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Les plus beaux horizons
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
2 Septembre 118
Enfin, la chaleur étouffante de l'été commençait à retomber un peu. Les nuits arrivaient de nouveau à descendre en-dessous de vingt degré et Galatéa arrivait à sortir au soleil sans avoir l'impression de porter une chape de plomb. La saison avait été magnifique, comme toutes les autres, mais elle était aussi heureuse de la voir arrivée que de la voir repartir.
Le nombre de client avait été particulièrement bas ce jour là... Et par fatigue, elle avait bien plus travailler sur des gravures et des préparatifs que sur les enchantements eux-mêmes. Il fallait savoir économiser ses forces et garder un équilibre dans son travail pour ne pas sombrer. Toute magie avait un prix. Elle le répétait assez, à ses clients comme à elle-même. Une vérité absolue qu'elle avait du apprendre au pied du mur, comme la plupart des sorcières... Mais elle n'était pas la plupart des sorcières et ses consœurs étaient peu nombreuses à avoir pousser aussi loin leur art. Le pouvoir était une chose puissante qui en effrayait plus d'une. La vérité c'était que ces gens étaient bien peu investis et n'avaient surement jamais sentit la déferlante de la véritable magie dans leurs veines. Quand c'était le cas, il arrivait qu'on ait besoin de temps pour assimiler et se remettre de cette rencontre.
D'ailleurs c'est ce qu'elle plaiderait auprès de Nyméria si elle s'apercevait que son employée avait déserté beaucoup plus tôt que prévu. L'après-midi était à peine entamée quand la silhouette blanche et court-vêtue de la sorcière s'était glissée par la porte de service pour prendre sa liberté. Après un passage à l'atelier Duchêne pour récupérer deux bombonnes d'alcool dont elle avait besoin pour l'entretien de ses outils et certaines préparations rituelles, Galatéa était parti fureté du côté du port. Tout était différent ici, mais pas le ressac de la mer.
Allongée au bout d'un ponton a l'ombre de la voile déployée d'une barque de pèche, la jeune femme avait discuté avec une sirène de passage en partageant quelques fruits et poissons crus. Puis elle s'en était retournée à son travail et la sorcière avait fermé les yeux pour écouter les vagues. Le goût du sel sur les lèvres, elle retrouvait ce petit quelque chose de paisible que renfermait son passé horrifique. Un coup d’œil à la bouteille d'alcool... Bof, elle pouvait bien s'en jeter une lampée. Le bruit de l'eau n'était pas le même que celui de la sauvagerie qui éclatait contre les rochers déchirés du côté des falaises, mais il était celui du port où elle allait parfois glaner quelques oboles... Mais le vent ne l'atteignait pas. Les remparts qui s'avançaient sur l'immensité liquide pour protéger le port des monstres marins coupaient le vent, le dénaturaient et le chargeait d'une odeur de roche et de fumée.
Le soleil passa d'ailleurs derrière les dits remparts et Galatéa gronda. D'où elle était, impossible de profiter des couleurs du soleil sur la mer. Qu'à cela ne tienne, elle monta sur les promenades des remparts. Celles qui étaient accessibles au publique pour profiter de la vue. Il n'y avait que rarement du monde, la majeure parti des citadins ayant bien mieux à faire en fin de journée que de monter d'interminables escaliers pour passer un moment à marcher au sommet du monde. Ses sandales en cuir gris pâle ne faisaient pas de bruit en se posant sur la pierre épaisse. Le ciel s'offrait enfin mais les tours la surplombaient toujours. Ennuyeux... Le vent agitait enfin ses cheveux blancs et elle en voulait plus ! D'une main experte, elle tressa sa longue crinière en une tresse austère pour ne pas les avoirs dans la figure, elle s'approcha de la tour qui surplombait le quartier des Maintes Eaux.
Un panneau bien au milieu de la promenade notait qu'à cause d'une attaque de créature aérienne, la tour était interdite aux civiles pour le moment. Les dégâts n'avaient visiblement pas été encore évalués et les Veilleurs restaient ce qu'ils étaient : une poignée d'hommes et de femmes pour surveiller un périmètre qui était bien trop grand pour le moment.
Voilà qui était gênant...
Le vent du large mêlé à celui des hauteurs s'infiltrait sous la robe d'été de la sorcière. D'un jaune vif, elle ne lui arrivait qu'à mi-cuisse et son col trop lâche laissait voir trop facilement les lanières d'une brassière blanche. Mais mi-saison oblige, elle avait passé un gilet blanc par dessus. La laine de ces espèces de moutons bizarres faisait des merveilles. Ou alors c’était cet essai d’alcool d’algue qu’Anastasia considérait comme impropre à la vente à cause de son goût d’huître à la vinasse assez déplorable. Galatéa en avait pris bien plus qu’une lampé au final.
L’avantage avec les panneaux, c’est qu’ils ne rallaient pas bien fort quand on ne les écoutait pas et qu’ils ne pouvaient pas le répéter à grand monde. La sorcière passa donc le seuil de la légalité pour se glisser dans l’ombre de la grande tour de guet, toutes les oreilles dressées. Peut-être qu’il y avait encore quelqu’un à l’intérieur pour s’occuper de remettre l’endroit en état ou qu’un bloc de pierre instable quelque part attendait de lui tomber sur le coin du nez. Un frisson sulfureux lui remonta le long du dos à cette idée. Le frisson du danger.
Un sourire de chat étira ses lèvres noir obsidienne. Quelques pas de plus, le plus discrettement du monde – au moins aussi discrètement que lui permettait la couleur vive de sa robe et l’absence de mouvement tout autour – elle arriva jusqu’au mur de la tour et y posa la main. Alors… Dehors ou dedans ? A l’oreille, il n’y avait pas de mouvement à l’intérieur… Mais ce serait plus prudent d’entré directement au-dessus des éventuels gardes si jamais elle n’arrivait pas à monter jusqu’en haut par la façade ?
Plus sûr ? Vraiment ? Non. Absolument pas. Mais ça lui faisait davantage envie.
Elle se glissa donc jusqu’à la fenêtre, vérifia qu’il n’y avait personne à l’intérieur, attacha sa bouteille à la ceinture de corde qui soulignait sa taille et monta sur le rebord. Bon. Maintenant, il fallait trouver des prises, et pour quelqu’un qui n’avait jamais grimper qu’à quelques arbres au cours de sa vie ce n’était pas ce qu’il y avait de plus facile. Elle n’était pas taillée comme une gymnaste.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Milo Bazalgette reboutonnait sa chemise avec toute la méthode d’un homme ayant pris l’habitude de s’égarer dans l’arrière-boutique de la fleuriste, les après-midi de septembre. Ils s’étaient souri, au départ, avant que cela ne se précipite. Il n’en faisait pas une affaire d’état, - et pourquoi donc, s’il vous plaît ? à mille lieues de leur terre natale, dans un monde qu’aucun homme n’avait jamais foulé, il n’allait pas jouer les dominicains effarouchés pour une affaire de passe après quatorze heures. Elle s’appelait Giselle, - ou Madeleine, peut-être. Son parfum analogue à celui du citron et de la verveine le réjouissait. C’était une ancienne architecte, qui avait abandonné ce qu’elle était autrefois pour vendre un peu de ces fleurs surnaturelles qui poussaient à Ozéna. Il s’était demandé, - comme à chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un - de quelle façon elle avait vécu le zap brutal entre les deux mondes. S’en était-elle sortie dignement ? ou avait-elle sombré en dépression, tout comme lui ? Ce qui aurait pu justifier la présence des bouteilles de whisky déjà entamées dans sa cave personnelle… Il s’était servi de l’une d’elles pour remplir sa propre gourde. “Prends soin de toi.” Avant de disparaître, dans un smog noir sans odeur, et ne resta pas de lui que les vestiges de son parfum.
L’instant d’après, il atterrit brusquement sur un ponton. Il s’accroupit pour observer son visage dans le reflet de l’eau. Ses cheveux fuyaient en tout sens; des lèvres rouges et aimantes lui bouffaient la gorge, et son col était mal assorti. Si le Commandant le voyait dans cet état-là, il était bon pour nettoyer la caserne les sept jours suivants. Il se lécha les doigts, tacha de nettoyer les traces de maquillage. Pour l’odeur, il n’y pouvait rien: Milo puait la femme, et à moins de prendre un bain de façon impromptue, il cocotterait les heures à venir. Pour le reste, il fit mine de rajuster sa coiffure et s’imagina quel genre de réaction l’on aurait en le débusquant dans les rues. Ressemblait-il à un honnête veilleur, désintéressé, peu porté sur la boisson et les femmes ? ou à un saleté d’hédoniste débauché jusqu’à l’os, résolu à conclure à grands coups de bassin avec ces demoiselles ? “Sans doute un peu des deux…”, se prit-il à penser, à voix haute.
Puis il la vit, elle, à l’autre bout de la jetée. Une grande créature arrogante et joliment découplée, pleine de morgue, d’altesse et dont les souvenirs de la fleuriste parurent s’effacer en perspective. Il l’avait déjà observée, à certaines soirées un peu chics, un peu osées; elle devait faire partie du gratin, de ceux qui portaient les robes mieux que les autres et dont l’élocution l’avait propulsée au sommet de cette courte chaîne alimentaire. A moins qu’il ne s’agit d’une autre ? de loin, il ne la voyait pas assez. Mais il y avait cette espèce de hauteur un peu prédatrice en elle, comme on en trouvait chez les grands félins; cette aisance à marcher dans les rues chamarrées de la ville comme si Ozéna lui appartenait. Ce monde avait vu plusieurs personnes changer, au fil des années. Vous ne pouviez rester tout à fait “humain” quand vous prédisposiez de tels pouvoirs, sans parler de la faune, de la flore qui mutaient tout autour de vous.
Sans qu’il ne sache bien pourquoi, il la suivit du regard alors qu’elle gagna, subrepticement, une des tours de guet. Il n’intervint pas, ni quand elle s’imagina discrète, et moins encore lorsqu’elle se hissa vaille que vaille jusqu’à une des fenêtres. Lui-même s’était pris d’envie d’explorer certaines des autres maisons de la ville. Sa curiosité le démangeait; mais le démangeait plus encore la liberté de ne pas avoir à laver le plancher de la caserne. Celle-ci devait se croire tout permis, au vu de ses airs; lui avait-on seulement déjà dit “Non” ? et il sourit, comme il en eut l’habitude, dénudant la pointe de ses canines.
L’instant d’après, il apparut en contrebas de la tour, dans un bruit clair, diffus. La fumée l’enveloppait encore quand il entonna: “Tu devrais monter les genoux, mon coeur. Et faire attention à où tu mets les mains. Mais je crois que tu as les hanches un peu larges pour ça…” Tout son corps, en fait, était d’un étourdissant excès. Il sourit, encore, et vint à monter la tour avec elle, sans effort. Il s’appesantit même sur le bord de la fenêtre, les jambes dans le vide, pour poursuivre. “Tu n’es pas venue nous dérober quelque chose, j’espère… ? Dans le cas contraire, le règlement est clair: on te coupera les deux mains avant de les jeter aux piranhas, - ou quoique puisse être le nom des merdes à dents longues qui hantent les mers.” C’était archifaux, tout autant qu’il était faux qu’une telle femme aie pu gravir cette tour dans le but de leur subtiliser quoi que ce soit. Parce qu’on était en plein jour, qu’elle n’était pas discrète et qu’elle en avait conscience. “Tu as l’habitude d’obtenir ce que tu désires, j’ai juste ?” Puis, il finit par lui tendre la main. Libre à elle de la saisir. Auquel cas, elle pourrait enfin s’asseoir sur ce maudit rebord.
L’instant d’après, il lorgna sans vergogne. C’était elle l’intruse, pas vrai ? il avait tout le luxe de l’observer sans qu’on ne l’y reprenne. Une bouche noire et des yeux ensorcelants. Le jeune homme pressa sa langue au creux de sa joue, et tira sa gourde de son ceinturon, s’enfilant quelques lampées. Lui-même et sa gueule d’ange devaient prêter à confusion. Sans sa carrure souple de trapéziste et son mètre quatre-vingt, Milo recevrait du “Dame” à chaque coin de rue. Des traits de poupon, fiévreux, insolents, et deux maudites canines qui fuyaient ses lèvres quand il souriait. Et il sourit, justement, tel un fameux con. “Qu’est-ce qui t’a pris, exactement ? L’envie de t’oublier au sommet des remparts ? Je te comprends, c’est plutôt tranquille, ici.” Plus les jours passaient, moins Milo regrettait d’avoir tenu cette clé en or entre ses mains. Il releva son col, tâchant de dissimuler les empreintes de bouche qui s’y étaient farouchement ventousées et haussa les épaules. “A condition de ne pas tomber, bien sûr.” Une chute en contrebas, et elle serait subitement moins fabuleuse.
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
Debout sur le rebord de la fenêtre du rez-de-rempart, s'il y avait eu des gardes à l'intérieur, ils auraient eu devant les yeux un bien curieux spectacle. Deux longues jambes court vêtues à contre jour. La brise du soir, soufflant de l'ouest, balayait doucement la joue de la sorcière et faisait onduler en vague sa courte robe. Elle aurait pu décidé sur un coup de tête de s'asseoir la, ou de simplement suivre la façade pour s'asseoir sur les créneaux, les pieds dans le vide, et admirer l'or qui s'emparait lentement du ciel blafard. Mais elle était têtue, et ça ne datait pas de cette petite mort qu'était le transfert de la Terre à Azamyr.
Le nez levé vers le rebord de l'étage supérieur, elle cherchait des yeux un chemin praticable. Elle avait la fin mais le début... Bon, il y avait bien cette anfractuosité... un coup de griffe ou la tentative des architecte de donner un peu de gueule à leur réalisation ? Elle y appuya le pied, le bout de ses sandales rendant plus difficile de trouver un appui. Et comme elle n'y connaissait pas grand chose, elle gardait le corps assez loin de la paroi sans se rendre compte qu'en plus d'être beaucoup plus fatigant, elle aurait aussi bien pu se retrouver attirée par le vide sous l'effet de son propre poids. Mais elle était perchée sur sa premières prise ! ... à bien quinze centimètre au-dessus du rebord. Il fallait bien commencer quelque part.
Elle mit un long moment à retrouver les prises qu'elle avait deviné avant de se lancer mais commença à monter petit à petit. Le haut de la fenêtre était au niveau de ses hanche, une main appuyée comme elle pouvait dessus tandis que l'autre cherchait une nouvelle prise quand une voix agréablement chaude et enrouée la surpris en contre bas. Son cœur fit une embardée et la féline créature passa dangereusement près d'avoir une réaction de chat surpris qui aurait pu lui être fatale. Un frisson lui remonta le long du dos, mais elle parvint à attraper par réflexe une autre prise dans les inégalités des pierres. Quelques graviers s'échappèrent du mortier et dégringolèrent au pied de la tour. Un pied dans le vide, il lui fallut encore une seconde avant de regarde par dessus son épaule.
En contre bas, même si une vertèbre ou deux avaient craquées, elle ne voyait qu'une forme noire et mouvante. " Mes cuisses. " lança-t-elle de nulle part comme la plus simple des évidences avant de se concentrer à nouveau sur le mur. " Mes hanches ne sont pas si larges. Ce sont mes cuisses qui donnent cette impression. " Quitte à se faire interrompre, au moins elle aurait le dernier mot avant de se faire arrêter. Les très nombreuses heures passées devant un reflet depuis qu'elle avait découvert ce corps lui avaient permis de se forger cette opinion. Elle faisait cependant parti des personnes qui considéraient comme bien plus facile de se faire une opinion juste des autres que d'elle-même. Alors elle avait beau avoir remarqué qu'elle avait plus d'épaules que de fesses, sa propre morphologie gardait sans doute quelques mystères en réserve.
Même si elle ne releva pas les conseils qu'on venait de lui prodiguer, elle chercha un appui plus haut que prévu pour sa jambe libre, pliant d'avantage le genou ce qui l'obligea également à ouvrir la hanche pour se rapprocher du mur. Aucun remerciement ne lui vint au lèvre, mais la forme brumeuse passa près d'elle. Un vrai courant d'air, elle glissa le long de la pierre pour se jucher en quelques secondes sur le rebord au-dessus de l'amatrice. Galatéa se serait bien drapée dans sa superbe mais elle avait les mains un peu occupées pour le moment et poussa sur la jambe pour gagner quelques dizaines de centimètres supplémentaires en guise de baume pour son orgueil. Son nez était presque au niveau du rebord. Environ un quart du tibia qui pendait tranquillement dans le vite à sa droite.
- Tssss... Ne me fait pas rire, je risque de tomber. " Le gloussement avait été plus fort qu'elle malgré l'effort. Trancher les mains des voleurs et les balancer à la baie. Et puis quoi encore ? ... En attendant, escalader de la pierre ça faisait sacrément mal aux mains ! Elle jeta un regard vers le haut. Le corps longiligne qui la surplombait était nimbé d'une légère brume noire qui empêchait la grimpeuse de le distinguer dans son angle de vue actuel.
Enfin, Galatéa compris pourquoi ses mouvements lui avait paru si fluides et vifs du coin de l’œil. C'était une faucheuse. Les paupières plissés pour ne pas être éblouie par l'éclat du soleil flamboyant sur la pierre et la peau pâle d'un visage fin, elle ne voyait distinctement que deux yeux scintillant de malice. Comme si son timbre seul ne suffisait pas. Le spectacle lui ôta toute envie de lui demander de l'aide. Ses ongles s'accrochèrent plus fermement à la roche inégale.
- Tu crois vraiment que c'est le moment ? Je suis pas dans un confessionnal que je sache. " avait-elle feulé quand la professionnelle lui avait encore posé une autre question. Non mais vraiment ! Si elle voulait savoir ce qui se passait, qu'elle l'arrête ou qu'elle lui donne un endroit stable mais ce n'était pas accroché sur une paroi verticale que la sorcière s'ouvrirait comme une fleur !
Une main.
Une main ?
Galatéa la fixa, suspicieuse. Puis remonta ses yeux de pure noirceur sur le visage délicat et referma ses doigts sur le poignet qu'on lui tendait une serre solide. Quelques instants plus tard, elle posait les fesses sur le rebord avec un soupire de soulagement. Sa respiration était encore vive et dès qu'elle fut stable, elle entrepris de chasser la poussière de son gilet de laine que la pierre avait tiré et égratigné.
- Sacrée poigne, belle ombre. " la grimpeuse l'avait aidé à monter sans réel effort. Elle avait vraiment de grandes mains d'homme, mais on ne remerciait pas une main secourable en lui balançant la première critique venue. En l’occurrence, qu'elle ait de la poigne avait été sacrément positif pour la jeune sorcière. " C'est moins facile que ce que j'aurais imaginé. Rien à voir avec des arbres. " D'ailleurs, Galatéa commençait à ouvrir et fermer les doigts pour en chasser la douleur et souffla longuement pour reprendre enfin une respiration plus mesurée. De multiples mèches avaient échappées à la longe tresse qui lui battait le dos et caressaient son visage en suivant les fantasy du vent. " Bof... Tu es bien placé pour savoir que la mort est un concept surfait... Après j'avoue, je préfèrerai éviter pour le moment. J'ai pas encore fait le tour de ce qu'il y a à voir dans ce monde avant de passer au prochain. " Plaisanterie ? Simple trait d'esprit ? Son visage se chiffonna quand elle étira entièrement la main qui s'était le plus accroché pendant sa courte montée sans donner plus d'indication. Puis elle tira sur sa robe, remontée à diable, pour couvrir au moins la moitié supérieure de ses cuisses. " Non. C'était un pur coup de tête. " Elle l'assumait sans rougir. " L'envie de ne plus avoir cette tour pour me gâcher le paysage. Et puis je ne suis jamais monté en haut. Le point de vue doit être inimitable. " Elle lui lança un sourire étonnamment simple pour un visage pareil. Sincère. Sans apprêt. Sans calcul.
Elle secoua la tête et se redressa enfin, trouvant sa place les jambes dans le vide. Son regard se posa sur le panorama. Le bout de rempart et toute cette étendue de mer qui réfléchissait en vagues impressionnistes les couleurs subtile d'un soleil de feu, de sang et d'or. " Enfin... d'ici c'est déjà quelque chose. " souffla-t-elle, touchée par le spectacle. Une seconde. Deux secondes. Elle se secoua. Elle n'était pas seule.
- J'imagine que des présentations seraient un minimum. Je n'espérais pas rencontré une femme qui... " Galatéa s'était enfin réellement tournée vers elle... lui. Elle cilla. Le visage insolant trônait sur un corps élancé qui, maintenant qu'elle le voyait de prêt, en pleine lumière, sans fumée, ni brume, ni angle désavantageux, n'avait clairement rien de féminin. " ... Un homme. " Corrigea-t-elle. Elle n'avait pas pu cacher sa surprise mais elle l'avait en plus détailler de façon visible quoi que sans s'attarder. Ah bah super... Donc ce qu'elle avait prit pour des conseils c'était un petit rigolo qui lui matait le cul pendant qu'elle montait ? Elle aurait du faire plus attention à ce qu'elle disait. Un sourire remonta un seul coin de ses lèvres, préférant s'amuser de sa méprise qu'en faire toute une histoire. " ça explique la poigne. "
Foutue pour foutue, elle ne se gêna pas pour regarder plus attentivement. Ses traits fins étaient vraiment remarquable. Une leçon pour les sculpteurs de son pays. Svelte, elle pouvait parier sans trop se mouiller sur une musculature sèche tracée pour l'action et non la démonstration. Un physique de grimpeur, donc. Quelle surprise... Son sourire de chat s'étira un peu plus.
- Laisse moi deviner... nous voler quelque chose. Tu ne fais pas parti des Maintes Eaux. Donc j'ai affaire à un veilleur... Et tu es une faucheuse. Tu aurais pu t'asseoir ici d'une simple penser. Donc tu voulais te faire mousser en montant jusqu'ici à la force des poignets et je ne risque pas de me faire passer les menottes. " Et les présentations alors ? S'il les voulait, il pouvait toujours les provoquer. Mais tout de même... Il lui disait quelque chose. Ne l'avait-elle pas déjà croisé chez Anastasia ?
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Il aurait dû se vexer, probablement, comme tant d’hommes l’auraient fait au quiproquo de la demoiselle. Milo était un homme, un vrai de vrai! tout ce que l’on faisait de plus dur et de plus rustique. Il compissait le dos droit, et pas accroupi comme une vulgaire pouliche; il buvait et tenait la boisson avec brio, s’il vous plaît; savait se battre comme personne, et même que ses bras trahissaient une force insoupçonnable, - n’avait-il pas soulevé l’intruse comme rien ? Certes, il n’avait pas la barbe foisonnante de ces messieurs, ni leur tour d’épaules ubuesque; que dire alors de cette voix ambiguë se disputant entre celle d’un jeune homme et d’une brat arrogante ?
Il aurait dû se vexer, comme il l’avait fait tant de fois auparavant, au lieu de quoi, ses yeux sourirent. Des traits de poupon sur du cartilage de femme, il fallait certes le voir de près pour situer où le garçon se tenait dans la chaîne du mégenrage. “Enchanté, moi aussi”, railla-t-il avec joie. “J’aimerais te rendre la pareille et te donner du “Il”, mais ce serait un foutre étalage de mauvaise foi.” D’elle, on ne pouvait pas se leurrer: des jambes jusqu’au chef, de ses yeux sombres, crépusculaires jusqu’au fin bout de sa manucure, l’intruse était d’une féminité épanouie. Cette puissance, il ne l’avait vue que chez les femmes de la haute, du temps où il marchait sur le macadam de Williamsburg. Celles dont les claquements de talons résonnaient comme autant d’imprécations aux espoirs fiévreux des hommes. L’amour, disait le poète, c’était l’éternité à portée des caniches. C’était vrai. Quand ces femmes marchaient dans les noirceurs grasses des villes machines de New York, elles offraient à Milo et aux autres mendigots un soupçon d’infini. Vous ne les auriez jamais eues, même si vous vous y eûtes essayé pendant cent ans.
