Bienvenue sur Ozéna

Prières nocturnes

Kidá & Clemens

Temple de la déesse Tydea • 21 août 118

Dans l'air lourd de cette nuit de saison chaude, Kidá déambulait dans les ruelles étroites d’Azamyr. Son visage était marqué par l'ombre des tourments intérieurs, ses yeux habituellement d’un vert flamboyant étaient ternes, ses pas lents trahissaient le poids de son âme en peine. La fae traversait, comme à l’accoutumée depuis son arrivée sur Ozéna, une de ces périodes où elle était en proie à la solitude et malmenée par le flot tumultueux de sa conscience.

Depuis qu'elle avait quitté la Terre dans un dernier élan impulsif et égoïste, elle se sentait perdue, déchirée entre les douloureux souvenirs du passé et les remords du présent. Une culpabilité la rongeait, un fardeau insoutenable qu'elle portait comme une chaîne invisible autour de son cœur.

Errant dans les hauteurs du quartier Est, Kidá passa devant les arches du temple de la déesse Tydea. S’arrêtant pour écouter le son monotone des jets d’eau de la fontaine entourant le bâtiment, la jeune rousse fixa les escaliers. Soudain, comme guidée par son instinct, elle se dirigea vers l’entrée du sanctuaire dédié à la déesse du courage et monta les marches, le souffle suspendu dans sa poitrine oppressée.

L’espace ouvert du premier étage du temple était peu fréquenté à cette heure tardive. Au bout de l’allée centrale, la statue de la déesse était éclairée de la lumière céleste de la lune et des étoiles lui conférant un effet divin comme si elle allait s’élever vers le ciel. Des torches illuminaient çà et là les nombreux jardins d’offrandes, remplissant l’espace d’une ambiance mystique et solennelle. Kidá, n’ayant pas ni de fruit ni d’objet animal à offrir à Tydea, ne s’arrêta pas à cet étage et continua son ascension.

Lorsque la jeune femme atteignit le troisième étage, elle pénétra dans la salle principale où se déroulaient les cérémonies. Kidá n’avait jamais participé à l’une de ces instances mais, habitant le quartier Est en tant que fae, elle avait déjà régulièrement croisé des regroupements de fidèles venus assister à ces cérémonies. À l'intérieur de la grande salle, la lueur des bougies dansait sur les murs, créant des ombres mouvantes qui semblaient murmurer des secrets oubliés. Trouvant un recoin à l’écart de l’entrée, Kidá s’agenouilla en joignant ses mains hésitantes puis ferma les yeux, laissant ses pensées errer dans les méandres de son esprit tourmenté.

« Tydea, ô déesse du courage. », bredouilla-t-elle d'une toute petite voix hasardeuse, « Accorde-moi la force d'affronter les conséquences de mes actes, aide-moi à surmonter mes démons intérieurs. » Un silence pesant enveloppa le sanctuaire, comme si même les lieux eux-mêmes retenaient leur souffle devant la détresse de Kidá. La grande rousse rouvrit les yeux, confuse et incertaine. Non habituée à fréquenter des lieux de cultes, Kidá ne savait plus quoi faire à présent. Elle releva lentement la tête et décroisa ses doigts lorsqu’elle crut sentir une présence douce s’approcher d’elle.

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Prières Nocturnes

Kidá et Clemens / Le 21 Août 118

La nuit... Parfois, Clemens appréciait se balader lorsque le soleil ne dominait plus le monde de sa chaleur et de sa lumière si étincelante. Beaucoup de personnes pouvaient avoir peur de la nuit, de la Lune, de son obscurité. Mais le soir n'était pas le vide, ni le néant. Il n'y avait jamais réellement d'obscurité total lorsque le soleil disparaissait. Car en tant qu'ancien marin, on apprenait bien vite à se fier aux étoiles. Et Ozéna n'était pas dépourvue de cet océan de petits points lumineux. Si lointaines, mais pourtant si grandes. Si petites et pourtant si étincelantes.

"Seul l'infidèle craint la solitude..." La voix de Clemens s'éleva alors, marchant seul dans les rues du quartier central. "Car le Juste est accompagné de Leurs lumières. Celles des Quatre. De jour comme de nuit. Sous le soleil comme la lune. Sous un océan de nuages et d'étoiles."

