourcils l’accompagnant.
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Elle m’assure que ce n’est pas le cas, me taquinant sur le fait que je ne me rappelle pas son jour d’anniversaire, je lui parle alors du livre que je lui avait offert quelques instants plus tôt et des étincelles pétillent dans ses yeux. Dix ans qu’elle se sert des différentes recettes qu’elle agrémente à sa sauce.
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Mon binôme se glisse près de moi.
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Je ne comprends pas ce qu’il se passe mais Vex me rappelle le sujet de ma présence.
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Il ralentit pourtant et nous profitons des paysages jusqu’à ce qu'on aille récupérer notre commande. Nous filons retrouver l’heureuse gagnante de ce produit artisanal en garde sur les remparts.
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Elle hausse les épaules, je lui tends le paquet.
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Je n’ai pas le temps d’en dire plus que mon partenaire m’attrappe dans les bras pour nous faire basculer par dessus les remparts. Mon cœur bat la chamade alors que le sol se rapproche. Au moment de l'impact, je me relève d’une fontaine, trempée.
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Mais il n’est pas là, seul un petit mot coincé dans ma main me suggère de trouver un cadeau d’anniversaire pour Amriel. Je tourne la tête dans tous les sens, je ne le vois pas. Je le cherche, de rue en rue, élargissant un peu plus mon champ à chaque fois, en vain, il n’est pas là. Je l’ai perdu ce qui m’agace. Je finis par me calmer pour prendre le temps nécessaire à trouver le cadeau idéal pour la Capitaine des Veilleurs. Je m'attarde, espérant retrouver mon partenaire avant de me rendre au temple pour y méditer, rendant hommages aux Quatres. Une prêtresse se tient derrière un stand, je me lève pour la rejoindre. Des amulettes des Quatres sont en vente, les bénéfices vont pour le développement d’Azamyr et des Maisons.
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La Capitaine est ce qu’elle est, je l’avais déjà croisé dans des lieux de cultes et ce présent serait sans nul doute apprécié. Alors je prie pour des intentions de protection pour la Veilleuse sous le regard de la Soeur.
Je quitte le temple à la recherche d’Amriel et je tombe sur le déserteur qui se remet déjà à courir. Je le rattrape, il me charie.
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Cette fois nous rejoignons une cérémonie qui rassemble quelques fidèles en pleine rue, dont Amriel qui prêche pour les différentes divinités de la ville. Après son discours, je me glisse à ses côtés.
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Il est heureux que j’ai compris le but de cette course sans fin et c’est au tour d’Eos de se voir offrir un cadeau pour son grand jour. Nous continuons le rituel instauré, je lui saute dans les bras et je me retrouve sur un autre lieu dans un autre temps. C’est le Quartier des Maintes eaux qui nous accueille et l’idée cadeau ne tarde pas à naître.
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Nous retrouvons le psychiatre et mon compagnon se stoppe, comme gelé. Autour de nous tout se fige … Je comprends alors l’idée de mon partenaire et je tends à Eos une planche plate récupérée dans une cabane en bord de ru.
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Il m’interroge du regard mais déjà mon enveloppe corporelle a disparu, je file vers les surfaces des canaux pour créer de belles vagues. Heureux, Eos comprend vite le but de la manœuvre et se jette sur sa planche. Ensemble nous parcourons le quartier par les eaux, après quelques chutes le nymphe maîtrise l'exercice et je le taquine de quelques bourrasques qui viennent éprouver son équilibre. Lorsque nous nous arrêtons, Eos est rincé mais son sourire vaut les heures sur l’eau. Mon acolyte d’anniversaire nous rejoint et tout à repris son cours.
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De son sourire habituel il me montre alors la ligne d’arrivée au loin, nous nous jugeons du regard. Je suis la première à démarrer, un salut rapide pour le nymphe que je perds de vue rapidement, mon adversaire de course prend vite le dessus en me dépassant aisément avant de ralentir une centaine de mètres plus loin, serait-il essoufflé ? J’en profite pour accélérer et contre toute attente, je suis la première à passer la ligne d'arrivée. Des feux d’artifice éclatent dans les airs, les habitants se sont regroupés pour faire la fête.
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Je n’ai pas le temps de regarder ma main que je me réveille sur les remparts, adossée à un mur. Je me suis visiblement assoupie, heureusement que la relève n’est pas encore là, pire encore, qu’un chef d’escouade ou qu’un Capitaine passe par là. Dans ma main, un petit paquet. Je l’ouvre, intriguée. J'attrape la pièce qui s'y cache accompagné d'un petit mot. *
*Ploc*
*Ploc*
Dans un demi-sommeil, Ambre se retourna et laissa tomber une main lourde hors du lit. Les cheveux roux en bataille sur l’oreiller, le pied nu gauche dépassant d’une couverture sombre, la jeune femme se trouvait aux heures bénies du repos absolu. La conscience en demi-teinte, elle se délectait de la douceur de son linge,
de la brise fraîche sur sa cheville détendue,
et de la décontraction de ses muscles, enfouis dans le rembourrage de son matelas.
Son esprit flottait au gré de ses songes, ne cherchant pas à regagner la réalité, ne s’inquiétant pas plus de la frôler. Elle se trouvait dans cet entre-deux délectable où les bénéfices du repos étaient capturés par sa conscience.
*Ploc*
*Ploc*
La paupière de la faucheuse tressauta, perturbée par cet outrage au calme. Le rythme avait changé.
*PlocPloc*
Marmonnant quelques mots incompréhensibles, elle sentit la réalité la rattraper. *Non... trop tôt...* pensa-t-elle, somnolente. Et cette pensée, tel un brasier, finit d’annihiler toute trace de sommeil de son esprit. Elle sentit son corps s’alourdir, ses yeux s’agiter sous ses paupières closes…
Et elle se réveilla enfin avec une sensation d’humidité le long de la joue.
Une pluie fine s’était vraisemblablement abattue dans la nuit. L’air, chargé d’humidité, avait rendu sa peau moite. Et si les clapotis avaient désormais cédé leur place à un silence pieu, leurs vestiges continuaient à heurter une planche en bois surplombant ses volets à demi-fermés.
*Ploc*
Le doigt d’Ambre tapota dans le vide comme pour marquer la mesure. L’intéressée tentait de refréner l’agacement qui la gagnait. Peut-être avait-elle encore la possibilité de retrouver le sommeil en s’accommodant de ce simple ricoché...
*SHPLAAAAAASH*
La jeune femme sursauta et se redressa brusquement.
L’air hébété, les cheveux en bataille, elle ouvrit de grands yeux surpris en direction de sa fenêtre.
De minces gouttelettes finissaient de sécher à l’extérieur des vitres, rendant la ruelle difficilement observable. Ambre plissa les yeux, tentant de distinguer la rue à travers elles… en vain. La nuit avait rendu le paysage sombre et imprécis.
Rejetant sans ménagement ses couvertures, la faucheuse quitta la chaleur de son lit et tituba sur quelques pas, encore engourdie par son sommeil. D’une main gauche, elle saisit la poignée de sa fenêtre et la tira vers elle, laissant entrer par la même occasion une bourrasque fraîche et mouillée. Se rappelant finalement les conditions de son réveil, elle s’essuya la joue d’un revers de manche et se rendit un peu plus présentable.
La ruelle était vide. D’un calme tout à fait religieux. Les pavés humides brillaient sous les rayons de la lune, et nulle autre lumière ne venait perturber les nuances d’ombres bleues-nuit qui s’étaient emparées de la cité.
*Etrange* Ambre se pencha légèrement au dessus de son bord de fenêtre, scrutant de droite à gauche les alentours, à la recherche de la moindre trace de vie ayant pu expliquer le vacarme survenu plus tôt.
Plus encore.
Elle espérait trouver quelques lanternes ou mouvement familier qui lui permettrait de s’ôter cette désagréable sensation que… quelque chose clochait.
Une masse lourde s’abattit à l’arrière de son crane et elle se sentit basculer en avant.