Mais celle-ci était devant lui, la paume des mains abîmée, le sourire jouasse et le visage éclairé d’esprit. “Ta phrase est juste”. Il n’était pas parmi les Maintes Eaux, il bossait chez les Veilleurs et il pouvait tout à fait se rendre sur ce surplomb d’un battement cil. “A l’exception d’une partie.” Qu’il tut, comme le petit con bouffi d’arrogance qu’il était. “Sonner l’alerte, et à quoi bon ? Parce qu’une femme se prend à jouer les marsupiaux sur une de nos tours de guet ?” Il sourit. “Je connais trop les types avec qui je bosse. Ils seraient capables de te laisser repartir, simplement parce que tu as de plus jolies jambes que moi.” Il s’accroupit, leste comme un chat. C’est ce qu’il avait toujours été; un jeune matou, une ombre urbaine sans la moindre immortalité. Déjà, à New York; et maintenant ici, face à cette femme. On ne prêtait pas à Milo une seule poésie, parce qu’il était aussi lisible qu’une bible dominicaine. Vous le voyiez tel qu’il était; quand il vous souriait, la chaleur pulsait de ses yeux sombres, et vibrait de lui une sorte de vitalité contagieuse. “De toute façon, je te comprends. J’aurais fait la même chose, si une tour qui m’est inconnue se dressait devant moi. D’ailleurs, je l’ai fait. C’est pour ça que je peux m’y téléporter.” Il décrocha sa gourde, qu’il tendit à la demoiselle. De tous les breuvages qui ont régné dans son délicat palais, ce n’était certainement pas le plus méritant. Une sorte de whisky médiocre et épicé. “Il n’y a que toi et moi, tu sais ? on peut se le dire. La vie, ce n’est pas bien sérieux. Pas assez pour qu’on ait peur de grimper aux arbres. Mais ce monde est fascinant, je te le concède. Quoiqu’on ne l’apprécie sans doute pas pour les mêmes raisons, toi et moi.” Un sourire le prit, et il claqua la langue, ses yeux s’enfouissant dans le corsage échancré de Madame. On le lui pardonnait, pas vrai? parce qu’il avait les joues plus rondes que la plupart des autres hommes. Que l’on avait envie de les tirer, ces joues, pour qu’il nous concède une ravissante grimace.
“Ton visage me dit un truc.” Il affecta une réflexion, triturant sa propre lèvre du bout de ses doigts. Bien évidemment, il la connaissait, parce qu’il avait l’oeil pour ce genre de choses, et que l’on n’oubliait pas aussi facilement un minois comme celui-ci. “Je crois avoir déjà vu un type se courber devant toi pour te donner du “Dame”. Ca sonnait comme… Gaha… Gaja… Galatéa !” Claquant des doigts, il se releva, comme sur le départ. “Moi, c’est Milo. Tu peux m’appeler Mil’. Ca te dirait d’explorer le toit du monde ?” Et sans autre préavis, il tendit la main, et une fumée noire, opaque, jaillit du vide, circonvolutionnant comme un morveux d’orage. La noble pouvait bien rester plantée ici, sur son nid d’oiseau, en espérant avoir la vigueur d’escalader les mètres restants. Ou bien elle pouvait l’accompagner.
Auquel cas, elle aurait l’impression de chuter, avant que ses talons ne butent sur un sol dur. Au plus haut de la tour, les rayons de midi s’engouffrant au travers d’épais créneaux, il n’y avait rien que la mer et ses grandes étendues océanes. Quand vous voyiez la houle se prélasser sur le rivage, vous ne pensiez pas à Ozéna; mais rien qu’à la Terre comme vous vous en étiez toujours fait l’idée. Toutefois, ils étaient bien ailleurs. Une mer qui n’avait été naviguée par presque aucun homme, dont les affres de la pollution lui étaient inconnues. Plus loin encore, on pressentait des mondes étranges, fascinants, des montagnes crevant le ciel et des arbres aux racines plus épaisses que des villes. Plus loin, encore plus loin, des choses que l’imagination ne pouvait saisir. “Dis-moi, princesse… Des mondes comme ça, tu en as déjà vus ?” Il l’observa, un instant. “C’est le genre de panorama que vous offraient vos grands buildings ?” Car il apparaissait évident pour le garçon que la demoiselle était issue du caviar de l’ancien monde. C’était sa façon à lui de la mégenrer: qu’on lui donne du “Elle”, il vous donnait du “Dame” comme si vous n’aviez été qu’une morveuse arrogante choyée au sein d’un confortable foyer.
“J’aime bien savoir à qui je parle. Cela fait partie de mon rôle de Veilleur, après tout.” Il mangea la distance, et les odeurs déchues de la fleuriste parvinrent au nez de son interlocutrice; quelques marques d’amour, possessives, sur la gorge. Un fils de la loi, lui ? rien qu’un vaurien, un loup cravaté au sourire menaçant. “Car j’ai raison, pas vrai ? Tu faisais partie de celles qui nous toisaient du haut de leur piédestal, à l’époque…” Il n’y avait plus aucun doute, désormais: de là-haut, on voyait mieux.
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
- Je vais prendre ça comme un compliment. "
Inutile de rester bloquer davantage sur le quiproquo. Elle avait eu l’œil aussi perçant que celui d'une taupe et cet homme le prenait avec panache. C'était non seulement inattendu, mais également rafraichissant. Beaucoup d'hommes, bien peu sûrs de leur virilité, auraient été capable de l'insulter ou au moins de la ridiculiser pour une erreur de ce genre. Ils s'en seraient mordu les doigt plus tard, mais sur le moment ce n'était pas quelque chose d'agréable. En revanche, lui s'en était amusé.
Un homme avec de l'esprit, de la répartie et de l'auto-dérision n'était pas la créature la plus banale d'Azamyr. Au début, on s'étonnait des sirènes et des métamorphes, bien sûr, mais finalement ils restaient tous des humains. Très vite, on pouvait s'apercevoir que les personnes de valeurs étaient une pièce d'exception et que les hommes d'esprit formaient une espèce à part. Mirage ou réalité ? Piquée par l'attitude de Milo, la curiosité de la sorcière s'éveillait et s'étirait en panthère docile tirée d'une sieste jamais très profonde.
La première tentative fut concluente. " Bien sûr qu'elle est juste. " Elle avait le sens de l'observation, un appétit pour la déduction et un orgueil suffisant pour aimer savoir. Lire un minimum les gens faisait parti de son métier et elle était bien trop curieuse pour se contenter du stricte nécessaire. En voyant une femme marcher et regarder autour d'elle elle en savait déjà beaucoup sur son caractère comme sur son passé. A force de les fréquenter, elle avait dans l'oreille les changement de respiration et la palette d'émotions et de mensonges qui se glissaient dans leur voix. Les petits gestes et les histoires tragiques habituelles. Tout ce qui faisait de chacune d'elle un individu unique et pourtant tellement semblable au reste de la gent féminine. En revanche, si elle n'était pas prête à l'admettre, elle était bien moins acérée en ce qui concernait les hommes. Leurs vies, leurs déboires et leurs histoires banales lui étaient étrangères.
Leurs ruses et leurs provocations ne lui étaient pas non plus si familières. Le jeune arrogant n'eut qu'à prononcer une phrase pour qu'elle vrille intensément son regard sur lui, le défiant silencieusement de la contredire. Et force était d'admettre qu'il était plutôt bon pour négocier les virages serrés le bougre. Deux sous entendus flatteurs en une respiration. Un sourire de chat monta au museau de la sorcière. " Donc tu ne comptes pas me laisser repartir aussi facilement ? " Elle croisa les jambes avec nonchalance. Elle aurait tout aussi bien pu être à la table d'une taverne ou sur un banc près d'un canal. Elle n'allait pas le contredire, elle aimait ses jambes. Sinon, elle ne les aurait pas exposer autant. Mais celles du jeune homme n'étaient pas mal non plus cela dit. Gainé dans ses vêtements à la fois suffisamment ajustés pour suivre ses mouvements et suffisamment amples pour ne pas le gêner, il venait de prouver le genre de prouesse dont elles étaient capable. Son équilibre était impressionnant... A croire qu'il collait aux murs. " Hmmm... Plus jolies à regarder mais moins utiles. "
A chaque mot supplémentaire, Milo ne devenait que plus intrigant. Il se laissait voir, elle pensait le cerner et pourtant, il y avait trop de détails qui ne collaient pas. Elle n'arrivait pas à donner une logique aux pièces éparses qu'elle avait sous les yeux alors que chacune d'elles était intéressante. Amical ? Retors ? Crapule ou Veilleur ? Grande gueule ou homme d'action ? Du genre à partager des vérités qui déranges ou à les utiliser pour mieux disparaitre en lambeaux de fumée ? Elle avait envie de savoir quel caractère jouait vraiment au coin de ses lèvres ? Quelles fêlures se cachaient derrière ses grands yeux ? Il se dégageait de lui une vivacité irrévérencieuse. Un bagout insolent qui lui rappelait les gamins chapardeurs du bloc au-dessus du cloître. Parfois, quand ils tombaient de trop haut, elles en rafistolaient un ou deux au hasard de leurs maigres économies. Mais il avait quelque chose de différent. Peut-être l’aplomb vaniteux que lui donnaient ses nouveaux pouvoirs.
- Crâneur. " rit-elle en portant la gourde à ses lèvres. Elle s'attendait à de l'eau, l'odeur la détrompa. Elle en prit une grande lampée et l'alcool trop fort lui brula délicieusement la bouche avant de lui chauffer le corps. Il était moins pire que ce qu'elle avait à sa ceinture. Au moins ce qu'il avait dans sa gourde n'avait pas le goût d'iode. Elle ne manqua pas le regard qu'il venait de couler à son décolleté pendant qu'elle se tamponnait la bouche d'un revers de main et leva un sourcil, à deux doigts de claquer des doigts juste devant ses yeux pour qu'il se ressaisisse. Le problème, c'était qu'il ne s'en cachait même pas, son regard de vaurien semblait prêt à en rire. " C'est vraiment de mon visage dont tu te souviens ? " Juste un rappel qu'elle n'avait pas été dupe. Une seconde gorgée paya le tribu de ses manières grossières.
- Bingo ! " Galatéa. Et il n'avait même pas trop écorché son prénom. Elle lui rendit sa gourde. " Enchantée, Milo. "
Il avait à peine fait sa proposition que la longue main blanches un peu esquintées par l'escalade s'empara de la sienne. L'occasion était trop belle ! La dernière chose qu'il vit avant de se téléporter fut un sourire de défi. Comment dire non au toit du monde ?
L'instant suivant, elle eut l'impression d'avoir glissé du rebord. Son estomac salua ses poumons, son cœur remonta dans sa gorge et tout son corps lui cria qu'elle allait s'écraser comme une crêpe en bas des remparts, incapable de voir le sol arriver. Un son étrange couvrait tout le reste, nébuleux. Un battement de cil et tout était à nouveau immobile. Manque de bol, ses genoux n'avaient pas été prévenus et se dérobèrent sous elle pendant que son cœur continuait à battre des records de vitesse. Elle se rattrapa d'une main aux créneaux et se rendit enfin compte de l'endroit où elle se trouvait.
Toujours fermement cramponnée aux doigts de Milo, elle ouvrit grand les yeux. Sa poitrine se souleva en une profonde inspiration et un soupire tout aussi entier. Ses doigts se détendirent mais elle ne pensa pas à retirer sa main d'elle-même. Ce qu'elle avait sous les yeux avaient de quoi donner le tournis et son corps encore fébrile de la téléportation était encore plus impacté par le spectacle. Dégagé de l'étrange roche colorée qui façonnait la plupart des bâtiments d'Azamyr, affranchi de toute limite, le terme "à perte de vue" prenait un sens nouveau. Plus loin sur la côte, la mer frappait des étendues de sable et de roche. On devinait des arbres. Et la lumière... Plus le moindre mur pour lui gâcher son plaisir. Plus le moindre mur pour lui rappeler l'ombre des ruelles. La chaleur qui caressait directement les deux discrètes cicatrices verticales sur ses yeux la fit involontairement frissonner.
La voix de Milo ramena ses pensées vagabondes vers lui, mais elle ne se tourna pas immédiatement. Pensant qu'il cherchait à se donner des airs en caracolant à propos de ce qu'il pouvait contempler dès qu'il en avait envie, elle le lui accorda. Elle aimait bien la façon un brin désinvolte qu'il avait de l'appeler Princesse. Une façon complice de rire de ce qu'elle n'était pas. " Qui pourrait se targuer d'avoir déjà vu un spectacle pareil ? " En revanche, la suite attira ses yeux noirs. Elle retrouva la bouille juvénile, son regard perçant posé sur elle. Elle n'était pas sûre de comprendre. Il le vit parfaitement, se justifiant avant même de répéter sa question. Un veilleur... Bien sûr. Il entra sans vergogne dans son espace. Le vent venu du large ébouriffaient ses courts cheveux noirs. Elle avait tressailli mais n'avait pas reculé. Il ne serait pas dit qu'elle avait reculé, peu importe face à quel homme.
Un parfum d'huile florale et de musc mêlé aux senteurs d'une peau chaud caressa ses narines, dérangeant. Elle ne connaissait pas Milo, mais cette odeur ne lui allait pas. Trop mielleuse. Trop féminine. Son esprit semblait s'entêter à vouloir associer cet homme à ce qu'il n'était pas. Mensonges et illusions. Comme sa question.
- C'est de la rancœur que j'entends ? Ou de la jalousie ? " Il ne faisait qu'une dizaine de centimètres de plus qu'elle, mais à celle distance elle était obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux. Cela ne l'empêchait pas de sourire avec assurance, provocante et abrasive comme si rien ne pouvait lui arriver. Pourtant, il aurait pu partir en la laissant seule en haut de cette tour, lui jouer bon nombre de tour pendables loin des yeux de qui que ce soit. Mais il l'avait dit lui-même après tout. La vie n'était pas assez sérieuse pour ça.
En posant une seule question, il avait répondu à plusieurs interrogations qui commençaient à faire délicieusement leurs griffes dans l'esprit de la jeune femme. Elle avait vu juste finalement. L'enfant des rues. De ceux qui ne voyaient pas le soleil. De ceux suffisamment pas pour qu'on le rabaisse et qu'on le prenne de haut. La séduisante insolence de celui qui n'a rien à perdre. Dangereux ? Certainement. Imprévisible ? Pour l'instant. Ces premières réponses n'avaient fait qu'appeler de nouvelles zones d'ombre.
- Puisque tu as l'air de prendre ton rôle de veilleur très à cœur, pourquoi ne pas corser un peu les choses ? " Du bout de l'index, elle avait suivit son bras, du coude jusqu'à l'épaule. Ses yeux avaient tracé la course un moment avant de revenir à son visage, féline. " Une question pour une question. Une réponse pour une réponse. " Elle le contourna sans vraiment s'éloigner, pour pouvoir le regarder sans voir les formes de la ville grouiller à ses pieds. Pourquoi choisir quand elle pouvait à la fois s'entretenir avec lui et profiter des couleurs de plus en plus flamboyante du soleil qui tirerait bientôt sur le rouge sang ? " Dit moi pourquoi un homme comme toi choisi d'entrer chez les Veilleurs. Je te répondrai. " A cette distance, il voyait sans mal les volutes d'obscurité évoluer dans le noir de ses yeux, comme autant d'images qui ne prennent forme que pour mieux se dissiper quand on pense les saisir. Un sourire joueur des plus arrogants était toujours peint à l'encre sur son visage fin.
Inutile de rester bloquer davantage sur le quiproquo. Elle avait eu l’œil aussi perçant que celui d'une taupe et cet homme le prenait avec panache. C'était non seulement inattendu, mais également rafraichissant. Beaucoup d'hommes, bien peu sûrs de leur virilité, auraient été capable de l'insulter ou au moins de la ridiculiser pour une erreur de ce genre. Ils s'en seraient mordu les doigt plus tard, mais sur le moment ce n'était pas quelque chose d'agréable. En revanche, lui s'en était amusé.
Un homme avec de l'esprit, de la répartie et de l'auto-dérision n'était pas la créature la plus banale d'Azamyr. Au début, on s'étonnait des sirènes et des métamorphes, bien sûr, mais finalement ils restaient tous des humains. Très vite, on pouvait s'apercevoir que les personnes de valeurs étaient une pièce d'exception et que les hommes d'esprit formaient une espèce à part. Mirage ou réalité ? Piquée par l'attitude de Milo, la curiosité de la sorcière s'éveillait et s'étirait en panthère docile tirée d'une sieste jamais très profonde.
La première tentative fut concluente. " Bien sûr qu'elle est juste. " Elle avait le sens de l'observation, un appétit pour la déduction et un orgueil suffisant pour aimer savoir. Lire un minimum les gens faisait parti de son métier et elle était bien trop curieuse pour se contenter du stricte nécessaire. En voyant une femme marcher et regarder autour d'elle elle en savait déjà beaucoup sur son caractère comme sur son passé. A force de les fréquenter, elle avait dans l'oreille les changement de respiration et la palette d'émotions et de mensonges qui se glissaient dans leur voix. Les petits gestes et les histoires tragiques habituelles. Tout ce qui faisait de chacune d'elle un individu unique et pourtant tellement semblable au reste de la gent féminine. En revanche, si elle n'était pas prête à l'admettre, elle était bien moins acérée en ce qui concernait les hommes. Leurs vies, leurs déboires et leurs histoires banales lui étaient étrangères.
Leurs ruses et leurs provocations ne lui étaient pas non plus si familières. Le jeune arrogant n'eut qu'à prononcer une phrase pour qu'elle vrille intensément son regard sur lui, le défiant silencieusement de la contredire. Et force était d'admettre qu'il était plutôt bon pour négocier les virages serrés le bougre. Deux sous entendus flatteurs en une respiration. Un sourire de chat monta au museau de la sorcière. " Donc tu ne comptes pas me laisser repartir aussi facilement ? " Elle croisa les jambes avec nonchalance. Elle aurait tout aussi bien pu être à la table d'une taverne ou sur un banc près d'un canal. Elle n'allait pas le contredire, elle aimait ses jambes. Sinon, elle ne les aurait pas exposer autant. Mais celles du jeune homme n'étaient pas mal non plus cela dit. Gainé dans ses vêtements à la fois suffisamment ajustés pour suivre ses mouvements et suffisamment amples pour ne pas le gêner, il venait de prouver le genre de prouesse dont elles étaient capable. Son équilibre était impressionnant... A croire qu'il collait aux murs. " Hmmm... Plus jolies à regarder mais moins utiles. "
A chaque mot supplémentaire, Milo ne devenait que plus intrigant. Il se laissait voir, elle pensait le cerner et pourtant, il y avait trop de détails qui ne collaient pas. Elle n'arrivait pas à donner une logique aux pièces éparses qu'elle avait sous les yeux alors que chacune d'elles était intéressante. Amical ? Retors ? Crapule ou Veilleur ? Grande gueule ou homme d'action ? Du genre à partager des vérités qui déranges ou à les utiliser pour mieux disparaitre en lambeaux de fumée ? Elle avait envie de savoir quel caractère jouait vraiment au coin de ses lèvres ? Quelles fêlures se cachaient derrière ses grands yeux ? Il se dégageait de lui une vivacité irrévérencieuse. Un bagout insolent qui lui rappelait les gamins chapardeurs du bloc au-dessus du cloître. Parfois, quand ils tombaient de trop haut, elles en rafistolaient un ou deux au hasard de leurs maigres économies. Mais il avait quelque chose de différent. Peut-être l’aplomb vaniteux que lui donnaient ses nouveaux pouvoirs.
- Crâneur. " rit-elle en portant la gourde à ses lèvres. Elle s'attendait à de l'eau, l'odeur la détrompa. Elle en prit une grande lampée et l'alcool trop fort lui brula délicieusement la bouche avant de lui chauffer le corps. Il était moins pire que ce qu'elle avait à sa ceinture. Au moins ce qu'il avait dans sa gourde n'avait pas le goût d'iode. Elle ne manqua pas le regard qu'il venait de couler à son décolleté pendant qu'elle se tamponnait la bouche d'un revers de main et leva un sourcil, à deux doigts de claquer des doigts juste devant ses yeux pour qu'il se ressaisisse. Le problème, c'était qu'il ne s'en cachait même pas, son regard de vaurien semblait prêt à en rire. " C'est vraiment de mon visage dont tu te souviens ? " Juste un rappel qu'elle n'avait pas été dupe. Une seconde gorgée paya le tribu de ses manières grossières.
- Bingo ! " Galatéa. Et il n'avait même pas trop écorché son prénom. Elle lui rendit sa gourde. " Enchantée, Milo. "
Il avait à peine fait sa proposition que la longue main blanches un peu esquintées par l'escalade s'empara de la sienne. L'occasion était trop belle ! La dernière chose qu'il vit avant de se téléporter fut un sourire de défi. Comment dire non au toit du monde ?
L'instant suivant, elle eut l'impression d'avoir glissé du rebord. Son estomac salua ses poumons, son cœur remonta dans sa gorge et tout son corps lui cria qu'elle allait s'écraser comme une crêpe en bas des remparts, incapable de voir le sol arriver. Un son étrange couvrait tout le reste, nébuleux. Un battement de cil et tout était à nouveau immobile. Manque de bol, ses genoux n'avaient pas été prévenus et se dérobèrent sous elle pendant que son cœur continuait à battre des records de vitesse. Elle se rattrapa d'une main aux créneaux et se rendit enfin compte de l'endroit où elle se trouvait.
Toujours fermement cramponnée aux doigts de Milo, elle ouvrit grand les yeux. Sa poitrine se souleva en une profonde inspiration et un soupire tout aussi entier. Ses doigts se détendirent mais elle ne pensa pas à retirer sa main d'elle-même. Ce qu'elle avait sous les yeux avaient de quoi donner le tournis et son corps encore fébrile de la téléportation était encore plus impacté par le spectacle. Dégagé de l'étrange roche colorée qui façonnait la plupart des bâtiments d'Azamyr, affranchi de toute limite, le terme "à perte de vue" prenait un sens nouveau. Plus loin sur la côte, la mer frappait des étendues de sable et de roche. On devinait des arbres. Et la lumière... Plus le moindre mur pour lui gâcher son plaisir. Plus le moindre mur pour lui rappeler l'ombre des ruelles. La chaleur qui caressait directement les deux discrètes cicatrices verticales sur ses yeux la fit involontairement frissonner.
La voix de Milo ramena ses pensées vagabondes vers lui, mais elle ne se tourna pas immédiatement. Pensant qu'il cherchait à se donner des airs en caracolant à propos de ce qu'il pouvait contempler dès qu'il en avait envie, elle le lui accorda. Elle aimait bien la façon un brin désinvolte qu'il avait de l'appeler Princesse. Une façon complice de rire de ce qu'elle n'était pas. " Qui pourrait se targuer d'avoir déjà vu un spectacle pareil ? " En revanche, la suite attira ses yeux noirs. Elle retrouva la bouille juvénile, son regard perçant posé sur elle. Elle n'était pas sûre de comprendre. Il le vit parfaitement, se justifiant avant même de répéter sa question. Un veilleur... Bien sûr. Il entra sans vergogne dans son espace. Le vent venu du large ébouriffaient ses courts cheveux noirs. Elle avait tressailli mais n'avait pas reculé. Il ne serait pas dit qu'elle avait reculé, peu importe face à quel homme.