Une voix douce, presque chantante. L'écho de sa voix se mit à résonner parmi les bâtiments vides. S'accompagnant simplement du bruit de sa canne contre le sol. Pour qui priait-il? Pour lui même, pour les âmes égarées. L'envie de noter ces quelques mots sur son livre de prière se fit d'un coup sentir, mais ce serait alors gâcher le côté paisible de sa promenade. Nul doute que le réveil du lendemain sera difficile mais... Tant pis. Ne méritait-il pas un simple petit plaisir lui aussi? Nul doute que les Dieux ne lui en voudront pas, n'est-ce pas?

Alors que sa pensée pour le Divin s'infiltra dans son esprit, le pas du Malakim vint à ralentir, se rendant compte sur sa promenade l'avait guidé vers le Temple de la Déesse Tydéa. Divinité du Courage, représentation de sa maison. Même si l'ancien pêcheur aimait équitablement les Quatre, il avait forcément un petit attachement en plus pour la protectrice des Quartier Est. Ou bien, était-ce surtout parce que c'était le courage, qu'il recherchait inlassablement? Lui, souvent si lâche? Lui, ayant abandonné un Dieu, femme et enfants? Lui ayant décidé de changer de vie par peur de la mort?

Clemens, le lâche, le fuyard.

Le poing de l'homme se mit à serrer fortement sa canne alors qu'il se mordait la lèvre inférieur.

Non, plus jamais ça... Se promettait-il. A lui, comme aux Dieux. Plus de fuites. Plus d'abandon. On lui avait offert une nouvelle vie, nul doute qu'une autre chance de ce genre n'arriverait plus jamais.

Ou alors...?

Sentant ses ailes tomber, le Malakim senti son cœur profondément se serrer. Peut-être que Tydéa l'avait appeler au sein de son temple, pour qu'il puisse la prier? Sentant son cœur s'alourdir face à ses propres défauts? Ou bien pensait-il à la place d'un être supérieur à qui il devait loyauté et amour? Pour la peine, il mériterait clairement de se flageller. De prier et surtout d'expier ses fautes. Un soupir traversant ses lèvres, il n'en fallut pas plus pour qu'il emprunte le chemin d'une demeure divine. Traversant la porte et empruntant les escaliers. Il connaissait le chemin par cœur. Comme celui de tout les temples finalement. Autant de maisons secondaires qui lui permettait de vivre.

Quand enfin il arriva à l'étage des prières, son pas se fit plus lent, réduisant le bruit de son corps. Une voix? Une prière pour la Déesse du Courage? Quand enfin Clemens arriva à l'étage désiré il pût observer la Dame planter dans la pièce. Seulement de dos, il était difficile de vraiment pouvoir la décrire. Une magnifique chevelure rousse, la pointe d'oreille qui pourrait tirer sur une Fae... Une légère impression de l'avoir déjà vue, probablement lors de ses longues marche à déambuler dans la Cité avec ses prières.

Quand enfin le silence s'installa dans le Temple, la rousse semblait toujours aussi perdue. Aucune réponse. Les Dieux ne parlaient pas après tout. C'était le rôle des prêtres. Son rôle à lui. Ses propres soucis pouvaient attendre, mais pas ceux qui cherchaient de l'aide. Avançant doucement jusqu'à se positionner derrière l'inconnue, sans chercher à s'imposer, c'est d'une voix calme, que l'homme vint à rompre le silence.

"Je suis persuadée qu'elle vous a entendue." Dit-il alors. "Au moment où vos démons surgiront, je suis persuadé que la lumière de Tydéa vous protégera. C'est une bonne Déesse. Comme les autres, après tout."

Un léger sourire sur le visage, canne posée délicatement sur le sol, le Malakim reprit alors, d'un ton un peu plus embêté.

"Désolé. Je sais que souvent les prières sont faites pour ne pas êtres écoutées. Ce n'était pas mon intention de vous déranger... Mais en tant que prêtre, il m'est pénible de ne pas pouvoir aider une âme en peine. J'espère que vous saurez pardonner cette faute."