Pestant contre l’univers tout entier, Ambre se massa l’arrière du crâne.
Le voile noir qui obscurcissait sa vision se leva peu à peu, lui laissant un arrière goût de bile dans la bouche. La pierre froide dans son dos, elle, l’informa qu’elle se trouvait allongée au sol, probablement au pied de sa propre demeure. La belle affaire !
La veilleuse se tourna lentement de côté et, d’une main plaquée contre terre, se hissa sur ses fesses. Sa tête dodelina un instant, peinant à reprendre la pleine mesure de son équilibre, et un brusque élan de nausée faillit lui faire perdre ce qui lui restait de dignité.
C’est un infime bruissement d’ailes, quelque part au dessus d’elle, qui la tira de son malaise.
La mâchoire crispée par crainte d'un nouveau haut-le-cœur, elle releva la tête avec une lenteur exagérée.
Quelle était encore cette sorcellerie…
Nuque en arrière, yeux ronds de stupeur, elle observait silencieusement une boule poilue virevolter à hauteur de sa fenêtre.
L’animal avait la consistance d’une hermine. Ses yeux malins en amande se plissaient à chaque cabriole, et, son museau clair, lui, frémissait d’un rire muet. La créature était affublée de deux petites ailes bleues énergiques qui ne cessaient de battre au gré de ses frasques, et son pelage mi-crème mi-lait ondulait à chaque torsion de corps. Volait-elle ou nageait-elle dans les airs ? Ambre n’aurait su le dire.
Ce qui était pourtant certain, c’est qu’elle avait retrouvé le coupable.
- J’ai pelé des belettes pour moins que ça - lui lança la faucheuse d’un grognement menaçant, espérant inculquer, par la peur, les bonnes manières à l’animal.
L’intéressée laissa échapper un roucoulement clair et doux, plus amusé qu’effrayé par la proposition. Une nouvelle figure aérienne vint achever la provocation, et la Lekeo se laissa flotter, tête en bas , arrière-train de côté, comme pour mimer son interlocutrice de la façon la plus burlesque qui lui était permise.
- Maudite bestiole – maugréa Ambre en se relevant avec difficulté.
Difficulté toute relative.
Étonnée de ne pas sentir ses membres crier souffrance, elle prit la peine de s’inspecter. La chute n’avait rien d’impressionnante, et pour cause, si l’espace séparant sa fenêtre du sol atteignait les deux mètres, c’était bien le bout du monde. La manière dont elle s’était réceptionnée, en revanche , aurait du être un problème… Quelque chose entre le chiffon et le vieux bousin que l’on éclate au sol. La seule bonne nouvelle était le fait que sa tête n’avait pas tapé la première. Mais qu’en était-il de son dos et de ses bras ?
La faucheuse tira sur son tricot humide, passa une seconde main précautionneuse sur l’entièreté de son buste, en quête d’égratignures ou de surfaces douloureuses...
Rien.
Abasourdie, elle se tordit un bras, puis le suivant, tirant sur son cou afin d’examiner enfin ses coudes et ses avant-bras...
... Nus de toute blessure.
- Alors ça..! – souffla l’intéressée, ébahie.
Elle roula des épaules afin de clore son inspection, confirmant pour de bon l'absence de la moindre séquelle. Un silence lourd de signification s'installa.
Ambre jeta un regard en biais à la créature.
Un sourire diabolique s'étendit de part et d'autre de son visage.
…
…
La Lekeo glapit d'effroi et prit brusquement la fuite dans un battement d'ailes affolé.
- N'y comptes pas ! - rugit la faucheuse en s'élançant à toute vitesse dans son sillage.
Les ruelles défilèrent alors dans la vision périphérique de la rousse sans qu'elle n'ose quitter sa cible du regard. La bestiole était rapide, et maline. Elle profitait de son avantage aérien pour dépasser le toit des habitations et confronter sa poursuivante aux obstacles citadins.
Cela faisait maintenant trois allées qu'Ambre s'efforçait de contourner, manquant à chaque intersection de la perdre de vue. *Oh non ma grande ça suffit !* s'insurgea-t-elle alors que la belette dépassait une énième cheminée en direction du quartier central.
Rassemblant son énergie, la faucheuse effectua un bond majestueux, d'apparence inutile, et disparut aussitôt dans une nuage de fumée noire.
Une clochette retentit en contrebas, provoquant plusieurs fous rires au cœur de la foule.
Ébahie, Ambre observait le quartier central... ou du moins ce qu'il en restait. Les habituelles rues bordées d'habitations et de commerces avaient cédé leur place à une gigantesque esplanade. Ponctuée deçà-delà par divers attroupements, tentes, et étales, elle prenait désormais la forme d'un festival coloré et bruyant, que deux yeux seuls ne pouvaient parvenir à décrire. La faucheuse y devinait des jeux d'enfants, des défis de foire et de nombreux marchands-crieurs avides de vider leurs stocks de bijoux, accessoires et artifices. Divers objets difficilement identifiables parcouraient les airs et frôlaient les têtes : Créatures , feux de joie, outils de jongles et autres particularités magiques d'Ozena. Des cris d'allégresse se mêlaient aux musiques festives, et, quelque part sur sa droite, un groupe d'hommes et de femmes entonnaient quelque chant paillard que la bière avait rendu franc (et faux).
La Lekeo roula paresseusement sur elle même. Postée à un mètre de la faucheuse, volant à hauteur de sa tête, la créature avait cessé de fuir dès lors qu'Ambre s'était téléportée sur le toit de l'habitation. La jeune femme n'avait pas même pris le temps d'achever sa poursuite tant la vue l'avait saisie : Se pouvait-il vraiment qu'Azamyr compte tant d'habitants ? Et pourquoi diable n'avait-elle pas eu vent de ces festivités ?
Elle comprit instantanément le motif des rues assombries et désertes, le silence étrange et pesant de son propre quartier... Que fêtaient-ils ? Et pourquoi n'avait-elle pas été conviée ?
Comme en écho à ses réflexions, le petit animal ailé éternua.
- C'est ta manière de manifester ton exaspération boule de poils ? - se méprit Ambre avec humeur, la fusillant du regard.
La Lekeo plissa une oreille et lui tourna ostensiblement le dos pour plonger dans le flot des festivités.
Laissant la demoiselle seule dans l'ombre des charpentes.
Laissée pour compte, Ambre se saisit l'avant bras d'un air gêné, pas bien sûre d'être conquise par l'entrain qu'avait montré sa partenaire de jeu. Les attroupements n'avaient rien d'attrayant pour la jeune veilleuse, bien plus habituée au calme des remparts et des patrouilles.
Pour autant...
Son lit n'avait pas plus d'intérêt désormais.
- D'accord... - céda-t-elle dans un soupir.
La jeune râleuse avança d'un pas,
suspendit le suivant au dessus du vide,
et se laissa tomber dans une nuage sombre constellé de poussières dorées.
- Hola demoiselle ! Feu feu !
Ambre se ramassa sur elle même et fit un pas de côté, évitant de justesse le rebord meurtrier d'un plateau rempli de pintes dorées.
Cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'elle s'était engouffrée dans le dédale des festivités, serpentant avec difficulté entre les citoyens agglutinés. D'en bas, les couleurs environnantes étaient saisissantes, savant mélange d'outremer et d'aigues-marines sur toile de pénombre orangée. Quel cela soit du fait des fusées d'artifice, des maquillages ou des costumes, tous participaient à ce fouillis coloré qui entraînaient leurs camarades au lâcher prise.
L'exploration avait eu un prix, et c'est à force de coude dans les côtes et d’orteils écrasés que la jeune femme était parvenue au centre de l'esplanade. Là, nombre de tables et de chaises avaient été installées, et peu d'entre-elles avaient été laissées vides. Elle y devinait une taverne aménagée, pleine-air, et sa disposition circulaire laissait les plus hardis exprimer leur alcool par d'étranges chorégraphies en son centre.
C'était un serveur essoufflée et transpirant qui l'avait tirée de sa contemplation, sans manquer d'arracher de nombreux rires aux tables voisines.