Un parfum d'huile florale et de musc mêlé aux senteurs d'une peau chaud caressa ses narines, dérangeant. Elle ne connaissait pas Milo, mais cette odeur ne lui allait pas. Trop mielleuse. Trop féminine. Son esprit semblait s'entêter à vouloir associer cet homme à ce qu'il n'était pas. Mensonges et illusions. Comme sa question.
- C'est de la rancœur que j'entends ? Ou de la jalousie ? " Il ne faisait qu'une dizaine de centimètres de plus qu'elle, mais à celle distance elle était obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux. Cela ne l'empêchait pas de sourire avec assurance, provocante et abrasive comme si rien ne pouvait lui arriver. Pourtant, il aurait pu partir en la laissant seule en haut de cette tour, lui jouer bon nombre de tour pendables loin des yeux de qui que ce soit. Mais il l'avait dit lui-même après tout. La vie n'était pas assez sérieuse pour ça.
En posant une seule question, il avait répondu à plusieurs interrogations qui commençaient à faire délicieusement leurs griffes dans l'esprit de la jeune femme. Elle avait vu juste finalement. L'enfant des rues. De ceux qui ne voyaient pas le soleil. De ceux suffisamment pas pour qu'on le rabaisse et qu'on le prenne de haut. La séduisante insolence de celui qui n'a rien à perdre. Dangereux ? Certainement. Imprévisible ? Pour l'instant. Ces premières réponses n'avaient fait qu'appeler de nouvelles zones d'ombre.
- Puisque tu as l'air de prendre ton rôle de veilleur très à cœur, pourquoi ne pas corser un peu les choses ? " Du bout de l'index, elle avait suivit son bras, du coude jusqu'à l'épaule. Ses yeux avaient tracé la course un moment avant de revenir à son visage, féline. " Une question pour une question. Une réponse pour une réponse. " Elle le contourna sans vraiment s'éloigner, pour pouvoir le regarder sans voir les formes de la ville grouiller à ses pieds. Pourquoi choisir quand elle pouvait à la fois s'entretenir avec lui et profiter des couleurs de plus en plus flamboyante du soleil qui tirerait bientôt sur le rouge sang ? " Dit moi pourquoi un homme comme toi choisi d'entrer chez les Veilleurs. Je te répondrai. " A cette distance, il voyait sans mal les volutes d'obscurité évoluer dans le noir de ses yeux, comme autant d'images qui ne prennent forme que pour mieux se dissiper quand on pense les saisir. Un sourire joueur des plus arrogants était toujours peint à l'encre sur son visage fin.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Qu’est-ce qui avait bien pu pousser le fabuleux Milo Bazalgette à rejoindre cette harde de types barbus et rigides qu’étaient les Veilleurs ? Des vieux loups de mer, pour la plupart, d’anciens militaires chevronnés et autres quadragénaires que l’ancien monde avait rancis jusqu’à l’os. Le garçon trouvait mieux sa place au sommet d’une vigie d’un navire pirate, ou dans le plumard d’une bonne femme qu’ici, à jouer les sentinelles. Il ondula de la mâchoire; tout malin qu’il était, la perspective de se faire prendre à son propre jeu ne lui plaisait pas. Ce devait sans doute être le cas, aussi, de cette femme…
Car à la question du, oui, ce qui avait pu débaucher le garnement à rejoindre les sentinelles… tout se disputait, dans sa tête. Il pouvait mentir; il devait mentir. Les premiers rendez-vous, il était assez malvenu de parler de soi avec trop de clairvoyance. Dès lors que l’on lisait en vous, vous deveniez moins fascinant, aux yeux du tout venant. Il s’entendait dire Oh, un désir de justice, d’équité en vertu de mes parents morts ce soir de drame face à un cambrioleur. A moins qu’il ne décide de jouer sur la corde sensible de la petite-amie décédée, là encore, d’une maladie tragique ? Il avait besoin de se retrouver, en effet, et avec quelle virilité vous prie-je ! Trouvait-on homme plus irrésistible que celui dont les femmes faisaient outrage à son destin ? alors, vous vouliez être l’une d’entre elles; pénétrer sa vie comme elles l’avaient toutes fait.
Oui, oui, mais tout ça, c’était du flan. La vérité était que… “La vérité, c’est que je n’en sais rien moi-même. Je l’ai fait parce que quelque chose m’y appelait.” Il se voyait encore le jour de son insertion au sein de la garnison. Ce qui l’intéressait, ce n’était pas la vadrouille au sommet des remparts, mais de rejoindre le corps des éclaireurs, ceux que l’on charge de faire les battues dans les forêts noires et dangereuses d’Ozénia, de combattre la faune s’il le fallait, de venir au secours des explorateurs. On ne trouvait que difficilement métier plus périlleux. Et ce devait être pour ça… “Loin de moi l’envie de me faire mousser, mais je n’ai jamais été le plus consciencieux des garçons. Déjà à l’époque, je me rappelle que je voulais devenir boxeur, simplement parce que ça donnait un peu de sens à ma vie.” Et la vertu, dans tout ça ? la morale ? Il s’accrocha aux yeux sombres et incandescents de la demoiselle, un instant. “Je suppose que c’est la même chose pour toi ?” Un sourire lui effleura les lèvres. “Dans l’ancien monde, la plupart des hommes voulaient devenir salariés, bosser dans une usine ou faire de la réclame, jusqu’à avoir assez de fric pour se sentir exister. Mais… un vieux copain à moi m’a enseigné un truc. Si on vit aux codes que le berger nous donne, alors on reste un mouton toute sa vie. L’homme, il trouve son Graal dans sa propre destruction.” Il mâchonna le creux de sa joue, songeur. Il croyait tellement en cette phrase qu’il ne se donnait plus la peine de l’expliquer. Mais la curiosité de cette femme devait être assouvie. “On n’est pas là pour brasiller comme de petites bougies. On est là pour brûler, rien d’autre. Si on ne brûle pas, on ne vit pas. Je ne sais pas pour toi, mais moi, si je reste derrière ces remparts sans voir ce qu’il y a derrière, sans l’horizon appelant ni l’idée que je peux me faire bouffer dans une expédition…” Une courte grimace déforma ses traits de poupon. “Je me sens mourir.”
Son explication, il le devinait, était imparfaite, tâtonnante. Mais il l’avait dite d’une voix, dans une conviction profonde qui n’appartenait qu’à lui. Milo était une évidence pour les hommes aux vies ingrates; et une énigme pour les singes embourgeoisés qui occupaient les salons de thé. Mourir pour vivre, quel genre de mantra stupide cela était-il encore ? Sans doute un concept néo-fasciste de moustachu bien lotti. “Tu as ta réponse, non ? Finalement, ce n’est pas si surprenant que ça. Cette ville est peuplée de deux choses : d’ultra riches et de pauvrettes qui ont été assez retors sur Terre pour se dégotter une clé. Je fais partie de la deuxième catégorie, mais toi, princesse, je gage que c’est dans les salons de thé que t’as pris ton essor, mh ?” Rien de surprenant à ce que son doigt remonte de la gorge jusqu’au menton de porcelaine de Madame, pour saisir avec plus de précaution son regard. “... Mais, maintenant que j’y pense, les hautes strates de notre Terre bien aimée, ça n’accouchait jamais que de consanguins arriérés et de castras aux bras maigres. Ce que je lis dans tes yeux, c’est ni l’un, ni l’autre. Tu es forte.” Ce n’était pas un compliment, mais un état de fait. “Les gens les plus forts de ce monde, d’expérience, ce sont ceux qu’on a privés autrefois. Ils prennent leur revanche. C’est ça, Galatéa ?” Son pouce s’appesantit sur la lèvre charnue de la demoiselle, sans la moindre gêne. Ils s’appartenaient au moins le temps de ces révélations. “Tu prends ta revanche.”
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
Les mensonges n'avaient pas moins de valeur que la Vérité. Il y avait toujours quelque chose à prendre dans les brumes derrière lesquelles les menteurs aimaient à se dissimuler. Un désir. Un espoir. L'envie que les choses ne se soient pas passées comme elles avaient eu lieu. Une histoire ne sortait jamais de nulle part, éclat de miroir reflétant le cœur de son créateur. L'idée que son vis à vis lui raconte des cracks n'était donc pas si importante. Il l'intriguait pour ce qui était juste devant son nez aujourd'hui, la réalité de ce qu'il avait pu être faisait parti des sujets qui embrasaient sa curiosité mais elle était toute relative.
Vu son attitude, elle ne savait vraiment pas à quoi s'attendre comme réaction, mais certainement pas à celle-ci. Elle avait à peine effleurer la couverture que le livre semblait s'ouvrir de lui-même, avide d'être lu... Pour mieux dissimuler les pages et les paragraphes qu'il ne souhaitait pas laisser à n'importe quels yeux ? Il ne savait pas. Il agissait à l'instinct. Il se sentait appeler. Il cherchait du sens. N'importe quoi qui lui donne une direction. Elle avait cessé de sourire et sa tête s'était légèrement penchée, le regardant plus attentivement encore. L'instinct trompait rarement. Le diable était plus fourbe que ça.
- La boxe ne m'a jamais passionnée. " sourit-elle tout bas pour ne pas vraiment l'interrompre. Comme si elle n'avait pas compris que la balle qu'il renvoyait dans sa direction n'avait rien à voir avec la forme et tout avec le fond de ce qu'il racontait. Cette appel... Cette quête de sens.
C'était tellement ironique d'entendre ces mots dans la bouche d'un pur inconnu, elle en aurait volontiers rit si ça ne l'avait pas touchée malgré elle. Malgré ce sourire qui ne lui faisait l'affront ni de lui promettre la sécurité, ni de lui murmurer une quelconque affection. Le Graal... Le regard qu'elle posait sur lui changea légèrement. Le jeu d'illusions qu'elle avait entamé, il le faisait tourner court avec le même sérieux en demi teinte qu'il avait en lui posant ses précédentes questions. Le dangereux petit salopard, bien loin de tempérer le jeu ou de suivre à reculons, doublait la mise. L'intensité d'une étrangeté alléchante doublée par celle d'une sincérité bien trop limpide. Déloyale de clarté.
Il frappait en plein cœur de cible.
Son regard dériva sur les marques sombre sur la gorge du jeune homme. Alors c'était pour ça... Elle comprenait. Elle avait fait le choix de se sentir la morsure de la vie. Rare étaient ceux à comprendre que son ambition dépassait de beaucoup le pouvoir, le plaisir ou l'amour.
- Et voilà qu'il révèle ce qui est caché dans les ténèbres. Sa lumière chasse les ombres secrètes de la mort. " récita-t-elle à mi-voix, comme une ode à ce qu'il venait de proclamer. Parlait-elle de lui directement ou d'un concept plus vaste ? La flamme ardente et l'ombre qui rode. Un pied de nez à tout ce qu'elle avait été par le passé. Un blasphème, même, par certains aspects. L'idée fit renaitre le sourire matois, pâle copie de ce qu'il avait été. Le jeu avait tourné à... autre chose.
Mais il avait tenu sa part du marcher. Sans lui demander de gage, de confirmation. Sans négocier. Il s'était ouvert, simplement, et si le doute persistait toujours dans les faits, elle choisissait de croire qu'il s'était montré sincère. Sa gorge immaculée se couvrit de chair de poule sur le passage des doigts rêches qui vinrent souligner son menton. Naturellement, elle redressa encore un peu plus la tête, son regard ne fuyant pas un instant. " mh ? " Elle leva un sourcil, les lèvres closes, scrutant dans son expression le moment de s'exprimer et le laissant y pêcher à l'envie. Ce qu'il réussirait à trouver serrait à lui, et ce n'était pas encore à elle de le lui offrir. Il n'avait pas fini d'explorer. Elle releva encore un peu le menton lorsqu'il assena paisiblement qu'elle était forte. Un compliment ce cette sorte n'était pas souvent prononcé et encore moins entendu. Le détromper et risquer d'arrêter de s'entendre appelé Princesse était plutôt déplaisant... Mais elle n'était pas du genre à se défiler sans y gagner quelque chose de substantiel, ça n'aurait pas eu d'intérêt.
Elle ne bougea ni ne se détourna pendant qu'il testait la douceur de sa lèvre. Yeux dans les yeux, elle tentait de lire ce que lui inspirait cette possibilité. Cette revanche. Elle attendit qu'il lève de lui-même la griffe agréable pesant sur ses lèvres pour s'emparer avec légèreté de ses doigts. Elle faisait patte de velours, caressant ses phalanges au hasard de ses envies, son regard ne s'en préoccupant pas. Le visage du jeune homme en clair-obscur occupait beaucoup d'espace sur le ciel rouge sang.
- Je prends tout. " Elle ne cherchait pas à esquiver. Pas cette fois. Cet autre chose que le jeu d'esquive et de vérité déliait sa langue. " La revanche, c'est bien trop abstrait. " De son sourire, il ne reste qu'une ombre tenace et le plaisir de voir la réaction des grands yeux sombres dans ce visage de garnement. " Je prends ce qui me fait envie. Rien de moins. Rien de plus. Le beau et l'abominable. La paix et le danger. Je n'ai pas encore eu à passer les remparts pour trouver chaque jour de nouveaux horizons intouchés. De nouvelles bêtes prêtes à me dévorer jusqu'à l'âme. " Et ce n'était pas qu'une métaphore. La magie était une maîtresse capricieuse, sûrement autant que pouvait l'être la sorcière. " A quoi bon vivre sans passion ? ... " Avait-elle vraiment besoin de répéter les mots qu'il avait prononcer et qu'elle ne comprenait que trop bien. N'être que l'écho de sa vérité à lui ne ressemblait pas à la jeune femme qui lui devait toujours une réponse.
- Je me sentais mourir, là-bas. " Dans cet avant, dans cet autre-monde qui s'éloignait chaque jour un peu plus et ressemblait de plus en plus à un simple mirage. Elle avait retourné la main de Milo et traçait les cales et les lignes de sa paume. " Mais tu as raison en un sens. Quelqu'un comme toi n'aurais jamais pu m'avoir. " Elle redevint un peu plus piquante. " Tu n'aurais jamais franchi les porte de mon royaume. Et si par miracle nous nous étions croisé, du haut de mon piédestal, je t'aurais regarder avec pitié, drapée dans ma vertu, prudente et polie. Je t'aurai aidé, soigné, abrité de toutes les façons possibles. Tu aurais vu un ange de douceur immaculée et j'aurais fait de tes aspirations ma loi. "
La langue fourchue de la sorcière sifflait le venin de cette apparente perfection qu'elle décrivait. La froideur et la distance d'une martyr qui ne savait rien de la vie. Elle survivait. Elle ployait. Elle obéissait. Elle n'avait pas fondamentalement changée depuis, mais toutes les limites avaient sautées. Tous les gardes-fous.
- Je vivais à Athènes. Et pour ton information, je n'ai jamais mis les pieds dans un salon de thé. Tu grimpes, moi j'ai rampé. " Il n'y avait que deux personnes pour lesquelles ça avait eu la moindre importance. Avec un sourire félin, elle se hissa sur la pointe des pieds pour s'approcher de son oreille, juste au-dessus des tâches sombres sur sa gorge. " On me connaissait sous le nom de Soeur Marie-Keyrouz du Couvent Sainte Marie de la Tempérance. Humble servante du Tout Puissant.
La servante n'arborait plus le même visage aujourd'hui. Un oeil d'encre scintillait de défi et de curiosité. Serait-il choqué ?
Vu son attitude, elle ne savait vraiment pas à quoi s'attendre comme réaction, mais certainement pas à celle-ci. Elle avait à peine effleurer la couverture que le livre semblait s'ouvrir de lui-même, avide d'être lu... Pour mieux dissimuler les pages et les paragraphes qu'il ne souhaitait pas laisser à n'importe quels yeux ? Il ne savait pas. Il agissait à l'instinct. Il se sentait appeler. Il cherchait du sens. N'importe quoi qui lui donne une direction. Elle avait cessé de sourire et sa tête s'était légèrement penchée, le regardant plus attentivement encore. L'instinct trompait rarement. Le diable était plus fourbe que ça.
- La boxe ne m'a jamais passionnée. " sourit-elle tout bas pour ne pas vraiment l'interrompre. Comme si elle n'avait pas compris que la balle qu'il renvoyait dans sa direction n'avait rien à voir avec la forme et tout avec le fond de ce qu'il racontait. Cette appel... Cette quête de sens.
C'était tellement ironique d'entendre ces mots dans la bouche d'un pur inconnu, elle en aurait volontiers rit si ça ne l'avait pas touchée malgré elle. Malgré ce sourire qui ne lui faisait l'affront ni de lui promettre la sécurité, ni de lui murmurer une quelconque affection. Le Graal... Le regard qu'elle posait sur lui changea légèrement. Le jeu d'illusions qu'elle avait entamé, il le faisait tourner court avec le même sérieux en demi teinte qu'il avait en lui posant ses précédentes questions. Le dangereux petit salopard, bien loin de tempérer le jeu ou de suivre à reculons, doublait la mise. L'intensité d'une étrangeté alléchante doublée par celle d'une sincérité bien trop limpide. Déloyale de clarté.
Il frappait en plein cœur de cible.
Son regard dériva sur les marques sombre sur la gorge du jeune homme. Alors c'était pour ça... Elle comprenait. Elle avait fait le choix de se sentir la morsure de la vie. Rare étaient ceux à comprendre que son ambition dépassait de beaucoup le pouvoir, le plaisir ou l'amour.
- Et voilà qu'il révèle ce qui est caché dans les ténèbres. Sa lumière chasse les ombres secrètes de la mort. " récita-t-elle à mi-voix, comme une ode à ce qu'il venait de proclamer. Parlait-elle de lui directement ou d'un concept plus vaste ? La flamme ardente et l'ombre qui rode. Un pied de nez à tout ce qu'elle avait été par le passé. Un blasphème, même, par certains aspects. L'idée fit renaitre le sourire matois, pâle copie de ce qu'il avait été. Le jeu avait tourné à... autre chose.
Mais il avait tenu sa part du marcher. Sans lui demander de gage, de confirmation. Sans négocier. Il s'était ouvert, simplement, et si le doute persistait toujours dans les faits, elle choisissait de croire qu'il s'était montré sincère. Sa gorge immaculée se couvrit de chair de poule sur le passage des doigts rêches qui vinrent souligner son menton. Naturellement, elle redressa encore un peu plus la tête, son regard ne fuyant pas un instant. " mh ? " Elle leva un sourcil, les lèvres closes, scrutant dans son expression le moment de s'exprimer et le laissant y pêcher à l'envie. Ce qu'il réussirait à trouver serrait à lui, et ce n'était pas encore à elle de le lui offrir. Il n'avait pas fini d'explorer. Elle releva encore un peu le menton lorsqu'il assena paisiblement qu'elle était forte. Un compliment ce cette sorte n'était pas souvent prononcé et encore moins entendu. Le détromper et risquer d'arrêter de s'entendre appelé Princesse était plutôt déplaisant... Mais elle n'était pas du genre à se défiler sans y gagner quelque chose de substantiel, ça n'aurait pas eu d'intérêt.
Elle ne bougea ni ne se détourna pendant qu'il testait la douceur de sa lèvre. Yeux dans les yeux, elle tentait de lire ce que lui inspirait cette possibilité. Cette revanche. Elle attendit qu'il lève de lui-même la griffe agréable pesant sur ses lèvres pour s'emparer avec légèreté de ses doigts. Elle faisait patte de velours, caressant ses phalanges au hasard de ses envies, son regard ne s'en préoccupant pas. Le visage du jeune homme en clair-obscur occupait beaucoup d'espace sur le ciel rouge sang.
- Je prends tout. " Elle ne cherchait pas à esquiver. Pas cette fois. Cet autre chose que le jeu d'esquive et de vérité déliait sa langue. " La revanche, c'est bien trop abstrait. " De son sourire, il ne reste qu'une ombre tenace et le plaisir de voir la réaction des grands yeux sombres dans ce visage de garnement. " Je prends ce qui me fait envie. Rien de moins. Rien de plus. Le beau et l'abominable. La paix et le danger. Je n'ai pas encore eu à passer les remparts pour trouver chaque jour de nouveaux horizons intouchés. De nouvelles bêtes prêtes à me dévorer jusqu'à l'âme. " Et ce n'était pas qu'une métaphore. La magie était une maîtresse capricieuse, sûrement autant que pouvait l'être la sorcière. " A quoi bon vivre sans passion ? ... " Avait-elle vraiment besoin de répéter les mots qu'il avait prononcer et qu'elle ne comprenait que trop bien. N'être que l'écho de sa vérité à lui ne ressemblait pas à la jeune femme qui lui devait toujours une réponse.
- Je me sentais mourir, là-bas. " Dans cet avant, dans cet autre-monde qui s'éloignait chaque jour un peu plus et ressemblait de plus en plus à un simple mirage. Elle avait retourné la main de Milo et traçait les cales et les lignes de sa paume. " Mais tu as raison en un sens. Quelqu'un comme toi n'aurais jamais pu m'avoir. " Elle redevint un peu plus piquante. " Tu n'aurais jamais franchi les porte de mon royaume. Et si par miracle nous nous étions croisé, du haut de mon piédestal, je t'aurais regarder avec pitié, drapée dans ma vertu, prudente et polie. Je t'aurai aidé, soigné, abrité de toutes les façons possibles. Tu aurais vu un ange de douceur immaculée et j'aurais fait de tes aspirations ma loi. "
La langue fourchue de la sorcière sifflait le venin de cette apparente perfection qu'elle décrivait. La froideur et la distance d'une martyr qui ne savait rien de la vie. Elle survivait. Elle ployait. Elle obéissait. Elle n'avait pas fondamentalement changée depuis, mais toutes les limites avaient sautées. Tous les gardes-fous.
- Je vivais à Athènes. Et pour ton information, je n'ai jamais mis les pieds dans un salon de thé. Tu grimpes, moi j'ai rampé. " Il n'y avait que deux personnes pour lesquelles ça avait eu la moindre importance. Avec un sourire félin, elle se hissa sur la pointe des pieds pour s'approcher de son oreille, juste au-dessus des tâches sombres sur sa gorge. " On me connaissait sous le nom de Soeur Marie-Keyrouz du Couvent Sainte Marie de la Tempérance. Humble servante du Tout Puissant.
La servante n'arborait plus le même visage aujourd'hui. Un oeil d'encre scintillait de défi et de curiosité. Serait-il choqué ?
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
“Une Soeur ? toi ?” Il écarquilla les yeux, franchement, un rire fuyant de ses jolies lèvres. De tous les profils qu’il avait imaginés, celui de la nonne endrapée dans son chasuble était bien le dernier qu’il pressentait pour Galatéa. On trouvait souvent sa force dans le contraste de sa vie d’avant; ainsi, tel mendiant avait toute la volonté pour arriver au sommet de la chaîne du monde. Tel mercenaire altéré de sang et de dollars, de comprendre Dieu et sa valeur de pénitence.
Mais tout de même… !