KoalaVolant

Prières nocturnes

Kidá & Clemens

Temple de la déesse Tydea • 21 août 118

Le cœur de Kidá se mit à battre la chamade lorsqu’elle entendit les pas d’une personne venir se positionner derrière elle. Elle sentit une bouffée de panique l’envahir ; elle n’était finalement pas aussi seule qu’elle le pensait dans le temple. Se retournant brusquement, elle fit face à un jeune prêtre blond aux ailes blanches et dorées, un malakim. Kidá ne le connaissait pas mais elle l’avait déjà aperçu en train de déambuler dans les ruelles du Quartier Est. En même temps, quand on le croisait, il était difficile de ne pas le louper avec ses grandes ailes et ses habits d’apparat de prêtre.

Le jeune homme vint rompre le silence et Kidá comprit, embarrassée, qu’il avait entendu sa prière. Enfin, prière n’est pas réellement le terme. Disons plutôt sa veine supplique de non croyante. Elle n'avait jamais été une adepte, ni sur Terre ni depuis ces deux ans sur Ozéna, même si la déesse Tydea était censée être la protectrice de sa maison. Pourtant, dans cet instant de vulnérabilité, elle s'était belle et bien retrouvée à genoux, les yeux clos, implorant quelque chose qu'elle ne comprenait même pas. Néanmoins, bien que la jeune elfe n’ait jamais eu de penchant pour la religion, elle avait appris à respecter les croyances des autres. Elle détestait avoir été prise sur le fait, surtout dans un lieu aussi sacré pour les personnes telles que le prêtre alors qu’elle n’y avait aucune légitimité. À cette pensée, Kidá se raidit.

La culpabilité l’envahit alors comme une vague déchaînée tandis qu’elle tentait de trouver une explication plausible de sa présence dans le temple. Bien que le regard et les dires du malakim semblaient bienveillants et rassurants, les mots de la jeune rousse semblaient se dérober, comme si sa propre voix refusait de trahir le secret de son âme tourmentée. Dans le fond, cherchait-elle une raison à sa venue pour lui ou pour elle ? Elle détourna soudainement les yeux, sentant la panique et peut-être même la honte monter en elle alors qu’elle se sentait exposée. Elle était incapable de soutenir son regard, comme si garder le contact visuel plus longtemps permettrait au prêtre de pénétrer au plus profond de sa misérable âme.

« Merci mais, ne vous… Ne vous excusez pas. » Les mots lui échappaient, piégés dans sa gorge serrée. « Je ne faisais que passer… Hmm… Je ne veux pas causer plus de dérangement… À vous. Tout comme à la déesse Tydea. », balbutia-t-elle, en tentant de s’éclaircir la voix. Kidá déglutit péniblement. Elle aurait dû partir depuis longtemps. Même, elle aurait dû savoir mieux que quiconque qu'elle n'avait rien à faire dans un temple et donc tout simplement ne pas y entrer en premier lieu. À présent, elle se sentait mal à l’aise, piégée dans ses propres mensonges. « Je n’ai… Je n’ai pas ma place ici... Et de toute façon, je ne suis pas sûre qu’il reste quoique ce soit à sauver de mon âme. », finit-elle par articuler.

(c) DΛNDELION

Prières Nocturnes

Kidá et Clemens / Le 21 Août 118

La peur.

La crainte.

Le doute.

Une âme qui semblait en proie à bien des tourments, se disait alors Clemens. Il n'y avait qu'à la voir, cette pauvre Faë en peine. Dans sa façon de se retourner, dans son regard. Il n'y avait pas non plus besoin d'être devin pour voir dans ses expressions la douleur qui lui transperçait l'esprit. Cette pauvre personne souffrait dans un endroit qu'aucun médecin lié à la santé physique pourrait réussir. Tout ce qui touchait au mental. Mais alors, est-ce que ce ne serait pas le rôle du Malakim, d'agir? D'espérer un peu aider quelqu'un qui en avait besoin? N'était-ce pas la, le rôle de la Foi, finalement? Tendre une main délicate, espérer regonfler ceux qui étaient briser pour qu'ils puissent de nouveau marcher? Après tout, combien de fois lui aussi était du genre à tomber, pour finalement assurer la survie de son mental par la prière? Beaucoup trop de fois. Et depuis son arrivé à Ozéna, jamais les Dieux ne l'avait une seule fois abandonné. Pas comme le Divin de la Terre.