- Mais enfin !!! La-bas !
L'exaspération à son paroxysme, il pointait son index gras de cuisine en direction d'une tente.
Celle-ci était drapée d'une toile blanche au concept simpliste. Sa particularité résidait dans la guirlande de drapeaux multicolores soigneusement cousue en chacun des bords. Ainsi ornée, elle semblait faire office de kiosque d'information et n'avait, étonnement, que peu de curieux à ses abords.
Un étrange personnage se tenait pourtant de côté, affublé d'un ridicule pourpoint violet et or. Plus la jeune femme l'observait, plus elle s'effrayait du choix vestimentaire : Son haut jurait terriblement avec son caleçon aux bandes rouges, lesquelles été recouvertes de fleurs grossières cousues main. Si l'on osait porter son regard plus haut, l'on constatait que la tête avait été tout aussi mal décorée. Les cheveux verts en brosse, l'oreille encerclée d'anneaux du même coloris, il paraissait terriblement grotesque avec ses yeux cernés de poudre noire désordonnée. Enfin, son visage fin à la mâchoire acérée lui prêtait un air sournois et achevait ce portrait malin.
L’intéressé se dandinait d'avant en arrière, sifflotant un air que le bruit ambiant noyait...
...Ne semblant pas même s'apercevoir que le talon de ses chausses se tordaient à chacune de ses bascules.
Ambre se figea, partagée entre l'inquiétude et la moquerie : En quoi l'elfôpunk pouvait-il bien l'aider ?
Mais le serveur tourna les talons avant qu'elle n'ait verbalisé sa question, baragouinant quelques mots honteux sur la condition des idiots.
L'affaire semblait entendue, presque évidente. Soit.
La faucheuse contourna un dossier de chaise et tenta de s'extirper d'entre deux clients éméchés.
Ouvrant le chemin de ses deux mains, elle avança précautionneusement vers la tente indiquée. Quelque part sur sa droite, une bonne femme jura soudainement par tous les dieux et renversa sa chopine. Plusieurs citoyens s'écartèrent, levant un pied ou l'autre d'un air affolé. Un éclair beige slaloma entre les pieds en bois, tentant par tout moyen de rattraper un éclat doré qui ne cessait de lui glisser des pattes.
*Ah la vilaine fille* La faucheuse adressa un sourire amusé à la Lekeo qui semblait poursuivre la quête d'une vie, et reprit sa progression. Elle devait avouer qu'elle se sentait soulagée de ne plus être la cible de ses diableries.
Arrivée à quelques pas de l'elfe-malin, Ambre sa passa une main gênée dans les cheveux, se demandant ce qu'elle pourrait bien di....
- OOOOOH toi aussi !! MERCI !
Le fou multicolores s'était tourné vers elle et, la voyant approcher, avait sauté sur ses deux pieds instables. Sa voix de crécelle arracha un hoquet de stupeur à Ambre qui eut envie de s'arracher les oreilles.
- Oh bah quoi ? Tu ne venais pas …
Il effectua une cabriole et s'élança mains en avant pour lui faire une démonstration de poirier. Maintenant son équilibre, jambes écartées pointées vers le ciel, il inclina la tête de côté afin de capter son regard :
- ..... Me souhaiter mon anniversaire ?
Ambre recula d'un pas, les yeux ronds, tentant par tous les moyens de trouver une porte de sortie à ce traquenard. Le personnage pencha un peu plus la tête et sa bouche s'arrondit en un « oh ? » muet. Son corps, lui, suivi le mouvement et pencha dangereusement vers la droite.
Menaçant à tout instant de s'écraser au sol.
- Euh si-si-si bien sûr.. joyeux anniversaire... hm...
Le regard de la faucheuse glissa vers la diagonale gauche. Son visage circonspect trahissait la gène de l'instant et elle ne put s'empêcher de le juger "pas tout là".
L'intéressé, lui, sembla tout de même s'engaillardir de sa réponse et leva une main du sol.... pour ne plus reposer que sur l'autre.
- DIS ! Tu veux voir tous mes cadeaux !?
*Non* pensa-t-elle instantanément, maudissant déjà le serveur sur dix générations pour son malheureux conseil.
- Oui oui bien sûr... - minauda-t-elle cependant avec un sourire forcé, toutes dents apparentes. Mieux valait ne pas s'attirer les foudres de ce loufoque-ci.
*Quelle plaie* ajouta-t-elle pour elle-même alors que le fou, s'essayant à un demi-tour risqué, s'écrasait de tout son long sur les pavés.
La faucheuse leva les yeux au ciel et l'enjamba, choisissant de l'ignorer pour ne pas s'irriter outre-mesure. Elle s’avança ainsi jusqu'à l'ouverture de la tente et y découvrit un stand modeste de bibelots, sacs et parchemins en tout genre. L'établi en question avait été recouvert d'un tissu de velours et de paillettes argentées, et la multitude de reflets étincelants lui firent plisser les yeux.* Voyons voir...* La jeune femme s'approcha un peu plus, piquée dans sa curiosité.
Sur la gauche, il y avait été rassemblé un amas de dés en os. Leurs chiffres s'estompaient et, leurs coins limés et fendus, eux, témoignaient d'un usage exagéré.
A leurs côtés trônait une longue vue cuivrée. Sobre et de courte allonge, l’outil semblait avoir été abandonné là sans précaution. *Tiens ?* Intriguée, Ambre avança une main timide vers l'objet pour l'inspecter de plus près.
Un souffle chaud enveloppa son oreille droite.
La veilleuse se raidit, tournant lentement la tête vers la source qu'elle avait immédiatement reconnu comme la respiration d'un être vivant....
Son visage se retrouva à quelque millimètres de celui de l'elfe-fou. Les yeux exorbités et injectés de sang, il avait soudainement transformé ses traits malins en une affreuse grimace insurgée : Menton rehaussé, bouche en U inversé, il renifla... puis dégaina brusquement un index rageur qu'il posa sur ses propres lèvres en signe de silence :
- PATOUCHE !
Ambre recula son cou tellement fort qu'elle sentit son double menton se dessiner. *Que... Quoi ?...* Fallait-il qu'elle se taise ou qu'elle ne touche à rien ? Complètement perdue, son habituelle insolence céda la place à un timide hochement de tête. Effrayant.
Ce taré était tout bonnement effrayant.
Un bref silence accueillit la réponse de la faucheuse.... Puis l'individu se redessina finalement un visage lumineux et avenant.
Il recula.
La rousse reprit alors son inspection en prenant garde à ne pas s'approcher desdits trésors (et en jetant de fréquents coups d’œil sur son flanc).
La longue vue s'était choisie une simple bougie en voisine. Ambre s'imagina, probablement à tord, qu'elle avait été posée là afin d'offrir un peu de sa lumière. Diverses fioles de toutes les couleurs avaient été rassemblées juste derrière, et un vieux miroir reposait à leur côté. Admirant le reflet des flacons dans ce dernier, elle soupçonna l'un d'entre eux... de contenir du lait pas très frais.
Un petit panier en osier trônait au centre de la longue table : Quelques champignons douteux y avaient été déposés , et nul autre ingrédient ne les y accompagnait. * Peu fiable* estima-t-elle en choisissant de ne pas les humer de trop près.
Les objets à sa droite avaient été déposés sans grand soin, dans une immense caisse en bois. L'on pouvait y apercevoir des paires de lunettes, des bâtonnets colorés, divers parchemins scellés, des plumes, des Azys bien trop brillants pour être des vrais...
*Une vrai boîte à trésors de petite fille* - conclut-elle silencieusement avec humour ; et elle glissa un regard moqueur vers le Drôle afin de lui montrer son avis sur la question.
Le concerné ne sembla pas s'en formaliser outre mesure et joignit ses mains en un applaudissement unique et bref.
- Ils sont beaux hein dis !? J'espère que j'en aurais assez...