Il y avait quelque chose d’assez pervers, de sentencieux à s’imaginer cette sorte de fabuleuse vipère autrefois soeur. Comment cela avait-il bien pu naître en elle ? “Tu es pleine de dévotion, c’est juste. Pleine de dévotion pour ta personne.” Ses yeux s’étrécirent comme deux persiennes lorsque la bouche de la demoiselle vint se perdre au creux de son lobe. Un frisson le parcourut, très concret, et il dut commander à ses mains de ne pas bouger. D’ordinaire, il l’aurait saisie; parce que vous ne pouviez vous jouer bien longtemps de Milo de la sorte sans qu’il ne déborde tout à fait. Trop jeune, trop hardi. Mais cette femme-ci n’avait pas grand-chose à voir avec toutes celles qu’il avait connues. Il y avait une prédation, dans sa voix, dans sa physionomie, qui poussait le garçon à maintenir sa garde. “J’ai été croyant. Pendant longtemps. Je crois que je le suis encore un peu. Mais ça n’a jamais dépassé la superstition. Les seuls rituels que je m'imposais, c’était de baiser ma croix en argent avant mes combats.”
Quand vous n’aviez rien, vous ne pouviez qu’avoir tout. Et Dieu était ce que l’on pouvait espérer de plus souhaitable pour une existence dépourvue d’espoir. Il avait eu l’occasion de la constater, de très près, en prison. “Si tu savais le nombre de criminels qui ont viré croyants, quand ils ont pris perpétuité. Dieu, c’est tout ce qu’il leur restait. Dieu, c’est l’ami des chiens et des hommes; mais je suis pas certain qu’il aime beaucoup les riches. Enfin… l’Eglise et son cardinal bourré de fric me ferait mentir.” Il virevoltait d’un sujet à l’autre. Sans doute que cela l’aidait à ne pas songer à l’essentiel. A elle, proche de lui. A la promiscuité de cette lourde poitrine qui lui effleurait le torse; à son pouls qui accélérait, à son coeur qui palpitait. Il tâche d’observer au-loin, le bleu horizon, la houle paisible de la mer. “Tu sais ce que l’on dit ? La foi sans souffrance n'est rien. Avec tout le respect que je vous dois, ma Soeur…”, il sourit. “... avez-vous souffert, dans ce couvent ? Avez-vous rampé comme rampent les hommes dans le no man’s land ? Avez-vous saigné comme saignent les orphelins ? Et avez-vous réellement… aimé ?”
Cette fois-ci, il l’observa. Ses yeux noirs, brûlants; cette bouche si proche… Sa jolie denture se referma à un rien de l’embrasser. Ce n’est pas lui qui céderait… Il se le refusait… (crut-il) “Pour sûr que nous ne nous serions jamais croisés. En revanche… J’aurais brûlé de te rencontrer. Ce que j’aime le plus, chez les femmes, c’est leur contradiction. Une aussi jolie chose que toi ne pouvait pas s’égarer sur le chemin de Dieu. Quel gâchis. Tu voulais tellement plus.” L’arrogance de la demoiselle le fit sourire, malgré lui. Il y avait toujours quelque chose de symptomatiquement insupportable à entendre dire que vous ne valiez rien; que vous ne pouviez pas. Mais Milo n’avait jamais cherché à ce qu’on épargne sa confiance en soi; il voulait qu’on l’éprouve. Jusqu’où pouvait-il voler avant de se brûler les ailes ? Quel genre de supplice cette femme lui réservait ? Combien d’hommes, en fait, braves, valeureux, parfois davantage qu’il ne l’était lui-même, avait-il vus périr, le coeur embroché sous la lame d’un escarpin ? “C’est… intéressant. Très dommage, d’ailleurs, que vous ayez rompu vos voeux, Votre Sainteté. Le garnement que je suis aurait eu fort besoin d’un moment de confession. Mais…” il cédait. “Je suppose que ce sera pour une autre vie.” Sa main cheminait jusqu’à la gorge de la demoiselle, qu’il saisit sans la moindre force. C’était punissable, oui, de quitter le chemin de Dieu. Punissable de piétiner l’espace vital du jeune homme avec de telles imprécations. Punissable, encore, de la voir se draper dans une telle suffisance. Ils étaient seuls. Il n’y avait qu’eux à des lieues à la ronde. Et désormais, il la voyait autrement, sans ces marques, sans cette toison chenue. Etait-elle blonde, autrefois ? Avait-elle ce thousand yard-stares des femmes qui ne vivaient plus ? Jusqu’à quel point ses jolis pieds s’étaient approchés du précipice ? Elle avait ressuscité, dans un corps nouveau, une rage inouïe et un désir d’asservir ce monde pantagruélique. Un monstre, à sa façon. Une diablesse. Et que le Haut Père lui pardonne, Milo Balzagette avait toujours une fascination pour les créatures du pandémonium. “Soeur Marie-Keyrouz, je crois qu’une chose urge en moi, et cela ne vient pas de Dieu.”
Autour, les ténèbres s’ébruitaient; ses ténèbres, à lui, qui fuyaient son corps d'éphèbe et auréolaient le binôme comme une chape noire. “Vous me faites quitter le chemin de Dieu et tromper mes supérieurs. Je déteste ça.”, mentit-il, et sans qu’il ne sache bien pourquoi, il approcha encore. Ses lèvres frémissaient d’un désir pressenti; il n’avait plus envie de parler de Dieu, plus envie de parler du passé. Tout cela n’avait jamais été que le soubassement du moment présent. De celui-ci, où sa main serra, un peu plus, le cou de cette apostat; et où sa bouche échoua sur ses lèvres, qu’il embrassa. Il était prenant, possessif. Exigeant, presque, alors que d’un souffle, il la consomma. Le ciel lui faisait défaut, décidément…
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
Alors qu'il s'éloignait d'un demi-souffle, une main blanche vint saisir les doigts du chat sauvage pour les pose en haut de sa pommette, là ou sa discrète cicatrice commençait. Il voulait savoir si elle avait réellement rampé, si elle avait saigné, il n'aurait pas d'autre réponse. Il voulait savoir si elle avait aimé. Il lui restait du chemin à faire.
Le mufle pensait la connaître. Combien en avait-il fait crier ? Combien en avait-il fait pleurer ? Dans cette étrange étreinte, cette proximité de corps et d'esprit qui s'établissait avec cet inconnu, elle dévorait chaque bribe de lui que ses questions et ses histoires laissaient échapper. Sa voix agréable lui caressait au rythme de ses souvenirs. Ses croyances. Elle n'avait jamais été prêtre. Les confessions ne lui incombaient pas. Mais elle en éprouvait un réel plaisir. Dans un coin de ce monde nouveau, Il observait cette scène comme Il en avait observé bien d'autres, invoqué de Son Nom sur ces lèvres pêcheresses.
Inconséquent, Milo mêlait la désinvolture la plus impie, à une forme de respect intime. Il la provoquait, laissant entendre qu'il aurait voulu, à l'époque, la faire basculer à bas de ses vœux et tirer le voile de ses véritables aspirations. Oh oui, elle voulait plus. Bien plus. Mais il lui avait fallu du temps pour le comprendre, l'accepter. L'Obscur n'épargnait personne. Ni les Sœurs, ni les prêtres, ni les riches, ni les pauvres. Encore moins l’homme dont elle sentait toujours les effluves féminines.
Sa main rugueuse glissa sur son cou. Il sentit un frisson hérisser la peau de la jeune femme et un souffle plus prononcer caressa sa joue ronde. A quel point il pensait pouvoir la cerner en quelques mots, quelques minutes ? A quel point était-il prêt à faire n’importe quoi pour se sentir vivant et oublier la mort qu’il traînait dans son sillage ? Elle le sentait sur la corde raide avec cette envie palpable de tomber. Oh oui… Il avait regardé dans l’abîme et elle ne le lâchait plus. Il pouvait toujours affronter la mort et chercher l’horizon, une fois accrochée à l’âme, la noirceur ne quittait plus son hôte.
- Epîtres aux Romains. Chapitre onze. Verset trente-six. C'est de Lui, par Lui et pour Lui que sont toutes choses. » murmura-t-elle, ses yeux luisant d’une malice caressante, aussi noir dans le secret de ses iris que la fumée qui nimbait le corps du jeune homme en formant un étendard. Entendre son ancien nom sur une langueur aussi indécente la fit frémir à nouveau d’une excitation rebelle.
Mentir était un pêché mais elle le lui pardonnait sans mal. Les lèvres du jeune homme échouèrent sur les sienne, s’y pressant si fondant avec force. Possessif. Il demandait bien plus que ce qui lui était acquis, faisant bouillir le sang de la jeune femme. Elle glissa sa main dans ses cheveux sombres, lui rendant son baiser avec passion. Sa fougue répondait aux débordements avides du jeune homme, promesses de bien plus. Elle fit ce ridicule pas qui séparait leurs deux corps et sa jambe aguicheuse trouva sa place entre les siennes. Elle lui abandonna son souffle et sa langue, jusqu’à ce une douleur soudaine le traverse. Elle lui mordit la lèvre au sang. Elle cueillit une perle de rouge du bout de la langue et mit brutalement un terme au baiser, imposant au besoin deux doigts sur les lèvres du jeune homme en barrière entre eux s’il cherchait à revenir à la charge.
La main qui nageait dans ses cheveux noirs était descendu sur la gorge du jeune homme et caressait les tâches sombres en arabesques joueuses. A demie essoufflée, ses joues arboraient une délicate ombre rosée et elle ne le repoussait pas pour autant. Au contraire. Elle ronronnait, appuyée contre lui et ne cachait pas l’effet qu’il lui faisait. Mais ses paroles avaient tout d’un miel empoisonné.
- Tu aurais peut-être des conquêtes plus satisfaisantes si tu mettais plus de deux heures à sauter d’un corps à l’autre, mon beau jaguar. »
Deux heures au mieux vu l’état des ecchymoses sur son cou. Les bleus étaient encore chauds sous ses doigts. Pensait-il qu’elle ne les avait pas vu ? Ou pensait-il qu’elle était femme à se satisfaire d’aussi peu que ses simples impulsions immédiates. Toute proche, ses lèvres frôlaient presque celle du jeune homme.
- Je te l’ai dit, non ? Je prends ce que je veux. Ni plus. Ni moins. Si un jour j’ai l’envie de te prendre, tu ne porteras pas le parfum d’une autre. Ni avant. Ni après. » Il n’aurait ni la possibilité ni même l’idée d’en baiser une autre en moins de deux heures. Les bêtes prêtes à le mettre en pièce n’étaient peut-être pas uniquement de l’autre côté des murs. « Oh… Et encore une chose. » Elle baissa encore d’un ton, à peine audible. « Qui te dis que j’ai déjà brisé mes vœux ? »
Mensonge ou vérité ? Il en savait si peu… Elle minaudait et se faisait les griffes. Elle recula d’un pas pour prendre appui sur le créneau et s’y asseoir, tentant de s’arracher de sa présence et au parfum de fleur. Le froid désagréable du vent ne lui plaisait pas le moins du monde. Mais elle le trouvait trop intéressant pour simplement exigé qu’il la ramène ailleurs. Elle tira sa propre bouteille de l’attache à sa ceinture et en prit une gorgée.
- Mais dit moi plutôt. Pour aimer autant courir après l’horizon, toi non plus tu ne devais pas avoir une telle vue de là où tu vivais. » Autant en profiter, non ? Elle tendit la bouteille au jeune homme en un invitation muette. Il y avait suffisamment de place à côté d’elle pour qu’il s’asseye en se serrant un peu. Il aimait le danger, les femmes, la nouveauté et avait un passé aussi sombre que le sien d’une certaine façon. Ce n'était pas parce que sa poitrine n'était plus pressée contre son torse que tout cela avait mystérieusement disparu. Ses yeux d'encre avaient toujours la même intensité dérangeante en se posant sur lui. A croire qu'elle le déshabillait du regard. « Les hypocrites m’ennuient. Toi tu parles vrai.
Le mufle pensait la connaître. Combien en avait-il fait crier ? Combien en avait-il fait pleurer ? Dans cette étrange étreinte, cette proximité de corps et d'esprit qui s'établissait avec cet inconnu, elle dévorait chaque bribe de lui que ses questions et ses histoires laissaient échapper. Sa voix agréable lui caressait au rythme de ses souvenirs. Ses croyances. Elle n'avait jamais été prêtre. Les confessions ne lui incombaient pas. Mais elle en éprouvait un réel plaisir. Dans un coin de ce monde nouveau, Il observait cette scène comme Il en avait observé bien d'autres, invoqué de Son Nom sur ces lèvres pêcheresses.
Inconséquent, Milo mêlait la désinvolture la plus impie, à une forme de respect intime. Il la provoquait, laissant entendre qu'il aurait voulu, à l'époque, la faire basculer à bas de ses vœux et tirer le voile de ses véritables aspirations. Oh oui, elle voulait plus. Bien plus. Mais il lui avait fallu du temps pour le comprendre, l'accepter. L'Obscur n'épargnait personne. Ni les Sœurs, ni les prêtres, ni les riches, ni les pauvres. Encore moins l’homme dont elle sentait toujours les effluves féminines.
Sa main rugueuse glissa sur son cou. Il sentit un frisson hérisser la peau de la jeune femme et un souffle plus prononcer caressa sa joue ronde. A quel point il pensait pouvoir la cerner en quelques mots, quelques minutes ? A quel point était-il prêt à faire n’importe quoi pour se sentir vivant et oublier la mort qu’il traînait dans son sillage ? Elle le sentait sur la corde raide avec cette envie palpable de tomber. Oh oui… Il avait regardé dans l’abîme et elle ne le lâchait plus. Il pouvait toujours affronter la mort et chercher l’horizon, une fois accrochée à l’âme, la noirceur ne quittait plus son hôte.
- Epîtres aux Romains. Chapitre onze. Verset trente-six. C'est de Lui, par Lui et pour Lui que sont toutes choses. » murmura-t-elle, ses yeux luisant d’une malice caressante, aussi noir dans le secret de ses iris que la fumée qui nimbait le corps du jeune homme en formant un étendard. Entendre son ancien nom sur une langueur aussi indécente la fit frémir à nouveau d’une excitation rebelle.
Mentir était un pêché mais elle le lui pardonnait sans mal. Les lèvres du jeune homme échouèrent sur les sienne, s’y pressant si fondant avec force. Possessif. Il demandait bien plus que ce qui lui était acquis, faisant bouillir le sang de la jeune femme. Elle glissa sa main dans ses cheveux sombres, lui rendant son baiser avec passion. Sa fougue répondait aux débordements avides du jeune homme, promesses de bien plus. Elle fit ce ridicule pas qui séparait leurs deux corps et sa jambe aguicheuse trouva sa place entre les siennes. Elle lui abandonna son souffle et sa langue, jusqu’à ce une douleur soudaine le traverse. Elle lui mordit la lèvre au sang. Elle cueillit une perle de rouge du bout de la langue et mit brutalement un terme au baiser, imposant au besoin deux doigts sur les lèvres du jeune homme en barrière entre eux s’il cherchait à revenir à la charge.
La main qui nageait dans ses cheveux noirs était descendu sur la gorge du jeune homme et caressait les tâches sombres en arabesques joueuses. A demie essoufflée, ses joues arboraient une délicate ombre rosée et elle ne le repoussait pas pour autant. Au contraire. Elle ronronnait, appuyée contre lui et ne cachait pas l’effet qu’il lui faisait. Mais ses paroles avaient tout d’un miel empoisonné.
- Tu aurais peut-être des conquêtes plus satisfaisantes si tu mettais plus de deux heures à sauter d’un corps à l’autre, mon beau jaguar. »
Deux heures au mieux vu l’état des ecchymoses sur son cou. Les bleus étaient encore chauds sous ses doigts. Pensait-il qu’elle ne les avait pas vu ? Ou pensait-il qu’elle était femme à se satisfaire d’aussi peu que ses simples impulsions immédiates. Toute proche, ses lèvres frôlaient presque celle du jeune homme.
- Je te l’ai dit, non ? Je prends ce que je veux. Ni plus. Ni moins. Si un jour j’ai l’envie de te prendre, tu ne porteras pas le parfum d’une autre. Ni avant. Ni après. » Il n’aurait ni la possibilité ni même l’idée d’en baiser une autre en moins de deux heures. Les bêtes prêtes à le mettre en pièce n’étaient peut-être pas uniquement de l’autre côté des murs. « Oh… Et encore une chose. » Elle baissa encore d’un ton, à peine audible. « Qui te dis que j’ai déjà brisé mes vœux ? »
Mensonge ou vérité ? Il en savait si peu… Elle minaudait et se faisait les griffes. Elle recula d’un pas pour prendre appui sur le créneau et s’y asseoir, tentant de s’arracher de sa présence et au parfum de fleur. Le froid désagréable du vent ne lui plaisait pas le moins du monde. Mais elle le trouvait trop intéressant pour simplement exigé qu’il la ramène ailleurs. Elle tira sa propre bouteille de l’attache à sa ceinture et en prit une gorgée.
- Mais dit moi plutôt. Pour aimer autant courir après l’horizon, toi non plus tu ne devais pas avoir une telle vue de là où tu vivais. » Autant en profiter, non ? Elle tendit la bouteille au jeune homme en un invitation muette. Il y avait suffisamment de place à côté d’elle pour qu’il s’asseye en se serrant un peu. Il aimait le danger, les femmes, la nouveauté et avait un passé aussi sombre que le sien d’une certaine façon. Ce n'était pas parce que sa poitrine n'était plus pressée contre son torse que tout cela avait mystérieusement disparu. Ses yeux d'encre avaient toujours la même intensité dérangeante en se posant sur lui. A croire qu'elle le déshabillait du regard. « Les hypocrites m’ennuient. Toi tu parles vrai.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
C’était mésestimer Milo Bazalgette que de penser qu’il aie pu pré-orchestrer cette rencontre. Ces marques, il les portait autour de son cou comme un testament de sa forfaiture: il aimait vivre, et aimait la moiteur complice des femmes dans son lit. Son attitude, seule, suffisait à parler en son nom. Il agissait à l’envie, à l’intuition, poussé par ses moeurs libertines et un désir d’autodestruction toujours plus insensé. Que ne devait-il bien paraître devant ces dames! porter beau, la tête droite, tricoter de jolies séries de mots, s’incliner face à elles, leur donner du vous… Mais cela, il ne l’avait jamais fait. Un comportement que son Commandant lui avait souvent reproché. Pourquoi ? il l’avait dit: la vie n’avait rien de très sérieux.
“Tu penses pouvoir me contrôler ?” Un long sourire illuminait sa bouille. “Moi-même, je n’y arrive pas. Je ne dis pas ça pour jouer les garçons contradictoires. Mais quand on n’a pas de but précis en tête, c’est toujours assez difficile de nous aiguiller vers une seule direction. Le chat, qu’il pleuve ou qu’il neige, reste un chat et préférera suivre son instinct profond.” Instinct profond qui l’avait mené dans le lit de la fleuriste; instinct profond qui, désormais, le dévorait de curiosité à l’égard de cette femme. Dire qu’il manquait de passion à force de jouer les dilettantes était une faute grave: Milo brûlait en toutes circonstances, et il était prêt à parier que son feu désirait Galatéa plus qu’aucun homme d’Azamyr ne l’avait déjà fait. Il ne dépasserait probablement pas la trentaine…
Il sourit au sujet des voeux. Qu’en savait-il ? pas grand-chose. Son interlocutrice devait être tout à fait terrifiante, ou les hommes de ce monde, inaptes, pour qu’on n’aie osé l’approcher comme il l’avait fait. Le Milo d’avant en aurait probablement eu peur, à cause de sa posture, de cette prédation enfouie dans ses yeux noirs. Mais celui d’aujourd’hui courait après sa perte; et il lui aurait volontiers donné son premier baiser, fut-ce son dernier, si cela pouvait prolonger son éternité. “Une telle vue ? tout est question de perspective, je dirais. Je viens de Brooklyn. Là-bas, tout ou presque est démesuré. Les bâtiments percent les nuages; l’embonpoint de ceux qui les habitent perce leur ceinture plaquée or… Les femmes sont exquises et monstrueuses à la fois… Tu n’as pas dû en voir beaucoup, dans ton couvent, que Dieu t’en garde. Celles-là, on les a ciselées avec le soin du Malin. Pas la moindre trace de graisse superflue, ni la moindre imperfection. Elles sont parfaites. Et donc fausses, abominables. Aucune rage, aucune morgue dans leurs yeux, comme j’en vois dans les tiens. Leur coeur ne bat plus depuis longtemps. Ce sont des coquilles vides…” C’était celles qui régnaient sur le toit du monde. Elles n’avaient rien à envier à quelque mâle que ce soit. Milo les trouvait plus effrayantes, d’ailleurs: les femmes avaient toujours été son refuge, son jardin secret, mais celles-ci vous renvoyaient une indifférence froide et métallique dépourvue de sens humain.
“Mais là, je te parle de ce qui se passe en haut. Moi, j’étais au plus bas, dans les rues qui sentaient le feu et le cadavre. C’est ce qui marque le plus, je pense: la puanteur. Parce que le luxe a un coût, et que c’est souvent aux prolos de notre genre de le payer. La pollution anuitait les ruelles; il faisait jamais jour, sauf près des ports. Là-bas, il faisait gris. Il m’arrivait d’escalader les surplombs dans l’espoir d’y voir un peu clair, de regarder comment vivaient les rois qui nous avaient foutus dans ce merdier… Mais ce n’était pas fameux.” Plusieurs copains y avaient perdu la vie. Joris était tombé du haut d’une grue pour se fracasser cent mètres plus bas, quand un des drones l’avait surpris en train d’escalader. Mario s’était pris une balle dans la poitrine; mais aucun de leur sort n’était moins enviable que celui de Matilda.
“Y avait une fille, avec qui on marchait, à l’époque. Elle désirait la liberté plus qu’aucun de nous. Matilda, qu’elle s’appelait. Elle avait, pour elle, un visage aussi ravissant que le mien, - c’est dire! ha-ha…” Son rire n’avait pas de joie. “Un PDG mafieux d’une très grosse boîte l’avait repérée. Magnus Mosconi, c’était son nom. Une pointure dans le milieu. La moitié de New York lui appartenait.” Il se souvenait encore de ses mots, la nuit, quand il fuyait vers un sommeil noir, sans rêve. “C’est pour ça que je me méfie du pouvoir. Il avilit, il déforme. Il tue tout ce qu’il touche. Il m’a laissé pour mort après m’avoir mis une balle. Sans Hyatt pour me secourir, je serais mort. A mon réveil, Matilda avait disparu. Il l’avait prise avec lui. Et tu sais pourquoi ?” Il avait la gorge nouée, mais un sourire d’une noire ironie. “Parce qu’il en avait le pouvoir.” Il se souvenait de tout: des cris, des supplications, de son sang noir et épais qui sourdait au creux de son lobe. De tout, de tout, et aussi du silence. C’était ça, le pire: ne plus rien entendre que le bruit de la pluie et l’absence d’âme de Matilda. Sa joie, son bonheur, ses ambitions qui avaient fui au sommet d’une de ces hautes tours. “Les prêtres peuvent bien rabacher au sujet de l’enfer, qu’est-ce qu’ils y connaissent ? y a pas besoin de feu et de diable pour ce genre de choses. Tout ce qu’il faut, c’est l’homme. L’homme, et le pouvoir.”
Et la suite de l’histoire ? la suite, il ne s’en souvenait pas très bien. Il y avait eu un drame. Les portes lourdes et grises d’une cellule qui se referment sur lui. Et son évasion. “C’est pour ça que j’aime les hauteurs. On s’oublie en tant qu’homme. Y a que le vent pour nous chuchoter à l’oreille. Et tout semble si petit… ! Vous avez beau crâner avec votre fric et vos jolis vêtements, pour moi, vous êtes à peine plus grands que des fourmis.”
Et il avait retrouvé son sourire, en le disant. “Toi, tu ne veux pas tout. C’est pour ça que je te parle. Tu veux récupérer ce dont ton ancienne vie t’a privée. On est dans le même bâteau.” Il récupéra la bouteille qu’elle lui tendit pour s’asseoir, juste à côté d’elle, drainant le goulot d’une bouche pleine. “Si tu voulais le monde entier pour toi seule, tu n’aurais jamais escaladé cette tour. Parce que les gens de pouvoir sont des lâches. C’est aux autres de faire la sale besogne à leur place. En plus… mais tu le répètes pas, hein ?” Il se pencha pour lui murmurer, avec une prudence enfantine. “Il paraît qu’ils se nourrissent de sang de bébé, pour certains. Ne me regarde pas avec ces yeux! je t’assure que c’est vrai. Méfie-toi.”
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
- Te contrôler ? Haha ! " Elle n'avait pas pu s'empêcher d'échapper un rire mordant. Contrôler quoi que ce soit était une pure chimère. Et pas de celles qui vivaient à Azamyr. Personne ne contrôlait quoi que ce soit, tout pouvait basculer à tout moment. Déjà se contrôler elle-même était une pure perte de temps alors tenter de contrôler quelqu'un d'autre, surtout quelqu'un d'aussi intéressant ? Non merci. Elle savait pouvoir faire plier bien des choses à ses désirs et comment briser ce qui ne pliait pas. C'était suffisant.
Mais elle aurait été de mauvaise fois si elle avait prétendu que cette liberté instinctive qui n'avait ni retenue ni raison ne la tentait pas. Si le Malin prenait une voix ce serait probablement quelque chose d'approchant. Celle des plaisirs et des limites à franchir. ... Il le faisait déjà, dans un sens plus littéral qu'elle ne l'aurait souhaité.
La Sorcière l'écoutait avec attention. Brooklyn. ça sonnait anglo-saxon mais elle n'était pas sûr d'où cela pouvait bien être. Royaume-unis? Etats-Unis ? Il y avait sans doute d'autres endroits avec ce genre de nom. Mais ce n'était pas le principal. Les tours infinies, elle les connaissaient. Elle eut un sourire mauvais en songeant à l'embonpoint des patriciens. Elle voyait très exactement ce dont il parlait. Plusieurs hochement de tête entendus et autres rictus mordant signaient leur connivence, mais ce qui lui resta surtout fut ce compliment insultant qu'il avait prononcé à son endroit. Rage. Elle avait eut un éclat de rire d'un amusement quelque peu troublé. Ce n'était pas la première fois qu'il répétait ce détail. A quel point devait-on s'être enfoncé dans les ténèbres pour voir clair à travers l'obscurité de ses prunelles. Un goût de cuivre roulait toujours sur ses papilles mais le relent métallique dans sa gorge n'avait rien à voir. ... D'ordinaire ils y voyaient l'orgueil, le mépris, la folie, la méchanceté gratuite. Mais la rage... Tsss ce n'était pas si souvent qu'on la désarçonnait sur un sujet comme celui ci.
- L'obscurité. " l'avait-elle corrigé lorsqu'il avait parlé de la puanteur. Pour elle, ce qui avait toujours était le plus marquant était la totale absence de lumière autre que celle des holos et des écrans. Des diodes qui singeaient une soit-disant lumière naturelle. " La vase avec l'encens c'était secondaire. "
Son histoire était vue et revue. Les pauvres et les riches. Les vainqueurs et les vaincues. Mais Galatéa avait pendant longtemps eut l'impression de ne faire parti ni des uns ni des autres. Les ordres étaient hors de la société après tout. Et pourtant... A quel point elle avait vu les injustices, ruminer sa colère et essayer de grimper un moment les surplombs pour voir un peu plus loin. Elle n'était pas monté dans le même sens que lui, mais lorsqu'elle profitait de ses courses pour s'arrêter quelques minutes d'éternité face à la mer sous prétexte de ses faiblesses chroniques, elle avait l'impression de pouvoir enfin respirer. Et là, posé sur son horizon, il y avait les énormes yacht d'un blanc aseptisé qui profitaient de l'espace qui faisait défaut à tout le reste de l'humanité.
Plus les souvenirs de Milo s'égrainaient, plus il semblait s'enfoncer profondément en lui-même à coup de canif. Le sang coulait encore et encore de ses mots. Matilda. Une fille qui avait comptée. Magnus Bosconi. Hyatt. Des noms qui jaillissaient comme si elle les avaient connu, elle aussi. La balle. L'injustice. La concupiscence d'un homme fou qui s'étalait en gerbes de déliquescence. Une goutte d'acide dans l'agonie de la Terre, mais de quoi ravager une vie au point dans être marqué dans la suivante. Une voix plus rauque, plus grondante se défendant d'une ironie cinglante. Une voix juste, mais qui se perdait loin, bien trop loin.
Et ce qui attirait Galatéa chez lui comme un jeu et une connivence lui fut soudainement intolérable. Elle se tourna sur le créneaux pour laisser pendre ses pieds dans le vide. Elle tourna les yeux vers l'horizon brûlante de sang et de mauve en un frisson particulièrement désagréable. Il martelait des mots qu'elle aurait pu prononcé dans le secret des temples à son arrivée quelques années plus tôt. Elle prit deux longues gorgées de plus à sa bouteille. Elle entendait en lui l'écho d'un passé morbide qui ne revenait que rarement la hanter de cette façon et qu'il ramenait violemment en exposant ainsi son propre passé.
Qu'est-ce qu'ils y connaissent à l'enfer, hein ?
La haine dans les voix. Le regard brûlant qui transpirait d'un dégoût mortifère. L'éclat froid de la lame. La ruine de la faim. Ses doigts se crispèrent sur la pierre et elle se rapprocha légèrement sur le rebord. Elle aurait préféré qu'il soit le vent. Elle n'aurait pas comprit ses murmures, ni la proclamation qu'il vomissait avec contentement à l'intention de tous ceux qui l'avaient pris de haut par le passé et qui résonnait dans ses tripes avec une morgue sanglante. Et ce sourire presque enfantin qu'elle entendit sa voix la fit ricaner à son tour. Un rire étranglé. Elle n'était plus cela. Elle se pencha davantage au-dessus du vide, tournant son regard sur l'écume et les rochers sous elle, si petit en bas.
En guise de silence, il ne la prit que plus précisément à parti. Elle ? Un rire mauvais lui monta de nouveau aux lèvres mais cette fois avec un minimum d'amusement. Elle se tourna pour le regarder à nouveau. Sérieusement, il pensait la connaitre suffisamment pour nier ce qu'elle lui avait dit un peu plus tôt. Oh si elle voulait tout, même les choses les plus contradictoires. La vie la plus simple et aimante jusqu'au feu et aux suppliques face à sa grandeur. Qu'il se goure cette fois la détendit passablement, pour mieux la prendre à la gorge l'instant d'après.
Entendre les pensées, ressentir ce que pensaient les autres, c'était un pouvoir plus répandu qu'il n'y paraissait. Mais voir clair dans ce que les gens avaient de véritablement intime demandait autre chose que simplement des perception. L'expérience de ce que le cœur avait à la fois de plus hideux et de plus noble. Elle en était persuadée depuis des années et ses rencontres ne l'avaient jamais détrompées sur le sujet. Et voilà qu'il lui semblait taper trop juste. Le coup fut d'autant plus sournois qu'il l'avait donné en toute innocence cette fois. Elle ? Ne cherchant pas à avoir le monde entier pour elle seule ? C'était vrai. Elle voulait tout. Le monde n'était qu'une infime partie. Les gens comptaient. Ils étaient le sel, la musique, les couleurs... Ce qui était troublant car quelque chose d'autre se cachait dans la formulation qu'il avait eut et la faisait réfléchir sous un prisme qu'elle n'avait jamais connu. Elle se considérait comme une personne de pouvoir. Elle le sentait couler à l'état brute dans chaque parcelle de son corps lorsqu'elle invoquait sa véritable nature. Elle savait le convoquer de l'air, du sang et des âmes pour réduire à néant ce qui ne trouverait pas grâce à ses yeux... Mais elle ne le faisait pas. Non par crainte mais pour une autre raisons. Sincèrement, elle n'était pas du genre altruiste. Alors...
Et soudain... Il avait sorti une énormité aussi grande que lui. Sortie de toute réminiscence, de tout ce marasme de boue sombre et de sang, elle s'était tournée vers lui, abasourdie. Il était tout proche mais ça n'avait pas d'importance. Elle parti d'un grand rire frais. Naturel. Bien plus simple encore que le sourire qu'elle avait eu sur le rebord de la fenêtre avant de s'apercevoir qu'il n'était pas une femme. Un rire clair, pas spécialement séduisant.
- Tu dis ça et j'ai encore le goût de ton sang sur la langue ! " articula-t-elle entre deux éclats. Elle ne parvint à se calmer que pour essayer de piquer la bouteille d'alcool d'algue et en reprendre une gorgée. Tout ce qui était figé par les réminiscences se remis en mouvement à l'intérieur d'elle. Le déséquilibre d'un point de vue inhabituel restait mais plus réjouissant que révulsant. Les souvenirs flottaient toujours autour d'eux comme les ombres qui s'échappait en volutes élégants de l'être de Milo. Quel petit con. Elle soupira à plein poumon et secoua la tête avant de lui donner un petit coup d'épaule. Entre leurs mouvements et le vent, la tresse qu'elle avait faite à la va-vite pour ne pas être embêtée en grimpant ne ressemblait plus à grand chose et ne tenait que par une opération divine.
- Mais tu sais quoi ? ... Peut-être bien que tu as raison. " Elle tendit une jambes, tournant la cheville avant de laisser de nouveau pendre son pied. " Tout avoir si les autres n'ont rien, je m'en fiche. Un monde sans personne serait particulièrement ennuyeux. Et le sang de bébé c'est pas mon truc, malgré ce qu'on peut raconter sur les sorcières. Il y a d'autres secrets de jouvence. " lui confia-t-elle avec un sourire en coin alors qu'elle ne lui avait jamais laissé entrapercevoir que c'était là sa nature. " Peut-être que je ne veux pas avoir le pouvoir. " Elle tourna les yeux directement vers le soleil qui ployait sur la ligne de l'océan. " Peut-être que je veux être le pouvoir. " Puis elle en revint de nouveau à lui. " Tu sais, au début, je me suis beaucoup demandée pourquoi, parmi toutes les espèces possibles, le transfert m'avait changé en sorcière. Servantes du diable. Ennemies de Dieu... Je me sentais bien plus proche de la maison de la Flamme et de l'Ombre que de celle de la Terre et du Sang. L'indépendance. Le secret. La Connaissance dans les territoires les plus inexplorés. Cette différence qui soude ceux qui comprennent intimement quelque chose qui reste hors de portée des profanes... La passion et la mort sont si étroitement entremêlées... Et puis la première fois que j'ai lancé un sort j'ai compris. " Un frisson agréable lui remonta entre les épaules. Elle se mordit la lèvre. C'était aberrant de dire ça, mais ça lui plaisait plutôt bien alors pourquoi s'en priver ? Ses yeux noirs cherchèrent ceux du chat. " La magie c'est le pouvoir à l'état brut. Instable. Rugissant. Il suffit de baisser ta garde un instant, de lui manquer de respect une fois et elle te brise comme une lame de fond. Elle constitue chaque chose et elle la consume en même temps. " Elle passa une main dans ses cheveux pour finir de les dénouer si ce n'était pas déjà totalement le cas. " Je vois ceux qui essaient de recréer la terre ici et je trouve ça tellement ridicule. La première chose qu'ils ont recréer c'est l'argent. " ajouta-t-elle avec un dédain hautain. Pratique mais tellement futile. " Mais ici, tout est tellement plus vaste. Certains commencent déjà a accumuler, à voler, à tricher pour avoir plus que les autres. D'autres s'esquivent, se réinvente. On se blesse et on se cherche. C'est magnifique. Cette vie qui grouille, qui bat, qui brûle. Qui n'attend qu'une chose c'est qu'on s'en empare dans toute sa complexité et ses... contradictions... "
La saveur du mal, de la générosité, de la peine, de la reconnaissance, de la colère et de la paix, de la haine, de l'amour. Tout était vif ici. Des moments de vie augmentés qui seuls valaient le coup... Il le verbalisait bien plus simplement qu'elle depuis le départ. Plus net. Plus acéré. Directe. Sans ça, elle se sentait mourir. " Je crois qu'on se ressemble trop au fond... Le sang. La crasse. Les trahisons. La haine. Tu as sans doute raison quand tu dis que je ne cherche que ce qu'on m'a pris. Peut-être que c'est pour ça que je suis ce que je suis. Que je frémi rien qu'à l'idée de sentir un cœur battre contre le mien. Que je pousse encore plus loin la puissance sauvage qui déferle dans mes veine à chaque sort, jusqu'à ce que que mon corps ne tienne qu'à un fil. Et que je scrute chaque instant d'éternité pour sentir qu'il est possible de frôler la trame du monde du bout des doigts. D'y planter mes crocs... " finit-elle dans un souffle grondant. Il faut bien avoir été un ange pour déchoir. Le Pouvoir brut. Les Possibles. Elle avait ça dans le sang et ça n'avait rien à voir avec le pouvoir dont parlait les terrien. Plongée dans les yeux de Milo, elle se rendit compte qu'elle avait agrippé son regard, habitée par l'absolu qu'elle partageait en quelques mots. Elle sentait qu'il pouvait comprendre ça. Ressentir ça. Son buste se pencha un peu plus vers lui. Elle en vibrait comme le cristal le plus pur.
- Si pour toi, ce n'est pas ça le Pouvoir, il faut peut-être redéfinir les codes du berger ? " Elle remonta l'une de ses jambes, pied posé sur le rebord, pour s'approcher encore d'un souffle jusqu’à frôler ses lèvres s'il ne reculait pas. " Trouver son Graal. "
D'un coup, elle s'arracha à lui. Sur un regard et un sourire de défi elle sauta dans le vide.
Mais elle aurait été de mauvaise fois si elle avait prétendu que cette liberté instinctive qui n'avait ni retenue ni raison ne la tentait pas. Si le Malin prenait une voix ce serait probablement quelque chose d'approchant. Celle des plaisirs et des limites à franchir. ... Il le faisait déjà, dans un sens plus littéral qu'elle ne l'aurait souhaité.
La Sorcière l'écoutait avec attention. Brooklyn. ça sonnait anglo-saxon mais elle n'était pas sûr d'où cela pouvait bien être. Royaume-unis? Etats-Unis ? Il y avait sans doute d'autres endroits avec ce genre de nom. Mais ce n'était pas le principal. Les tours infinies, elle les connaissaient. Elle eut un sourire mauvais en songeant à l'embonpoint des patriciens. Elle voyait très exactement ce dont il parlait. Plusieurs hochement de tête entendus et autres rictus mordant signaient leur connivence, mais ce qui lui resta surtout fut ce compliment insultant qu'il avait prononcé à son endroit. Rage. Elle avait eut un éclat de rire d'un amusement quelque peu troublé. Ce n'était pas la première fois qu'il répétait ce détail. A quel point devait-on s'être enfoncé dans les ténèbres pour voir clair à travers l'obscurité de ses prunelles. Un goût de cuivre roulait toujours sur ses papilles mais le relent métallique dans sa gorge n'avait rien à voir. ... D'ordinaire ils y voyaient l'orgueil, le mépris, la folie, la méchanceté gratuite. Mais la rage... Tsss ce n'était pas si souvent qu'on la désarçonnait sur un sujet comme celui ci.
- L'obscurité. " l'avait-elle corrigé lorsqu'il avait parlé de la puanteur. Pour elle, ce qui avait toujours était le plus marquant était la totale absence de lumière autre que celle des holos et des écrans. Des diodes qui singeaient une soit-disant lumière naturelle. " La vase avec l'encens c'était secondaire. "
Son histoire était vue et revue. Les pauvres et les riches. Les vainqueurs et les vaincues. Mais Galatéa avait pendant longtemps eut l'impression de ne faire parti ni des uns ni des autres. Les ordres étaient hors de la société après tout. Et pourtant... A quel point elle avait vu les injustices, ruminer sa colère et essayer de grimper un moment les surplombs pour voir un peu plus loin. Elle n'était pas monté dans le même sens que lui, mais lorsqu'elle profitait de ses courses pour s'arrêter quelques minutes d'éternité face à la mer sous prétexte de ses faiblesses chroniques, elle avait l'impression de pouvoir enfin respirer. Et là, posé sur son horizon, il y avait les énormes yacht d'un blanc aseptisé qui profitaient de l'espace qui faisait défaut à tout le reste de l'humanité.
Plus les souvenirs de Milo s'égrainaient, plus il semblait s'enfoncer profondément en lui-même à coup de canif. Le sang coulait encore et encore de ses mots. Matilda. Une fille qui avait comptée. Magnus Bosconi. Hyatt. Des noms qui jaillissaient comme si elle les avaient connu, elle aussi. La balle. L'injustice. La concupiscence d'un homme fou qui s'étalait en gerbes de déliquescence. Une goutte d'acide dans l'agonie de la Terre, mais de quoi ravager une vie au point dans être marqué dans la suivante. Une voix plus rauque, plus grondante se défendant d'une ironie cinglante. Une voix juste, mais qui se perdait loin, bien trop loin.
Et ce qui attirait Galatéa chez lui comme un jeu et une connivence lui fut soudainement intolérable. Elle se tourna sur le créneaux pour laisser pendre ses pieds dans le vide. Elle tourna les yeux vers l'horizon brûlante de sang et de mauve en un frisson particulièrement désagréable. Il martelait des mots qu'elle aurait pu prononcé dans le secret des temples à son arrivée quelques années plus tôt. Elle prit deux longues gorgées de plus à sa bouteille. Elle entendait en lui l'écho d'un passé morbide qui ne revenait que rarement la hanter de cette façon et qu'il ramenait violemment en exposant ainsi son propre passé.
Qu'est-ce qu'ils y connaissent à l'enfer, hein ?
La haine dans les voix. Le regard brûlant qui transpirait d'un dégoût mortifère. L'éclat froid de la lame. La ruine de la faim. Ses doigts se crispèrent sur la pierre et elle se rapprocha légèrement sur le rebord. Elle aurait préféré qu'il soit le vent. Elle n'aurait pas comprit ses murmures, ni la proclamation qu'il vomissait avec contentement à l'intention de tous ceux qui l'avaient pris de haut par le passé et qui résonnait dans ses tripes avec une morgue sanglante. Et ce sourire presque enfantin qu'elle entendit sa voix la fit ricaner à son tour. Un rire étranglé. Elle n'était plus cela. Elle se pencha davantage au-dessus du vide, tournant son regard sur l'écume et les rochers sous elle, si petit en bas.
En guise de silence, il ne la prit que plus précisément à parti. Elle ? Un rire mauvais lui monta de nouveau aux lèvres mais cette fois avec un minimum d'amusement. Elle se tourna pour le regarder à nouveau. Sérieusement, il pensait la connaitre suffisamment pour nier ce qu'elle lui avait dit un peu plus tôt. Oh si elle voulait tout, même les choses les plus contradictoires. La vie la plus simple et aimante jusqu'au feu et aux suppliques face à sa grandeur. Qu'il se goure cette fois la détendit passablement, pour mieux la prendre à la gorge l'instant d'après.
Entendre les pensées, ressentir ce que pensaient les autres, c'était un pouvoir plus répandu qu'il n'y paraissait. Mais voir clair dans ce que les gens avaient de véritablement intime demandait autre chose que simplement des perception. L'expérience de ce que le cœur avait à la fois de plus hideux et de plus noble. Elle en était persuadée depuis des années et ses rencontres ne l'avaient jamais détrompées sur le sujet. Et voilà qu'il lui semblait taper trop juste. Le coup fut d'autant plus sournois qu'il l'avait donné en toute innocence cette fois. Elle ? Ne cherchant pas à avoir le monde entier pour elle seule ? C'était vrai. Elle voulait tout. Le monde n'était qu'une infime partie. Les gens comptaient. Ils étaient le sel, la musique, les couleurs... Ce qui était troublant car quelque chose d'autre se cachait dans la formulation qu'il avait eut et la faisait réfléchir sous un prisme qu'elle n'avait jamais connu. Elle se considérait comme une personne de pouvoir. Elle le sentait couler à l'état brute dans chaque parcelle de son corps lorsqu'elle invoquait sa véritable nature. Elle savait le convoquer de l'air, du sang et des âmes pour réduire à néant ce qui ne trouverait pas grâce à ses yeux... Mais elle ne le faisait pas. Non par crainte mais pour une autre raisons. Sincèrement, elle n'était pas du genre altruiste. Alors...
Et soudain... Il avait sorti une énormité aussi grande que lui. Sortie de toute réminiscence, de tout ce marasme de boue sombre et de sang, elle s'était tournée vers lui, abasourdie. Il était tout proche mais ça n'avait pas d'importance. Elle parti d'un grand rire frais. Naturel. Bien plus simple encore que le sourire qu'elle avait eu sur le rebord de la fenêtre avant de s'apercevoir qu'il n'était pas une femme. Un rire clair, pas spécialement séduisant.
- Tu dis ça et j'ai encore le goût de ton sang sur la langue ! " articula-t-elle entre deux éclats. Elle ne parvint à se calmer que pour essayer de piquer la bouteille d'alcool d'algue et en reprendre une gorgée. Tout ce qui était figé par les réminiscences se remis en mouvement à l'intérieur d'elle. Le déséquilibre d'un point de vue inhabituel restait mais plus réjouissant que révulsant. Les souvenirs flottaient toujours autour d'eux comme les ombres qui s'échappait en volutes élégants de l'être de Milo. Quel petit con. Elle soupira à plein poumon et secoua la tête avant de lui donner un petit coup d'épaule. Entre leurs mouvements et le vent, la tresse qu'elle avait faite à la va-vite pour ne pas être embêtée en grimpant ne ressemblait plus à grand chose et ne tenait que par une opération divine.