Ambre faillit s'étouffer d'indignation. Quel enfant pourri gâté ! S'attendait-il à ce qu'on le couvre d'offrandes ? Il disposait déjà d'une quantité bien confortable de présents, qu'ils soient exotiques ou comiques...
Aspirer à plus…
Relevait du pur caprice matérialiste.
Soudain, la jeune femme l’apprécia un peu moins.
- J'ai laissé partir ma dernière arme.. – continua-t-il penaud, sans remarquer l’œil accusateur que lui avait lancé la jeune femme – j'espère que les petits secrets partiront tous , eux !
Il désigna les parchemins qui dépassaient de la boite.
*Secrets ? Partiront ?* La faucheuse regarda les rouleaux un instant, incrédule. Elle sentit qu'un élément clef de la conversation lui échappait.
- ...Partiront ? - formula-t-elle timidement à haute voix.
- Eh bien oui ! A chaque fois que j'offre mes cadeaux, le hasard refuse de me satisfaire ! - lui répondit-il avec humeur, désignant le tas de dés d'un doigt accusateur.
- Oh ….
Ambre se gratta l'arrière du crâne, gênée.
Elle s'était méprise sur les intentions du bonhomme coloré.
Celui-ci semblait finalement bien plus occupé à distribuer des offrandes qu'à en bénéficier. Loin d'être un vil rigolo égoïste, l'intéressé trouvait finalement son grand plaisir dans les dons qu'il faisait... Et ce sans même quémander le bénéfice de son propre anniversaire !
Malgré cela...
Elle l'avait trouvé seul.
Et pas moins heureux.
La tristesse du constat lui arracha une moue penaude. Qu'avait-il dans le cœur pour qu'un tel événement le comble de joie, alors qu'il se contentait seulement de faire plaisir aux invités ? Ne lui avait-on pas expliqué les grands principes ?
- Dites-moi …
Ambre hésita un instant sur les mots à employer.
...
Pouvait-elle décemment lui demander pourquoi la situation n'était pas à l'inverse ?
Se méprenant sur son hésitation, il la coupa avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase, :
- Vous en voulez un c'est ça !? Petite maligne ! Je sais très bien que c'est déjà fait !
Il planta ses deux points sur ses hanches, le sourcil relevé.
- Ce n'est pas de ma faute si vous l'avez égaré !
Ambre éclata d'un rire sincère et secoua ses deux mains en signe de négation.
- Non non je ne vous quémandais rien ! - Et que diable avait-elle « égaré » ? - Je m'interrogeais sur … - elle prit une grande inspiration – N'est-ce pas votre anniversaire ? Je veux dire... Ne devriez-vous pas en recevoir au lieu d'en donner ?
- Pourquoi vous avez quelque chose pour moi !? - renchérit-il d'une voix toute excitée
Ambra se claqua une main désabusée sur le visage. Elle s'était fait avoir comme un bleu.
- Pas vraiment... - admit-elle, sincère.
- Ne vous en faites pas ! J'ai déjà reçu le meilleur d'entre tous !
Le petit fou parti en courant vers son établi et plongea en-dessous. La toile lui modela une couverture sur le haut de l'arrière train alors qu'il y farfouillait comme un diable. Voilà qu'il repartait dans ses délires... La jeune femme leva les yeux au ciel et croisa les bras, un petit sourire attendri sur les lèvres. Il avait beau être complètement imprévisible, cet être se révélait être attachant.
- Les voilà !
Il s'extirpa de la cachette en se dandina vers l'arrière, et se redressa, tout échevelé. Ses mains tenaient un vieux plateaux rectangulaire à rebord, tout juste plus large que lui. Le fond était recouvert d'un tapis gris-souris, et divers figurines aux multiples apparences étaient renversées sur celui-ci. Il lui sembla un instant les reconnaître, puis la certitude lui échappa.
Sans ménagement, le propriétaire claqua le récipient sur la surface de la table et saisi des personnages dans chaque main :
- Regardez des nouveaux !
Il les jeta sur le plateau et en saisit de nouveaux :
- Et ceux-là aussi !
Ils ré-atterrirent presque immédiatement auprès de leurs camarades.
- Pleins pleins pleins de nouveaux !.. - l'apprenti marionnettiste sauta à pied joint devant Ambre, tout guilleret. - ...Et pleins pleins pleins … - sa voix tomba dans les graves – ...de petits tours à leur jouer.
Alors elle reconnut les visages figés sur les figurines en bois:
Une souris à la sacoche bedonnante,
Un félin au poing brandit,
Une rousse aux ailes de braises,
Une beauté aux écailles,
Puis une sévère aux ailes de nuit.
Les noms se bousculaient derrière ses lèvres, et les lettres, rebelles, refusaient de se ranger dans l'ordre attendu.
Il y avait quelques figurines sans visage, certaines l'épée à la main, d'autres la baguette sous le bras. Ceux-la... les avait-elle déjà rencontrés ?
Ambre eut tout juste le temps de reculer d'un pas, et l'elfe lui claqua bruyamment les mains sous le nez.
Un voile noir tomba devant ses yeux
Et tout disparut.
*Ploc*
*Ploc*
*Ploc*
Dans un demi-sommeil, Ambre se retourna et laissa tomber une main lourde hors du lit.
Son souffle régulier glissa le long de son oreiller, et elle y engouffra le bout de son nez afin de le réchauffer.
Certains prétendent qu'ils ont un but, d'autres une signification.
Toutefois...
Une masse duveteuse se lova dans le cou de la faucheuse et se mit à palpiter.
mais bien des réalités à vivre.
Joyeux Anniversaire.
?? de l'an 118 - Quelque part à Azamyr
"Un froid de canard et personne à l'horizon camarade..." Ma tête grave se pose sur mon félin acolyte qui me demande d'un bégaiement perplexe: "Qu'est-ce qu'on fait ici, Boyd?" Je laisse glisser une goutte froide du crachin le long de la bordure de ma capuche avant de fixer une flaque éclairée par la gazodite en face, pile devant l'entrée principale de la carcasse de l'auberge hurlante, où la lumière oscillante des bougies forment un voilage orangés sur les carreaux couverts de buées, gardant les clients anonymes, flouttés. "Elementaire, mon cher Alden. Nous venons pour... Elle." Avec lenteur je sors le morceau de cape déchirée de ma poche comme preuve de son vil forfait et ajoute d'un ton rapide: "Tu es mon meilleur stagiaire, Alden, il va falloir être fort. J'ai besoin d'yeux à l'intérieur, de bras si ça tourne mal..." Un regard montre le tigre arborant un air des plus sérieux quand il hoche la tête, montrant qu'il a comprit. Il y aurait peut-être du grabuge ce soir, mais nous irons jusqu'au bout.
Rasant le mur humide de l'impasse à la gauche du bâtiment à l'aura tout sauf attrayante tandis que le brouillard nous submerge et nous enveloppe, nous rendant aussi invisible au monde. Une petite porte secondaire apparaît dans l'angle, et on pourrait imaginer ça comme la sortie de la cuisine ou l'entrée des artistes, mais mon flair m'indique autre chose. "ça sent la faucheuse, Alden. Tiens toi prêt..." Le félin se place derrière moi et je toque discrètement avant qu'un œil vipérin zieute au judas. "Mot de passe."
Mon acolyte stagiaire semble pâlir sous sa fourrure comme pour me dire "mince, on a pas le mot de passe, mais je l'arrête d'une main assurée avant de dire à la porte: "Factu Capà" Il n'en faut pas plus pour que les gonds grincent et je rentre sans hésiter sous les yeux admiratifs d'Alden qui me suis. La salle est étroite, enfumée et pleine. Des mines patibulaires nous suivent du regard et je ne laisse pas le temps à ces messieurs dames pour nous demander qui nous sommes quand une voix moqueuse traverse le brouhaha. "Te voilà!" Je lève le nez et les oreilles, prêt à dégainer mon coupe lettres quand je vois à travers les volutes une crinière familière. "Ambre."