- Mais tu sais quoi ? ... Peut-être bien que tu as raison. " Elle tendit une jambes, tournant la cheville avant de laisser de nouveau pendre son pied. " Tout avoir si les autres n'ont rien, je m'en fiche. Un monde sans personne serait particulièrement ennuyeux. Et le sang de bébé c'est pas mon truc, malgré ce qu'on peut raconter sur les sorcières. Il y a d'autres secrets de jouvence. " lui confia-t-elle avec un sourire en coin alors qu'elle ne lui avait jamais laissé entrapercevoir que c'était là sa nature. " Peut-être que je ne veux pas avoir le pouvoir. " Elle tourna les yeux directement vers le soleil qui ployait sur la ligne de l'océan. " Peut-être que je veux être le pouvoir. " Puis elle en revint de nouveau à lui. " Tu sais, au début, je me suis beaucoup demandée pourquoi, parmi toutes les espèces possibles, le transfert m'avait changé en sorcière. Servantes du diable. Ennemies de Dieu... Je me sentais bien plus proche de la maison de la Flamme et de l'Ombre que de celle de la Terre et du Sang. L'indépendance. Le secret. La Connaissance dans les territoires les plus inexplorés. Cette différence qui soude ceux qui comprennent intimement quelque chose qui reste hors de portée des profanes... La passion et la mort sont si étroitement entremêlées... Et puis la première fois que j'ai lancé un sort j'ai compris. " Un frisson agréable lui remonta entre les épaules. Elle se mordit la lèvre. C'était aberrant de dire ça, mais ça lui plaisait plutôt bien alors pourquoi s'en priver ? Ses yeux noirs cherchèrent ceux du chat. " La magie c'est le pouvoir à l'état brut. Instable. Rugissant. Il suffit de baisser ta garde un instant, de lui manquer de respect une fois et elle te brise comme une lame de fond. Elle constitue chaque chose et elle la consume en même temps. " Elle passa une main dans ses cheveux pour finir de les dénouer si ce n'était pas déjà totalement le cas. " Je vois ceux qui essaient de recréer la terre ici et je trouve ça tellement ridicule. La première chose qu'ils ont recréer c'est l'argent. " ajouta-t-elle avec un dédain hautain. Pratique mais tellement futile. " Mais ici, tout est tellement plus vaste. Certains commencent déjà a accumuler, à voler, à tricher pour avoir plus que les autres. D'autres s'esquivent, se réinvente. On se blesse et on se cherche. C'est magnifique. Cette vie qui grouille, qui bat, qui brûle. Qui n'attend qu'une chose c'est qu'on s'en empare dans toute sa complexité et ses... contradictions... "
La saveur du mal, de la générosité, de la peine, de la reconnaissance, de la colère et de la paix, de la haine, de l'amour. Tout était vif ici. Des moments de vie augmentés qui seuls valaient le coup... Il le verbalisait bien plus simplement qu'elle depuis le départ. Plus net. Plus acéré. Directe. Sans ça, elle se sentait mourir. " Je crois qu'on se ressemble trop au fond... Le sang. La crasse. Les trahisons. La haine. Tu as sans doute raison quand tu dis que je ne cherche que ce qu'on m'a pris. Peut-être que c'est pour ça que je suis ce que je suis. Que je frémi rien qu'à l'idée de sentir un cœur battre contre le mien. Que je pousse encore plus loin la puissance sauvage qui déferle dans mes veine à chaque sort, jusqu'à ce que que mon corps ne tienne qu'à un fil. Et que je scrute chaque instant d'éternité pour sentir qu'il est possible de frôler la trame du monde du bout des doigts. D'y planter mes crocs... " finit-elle dans un souffle grondant. Il faut bien avoir été un ange pour déchoir. Le Pouvoir brut. Les Possibles. Elle avait ça dans le sang et ça n'avait rien à voir avec le pouvoir dont parlait les terrien. Plongée dans les yeux de Milo, elle se rendit compte qu'elle avait agrippé son regard, habitée par l'absolu qu'elle partageait en quelques mots. Elle sentait qu'il pouvait comprendre ça. Ressentir ça. Son buste se pencha un peu plus vers lui. Elle en vibrait comme le cristal le plus pur.
- Si pour toi, ce n'est pas ça le Pouvoir, il faut peut-être redéfinir les codes du berger ? " Elle remonta l'une de ses jambes, pied posé sur le rebord, pour s'approcher encore d'un souffle jusqu’à frôler ses lèvres s'il ne reculait pas. " Trouver son Graal. "
D'un coup, elle s'arracha à lui. Sur un regard et un sourire de défi elle sauta dans le vide.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Ce monde avait offert à d’anciennes notions de toutes nouvelles perspectives. La foi, d’abord, car Ozéna ne pouvait pas avoir été bâtie par les mêmes mains que celles qui avaient architecturé la Terre. Il y avait une démesure écrasante, chimérique, de celle qu’on ne trouve que dans les rêves, peu importe où vous posiez le regard. Rien d’étonnant à ce que les premiers colons aient réinventé les religions pour plier le jarret devant de nouveaux dieux. Il y avait la physique, aussi, - mais Milo n’y connaissait pas grand-chose.
Et bien sûr, le pouvoir.
A New York, le pouvoir était une histoire de relations; et l’argent, son précieux combustible. Vous ne pouviez espérer bâtir un empire pérenne sans plusieurs milliers de ces billets verts dans la mallette. Le pouvoir pouvait être traduit par la “force”, bien que ce n’était pas tout à fait la même chose: les milliardaires véreux empaquetés dans leurs costumes deux pièces étaient absolument dépendants de l’écosystème libéral dans lequel ils pataugeaient. En cas de krach boursier, c'était la fin; mais la force, elle, demeurait en toutes circonstances.
Les pouvoirs de Galatéa demeuraient en toutes circonstances. Ils étaient partie intégrante de son être, tout comme les volutes noires qui fuyaient le corps du jeune homme. Ainsi, le pouvoir et la force s’étaient conjugués en une seule entité, et à ce prix-là, Milo ne comprenait pas bien quel intérêt il y avait à courir après une richesse matérielle. “C’est un point de vue intéressant”, finit-il par dire, songeur. “Quoiqu’un peu dangereux. La magie est de nature éruptive. Si tu ne fais pas attention, tu risques bien de t’y brûler les doigts. Les tiens, ou ceux de quelqu’un d’autre, d’ailleurs…”
Ses seuls pouvoirs de sorcière pouvaient-ils réellement lui suffire à assujettir cette cité ? Peut-être. Sans doute. Il n’en savait rien, pour dire le vrai. Il s’était lui-même déjà imaginé en train de téléporter un individu au sommet d’un surplomb et l’y abandonner, comme si de rien n’était. A l’exception de ces types ailés, qui pouvait y résister ? Autrefois, vous deviez démarcher des mercenaires, les payer au prix fort pour espérer que ces derniers accomplissent leur tâche, en bref, déléguer la besogne à quelqu’un d’autre. Mais maintenant… Galatéa pouvait tout aussi bien murmurer au creux d’une oreille et pousser un homme à la folie. Au carnage. Milo pouvait treuiller n’importe qui au milieu d’une mer déjà naviguée, et l’y abandonner comme un vulgaire appât. Il n’avait jamais pris la chose sous cet angle, et pour cause: le pouvoir ne lui disait rien. Pour lui,ses apparitions et disparitions spontanées étaient l’occasion de faire quelques farces, ou de s’aérer l’esprit au sommet des remparts. “Les règles changent. De partout. On ne peut plus se terrer derrière un bureau et attendre que nos manigances portent leur fruit. Tu as raison, joli coeur: le pouvoir, il doit se prendre.” Il l’observa, sans tout à fait y croire. Avant qu’un sourire finaud ne lui étire les lèvres. “Mais tu n’es pas aussi absolue que tu le prétends. Je les ai vus de près, les types, les nanas qui couraient après ce genre de choses. Ils ne te ressemblaient pas. Ceux-là étaient durs, dépourvus de vie et d’émotions. Toi, tu boues, - comme moi. Je crains fort… que tu ne te brûles les ailes avant d’arriver à tes fins.” La malice lui flambait le fond des yeux. “Ce que tu veux, toi, c’est l’étern…”
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Le corps de la demoiselle culbuta vers l’arrière, et elle disparut. Tout se passa en un souffle. Le temps parut se dilater dans les yeux du garçon; image après image, il voyait la ravissante demoiselle rétrécir en contrebas. Sans qu’il ne sache bien pourquoi, il bondit, à son tour, comme un diable. Main tendue. Mais elle était loin. “Q-...” Il n’eut pas le temps de penser. Pas le temps de réfléchir. Un panorama splendide leur servirait de tombeau. De la mer, de l’eau à perte de vue. Eau. C’est le mot auquel il songea alors qu’un oeillet noir et crépusculaire jaillit derrière la sorcière, à quelques mètres du sol. A son tour, il se sentit disparaître à un souffle du péril, comme dans un rêve.
La seconde d’après, Milo Balzagette et Galatéa burent la tasse. Un tourbillon de bulles et d’écume, et le jeune homme s’époumona dans une grande expiration, tâchant de reprendre son oxygène. Il s’était déjà rendu ici. Plusieurs fois. A vingt mètres de là, une plage s’étirait avec arrogance le long des côtes, et plus loin encore, les immenses murailles de la cité. Sur combien de mètres, - de kilomètres ? - avaient-ils viré ? Il n’en avait pas la moindre idée. “Gala’ !? Gala !”
D’un souffle, il plongea dans l’eau et l’aperçut, son corps chutant dans les profondeurs chatoyantes du lagon. Etait-elle inconsciente, ou jouait-elle la comédie ? Il prit le risque de tomber dans le panneau et nagea dans sa direction, saisissant la demoiselle sur son dos avant de remonter, vaille que vaille, les yeux abîmés par le sel, les joues gonflées comme deux balles de golf, et de nouveau, il jappa lamentablement, tâchant de reprendre son souffle. “Si je puis me permettre, Miss Power, y avait d’autres moyens de me vendre votre esprit de transgression. Un baiser, par exemple…” Haletante, la chute avait été pénible. Celle de la tour, d’abord, sur au moins vingt bons mètres, avant que leur corps ne heurte comme deux crêpes le dur plancher de la mer. Un peu sonné, il tracta cependant la demoiselle de toutes ses forces jusqu’au rivage, jusqu’à ce que de la flotte lui sorte par les fringues et qu’il doive se dévêtir. “Bordel…” Il essora sa chemise, dégagea une algue fluo du bout de sa botte et s’ébroua comme un chat mécontent. Galatéa, elle, avait été déposée soigneusement sur le sable, consciente ou non. “Il a fallu que je pense à la mer. C’aurait pu être un lit superposé, un matelas douillet, ou même les deux fesses d’une nana. Mais nan, Milo, tu nous as catapultés dans la flotte. Je suis bon pour tout changer…” Ses bottes, et sa ceinture, et ses gants, et le reste. Le cuir n’aimait pas le contact de l’eau.
Décor
La mer, autour, évoquait les blanches rives de Janaan et la chaleur pesante du ciel en brûlait le tout comme un grand miroir. L’eau de ce monde n’était pas celle de Brooklyn: sa chaleur chatouilleuse vous prenait au flanc et vous arrachait une réjouissance d’enfant. Le sable fin, transparent, donnait une impression de coton granuleux, et le boxeur finit par tomber sur le dos, exhalant le plus soupir de son existence. “Si tu es encore en vie, manifeste-le. Dans le cas contraire, je préfère te prévenir, j’ai plus d’un alibi dans mon sac.” Il grimaça un sourire; le soleil l’éblouissait.
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
S'y brûler les doigts ? " C'est déjà fait. " répondit-elle, sibylline. Elle y avait déjà perdu des parties d'elle et elle n'y avait aucun retour arrière possible pour ça. Il n'y avait jamais de retour en arrière possible pour quoi que ce soit. Il avait beau jeu de la mettre en garde alors qu'il courait après l'horizon. Qu'il lui fasse l'honneur de ce conseil était à la fois ridicule et particulièrement touchant. Aussi, il ne fallait pas s'y appesantir. Quand il mis en doute une fois de plus l'absolu de sa soif de vie, elle le défia la malice dans les yeux du jeune homme. Il n'aurait pas le dernier mot, ne gagnerait pas cette joute.
Elle sauta.
La même sensation que lorsqu'il l'avait téléportée avec lui en haut de cette tour la pris aux tripes. Le vide la distordait de l'intérieur. Elle avait les yeux sur les rochers sous elle, la mousse, le détail des feuilles d'une plante rosâtre qui avait poussée dans une anfractuosité de la roche, l'écume qui s'y brisait avec force. Malgré l'air qui lui fouettait le visage pour mieux caresser ses cheveux, chaque once de couleur lui paressait d'un éclat indescriptible. Tout son corps lui hurlait que c'était la fin. Son cœur bondit, cherchant à rattraper les millions de battements qu'il aurait du encore pouvoir compté avant qu'elle ne s'éteigne, vieille et décrépite.
Plus de souvenirs. Plus de volonté. Plus de plans pour le futur. Plus de petite voix obscure. Plus aucune responsabilité, même pas celle de veillée sur sa propre vie. Elle venait de la fourrer dans les mains d'un autre. Il n'y avait plus qu'elle et ce vent iodé, au paroxysme d'une peur viscérale et d'une excitation au moins aussi grande.
Durant cet instant d'éternité, elle était libre.
D'un coup, l'obscurité l'entoura. Elle ferma les yeux. Il n'y eut plus de vent. Plus de froid. Plus un son.
Lorsqu'elle reprit conscience, ses poumons étaient en feu. Dans un sursaut, un monde bleuté de créatures inconnues et rapides l'entourait... Des couleurs. Des lumières étranges. Sous l'eau... Le sel lui brûlait les yeux. Des sons lui parvenaient par vague. Et impossible de différencier le haut du bas. Rien à voir avec la chute... Et pourtant elle chutait ? Un bulle d'air lui échappa en un hoquet et la poitrine devint douloureuse. La conscience de l'urgence la rappela brutalement à la réalité. Merde ?! On la saisit et alors qu'elle sentait l'eau s'infiltrer dans sa gorge, ils crevèrent enfin la surface.
Toussant et haletant tout à la fois, elle avait toute les peines du monde à reprendre sa respiration et se laissa attirer jusqu'où bon semblait à son sauveur, l'aidant maladroitement où essayant au moins de ne pas lui compliquer la tâche jusqu'à ce qu'elle se retrouve à plat dos sur un ban de sable et parvienne enfin à remplir ses poumons d'air et de rien d'autre. Le rouge l'or et le mauve gagnaient progressivement le reste du ciel au-dessus d'eux et pourtant, la chaleur pesait partout sur un sable presque aussi blanc qu'elle. Elle était trempée, tremblait un peu, le sel lui collait au visage, le sable aux cheveux... Et Milo râlait. La voix chaude et ronronnante du jeune homme travaillée par l'eau de mer, ça lui allait bien. Un matelas. Des fesses. Elle avait envie de rire mais si elle laissait échapper le moindre gloussement, la toux reprendrait instantanément.
Appréciant chaque goulée d'air pour ce qu'elle était, elle tourna tout juste la tête vers lui. Décidément l'image du chat lui allait bien... Mais les jeux de lumière sur sa peau trempée lui allaient mieux encore. Elle tourna à nouveau les yeux vers le ciel et cette fois ne pu s'empêcher de se mettre à glousser d'une façon enfantine. Tout était parfait.
Sa courte robe jaune vif ressemblait à un chiffon posé sur elle sans la moindre forme, le tissus trop fin n'épargnaient ni ses contours ni les détails de ses dessous d'un blanc uni. Étrangement, les premiers collons avaient rétablis l’argent mais n'étaient devenu des as ni en bonnèterie ni en lingerie fine. Elle riait toujours, tout en toussant à moitié quand il s'échoua sur le dos à côté d'elle et leva un bras comme signe de vie, comme s'il ne l'avait pas entendu se marrer, et le reposa vers lui, sa main se retrouvant contre son bras.
- Laisse moi deviner. Tu étais avec quelqu'un d'autre de l'autre côté de la ville et tu n'aurais jamais pu faire le trajet assez rapidement ? " Elle tourna la tête dans la direction de celui qui mine de rien venait de lui sauver la vie. Lui avait-elle fait confiance ou la chose était-elle plus complexe que ça ? Aucune importance, le soleil était suffisamment éclatant pour leur faire mal aux yeux. Elle fronça les sourcils et ajouta, taquine. " En fait c'est une tannée d'être faucheuse pour les alibis... "
Elle sentait enfin sa gorge suffisamment stable pour prendre une immense inspiration qui se changea en bâillement et soupira avec délice. Le corps lourd. Le cœur battant encore bien vite. " Hhh merci Milo" ronronna-t-elle en un soupire d'animal repu, les traits détendus et le corps en berne. " Je rêve de faire ça depuis la première fois où je suis montée sur les remparts. " Et elle ne comptait pas s'excuser, clamait le sourire mutin qui lui montait aux yeux. Elle prit une autre respiration profonde et parvint enfin à calmer un peu les battements de son cœur. " Oh, t'en fait pas trop pour ton cuir. Une brosse, de l'huile de sultra et tout ira bien... Et s'ils sont morts dit le moi, je t'en trouverai des neufs. Je travaille avec une artisane. " ajouta-t-elle en fermant les yeux pour profiter du soleil sur son visage. Elle ne comptait pas lui faire payer des moments comme ceux là d'une façon aussi bassement matérielle.
- Contente que tu n'aies pas pensé aux fesses de ta dernière conquête en tout cas. Une chambre à la caserne, ça aurait été dommage. Cet endroit est un paradis... Ton instinct n'est peut-être pas si mauvais. " Le revers de ses doigts étaient toujours échoué contre le bras du jeune homme. Elle n'avait pas envie d'en perdre le contact de sa peau. " C'est pour des endroits comme ça que tu sors des murs ? " Si elle avait su, elle aurait peut-être laissé sa curiosité pousser ses pas un peu plus loin vers l'extérieur... Le goût de sel sur ses lèvres... La présence du jeune homme près d'elle. Sans qu'elle ne s'en rende compte, une coulisse rouge vif ruisselait de sous sa brassière et commençait lentement à teindre le tissus sur son flanc.
Elle sauta.
La même sensation que lorsqu'il l'avait téléportée avec lui en haut de cette tour la pris aux tripes. Le vide la distordait de l'intérieur. Elle avait les yeux sur les rochers sous elle, la mousse, le détail des feuilles d'une plante rosâtre qui avait poussée dans une anfractuosité de la roche, l'écume qui s'y brisait avec force. Malgré l'air qui lui fouettait le visage pour mieux caresser ses cheveux, chaque once de couleur lui paressait d'un éclat indescriptible. Tout son corps lui hurlait que c'était la fin. Son cœur bondit, cherchant à rattraper les millions de battements qu'il aurait du encore pouvoir compté avant qu'elle ne s'éteigne, vieille et décrépite.
Plus de souvenirs. Plus de volonté. Plus de plans pour le futur. Plus de petite voix obscure. Plus aucune responsabilité, même pas celle de veillée sur sa propre vie. Elle venait de la fourrer dans les mains d'un autre. Il n'y avait plus qu'elle et ce vent iodé, au paroxysme d'une peur viscérale et d'une excitation au moins aussi grande.
Durant cet instant d'éternité, elle était libre.
D'un coup, l'obscurité l'entoura. Elle ferma les yeux. Il n'y eut plus de vent. Plus de froid. Plus un son.
Lorsqu'elle reprit conscience, ses poumons étaient en feu. Dans un sursaut, un monde bleuté de créatures inconnues et rapides l'entourait... Des couleurs. Des lumières étranges. Sous l'eau... Le sel lui brûlait les yeux. Des sons lui parvenaient par vague. Et impossible de différencier le haut du bas. Rien à voir avec la chute... Et pourtant elle chutait ? Un bulle d'air lui échappa en un hoquet et la poitrine devint douloureuse. La conscience de l'urgence la rappela brutalement à la réalité. Merde ?! On la saisit et alors qu'elle sentait l'eau s'infiltrer dans sa gorge, ils crevèrent enfin la surface.
Toussant et haletant tout à la fois, elle avait toute les peines du monde à reprendre sa respiration et se laissa attirer jusqu'où bon semblait à son sauveur, l'aidant maladroitement où essayant au moins de ne pas lui compliquer la tâche jusqu'à ce qu'elle se retrouve à plat dos sur un ban de sable et parvienne enfin à remplir ses poumons d'air et de rien d'autre. Le rouge l'or et le mauve gagnaient progressivement le reste du ciel au-dessus d'eux et pourtant, la chaleur pesait partout sur un sable presque aussi blanc qu'elle. Elle était trempée, tremblait un peu, le sel lui collait au visage, le sable aux cheveux... Et Milo râlait. La voix chaude et ronronnante du jeune homme travaillée par l'eau de mer, ça lui allait bien. Un matelas. Des fesses. Elle avait envie de rire mais si elle laissait échapper le moindre gloussement, la toux reprendrait instantanément.
Appréciant chaque goulée d'air pour ce qu'elle était, elle tourna tout juste la tête vers lui. Décidément l'image du chat lui allait bien... Mais les jeux de lumière sur sa peau trempée lui allaient mieux encore. Elle tourna à nouveau les yeux vers le ciel et cette fois ne pu s'empêcher de se mettre à glousser d'une façon enfantine. Tout était parfait.
Sa courte robe jaune vif ressemblait à un chiffon posé sur elle sans la moindre forme, le tissus trop fin n'épargnaient ni ses contours ni les détails de ses dessous d'un blanc uni. Étrangement, les premiers collons avaient rétablis l’argent mais n'étaient devenu des as ni en bonnèterie ni en lingerie fine. Elle riait toujours, tout en toussant à moitié quand il s'échoua sur le dos à côté d'elle et leva un bras comme signe de vie, comme s'il ne l'avait pas entendu se marrer, et le reposa vers lui, sa main se retrouvant contre son bras.
- Laisse moi deviner. Tu étais avec quelqu'un d'autre de l'autre côté de la ville et tu n'aurais jamais pu faire le trajet assez rapidement ? " Elle tourna la tête dans la direction de celui qui mine de rien venait de lui sauver la vie. Lui avait-elle fait confiance ou la chose était-elle plus complexe que ça ? Aucune importance, le soleil était suffisamment éclatant pour leur faire mal aux yeux. Elle fronça les sourcils et ajouta, taquine. " En fait c'est une tannée d'être faucheuse pour les alibis... "
Elle sentait enfin sa gorge suffisamment stable pour prendre une immense inspiration qui se changea en bâillement et soupira avec délice. Le corps lourd. Le cœur battant encore bien vite. " Hhh merci Milo" ronronna-t-elle en un soupire d'animal repu, les traits détendus et le corps en berne. " Je rêve de faire ça depuis la première fois où je suis montée sur les remparts. " Et elle ne comptait pas s'excuser, clamait le sourire mutin qui lui montait aux yeux. Elle prit une autre respiration profonde et parvint enfin à calmer un peu les battements de son cœur. " Oh, t'en fait pas trop pour ton cuir. Une brosse, de l'huile de sultra et tout ira bien... Et s'ils sont morts dit le moi, je t'en trouverai des neufs. Je travaille avec une artisane. " ajouta-t-elle en fermant les yeux pour profiter du soleil sur son visage. Elle ne comptait pas lui faire payer des moments comme ceux là d'une façon aussi bassement matérielle.
- Contente que tu n'aies pas pensé aux fesses de ta dernière conquête en tout cas. Une chambre à la caserne, ça aurait été dommage. Cet endroit est un paradis... Ton instinct n'est peut-être pas si mauvais. " Le revers de ses doigts étaient toujours échoué contre le bras du jeune homme. Elle n'avait pas envie d'en perdre le contact de sa peau. " C'est pour des endroits comme ça que tu sors des murs ? " Si elle avait su, elle aurait peut-être laissé sa curiosité pousser ses pas un peu plus loin vers l'extérieur... Le goût de sel sur ses lèvres... La présence du jeune homme près d'elle. Sans qu'elle ne s'en rende compte, une coulisse rouge vif ruisselait de sous sa brassière et commençait lentement à teindre le tissus sur son flanc.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Ambiance
Le ciel était d’un bleu étourdissant; le jeune homme en avait le vertige. Avait-il déjà vu pareille couleur, sur Terre ? non. Jamais, excepté sur les cartes postales. Des atolls auxquels seuls les riches avaient accès, des îles monstrueuses et artificielles qui avaient poussé comme des champignons en mer indienne. Mais celle-là était naturelle. Ce sable était organique; il les appelait tous les deux.
Il se prit à sourire, malgré lui. Ce garçon était bien trop éméché de nature pour s’indigner d’un simple saut dans le vide. “Si j’avais pensé à ma dernière conquête… toi et moi aurions atterri dans les roses, littéralement. C’est pour ça que j’aime ce pouvoir. Moi-même, je ne sais pas réellement où cela va me mener. Je me visualise l’endroit et…” Et le reste appartenait à Dieu. Vous pouviez bousculer quelqu’un à votre arrivée, ou échouer laborieusement sur une table. Il maîtrisait cette magie, mais de façon intuitive, tâtonnante, comme un artiste en dilettante. Il n’avait pas envie de la discipliner; c’était sans doute ce qui les séparait des gens comme Galatéa, une case au-dessus. Sa nature de Faucheuse servait sa propre plénitude; pas l’inverse.
“Des endroits comme ça, il y en a plein, sur cette terre. Avec un grand ciel clair, magnétique, et une eau dans laquelle on voit son reflet. A New York, l’eau était noire, poisseuse. Quand je pêchais dedans, j’extirpais plus de cadavres que de nourriture.” Ils en avaient ri, avec Hyatt. Avec Matilda. Il se souvenait de lui, qui arrachait vaille que vaille sa ligne de l’eau dans l’espoir d’attraper quelque chose. Des bottes. Une vieille bicyclette. Un jerricane, un squelette… Quand des enfants riaient de pêcher des choses pareilles, c’est que votre monde n’allait pas tout à fait bien. Ils s’y étaient habitués. Mais ça ? “Ici, on se sent… plein. Comme possédé par une douceur indicible. Tu vois, Gala’... Je pense que c’est ça que nos prêtres essayaient de nous vendre, dans l’ancien monde. Une terre neuve, pure et sauvage, sans la malfaisance de l’homme pour l’altérer. C’était rien d’autre que ça, le Paradis. La plénitude. L’homme retrouvé. Ce qu’on était au tout départ, avant de quitter l’Eden. C’est quand-même un peu plus réjouissant qu’un couvent, nan ?”
Et il lui sourit, ses doigts se referment subrepticement autour du bras de la demoiselle. Quelque chose montait en lui, à mesure qu’il reprenait son souffle. Il n’eut aucune gêne à l’observer telle qu’elle était, dans son plus mince appareil. Milo avait certaines qualités humaines; la pudeur n’en faisait pas partie. Mais une chose, rouge, attira son regard. Il crut d’abord que le sel endommageait ses yeux, avant de se redresser sur ses fesses. “Tu… Gala ! tu saignes… !” Se pouvait-il que l’impact ait explosé des vaisseaux sanguins ? à moins qu’elle n’aie rouvert d’anciennes blessures ? “Bon sang, laisse-moi voir ça… !”
Il arracha un pan de sa propre chemise, d’un coup de dents, s’apprêtant à faire un garrot. Puis, sans vergogne, il chevaucha le corps de la demoiselle, à califourchon et retira sa brassière d’un geste sec. Sa poitrine gicla à l’air libre, mais il ne s’en soucia pas. Pas cette fois. Il tâchait de voir d’où la blessure pouvait bien provenir. Il ne se soucia pas de cette proximité, ni même, de la position suggestive dans laquelle tous deux se retrouvaient. Si proches; sans aucun tissu pour les incommoder. Seuls, au milieu de cet atoll baisé par les vagues. Il y avait, au creux de sa poitrine, une inquiétude chevrotante, mais aussi une chaleur plus indistincte qui brûlait dans son bas-ventre. Du désir. Sans qu’il ne sache bien pourquoi, et malgré l’incongruité de la situation, une main pleine et possessive sillonna la gorge de la demoiselle. Sa mâchoire se desserra. Milo aimait les femmes comme le loup aime le feu; il y voyait un refuge, une promesse ténue, fiévreuse, en plein coeur de l’hiver. Elles avaient été sa seule boussole dans ses années les plus noires. Elle saignait, oui, mais cela ne l’empêcha pas de soupeser la lourdeur d’un sein, au creux de sa paume; de sentir sa respiration s’aiguiser à mesure que les secondes mouraient. Ce qu’il pouvait être faible, parfois…
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
Galatéa gloussa encore, s'amusant autant à imaginer la tête de Milo sortant un squelette de la fange que de la proximité de leur vécu que pourtant bien des choses opposaient. Elle les avait vu, ces gamins espérer encore trouver quelque chose de comestible sur les rochers qui surplombaient les courants traitres. Les eaux noirs. Les détritus. New-York. Alors il venait des États-Unis. " Ouais. C'était pareil à Athènes. Il y avait plus d'huile que d'eau. "
Il était tel qu'il était. Spontané. Un instant, elle se demanda s'il ne l'était pas plus qu'elle qui - bien qu'elle ne l'avouerait pas - devait encore parfois lutter contre une vie entière de conditionnement à l'obéissante, au contrôle, à la honte de tout ce qui faisait la vie d'un être de chair. " Tout es plus réjouissant qu'un couvent. " Elle lui sourit en retour. Un sourire plein de dents. Si le père Alessio avait eu la moitié de la conviction vibrant dans la voix de cet homme lorsqu'il parlait de l'Eden, elle y aurait peut-être cru avec bien plus d'ardeur. Le retour au Jardin. La plénitude. Elle inspira profondément et se surpris à avoir laissé son bras sous l'emprise du jeune homme. Elle n'était pas aussi peu attentive et peu en maîtrise en compagnie de la gent masculine d'ordinaire. C'était elle qui donnait le tempo.
Elle tressaillit pourtant lorsqu'il se redressa d'un coup et allait en faire autant, se demandant ce qu'il avait vu. Mais c'était elle qu'il regardait d'une façon étrange. Elle baissa les yeux et ouvrit un peu plus grand les yeux. " Ah oui... " Incertaine et ne sentant pas la moindre douleur, elle y posa la main. Une eau délavée rouge vif couvrit ses doigts. Elle esquissa un demi sourire amusé, rassérénée, quand une déchirure de tissus répandit une myriade de gouttes autour d'elle. " Qu... ?! " Un poids sur ses cuisses. Une main sur le col lâche de sa robe qui le descendit d'un coup. La manche la plus proche céda dans un bruit humide. Le tissus jaune descendit sur son ventre ventre. L'épingle qui était toujours plantée dans le revers se retrouva perdue quelque part dans le sable. D'instinct, ce n'est pas sa poitrine qu'elle protégea pourtant, un bras s'était levé pour parer tout coup qu'on pourrait lui porter au visage. Des doigts rêches à la poigne implacable relevèrent sa brassière d'un geste sec. La couture craqua ne tenant encore que d'un fil, laissant le tissus échoué sur sa clavicule.
La peau pâle de son sein gauche était trempée d'un rouge vif, une substance tiède et épaisse, comme commençait à l'être son flanc et toute chose qui l'avait touchée dans la zone. L'origine, initialement juste sous son sein, avait été délogée par le traitement qu'avait reçu la brassière. Une chose compacte et sanglante grande comme la phalange d'un pouce était tombée sur le sable fin. Une bande de tissus gorgée de rouge qui, démise, révélait une sorte de bouillie rouge donc le parfum de plante et de twill n'avait rien à voir avec l'odeur lourde du sang. Un médicament, un parfum ou à un simple agrément cosmétique qui, gorgé d'eau, avait commencé à couler de toutes part. Mais qu'importe où il posait le regard et la main, Milo ne trouva aucune blessure sur laquelle un garrot aurait put être utile.
Le cœur follement rapide, elle s'était redressé du peu qu'elle pouvait et le coup était parti sans qu'elle ne pense ni au qui, ni au pourquoi. Elle n'avait mis qu'une fraction de seconde à réagir. - Arrête ! " Pas d'orgueil impérieux. Seulement un cri d'alarme. De la peur. Son poing visait Milo au visage et elle avait eu un sursaut en arrière, y mettant toute l'énergie que lui fournissait ses tripes mises à mal par le grand plongeon, mais il était évident qu'elle n'avait jamais appris à se battre. Il était même possible qu'elle n'ai jamais frappé personne de sa vie.
S'il restait une main sur elle, elle en saisit le poignet pour l'éloigner de sa peau, et enfin elle croisa le regard réellement inquiet de celui qui la surplombait. Elle remarqua le morceau de chemise dans sa main secondaire. Elle ouvrit la bouche, mais pas un son n'en sorti. L'ombre de ses yeux n'était pas faite pour rendre les expressions qui se dessinaient à présent sur son visage. L'incertitude. La culpabilité. Une vulnérabilité farouche. Elle fronça les sourcils et il ne resta que la colère pour la protéger. Elle donna un autre coup.
- C'est du twill ! Une simple poudre à sortilège ! Je vais bien. " gronda-t-elle, sauvage. Appuyée comme elle pouvait sur un coude, elle avait fait un mouvement pour se cacher et n'était pas aller au bout de son geste, restant exposée, le menton haut, l’œil défiant, frémissante. Mais la colère même vacilla dans l'ombre et elle répéta d'une voix dont le manque de fermeté la surpris elle-même étant donné la raideur de sa posture et le plis mauvais qu'avaient pris ses lèvres. " Je vais bien. "
Elle n'était pas détendue, même pas réellement en confiance. Les échos de passé qu'ils avaient déterrés ensemble la mordait cependant bien plus rudement qu'ils ne s'en prenaient à l'homme qui ne les quittaient jamais vraiment. Elle s'était juré d'être maîtresse de son corps, de ne plus en avoir honte, même ainsi. Elle avait envoyé sa propre pudeur se faire foutre, il pouvait bien la regarder, elle n'était pas beaucoup plus couverte que ça en été. Ha ! ... Mais l'aplomb n'était plus qu'une façade. Il venait de dépasser de beaucoup les limites qu'elle pensait établies. Il l'avait fait au moment même où, l'espace d'un moment, elle avait arrêté de jouer et de scruter les abysses de l'autre. Ce moment où l'avidité l'avait quittée pour laisser place à une plénitude confiante.
Farouche, accusatrice, elle le crucifiait des yeux. Mais au fond, elle ne savait pas comment réagir.
Elle ne voulait pas qu'il approche. Si elle le laissait encore approcher d'un doigt, il était du genre à tout prendre sans demander. La peau du jeune homme luisait malgré tout entre le ciel et l'eau, attirant son regard tout comme le marbre sombre sur sa gorge et les fines traces d'ongle sur son épaule. Preuves agaçantes de la possessivité d'une autre. Agaçante ? ça ne lui ressemblait pas de ne pas s'en amuser. Mais elle n'y pouvait rien. Il l'attirait. Depuis quand ça ne lui était pas arrivé ? Depuis quand n'avait-elle pas sincèrement désiré un homme ? Souvenir trop médiocre pour mériter son attention. Elle ne voulait pas qu'il soit décevant.
Il était tel qu'il était. Spontané. Un instant, elle se demanda s'il ne l'était pas plus qu'elle qui - bien qu'elle ne l'avouerait pas - devait encore parfois lutter contre une vie entière de conditionnement à l'obéissante, au contrôle, à la honte de tout ce qui faisait la vie d'un être de chair. " Tout es plus réjouissant qu'un couvent. " Elle lui sourit en retour. Un sourire plein de dents. Si le père Alessio avait eu la moitié de la conviction vibrant dans la voix de cet homme lorsqu'il parlait de l'Eden, elle y aurait peut-être cru avec bien plus d'ardeur. Le retour au Jardin. La plénitude. Elle inspira profondément et se surpris à avoir laissé son bras sous l'emprise du jeune homme. Elle n'était pas aussi peu attentive et peu en maîtrise en compagnie de la gent masculine d'ordinaire. C'était elle qui donnait le tempo.
Elle tressaillit pourtant lorsqu'il se redressa d'un coup et allait en faire autant, se demandant ce qu'il avait vu. Mais c'était elle qu'il regardait d'une façon étrange. Elle baissa les yeux et ouvrit un peu plus grand les yeux. " Ah oui... " Incertaine et ne sentant pas la moindre douleur, elle y posa la main. Une eau délavée rouge vif couvrit ses doigts. Elle esquissa un demi sourire amusé, rassérénée, quand une déchirure de tissus répandit une myriade de gouttes autour d'elle. " Qu... ?! " Un poids sur ses cuisses. Une main sur le col lâche de sa robe qui le descendit d'un coup. La manche la plus proche céda dans un bruit humide. Le tissus jaune descendit sur son ventre ventre. L'épingle qui était toujours plantée dans le revers se retrouva perdue quelque part dans le sable. D'instinct, ce n'est pas sa poitrine qu'elle protégea pourtant, un bras s'était levé pour parer tout coup qu'on pourrait lui porter au visage. Des doigts rêches à la poigne implacable relevèrent sa brassière d'un geste sec. La couture craqua ne tenant encore que d'un fil, laissant le tissus échoué sur sa clavicule.
La peau pâle de son sein gauche était trempée d'un rouge vif, une substance tiède et épaisse, comme commençait à l'être son flanc et toute chose qui l'avait touchée dans la zone. L'origine, initialement juste sous son sein, avait été délogée par le traitement qu'avait reçu la brassière. Une chose compacte et sanglante grande comme la phalange d'un pouce était tombée sur le sable fin. Une bande de tissus gorgée de rouge qui, démise, révélait une sorte de bouillie rouge donc le parfum de plante et de twill n'avait rien à voir avec l'odeur lourde du sang. Un médicament, un parfum ou à un simple agrément cosmétique qui, gorgé d'eau, avait commencé à couler de toutes part. Mais qu'importe où il posait le regard et la main, Milo ne trouva aucune blessure sur laquelle un garrot aurait put être utile.
Le cœur follement rapide, elle s'était redressé du peu qu'elle pouvait et le coup était parti sans qu'elle ne pense ni au qui, ni au pourquoi. Elle n'avait mis qu'une fraction de seconde à réagir. - Arrête ! " Pas d'orgueil impérieux. Seulement un cri d'alarme. De la peur. Son poing visait Milo au visage et elle avait eu un sursaut en arrière, y mettant toute l'énergie que lui fournissait ses tripes mises à mal par le grand plongeon, mais il était évident qu'elle n'avait jamais appris à se battre. Il était même possible qu'elle n'ai jamais frappé personne de sa vie.
S'il restait une main sur elle, elle en saisit le poignet pour l'éloigner de sa peau, et enfin elle croisa le regard réellement inquiet de celui qui la surplombait. Elle remarqua le morceau de chemise dans sa main secondaire. Elle ouvrit la bouche, mais pas un son n'en sorti. L'ombre de ses yeux n'était pas faite pour rendre les expressions qui se dessinaient à présent sur son visage. L'incertitude. La culpabilité. Une vulnérabilité farouche. Elle fronça les sourcils et il ne resta que la colère pour la protéger. Elle donna un autre coup.
- C'est du twill ! Une simple poudre à sortilège ! Je vais bien. " gronda-t-elle, sauvage. Appuyée comme elle pouvait sur un coude, elle avait fait un mouvement pour se cacher et n'était pas aller au bout de son geste, restant exposée, le menton haut, l’œil défiant, frémissante. Mais la colère même vacilla dans l'ombre et elle répéta d'une voix dont le manque de fermeté la surpris elle-même étant donné la raideur de sa posture et le plis mauvais qu'avaient pris ses lèvres. " Je vais bien. "
Elle n'était pas détendue, même pas réellement en confiance. Les échos de passé qu'ils avaient déterrés ensemble la mordait cependant bien plus rudement qu'ils ne s'en prenaient à l'homme qui ne les quittaient jamais vraiment. Elle s'était juré d'être maîtresse de son corps, de ne plus en avoir honte, même ainsi. Elle avait envoyé sa propre pudeur se faire foutre, il pouvait bien la regarder, elle n'était pas beaucoup plus couverte que ça en été. Ha ! ... Mais l'aplomb n'était plus qu'une façade. Il venait de dépasser de beaucoup les limites qu'elle pensait établies. Il l'avait fait au moment même où, l'espace d'un moment, elle avait arrêté de jouer et de scruter les abysses de l'autre. Ce moment où l'avidité l'avait quittée pour laisser place à une plénitude confiante.
Farouche, accusatrice, elle le crucifiait des yeux. Mais au fond, elle ne savait pas comment réagir.
Elle ne voulait pas qu'il approche. Si elle le laissait encore approcher d'un doigt, il était du genre à tout prendre sans demander. La peau du jeune homme luisait malgré tout entre le ciel et l'eau, attirant son regard tout comme le marbre sombre sur sa gorge et les fines traces d'ongle sur son épaule. Preuves agaçantes de la possessivité d'une autre. Agaçante ? ça ne lui ressemblait pas de ne pas s'en amuser. Mais elle n'y pouvait rien. Il l'attirait. Depuis quand ça ne lui était pas arrivé ? Depuis quand n'avait-elle pas sincèrement désiré un homme ? Souvenir trop médiocre pour mériter son attention. Elle ne voulait pas qu'il soit décevant.
- HRP:
- Je te laisse décider s'il se prend les coup et s'il s'éloigne ou non. Physiquement de toute façon y a pas grand chose de comparable entre Gala et un ancien boxeur dont la profession de de se battre !
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Ambiance
Milo marqua un instant de stupeur, sa jolie bouche à demi ouverte quand le poing de la demoiselle le heurta. Il leva une main, par réflexe, mais trop tard, et il se redressa aussitôt, incongru, sans qu’il ne sache bien où il mit les pieds, toujours avec cette lestesse de chat. Qu’avait-il fait du mal ? il le pressentait sans tout à fait mettre le doigt dessus. Lui avait-on menti depuis le départ ? N’y avait-il pas eu ce jeu entre eux deux, dès l’instant où ils s’étaient parlés ? Et ce sang… Ce n’était pas du sang ?
“Du twill ? Mais c’est quoi ce truc ? Pourquoi tu as ça sur le corps ?” Pourquoi cela avait-il bu l’eau où ils avaient échoué ? pourquoi cela flottait-il en surface comme une sombre prédiction ? Son coeur battait à tout rompre, arraché de cette osmose qu’ils partageaient il y a peu. Coupable, sans doute; lui qui prétendait connaître les femmes, il semblait avoir gaffé en beauté. La peur qu’il lisait dans les yeux sombres de la sorcière était la sienne, celle qu’il lui avait inculquée. “Je ne pensais pas… enfin… J’étais…” Il était dans un état second, gorgé d’adrénaline, la poitrine frémissante et le ventre désireux; parce qu’ils avaient manqué de mourir, tous les deux, et qu’on ne se sentait jamais aussi vivant qu’après ça.
Et puis, le sang… Cette chose ferreuse qui avait fui les seins de la demoiselle… C’était tout le drame quand on vous arrachait de la danse galvanisante entre deux esprits complices. Vous atterrissiez dans la réalité grise et insupportable du monde présent. D’ordinaire, il aurait rebondi sur un peu d’humour, mais les accusations qui flambaient dans les yeux de la demoiselle ne mentaient pas. “Désolé.” Il ne pouvait rien dire d’autre. L’échec était proscrit quand on jouait à ce genre de jeu. Cette cassure, il ne se sentait pas en mesure de la réparer. Pas maintenant. “Je pensais que tu t’étais affranchie de ce genre de peur. Mes intentions n’étaient pas malveillantes.”
Elles étaient brutales, à leur manière; égoïstes, comme l’est le désir, comme la nécessité d’avoir quelqu’un auprès de soi, pour soi. L’amour venait après, bien après. La fougue du garçon maigrissait, et il s’assit dos à elle, comme si la pudeur lui était venue en même temps que sa culpabilité. Se sentait-il indigne de voir cette poitrine ? cette roseur autour de son cou ? Et ce “sang”, ce stupide sang… Comment avait-il pu être aussi stupide ? Le rush d’émotions lui avait joué des tours, voilà tout. Milo Balzagette n’était pas aussi futé qu’il l’avait cru.
Il saisit un caillou qu’il jeta au-loin, dans la mer. Le crépuscule saignait le ciel comme une hémorragie. Il se passa de longues secondes où n’entendit plus que l’émoi des vagues et le chuintement d’un vent un peu tiède. “Je vais te raccompagner. On a assez traîné comme ça.” D’ordinaire, il aurait insisté; il aurait tenté de la rassurer, mais il sentait toujours le regard cuisant de la sorcière dans son dos. Quelque chose l’avait véritablement blessée, mais il ne savait pas quoi. Et il avait joué d’assez de maladresse pour aujourd’hui. Il se releva, époussetant ses cuisses, ôtant sa chemise pour la lui lancer. “Tiens.” De quoi, au moins, protéger sa vertu. “J’ai été un peu trop téméraire. C’est de ma faute. Je suppose que je ne suis pas aussi malin que je le prétends.” Il marqua un silence, fouilla le fond de son crâne en quête de solution, mais rien ne vint. Son inspiration surgissait de façon intuitive, talonnée par sa confiance débordante. Ici, il n’y en avait plus. “Ouais. Lève-toi, on y va.”, somma-t-il, d’un mouvement de tête. Chaque seconde de plus lui pesait. D’instinct, il posa sa main sur son outre, mais elle était vide. Oui, parfois, il pouvait être faible; avait envie de s’enfouir dans le sol, ou de disparaître. Il n’était pas devenu Faucheuse par hasard…
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
- Parce que sans, lancer un sort est plus risqué !
Elle n'était pas comme lui. Sans le savoir, sans la pratique, les sorcières n'étaient rien. Rien que des bombes à retardement qui finiraient pas s'effondrer sur elle-mêmes en emportant ceux qui les entouraient. Agir à l'instinct, sans maîtrise, elle l'avait une fois. Une seule fois. Et elle en payait chaque jour le prix. Une pointe de jalousie se glissa dans le chaos du moment, futile et vite oubliée, emportée par le reste.
Le voir reculer vivement calma le sentiment d'urgence qui la tenait sur ses gardes. Son cœur commença doucement à ralentir. Mais sa gorge se serra. Les yeux sur son dos sec, bien plus qu'à demi-nue, elle ouvrit la bouche puis la referma. Elle avait envie de poser un drap sur tout cela. De retrouver sa pudeur de cœur bien plus que celle de corps. Elle en avait trop dit. Trop montré. Après ce qu'il lui avait raconté sur son passé, elle ne voulait pas le blesser. Elle regrettait... Et pourtant elle était soulagée qu'il se soit écarté après cette brutalité soudaine. Pendant un instant, elle avait cru qu'il ne le ferait pas.
Elle avait envie de baisser le rideau et de clore ce qui venait de se jouer entre eux. D'oublier ce genre de peur, affranchie ou non. Mais elle ne pouvait pas juste faire comme si de rien était. Prononcer un bon mot, le taquiner, enlever toute trace de malaise et ré-insuffler de la légèreté dans ce qui venait d'avoir lieu. Comme si ça n'avait aucune importance.
Elle se rassit et ramassa la bande de tissus qu'il avait arraché de sa propre chemise en croyant qu'elle était blessée. En baissant les yeux, elle se rendit compte de ce qu'elle laissait à voir, non pas simplement la nudité, mais également le rouge. Elle retira les restes de sa brassière et noua la bande au tissus jaune tâché carmin et la passa derrière son cou comme la bretelle d'un tablier. Ça ne cachait pas grand chose, donnant même l'impression qu'elle avait passé un très mauvais quart d'heure entre la déchirure et le rouge, mais le principe y était. Le chemise tomba près d'elle. " Je suis désolée... que ça t'ai inquiété. Je te crois... Tu ne parlais pas en l'air quand tu disais que le pouvoir c'était pas ton truc " souffla-t-elle tout en la ramassant. Il pouvait le faire, mais il n'avait rien fait. L'ordre de se lever pour le suivre avait fusé mais elle et les ordres...
- Les cicatrices que j'ai au visage, c'est un souvenir d'Athènes. Un homme m'a plaqué au sol pour me taillader. " lâcha-t-elle de but en blanc, maladroitement par rapport à la façon fluide qu'il avait de parler de son propre passé. Elle ne l'avait jamais raconté.
Il avait été téméraire oui ! Idiot certainement pas. Il avait été franc sur ce qui le motivait, livrant à demi certaines clefs pour lesquelles elle ne voyait pas encore les serrures, ayant écouté à travers le prisme de ses propres souvenir et non comme elle pouvait le faire pour pleinement prendre la mesure de quelqu'un. Elle avait l'impression de ne pas avoir fait preuve d'autant d'honnêteté, manquant de recul pour voir les retranchements dans lesquels il l'avait poussée. Elle avait partagé la crasse de l'époque, mais rien de si intime n'est-ce pas ? Elle commença à retrousser la chemise entre ses doigts pour pouvoir l'enfiler plus facilement.