Je fais signe de m'attendre ici au tigre qui se tient droit pour paraître à l'aise, et m'installe à la table où la rouquine à posé ses bottes comme la malappris qu'elle est. Toujours la même à ce que je vois. "Nous avons des comptes à rendre, femme rousse." Elle fait tournoyer le liquide dans son verre, les yeux rivés sur mes pupilles. "Ah oui?" "Oui." Dis-je certain avant de poser en claquant la paume de ma main sur la table le morceau de tissu. "Il va falloir payer le préjudice, malveilleuse." Elle rit d'un rire de vilain puis pointe son doigt vers moi. "J'ai une excuse imparable, petite souris." Un homme gigantesque apparaît avec dans ses mains un plateau couvert, et je m'apprête à passer sous la table pour éviter un coup de couteau ou de je ne sais quelle arme glissée sous la coupe quand elle l'ouvre est...
C'est un gâteau.
"C'est mon anniversaire." Ma main s'abat contre mon cœur, stupéfait. NON. c'était... son anniversaire? Il allait falloir que... Je le lui... Souhaite? "Tu m'as bien eu, diablesse... Bon... Anniversaire." Une lueur de fierté victorieuse luit dans ses yeux tandis que je me remet de mes émotions en commandant un verre. Il fallait au moins ça. "C'est un premier pas le facteur... Dis moi ton nom, maintenant." Elle sort une cigarette et me tant son paquet pour m'en proposer une tandis que je refuse. "Je ne tomberais pas dans ce piège, malicieuse." Fouillant dans mes affaires, je tombe sur l’authentique pipe de Sherlock Holmes et comme si je savais fumer avec tire dessus sans herbes ni feu. A la surprise de tous, une multitudes de bulle sen sortes tandis que les idées germent dans mon esprit. "Ambre, je sui prêt à collaborer avec vous. Nous sachons, tous les deux, queqlue chose... Il me faut plus d'informations." Loin de rire de l'effet que l'instrument donne, la rouquine se concentre sur moi et finalement tend une main. "Je ferais recoudre votre cape, vous le méritez.. Holmes." Un sourire rongeur me vient, tandis que les bulles prennent le pas sur la fumée, et bientôt un écran de bulles se forment partout sur ma vision avant que...
Pip, pip, pip, pip! j'ouvre un œil sur Petit Doigt qui s'agite. Je me relève du fond de mon lit, encore un peu dans le brouillard puis ouvre le velux pour voir disparaître l'oiseau rongeur à toute vitesse comme s'il était attendu en rendez vous. Je referme immédiatement, rafraîchi par l'air glacial et pense à me rendormir quand je vois, sagement posé sur la table de chevet miniature... "La pipe de Sherlock Holmes?" Quelqu'un me fait une blague?
au revoir dit la soeur.
Galatéa ouvrit les yeux. Une grande treille de de ronces fleuries entourait la statue d'une splendide femme. Un parfum de fleur l'entourait, mêlé au clapotis de l'eau. L'eau du bassin dans lequel elle se trouvait allongée, en apesanteur. De loin, on entendait des comédiens déclamer leurs textes sur un fond de musique. Une répétition était en cours.
- Arakiel ?
Elle se releva, tournant la tête de droite et de gauche. Mais rien. Rien que les voix lointaines et incompréhensible. Il n'y avait pas trace de la dryade. Ni de ses tenues incroyables. Ni de sa divine voix de soprano.
Sans trop savoir ce qu'elle faisait ici, Galatéa avait l'intime conviction qu'elle devait trouver quelqu'un. Il y avait quelque chose d'important. Quelque chose qui n'était pas sensé se produire, mais qui allait se produire quand même. Une sorte de miracle. Un fait incroyable qui méritait que tous soient là pour y assister.
- Akiel ! Répond ! C'est pas drôle !
Elle se releva, s'appuyant des deux mains sur la margelle pour sortir du bassin et tout lui paru plus grand. Même sa robe. Elle baissa les yeux et contempla ses petites mains faméliques. Son regard fut happé par l'eau qui s’apaisait tout près et elle découvrit une crinière brune et de grand yeux chocolat, perçant dans un teint gris maladif. Ses deux mains se plaquèrent sur ses joues et la gamine du reflet en fit de même.
- Nom de... " Et bah elle était pas sortie de l'auberge si elle devait marcher loin avec de si petites jambes ! " Arakielleuh ! " pleurnicha-t-elle une fois de plus. Mais toujours personne. C'était nul !
Pour faire bonne mesure, elle se drapa dans sa dignité et sa robe beaucoup trop grande, pour sortir de la chambre de la dryade. Elle poussa le lourd rideau.
au revoir dit le professeur
Galatéa fronça les sourcils et tourna la tête dans tous les sens. Mais la petite voix qui fredonnait à son oreille ne semblait avoir aucune origine. Elle n'aurait même pas su dire si c'était une voix connue. Bon... Dans tous les cas, il fallait qu'elle continue à avancer pour prévenir de cette chose incroyable !
Derrière le rideau qu'elle venait de pousser, se trouvait la cuisine du quartier général. Normal. Pas le moins du monde étonnée, elle s'approcha de l'immense table pour se cacher dessous. Le feu de la cheminé lui chauffait la joue. Une odeur de nourriture alléchante flottait là... Mais il n'y avait personne pour touiller la sauce et tourner la broche.
- Chandra ! " appela-t-elle, peu habitué à voir sa mentor déserté son poste. " Chandra ?! ça va brûler !
Mais pas de réponse. Elle baissa les yeux, rassembla les pans de sa robe trop grande et fit de son mieux pour ne pas pleurer. Pourquoi personne n'était là ? Elle ne voulait pas rester toute seule. Ce qu'elle avait à dire était important !
Un bruit, de l'autre côté de la porte de la cuisine la poussa à se relever précipitamment. Elle courut pour ouvrir le battant.
Au revoir dit l'employeur.
La boutique était plongée dans la pénombre. Les tables trop hautes pour qu'elle les atteignes croulaient sous des monceaux d'objets merveilleux. Elle en voyait les couleurs et les vagues de lumière. Leur éclat se reflétait dans ses yeux d'enfant et un moment, elle oublia sa contrariété pour sourire à pleines dents.
- Nyméria !! Y en a encore plus qu'avant !! Nyméria ! " s'esclaffa-t-elle. Son rire rebondit sur les murs de pierre. Les tables trop haute.
Mais il n'y eut aucune réponse. Cette fois, la petite fille n'appela pas une seconde fois. Elle était toute seule ici aussi. Son sourire s'éteignit.
Peu importe où elle allait, il n'y avait personne. Et cette chose très importante qu'elle avait sur le bout de la langue, il n'y avait personne pour l'entendre. Alors elle avança sous les tables, leurs pieds énormes formant une forêt de troncs sculptés. La lumière devenait de plus en plus rare, ne laissant bientôt plus qu'un petit point blafard quelque part loin devant. Pas un point. Un éclat. Elle plissa les yeux, remonta plus haut les pans de sa grande robe blanche pleine de dentelles et de froufrous, et avança droit vers la petite lumière entre les arbres et les fourrés.
Là, un petit étant de ciel étoilé soutenait un grand miroir. Si grand qu'un adulte aurait pu s'y voir des pieds à la tête. La petite fille approcha tout au bord de l'étant et trempa sa main dans l'encre moucheté de petites lumières. L'une se décrocha et tomba en filant vers le bord. Galatéa laissa échapper un éclat de rire et releva les yeux vers les arabesques argentées qui entouraient le miroir. C'étaient elles qui émettaient la lumière qu'elle avait vu de loin. Pourtant elle ne s'y attarda pas vraiment. Dans le reflet une grande dame l'observait.
Haute, le port droit, les cheveux blancs et les yeux entièrement noirs, elle la toisait et la fillette eut l'impression d'être une souris devant un oiseau de proie. Elle rentra la tête dans les épaules.
- Bonjour ? " souffla-t-elle au bout d'un moment, toute crispée.
- Bonjour. " répondit la voix posé de la grande dame. Puis plus rien. Galatéa attendit un moment, mais l’apparition ne bougea pas d'un pouce.
- Qui t'es ?
- Et toi qui es-tu ?
- Je m'appelle Galatéa !
La gamine eut un grand sourire et se dressa sur la pointe des pieds au bord de l'eau céleste. Le reflet gloussa en portant une main à ses lèvres noirs et s'assit sur ses talons. Le tissus de sa robe était si fluide qu'il scintillait à la moindre lumière, comme une étoile. Mais surtout, le sourire qu'elle lui tendit la réconforta un peu. Elle n'avait plus l'air si impressionnante quand elle souriait, cette dame là. Plus proche, on discernait même des pattes d'oie au coin de ses yeux et de petits plis sur son front et ses joues. Le reflet était plus âgé qu'elle ne l'aurait cru... Elle la regarda avec une fascination envieuse, se retenant de tendre son bras trop court pour essayer de la toucher.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'aimerai bien être vieille comme toi, moi. Mais le médecin a dit que ça arrivera pas.
- Pourquoi ?
- Parce que je respirerai plus ! " s'exclama-t-elle. C'était évident non ? Vu le nombre de fois où on lui avait dit ! " Mes poumons à moi ils seront usés avant que j'aurai 30 ans. " le reflet continua à la regarder avec un sourire joueur. Comme si elle connaissait la fin d'une bonne blague. Mais il y avait quelque chose de doux dans ce sourire. Quelque chose de la beauté d'Arakiel, de la chaleur de Chandra et de la vivacité de Nyméria. C'était peut-être un peu comme ça, une maman ? " Dit... Pourquoi t'es là, toute seule.
- Je ne suis pas toute seule, tu es là, non ?
- Oui, mais pourquoi dans un miroir.
- Parce que tu me regardes.
La fillette fronça fort les sourcils et leva le menton. Elle ne comprenait vraiment rien à ce que disait le reflet... mais elle l'aimait bien quand même. Puis elle voulait pas passer pour une idiote.
- Je peux venir avec toi ? Moi aussi je suis toute seule ici...
- Tu n'es pas toute seule, je suis là, non ?
- Oui... Mais il y a personne dans cette forêt.
- Pourquoi es-tu dans cette forêt ?
Elle se redressa d'un coup ! Elle avait presque oublié !
- Il y a quelque chose d'important ! Je dois le dire à quelqu'un ! " Puis, se rendant compte de la situation, elle sautille toute excitée. " Tu es quelqu'un !! Ah ! Mais je doit te le dire à l'oreille !
Le reflet tendit son long bras pâle et la petite fille s'en saisit. Elle fit deux pas sur le ciel étoilé, sans s'enfoncer, et arriva toute proche du miroir. Sa surface froide ondoyait légèrement, comme de l'eau. Elle se pencha tout près, ses petits doigts dans la grande main gracieuse de l'apparition. Elle sentait bon les épices et les plantes.
- Aujourd'hui, moi j'ai trente ans. " chuchota-t-elle comme le plus doux des secrets. " Et bah je respire encore !
Au revoir disent les peurs
Chantent chantent les souvenirs
Avec ceux qui t'ont fait grandir
Dansent dansent dans ton cœur
Amour, liberté et bonheur
Seule seule plus jamais
Au revoir disent les regrets
***
Galatéa fronça les sourcils et grommela un vague gémissement d'inconfort. Le parquet était dur contre sa joue. Elle se releva sur un coude, encore groggy de sommeil. La lampe à huile brûlait toujours... Et une fois de plus elle était tombée inconsciente pour avoir trop tirée pendant ses expériences. Sa robe de laine était maculée de rouge et de noir là ou les encres avec lesquelles elle avait racé ses cercles rituels avaient touchés le tissus. Elle était étendue devant le miroir qui lui servait habituellement à ses rituels. Les bougies étaient consumées et froides depuis longtemps.
Bon sang quel étrange rêve elle avait fait...
Elle se passa une main sur le front et soupira de nouveau en remarquant qu'elle avait de l'encre plein les doigts et s'en était sûrement couvert le visage. Super... Elle se rassit doucement et son regard se posa sans vraiment y penser sur son reflet. Ses cheveux blancs et ses yeux sombres la saluèrent, tout comme l'encre qui lui maculait effectivement la tronche. Mais...
Elle s'approcha, d'abord surprise. Puis quelques éclats de rire lui échappèrent. Dans le miroir, le visage qu'elle scrutait était moins lisse. Un peu de peau pendouillait sous son menton. Des rides d'expressions agrémentaient son front. Elle avait l'air d'avoir pris vingt ans en une nuit... Et pourtant, curieusement, après ce rêve étrange, ça ne l'inquiéta pas.
- Joyeux anniversaire. " murmura-t-elle. " A ces trente premières années et aux trente prochaines.
"Pourquoi tu veux que je joue le photographe à cette soirée?" Pekelo me regarde, ahuri. "Mec, je sais que tu bosses fort à l'université mais faut sortir de ta grotte des fois. C'est mon oncle qui m'a mis sur ce tuyaux, pour bosser. On est à l'une des soirées les plus chères et les plus huppées du monde, moi pour servir des boissons, toi pour photographier la soirée. Ils ont ramassé les hommes les plus mignons du coin, avec un petit billet pas dégueulasse. Si tu as pas besoin de cette thune moi oui!" C'est vrai que mon camarade était fauché comme les blés, à tel point qu'il devait crécher chez les copains à tour de rôle pour ne pas payer un loyer. De là à accepter un travail au milieu de mes études... "C'est qu'une nuit, Eos. Et puis tu pourras manger et boire, c'est ce que mon oncle à dit!" Je fais un signe de main au jeune homme pour le couper. "C'est bon, je viendrais. J'espère qu'on s'attend pas à des photos pros, faut que j'emprunte l'appareil de Kala."
Je m'arrête devant le bâtiment immense et mon cou s'allonge, s'allonge pour voir la fin du gratte ciel. Une soirée de riches d'accord, mais à ce point? Je regarde le badge que m'a passé Peke et fronce le nez. Espérons que ce soit un plan fumeux, et que ce soit vraiment un anniversaire... Je m'approche des marches ou deux robots massifs me regardent et sans un mot scanne la carte de métal avant d'ouvrir automatiquement une porte un peu trop lourde pour n'être que du bois. Je passe entre les deux, vraiment pas rassuré, mais l'intérieur mais laisse finalement pantois. Un tapis rouge, des luminaires géants perlant d'un plafond haut, des escaliers comme dans les films et des costards neufs. ça sent le cigare, le cuir et l'alcool, et pas celui frelaté qu'on voit dans les quartiers. Je serre entre mes doigts l'appareil et un homme dans un trois pièces gris anthracite vient à ma rencontre, un fort accent américain coincé dans la gorge. "Toi! Oui toi, viens. C'est par là pour toi, Madame est déjà arrivée. Tu prends les bonnes personnes en photos, pas les serveurs, pas le repas. Il y a des yeux partout ici, alors tu parcours la pièce, mais tu touches à rien. Comprendo?" J'hoche la tête, bien que les directives crachées ne soient pas agréables à recevoir. Quelques photos, un verre et je rentrerais chez moi pour réviser.
Je suis donc le ricain armé de l'appareil photo de mon amie devant une porte double qu'il ouvre d'un côté pour me laisser passer. Une foule divisée en petits groupes se trouve à l'intérieur, il fait chaud, les verres teintent et un groupe chante au fond de la salle. Les habits sont incroyables, et je comprend combien la coupe à son importance devant les vestes cintrées, les robes ajustées tout juste aux courbes, et je resterais bien là à regarder le spectacle si un vigile ne dardait pas un regard noir sur moi. Je dois regarder, mais qu'à travers la lentille... Je me poste dans un coin et prend soin d'esquiver mes camarades travailleurs pour prendre un groupe riant discrètement, une main gantée devant la bouche violette d'une femme d'âge mur, la crinière tenue par un serre tête à pierres précieuses, de ceux que tu ne regardes même pas dans une vitrine car unique, car coutant le prix de toute une vie de misère. Les perles au cou de sa comparse descendent sur son col s'arrêtant pile aux abords de la rondeur de la gorge, et en arrière sur sa chute de rein, quelque chose que je n'ai jamais vu. L'homme à moustache s'approche plus de la femme à perle, enlace sa hanche en finissant un verre de cinquante-fois-ton-SMIC, la cravate tenue par une agrafe avec un énorme rubis en son centre. Bon sang, Pekelo n'avait pas menti: On était vraiment dans la soirée des élites du monde.