- Ce genre de peur n'a rien à voir avec toi. J'aime séduire. J'aime cet état de feu et de connivence. " Entre nous ? " Le contact d'une autre peau, d'une autre langue contre la mienne. Mais en réalité je n'ai pleinement connu qu'un homme depuis mon arrivée, et pour être honnête c'était décevant. Ne le prends pas mal, mais servir de trampoline jusqu'à ce qu'un homme s'assouvisse c'est pas vraiment mon truc. " Elle passa la chemise et se releva dans le même mouvements pour lui faire face. Pas d'ironie mordante cette fois mais un rictus assuré et provoquant. Elle ne se rendait pas compte de l'innocence de ses mots et de l'inexpérience dont ils étaient la preuve. Elle voulait seulement lui exprimer d'une façon détournée, qu'elle n'était pas insensible ou rancunière. " Un vrai baiser est bien plus fort, bien plus passionné que ça. "
Les émotions, elle les connaissait et les reconnaissait. Elle se connectait aux autres de bien des façons. Mais les arts de l'amour charnel c'était une toute autre question qu'elle n'avait jamais pu poser. Il n'y avait pas vraiment de documentation là-dessus facilement accessible à Azamyr et ce n'était pas dans son ancienne vie qu'elle avait pu apprendre. Elle avait grandi dans un environnement où il était proscris de regarder son propre corps, même pendant la toilette, alors celui des autres ! Le premier homme nu qu'elle avait vu était un nouvel arrivant par le portail alors qu'elle était encore au temple. Elle qui ne sortait dans le monde que depuis quatre ans s'était façonnée de ce que pouvaient bien lui apprendre ses rencontre qui, de toute évidence, n'avait pas été fameuses. Ni la tendresse, ni l'abandon n'y avaient eu leur place. ça avait été laborieux. Elle n'avait pas peur de briser ce vœux, elle s'était seulement convaincue que ce n'était pas son truc. Elle n'avait pas songé à se laisser de nouveau aller jusqu'à aujourd'hui. Quand une expérience n'était pas plaisante, pourquoi la réitérer ? Surtout quand elle pouvait offrir une extase plus absolue d'un sort et d'une caresse qu'en se laissant labourer.
Mais respectant le besoin de retrouver sa solitude et ses pénates, elle ne refusa pas de rentrer. Le regard difficilement compréhensible de la sorcière cherchait celui de son vis à vis, soulignés d'un sourire en coin. Elle tendit la main, l'invitant en un geste muet à la conduire où il voudrait. Du moment qu'ils se retrouvent dans Azamyr, elle pourrait retrouver son chemin, elle n'avait aucune demande à émettre sur la question.
Elle n'était pas comme lui. Sans le savoir, sans la pratique, les sorcières n'étaient rien. Rien que des bombes à retardement qui finiraient pas s'effondrer sur elle-mêmes en emportant ceux qui les entouraient. Agir à l'instinct, sans maîtrise, elle l'avait une fois. Une seule fois. Et elle en payait chaque jour le prix. Une pointe de jalousie se glissa dans le chaos du moment, futile et vite oubliée, emportée par le reste.
Le voir reculer vivement calma le sentiment d'urgence qui la tenait sur ses gardes. Son cœur commença doucement à ralentir. Mais sa gorge se serra. Les yeux sur son dos sec, bien plus qu'à demi-nue, elle ouvrit la bouche puis la referma. Elle avait envie de poser un drap sur tout cela. De retrouver sa pudeur de cœur bien plus que celle de corps. Elle en avait trop dit. Trop montré. Après ce qu'il lui avait raconté sur son passé, elle ne voulait pas le blesser. Elle regrettait... Et pourtant elle était soulagée qu'il se soit écarté après cette brutalité soudaine. Pendant un instant, elle avait cru qu'il ne le ferait pas.
Elle avait envie de baisser le rideau et de clore ce qui venait de se jouer entre eux. D'oublier ce genre de peur, affranchie ou non. Mais elle ne pouvait pas juste faire comme si de rien était. Prononcer un bon mot, le taquiner, enlever toute trace de malaise et ré-insuffler de la légèreté dans ce qui venait d'avoir lieu. Comme si ça n'avait aucune importance.
Elle se rassit et ramassa la bande de tissus qu'il avait arraché de sa propre chemise en croyant qu'elle était blessée. En baissant les yeux, elle se rendit compte de ce qu'elle laissait à voir, non pas simplement la nudité, mais également le rouge. Elle retira les restes de sa brassière et noua la bande au tissus jaune tâché carmin et la passa derrière son cou comme la bretelle d'un tablier. Ça ne cachait pas grand chose, donnant même l'impression qu'elle avait passé un très mauvais quart d'heure entre la déchirure et le rouge, mais le principe y était. Le chemise tomba près d'elle. " Je suis désolée... que ça t'ai inquiété. Je te crois... Tu ne parlais pas en l'air quand tu disais que le pouvoir c'était pas ton truc " souffla-t-elle tout en la ramassant. Il pouvait le faire, mais il n'avait rien fait. L'ordre de se lever pour le suivre avait fusé mais elle et les ordres...
- Les cicatrices que j'ai au visage, c'est un souvenir d'Athènes. Un homme m'a plaqué au sol pour me taillader. " lâcha-t-elle de but en blanc, maladroitement par rapport à la façon fluide qu'il avait de parler de son propre passé. Elle ne l'avait jamais raconté.
Il avait été téméraire oui ! Idiot certainement pas. Il avait été franc sur ce qui le motivait, livrant à demi certaines clefs pour lesquelles elle ne voyait pas encore les serrures, ayant écouté à travers le prisme de ses propres souvenir et non comme elle pouvait le faire pour pleinement prendre la mesure de quelqu'un. Elle avait l'impression de ne pas avoir fait preuve d'autant d'honnêteté, manquant de recul pour voir les retranchements dans lesquels il l'avait poussée. Elle avait partagé la crasse de l'époque, mais rien de si intime n'est-ce pas ? Elle commença à retrousser la chemise entre ses doigts pour pouvoir l'enfiler plus facilement.
- Ce genre de peur n'a rien à voir avec toi. J'aime séduire. J'aime cet état de feu et de connivence. " Entre nous ? " Le contact d'une autre peau, d'une autre langue contre la mienne. Mais en réalité je n'ai pleinement connu qu'un homme depuis mon arrivée, et pour être honnête c'était décevant. Ne le prends pas mal, mais servir de trampoline jusqu'à ce qu'un homme s'assouvisse c'est pas vraiment mon truc. " Elle passa la chemise et se releva dans le même mouvements pour lui faire face. Pas d'ironie mordante cette fois mais un rictus assuré et provoquant. Elle ne se rendait pas compte de l'innocence de ses mots et de l'inexpérience dont ils étaient la preuve. Elle voulait seulement lui exprimer d'une façon détournée, qu'elle n'était pas insensible ou rancunière. " Un vrai baiser est bien plus fort, bien plus passionné que ça. "
Les émotions, elle les connaissait et les reconnaissait. Elle se connectait aux autres de bien des façons. Mais les arts de l'amour charnel c'était une toute autre question qu'elle n'avait jamais pu poser. Il n'y avait pas vraiment de documentation là-dessus facilement accessible à Azamyr et ce n'était pas dans son ancienne vie qu'elle avait pu apprendre. Elle avait grandi dans un environnement où il était proscris de regarder son propre corps, même pendant la toilette, alors celui des autres ! Le premier homme nu qu'elle avait vu était un nouvel arrivant par le portail alors qu'elle était encore au temple. Elle qui ne sortait dans le monde que depuis quatre ans s'était façonnée de ce que pouvaient bien lui apprendre ses rencontre qui, de toute évidence, n'avait pas été fameuses. Ni la tendresse, ni l'abandon n'y avaient eu leur place. ça avait été laborieux. Elle n'avait pas peur de briser ce vœux, elle s'était seulement convaincue que ce n'était pas son truc. Elle n'avait pas songé à se laisser de nouveau aller jusqu'à aujourd'hui. Quand une expérience n'était pas plaisante, pourquoi la réitérer ? Surtout quand elle pouvait offrir une extase plus absolue d'un sort et d'une caresse qu'en se laissant labourer.
Mais respectant le besoin de retrouver sa solitude et ses pénates, elle ne refusa pas de rentrer. Le regard difficilement compréhensible de la sorcière cherchait celui de son vis à vis, soulignés d'un sourire en coin. Elle tendit la main, l'invitant en un geste muet à la conduire où il voudrait. Du moment qu'ils se retrouvent dans Azamyr, elle pourrait retrouver son chemin, elle n'avait aucune demande à émettre sur la question.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Sans doute que le garnement, avec ses jolis traits, sa bouche aimante et ses risettes de diablotin ne pressentait pas à ce genre de brutalité. Qu’on l’imaginait tendre, docile, comme un adonis de maison close qui protégerait avec pudeur son sexe des deux mains. Mais Milo, à la vérité, avait grandi parmi les loups; et les circonstances l’avaient obligé à en devenir un. Il aimait avec force, possession. Vous ne pouviez enseigner des tours à ce genre de cabot, pas après tant d’années à compter les jours sans nourriture, sous les pluies acides de Brooklyn. Un homme sain, dévoué, droit et juste, c’est tout ce qu’il n’était pas; mais rien qu’un chien cravaté, un filou que les femmes avait embourgeoisé. Dans un autre monde, dans un autre temps, peut-être aurait-il été différent… ? plus gentil, plus serviable. Ou plus monstrueux. “Ce n’est pas qu’une question de pouvoir, Gala’. Tu ne devrais pas jouer avec ce genre d'ambiguïtés; pas avec les hommes. C’est un jeu dangereux.” Non, c’était un jeu mortel, et les dossiers classés sans suite encombrant les commissariats de New York étaient là pour le démontrer. Il entrouvrit les lèvres… avant de les refermer, dans un pincement. Il n’osa pas le dire, mais le souvenir hantant de Matilda était certainement la seule chose qui avait protégé la sorcière rouge d’un drame. Il se sentit infect, rien que d’y penser; mais humain, aussi. Il l’aurait prise, de force, - et quels dieux de ce monde auraient accepté sa rédemption ?
“Navré… Pour ton visage.” Un échantillon du monde humain parmi d’autres, songea-t-il. Gala avait eu la chance d’être encore en vie pour en parler. La plupart mouraient, taiseuses, leur peau blanche constellée de blessures, et aucune cervelle pour ressusciter leur existence. Elles mouraient, et le monde continuait de tourner. La femme, elle, n’en ferait pas partie. Elle verrait le soleil se lever, à l’aube. “Ton rapport à la chose est plus métaphysique que je le pensais. Mais ça ne durera pas. Si c’est le pouvoir que tu veux, tu ne l’obtiendras pas. Pas sans y vendre ton âme. Ta passion. Ce monde n’est pas différent de tous les autres; ce sont toujours ceux qui ont vendu ce qu’ils sont, qui siègent au sommet. Le reste… c’est rien que de la littérature pour enfants, et je te conseille de brûler ces livres.” Il l’avait dit avec un certain mordant. Pénible lui était d’entendre qu’il avait “attenté” à la pudeur de la demoiselle; et plus encore de la voir craindre pour sa vertu, elle, qui pourtant voulait tout. “Tu devras tout donner. Ton corps. Ton honneur. Tes principes. Tout, jusqu’à la dernière part de toi. Si tu ne le fais pas, d’autres le feront à ta place. Et ils t’écraseront. Parce que c’est ce que font les gens de pouvoir.” Il n’y avait pas de finalité à cela, pas de belle cantique à seriner aux enfants. L’homme n’était pas mauvais : il était, point, et l’argent comme le pouvoir avaient pour vertu de révéler toutes les contradictions de son spectre moral. Le bien, le mal… Qu’est-ce que la nature pouvait bien en avoir à foutre ? “Libre à toi de prendre ce conseil, ou non.” Au moins paraissait-il un peu plus honnête. Moins séduisant, aussi. Milo n’avait jamais vraiment été une jolie gueule pleine d’amour. Mais une bête, à sa façon; seule différence étant qu’il était agréable à regarder.
Il saisit la main de la demoiselle et une nappe noire, poisseuse, les avala tous les deux. Leurs pieds se dérobèrent, un instant, avant d'atterrir sur un sol dur, pavé. Tout autour, on reconnaissait les pavillons des quartiers suds. “C’est ici que nos routes se séparent, princesse. Tâche de ne pas faire de bêtises.” L’infantilisait-il réellement ? d’une certaine manière, oui. Il trouvait cela touchant, cette contradiction entre ses désirs et son moi intérieur, cette soif de pouvoir et cette pudeur qui l’habitait au plus profond de ses os. Mais inquiétant, avec. C’était eux que le monde voyait mourir en premier. La vie, pour Milo, n’avait jamais été une question de bien de mal. Il fallait être, ou ne pas être. Celui qui ne pouvait accepter sa propre complétude était voué à vivre dans l’atrophie de son âme, - et alors, quel gâchis… !
Feat Galatéa
Galatéa
Maison de la Terre et du Sang
Lorsqu’il avait reculé, elle s’était sentie soulagée. Lorsqu’il s’était détourné, c’était l’empathie qui était venue contre toute attente. Faille contre faille, elle avait cru discerner de la gêne et des regrets. Pour que le froid ce dissipe, qu’il sache que la peur qu’il avait décelée n’était qu’un réflexe, elle lui avait dit pour ses cicatrices. Déstabilisée par son geste, incertaine de ses envies, elle avait joué franc jeu. Elle lui avait avoué qu’elle n’avait pas l’habitude d’un entrain comme le sien, que jamais un homme ne lui avait donné de plaisir. Elle aurait du savoir que face aux hommes, la sincérité doit toujours s’accompagner de de fard ou de certitudes.
Il n’y avait soudain plus eut qu’un froid paternalisme, une prévenance remplie de compassion qui lui fut proprement insupportable. Le sourire provoquant de la jeune femme s’était refroidit d’un frisson de dégoût face au regard qu’il lui lançait. Il n’avait pas besoin d’en dire plus, ses yeux parlaient pour lui. Ils dévoilaient la menace d’un corps et d’un esprit brisés par ces hommes qu’elle ne connaissait pas si bien.
Elle s’était redressée légèrement, sous le couperet de ses mots. Il était passé du regret à l’amertume. Elle, de la complicité à la méfiance.
De quelques phrases, il venait de rabaisser l'ardeur avec laquelle elle lui avait confier sa soif de vivre. Il venait de leur arracher toute chaleur. Le monde aux lumières violacées retrouvait son ennui agrémenté d’un vide. Le froid. Voilà ce qui restait pour seule balafre de cette trop rare connexion, cette impression fugace de se retrouver dans l’autre, d’égal à égal. D’être comprise au-delà de ce qu’elle pouvait voir d’elle-même et des contradictions qui ne s’expliquaient pas. Un froid qui en dérobant le feu d'un regard canaille l'obligeait à regarder ses désirs en face et poignardait son ego. Il ne prenait plus la peine de faire patte de velours ou d’arborer un sourire séducteur. Mais il en était d’autant plus séduisant dans cette franchise crue, presque brutale. Il échappait à toute emprise exceptée celle de son passé. Une ombre dangereuse qui l’accusait d’être une enfant inconsciente. Inconséquente. Indésirable.
Un sourire prédateur lui vint aux lèvres. Elle détestait ce petit con.
- Si aimable de t’en faire pour moi. Un véritable gentleman.
Elle était en train de retirer sa main quand il la saisit. Un voile noir et le monde avait changé. Disparu le vent et le bruit blanc de l’eau. Une rue calme du quartier sud entre un jardin et une façade se dessinait sans qu’elle ne lui prête attention. Princesse. De la cendre sur sa langue.
- Tu me fais quoi, là ? » rit-elle, cinglante, avant que son visage ne se fasse à la fois plus félin et plus féroce. « C’est le fait que j’ai connu peu d’hommes ou que je t’ai frappé qui t’a fais croire que tu pouvais me traiter comme une enfant ?
Elle ne le regardait pas comme une petite fille impressionnée par ses blessures à vif. Il l'enrageait avec son air noble comme s'il s'en faisait pour elle tout en la mettant à terre. L'intensité dont il rayonnait, dans ce qu'il avait de plus vivants et de plus mortifère. Il y avait dans le regard de cet homme quelque chose de sombre, de dangereux qui pointait par moment. Elle ne pouvait pas oublier ce qu'elle avait sentit, la façon dont il l'avait révulsé aussi bien qu'il s'était saisi d'elle.
La passion et la paix de l'âme. La folie la plus pure et l'humanité la plus simple. L'ange aux enfers. La sorcière au paradis. Telle était le paradoxe dont elle était constituée. L'inconstance et l'incertitude qui l'accompagnaient. Le bien et le mal façonnaient le monde, mais son bonheur dépendait des deux. Elle voulait tout ce que cette vie avait de plus fort, de plus vibrant. Parfois terrifiant. Elle restait humaine et ne s'en excuserait pas.
- Tes conseils empestent la fatalité, la perte et la mort. Et maintenant tu t'esquives. " Elle s'était approchée tout en parlant, entrant sans vergogne dans son espace pour venir le confronter face à face, corps à corps. La vipère le mordait d'un sourire venimeux. " Regarde par dessus ton épaule si tu veux. Je préfère vivre à en crever.
Il ne pouvait pas avoir déjà oublier le saut dans leur passé. Le saut dans le vide. Elle aurait compris qu'il soit retourné par la présence trop forte d'une scène de son passé quand il l'avait crue blessée. Qu'il ne lui fasse pas croire que c'était pour ça après sa diatribe. La colère vibrait dans sa voix assourdie alors que ses mouvements se faisaient félins.
- Tu crois que seuls les hommes sont dangereux, Milo ? » Sa paume se posa sur le torse nu du jeune homme ayant à peine assez de place pour remonter juste au niveau de son cœur. Le yeux entièrement noirs de Galatéa s'enfoncèrent au creux des prunelles de son vis à vis. " Ou c'est seulement moi que tu vois comme une fillette effrayée ? " Chaque battement sourd pulsait dans tout son corps. « Ta prévenance mielleuse, tu peux te la mettre au cul. Dit ce que tu as à dire. » Un jeu dangereux de danser entre la flamme et l'ombre. Dieu, il était à se damner.
Milo Bazalgette
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les plus beaux horizons
Milo demeura stoïque, un instant, ses yeux gravés dans ceux, si noirs, de la demoiselle. De l’audace, il semblait lui en revenir, bien que le garçon sentait encore la chaleur de sa gorge au creux de sa main.
Cinq minutes, à peine, qu’elle l’avait repoussé, et voilà qu’elle approchait maintenant avec une suprêmeté de sphinx. On lui dit qu’il est gris. Qu’il n’a pas de feu, pas de vie. On lui dit que la magie s’est éteinte, entre lui et elle. Un rictus lui fuit les lèvres; quelle connerie… “Fillette tu es, Galatéa.” Si elle avait eu un nom de famille, il l’en aurait sermonné comme une écolière gauchement apprise. Auprès de quel feu elle croyait approcher ? celui-là brûlait, et pour de vrai. Il avait retiré ses griffes de son corps simplement parce que Matilda l’y avait obligé, parce que ses voix sourdaient encore au fond de son crâne et qu’il en devenait malade. Les rumeurs disaient vrai, à son sujet: ses nuits étaient courtes à cause d’une femme. Mais elle ne lui donnait plus aucune chaleur.
“Tu crois que tout ça est un jeu ? Celui qui veut le pouvoir doit apprendre à ne plus vivre. C’est toute la contradiction de l’homme, - et de la femme - d’exiger ce que son coeur mortifie.” Celle-ci lui en donnait, de la chaleur. Mais elle était ulcérante, lui étouffait le fond de la gorge. “Tu veux le monde sans sacrifice. Tu veux l’homme sans perdre de sang. Tu veux le pouvoir et la liberté… Mais on perd son âme dans ce genre de choses, bichette.” Il alla pour lui saisir les joues, comme il l’avait toujours fait; mais s’arrêta, au dernier instant, sa main figée dans une sorte de superstition craintive. “Je les voyais tous marcher en rang d’oignons, dans les rues de Brooklyn. Des corps rigides. Des yeux sans foi. Les épaules basses et les jambes lourdes. J’ai vu des morts marcher quand tu priais dans ton couvent, mon coeur. Je sais ce que fait le pouvoir; je sais à quel point il détruit les coeurs. Ce n’est pas ça que tu veux.”
Ce n’était pas sans arrogance qu’il le disait; en fait, Milo Balzagette était certainement aussi insupportable que pouvait l’être la sorcière. Et un sourire lui vint, enfin, mais noir, ironique. “Tu veux t’exalter, tu veux danser dans le feu, tu veux rire à en perdre la voix, tu veux aimer à en pleurer. Tu ne veux plus souffrir d’aucune impuissance. Cette jolie petite fille a besoin de s’épanouir…” Et cette fois-ci, il lui saisit les joues, pour de bon. Mais il ne serra pas. “Elle a besoin de vie. Tout le reste est superflu. Le pouvoir, c’est le faux-fuyant de ceux qui bandent mous. Si tu as un problème avec le monde, règle-le. Et ne triche pas.” Qu’en avait-elle à foutre, elle, cette jolie sylphide de pouvoir dominer le reste d’Azamyr ? Qu’en avait-elle à faire de planter ses escarpins sur le toit du monde ? Son ennemi, son plus grand ennemi, Milo le voyait aussi vrai qu’il avait aimé ce baiser. C’était elle. Le vrai pouvoir est celui que l’on tire de soi. De son autodestruction. Tout le reste n’était que ruse, que faux-semblant, qu’une brève parodie de littérature masturbatoire.
“On ne te l’a pas appris dans tes jolis séminaires, ça ? “Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal.” Jacques, verset 3.” Il n’avait jamais été le monstre dans l’affaire, pas vrai ? C’était juste une projection malade que Galatéa lui infligeait. “Il faudrait peut-être que je te l’enseigne. Que je tue la môme qui dort en toi, avant que ce monde ne s’en charge, à sa manière…” Leurs bouches s’approchèrent. “Que je te chevauche et poignarde au coeur toutes ces peurs qui te verrouillent…” Un rien les séparait. Mais ses canines claquèrent dans le vide, avant qu’il ne recule, fourbe. “Mais j’aurais trop peur de te faire mal. Galatéa, je crois que je commence à t’apprécier. Tu comprends, pas vrai ? je n’ai pas envie de t'abîmer. Tu es trop précieuse.” Cette fois-ci, il ne put réprimer un rictus, sincère, moqueur. En fait, il aurait mieux valu qu’il la boucle, mais c’était plus fort que lui.
Aussi étourdissante pouvait être cette femme, elle était incomplète, à ses yeux, de partout. Avait besoin de s’épanouir. Mais se le refusait, tout en même temps; et prétendait vouloir le monde, quand celui-ci demeurait indifférent aux horreurs humaines, - comme toujours… “Le monde, le monde… Vous me faites rire, vous autres. Vous n’avez que ce mot à la bouche. Que ce soit la Terre ou Ozéna, rien ne change. L’air y est juste plus respirable. Mais sans aucun feu pour l’émouvoir, ce n’est qu’une grisaille sans couleur. Le monde que tu cherches, il est là.” Et il pressa une main sans équivoque sur son coeur. Sur la lourdeur d’un sein. Mais le message était sous-jacent, pas vrai ? il n’avait pas vraiment fait exprès, oui. “Notre race vient de l’Eden. Aucun de ces arbres ne nous mérite. Aucun de ces gourous qui ont perdu la foi. On les vaut cent fois, ne l’oublie jamais.”
Feat Galatéa
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