Je me déplace ensuite le long du mur où des tableaux de familles illustres et inconnus rappellent à tous que la richesse est héréditaire et non pas méritocratique, et prend un couple de danseurs âgés d'une soixantaine d'années, en évitant toutefois de prendre la femme qui boit trois verre d'affilée en arrachant des yeux la tête de la femme qui virevolte, sans toutefois en dire un mot. Encore une histoire trop compliquée que je ne prend pas, préférant faire un cliché d'un gamin au costume parfaitement à sa taille, posant devant un portrait d'un homme à la carrure impressionnante dans un cadre d'or. Et c'est quand une énorme pièce montée arrive sur un chariot tiré par deux des miens que je LA remarque.
Sa silhouette élégante est enveloppée délicatement dans une robe tubuleuse avec un col dont les boutons en onyx se retrouve dans sa jolie nuque. Des cheveux d'une blancheur éclatante, des cils noirs relevés finement, une bouille à croquer, bref: Une ravissante jeune femme qui salue ses pairs d'un sourire fier. Mon cœur s'arrête alors que cet idiot de chanteur babille They say, you know when you know dans un air nonchalant, alors que mon cerveau explose. Les lumières se baissent sauf sur sa silhouette, les visages s'effacent sauf le sien qui s'éclaire même d'un œil en coin, un sourire de défi ourlant ses lèvres pourpres. Et moi comme un con je lève mon appareil photo, je prend son image comme pour la prendre toute entière, obnubilé jusqu'à ce qu'elle tienne un couteau d'une longueur bien extraordinaire pour couper simplement du gâteau.
Elle en coupe une part avant de l'éplucher avec adresse, dévoilant chaque couche comme une sorte de jeu culinaire que je ne comprend pas, puis plante la lame dans la table sans violence, comme du beurre avant d’attraper le premier verre passant sur un plateau doré. Levant son verre, un sourire étrange aux lèvres, sa voix qui me colle un frisson de derrière les oreilles aux genoux s'exclame sans besoin de micro tant le foule est à l'écoute: "Que tous le monde prenne un verre plein." Les invités rejoignent les serveurs qui distribuent patiemment chaque verre quand la voix devenue plus froide et directive ajoute derechef. "Tous le monde. Pas que les invités, tous. le.monde." Un instant l'incompréhension se lit dans les yeux de tous un chacun, puis les serveurs, vigiles se servent et hésitant mais poussé par l'ordre impérieux, je prend un verre carré, une boisson de la couleur des yeux carmins de la Demoiselle à l'intérieur. Nouveau sourire de l'indicatrice qui, un verre de whisky à la main, dit encore: "A mon anniversaire, et aux cons qui le fête!" Les invités, mi-figue mi-raisons, finissent par un rire jaune, coupé immédiatement par: "Et maintenant... Cul sec."
Je regarde les autres qui se regardent aussi, puis lèvent les verres, et les gorgées se font dans l'assemblée, en vague jusqu'à moi qui, sans réfléchir en voyant mon voisin boire le sien avale le mien. Et qu'importe ce qu'il contient, ça brûle la gorge... Les derniers finissent le leur et la musique reprend tandis qu'un employé commence à couper le gâteau pour le distribuer. Je laisse mon verre sur un coin d'étagère près d'une tête d'animal trop disparu depuis longtemps pour que je sache ce que c'est, et au moment où je veux reprendre mon travail, mes doigts ne répondent plus. Pire, la sensation désagréable que la glace me fige du creux de l'estomac, s'insinuant dans mon corps comme un poison et lorsque je tente de prévenir mon voisin, il est trop tard: ma langue se raidit, ma jambe fléchie tombe aussitôt avec le reste de mon corps et je m'étale sur le plancher centenaire.
"Nous avons un gagnant!" Incapable de voir plus que des pieds, je vois une paire de talons hauts dont la bottine se ferme sur un genoux parfaitement rond se diriger vers moi dans un silence peu rassuré, et une paire de bras me fait tenir sans que je ne puisse m'y opposer. Les yeux ouverts, je vois la Demoiselle de la fête à quelques centimètres de mon visage. Elle est toujours aussi radieuse, mais cette fois c'est un rire moqueur qui se gonfle contre sa bouche. "C'est que t'es pas trop moche pour un membre de la Pègre." Un air carnassier fait office de ponctuation et elle s'adresse ensuite à la foule. "Pour mon anniversaire, je m'offre un voyage avec accompagnateur. J’ai l'accompagnateur.. Manque que le voyage."
Elle se re dirige ensuite sur le gâteau géant et enfonce son gant de velours dans ses entrailles avant de ressortir son poing fermé sur deux tiges qui font s'agiter la foule. Sans un regard pour ses invités non-élus, et elle revient à moi et explique: "Tu as eu le droit au verre de paralysant. Tu verras, j'essayerais de ne pas trop t'abimer." Et sans que je comprenne ses paroles elle ouvre ma veste, ma chemise alors que je meurs de honte, et sans considération mord à pleine dent dans mon épaule.
Un cri sans son aucun me vient, et un main de fer se plaque sur la blessure nouvelle, une clef sur ma blessure alors que la bouche ensanglantée me tire son meilleur sourire. "Tu verras, tu pourras jamais m'oublier. Ce sera toi qui me tournera autour..." Elle se mord ensuite le poignet sans vergogne et appose son sang à son tour. "Bon voyage Eos... On se retrouve de l'autre côté?" Un rire innocent devient rapidement diabolique alors que le rêve devient opaque, puis disparaisse...
Mes yeux s'ouvre sur la griffure du lit avant que je comprenne que je suis à Ozéna, et que ce n'est pas le fait de l'exploratrice. J'avais fait un rêve... Un mauvais rêve? Je m'assieds dans mon lit alors que Psyché inspire à mes pieds, et il me faut bien cinq minutes pour que je me décide à bouger. Une main sur ma table de chevet j'y trouve une fiole inconnue, et fronçant les sourcils je l'empoigne avant de lire la petite étiquette...
Poison paralysant.
Réveille toi ! Réveille toi ! Lui hurle une voix haut perchée, stridente presque alors que Vex est encore vautrée dans ses oreillers. Grommelant à moitié dans son sommeil, l'alchimiste peine à reprendre prise avec le réel, quand soudain, elle se redresse, mue d'une urgence qu'elle ne sait s'expliquer de se rendre immédiatement au laboratoire. Dans sa chambre ? Rien ni personne qui n'aurait pu expliquer qu'elle ait pu jurer avoir entendu cette petite voix la réveiller, comme ces radios réveils insupportables qui vous bipaient dans le visage jusqu'à ce que vous ayez envie de l'éclater au sol — comment se souvenait-elle de ça déjà ? —, mais sans plus attendre, Vex se leva, partant s'habiller après une petite toilette devant le miroir fumé trônant dans la salle d'eau du rez-de-chaussée.
Avait-elle oublié une commande ? Pourquoi était elle si pressée de se rendre au laboratoire ? Mais incapable de mettre les mots sur ce réveil agité, Vex se hâte, trottine presque jusqu'à arriver sur une scène qu'elle aurait certainement payé cher pour voir si on le l'en avait privée. Viktor, debout dans l'entrée de la guilde, cerné de ses collègues qui l'acclament joyeusement, chantant à tue tête un joyeux anniversaire des plus désaccordé que l'élémentaire voit lui faire vriller les tympans depuis sa position privilégiée. À deux doigts de jubiler, un sourire mutin vient même ourler les lèvres de la froide alchimiste, tandis qu'elle reste à distance, voyant le directeur se décomposer devant le flot d'attention incessant et même oppressant que Vex n'ose pas imaginer.
Mais voilà, cette petite représentation a un drôle de goût amer, comme si finalement, dans le malheur des autres, Vex n'arrivait pas vraiment à se complaire. Alors oui, cette petite gue-guerre avait été drôle, fut un temps. Mais finalement, pourquoi étaient-ils obligés de se détester ? Viktor était simplement un enfant de treize ans dans le corps d'un homme, Vex ne pouvait pas vraiment lui tenir rigueur de son immaturité.
Et son sourire se mua en autre chose, quelque chose de moins... jubilatoire. Filant alors à droite toute pour rejoindre son laboratoire, Vex manqua de ne pas remarquer la silhouette étrange, sombre, encapuchonnée qu'elle croisa à la porte de son fief, mais ouvrant comme d'habitude la lourde porte de bois d'un tour de clés, elle la referma derrière elle et entama sa journée. Journée qui ne vit d'ailleurs pas le fait que son journal personnel avait été subtilisé. Mélange sans queue ni-tête d'annotations personnelles, de débuts de recettes griffonnés et de ratures constantes et presque aléatoires, le journal contenait surtout les états d'âme d'une femme égarée. Et si l'alchimiste n'avait pas été concentrée sur tout autre chose, elle aurait certainement remarqué que le carnet avait été dérobé.
C'est en milieu d'après-midi, après de longues heures de travail acharné que Vex sortit enfin de sa tanière, filant droit vers le bureau du directeur des affaires animales et sa petite fiole à la main, marchant d'un pas décidé, elle leva une main pour toquer quand du coin de l'oeil elle aperçu de nouveau la silhouette encapuchonnée. Se tournant alors à peine, elle remarqua que l'ombre s'était évaporée, faisant certainement monter la chaleur de l'élémentaire qui ne pouvait s'empêcher d'être nerveuse. Quand Viktor répondit d'une voix lasse d'entrer, Vex poussa la porte, entrant simplement sur quelques mètres lorsqu'elle comprit que sa température l'incomoderait.
« Bonjour Viktor, je ne viens pas te déranger, j'ai juste trouvé cette petite recette. Un onguent rafraîchissant, à appliquer sur tes tempes quand il fait trop chaud pour te rafraîchir. Bonne journée et... Joyeux anniversaire ? » Avant de filer, sans plus attendre, refermant la porte derrière elle pour simplement.... tomber. Devant elle, le noir se fait et le monde disparaît, entraînant l'alchimiste dans une chute sans fin ou le vent fouette son visage, glacial. La pauvre alchimiste tourne et retourne, tombant toujours plus loin jusqu'à se redresser en sursaut, dans son lit, la fenêtre de sa chambre grande ouverte et les feuilles de son carnet s'envolant en tout vent, une page particulièrement précieuse partant à qui voudrait bien la rattraper. Et sûrement que depuis ce jour, Vex se demande régulièrement, pourquoi se faisaient-ils la guerre déjà ?
Mélusine enfila une longue robe aux reflets bleutés descendant jusqu’à ses chevilles puis une cape dont elle enroula le cordon autour de son cou. Ses pieds glissèrent dans ses bottines à talons en cuir de vachampignon teinté en noir et lorsqu’elle se redressa, elle replaça correctement son serre-tête derrière ses oreilles. La vampyre avait commencé sa journée atrocement tôt, si tant est que celle de la veille se soit un jour terminée. Le monde prenait une toute autre tournure dès lors qu’on retirait la nécessité de dormir, elle perdait la notion des jours, des heures, seul son fier calendrier lui permettait de tenir ses engagements et de se rappeler la date du jour. Pourtant, elle savait qu’aujourd’hui était une journée terriblement importante, sans même avoir besoin de le consulter. Son horloge interne tournait depuis plusieurs années autour d’une seule date, gravée au fer rouge dans son cerveau, là où personne n’osait aller de peur de s’y perdre. Gracieuse, la vampyre s’approcha de la porte de sa chambre et l’ouvrit d’un grand mouvement de bras avant de dévaler les escaliers, sautillant sur ses jambes dans une euphorie à en faire pâlir le plus heureux des hommes. Ses pas la guidèrent jusqu’à son perron devant lequel elle épousseta rapidement ses vêtements avant de s’éclipser en direction de son QG, son véritable foyer qui ne l’attendait peut-être pas aussi guillerette pour un simple jour d’octobre.
Légère sur ses pieds, aussi discrète qu’un chat, Mélusine se faufila jusqu’aux dortoirs où se reposaient encore quelques spectres et nécromanciens. Silencieusement, elle passa devant chacune des chambres, déposant un petit paquet qu’elle tirait de sa sacoche devant chaque porte. Sa route l’emmena directement au bureau du dirigeant dans lequel elle refusa d’entrer, autant pour garder le secret que par respect pour celui qui l’avait tiré des griffes de la dépression, et sans un mot, elle sortit un autre paquet qu’elle déposa avant de disparaître aussi vite qu’elle était arrivée. Son chemin croisa celui d’une autre vampyre à la chevelure immaculée, qu’elle arrêta dans sa lancée en la saisissant délicatement au poignet. « Amelia, je te cherchais. ». Un sourire étira ses traits, rayonnant. Lentement, elle déplia les doigts de sa congénère et lui remit un paquet similaire aux autres, blanc, enrobé d’un ruban rouge aux extrémités légèrement trop longues. « Tu as l’air en forme. Cela fait plaisir à voir. Nous devrions prendre un peu de temps ensemble… Bientôt. ». Elle toussa doucement dans son coude. « Pas aujourd’hui malheureusement, mais je ne t'oublie pas. Prends soin de toi, ma chère. ».
Aujourd’hui est une belle journée.
Jusqu’au soir, Mélusine s’affaira à offrir à ceux qu’elle aimait des présents qui leur correspondaient. Une dague flambant neuve pour Amelia, un tissu de qualité remarquable pour Frédéric, une livraison de baies de paleberge pour Fayad qui s’en était régalé à leur première rencontre, un peu moins d’égo pour Dav… Tout ce qui pouvait faire jaillir en eux un ouragan de bonheur suffisait à la mettre en émoi. Elle qui aimait recevoir, se tuait à la tâche pour donner. Car le destin avait été beau, généreux. Le karma précis, incisif, délicieux. Elle voulait remercier l’univers, car il lui avait déjà tant offert. Lorsqu’elle arriva chez elle, les jambes tremblantes d’avoir couru d’un bout à l’autre d’Azamyr sans les services d’un précieux faucheur pour lui éviter une marche éreintante, elle se laissa glisser contre sa porte et retira son serre-tête. Le silence se fit, lourd, pesant. Avant qu’un rire ne le brise. De plus en plus fort, Mélusine était hilare, pliée en deux, des larmes perlant au bord de ses yeux. « Aah... ». Elle retira son serre-tête avant de le placer devant elle, ses doigts caressant les cornes qui en jaillissaient, un sourire malsain plaqué sur son visage crispé. « C’est l’anniversaire de ta mort, Peter. L’enfer n’est pas assez chaud pour l’enfoiré que tu étais. ». Elle rit à nouveau, perdue dans sa désillusion. « Si seulement tu avais une tombe, si seulement qui que ce soit savait où tu es, qui tu es. ». Ses yeux passèrent au rouge écarlate. « Mais personne ne sait, car personne ne veut savoir. Va crever, Peter, un milliard de fois. ». De sa sacoche, elle sortit une flasque dont l’odeur ne laissait présager aucun autre contenu que du vin mêlé à d’autres alcools, qu’elle engloutit d’un seul coup. Bientôt, elle se laissa tomber au sol, saoul, son rire frappant en écho sur les murs de son hall d’entrée, manquant de briser le miroir qui gisait à ses côtés. Elle s’était donné le plus beau des cadeaux : Peter ne reviendrait jamais.
Aujourd’hui était une belle journée.
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