Les premiers mots qu'il avait essayé d'offrir à la jeune femme ne semblèrent pas vraiment concluant au vue de son rejet du regard, fuyant ses yeux comme si cela lui semblait insupportable. La voir agir ainsi vint à faire lever un sourcil au prêtre. Les raisons d'une telle rupture du regard pouvaient être bien nombreuses, mais celle-ci en particulier lui échappait. Après tout, l'ancien marin ne connaissait pas son interlocutrice. Cela pourrait être par honte, par affront, par envie qu'il n'en saurait toujours rien. Mais alors qu'il allait recommencer à parler, afin de chercher à en apprendre plus sur l'âme errante en face de lui, Clemens fût surpris de la voir parler à son tour. Il était douloureux de la voir balbutier. De la voir hésiter. Chaque mot semblait être une douloureuse expérience. Rejetant avec une profonde agonie la Déesse, et son propre salut.

Plus il en entendait, plus le visage du Malakim se fanait. Affichant alors une profonde tristesse. Il avait l'impression de voir un reflet dangereux de son passé. L'impression de revoir sa vie presque quitter son corps après l'accident sur son navire. Se revoir implorer Dieu alors qu'on se savait indigne d'être ne serait-ce que observer. La légère amertume de voir cette douce Faë souffrante provoquait une grande peine. On était pas dans l'hérésie ou le Blasphème que pouvait détester et haïr le bon prêtre, non. Le rejet qu'il voyait, l'abandon qui se présentait face à lui était tout autre. C'était le genre d'âme qu'il pouvait sauver, s'il s'en donnait la peine. Comme il aurait aimé qu'on le sauve, il y a bien des années de cela alors qu'il était entre les griffes de Dorothéa.

Laissant encore le silence s'installer quelques instants, ce fût après une profonde inspiration que l'ancien pêcheur reprit alors la parole.

"Toute âme mérite d'être sauvée, mon enfant." Mon enfant? Se prenait-il pour le prêtre de son église Allemande maintenant? "Tout d'abord, jamais vous ne causerez de problèmes à un prêtre du Prieuré, ou à la Déesse alors que vous cherchez de l'aide. Sinon, à quoi bon la Foi? A quoi bon la croyance? A quoi bon l'entraide?" Laissant ses ailes se déplier légèrement, Clemens souhaitait paraitre, avec ses ailes, plus rassurant encore, en laissant un début de sourire s'inscrire sur son visage. "Après tout, je vois mal la Grande Tydea ne pas poser son regard sur vous. Il n'y a pas plus grand courage que d'accepter avoir besoin d'aide."

Et lui, n'était clairement pas courageux vue toute les fois où il avait fuit. En trouvait-il une frustration? Non, il se savait faible sur bien des choses. Au moins le reconnaissait-il. Il se sentait surtout parfois proche de l'imposteur... Et son but était d'effacer cette marque dans son âme.

"Je vous en prie, restez autant de temps qu'il faudra pour vous aider. Si cela vous dis, je peux écouter vos prières ou vos peines. Il est parfois plus simple d'avoir une oreille attentive, en plus de celle des Dieux, pour se sentir compris. Et à travers cela, je peux vous jurer de vous montrer que votre âme aura tout ce qu'il faut pour être sauvée." Un nouveau sourire, compatissant. Des mains jointes, comme pour lancer une prière, le tout avant de fermer délicatement les yeux, avec un léger soupire. "Mais je ne suis pas la non plus pour vous forcer la main, mon enfant. Je ne souhaites pas vous obliger à parler, si cela vous effraie. Je tiens juste à... Vous offrir cette possibilité, si vous y tenez."

Rouvrant alors les yeux, repliant délicatement ses ailes tout en laissant ses mains jointes, il s'approcha un peu plus de la Faë, gardant une certaine distance avec elle pour ne pas la brusquer. S'arrêtant alors une fois sur la même ligne qu'elle, se tournant vers une statue de la Déesse.

"Nous sommes tous égaux, face à l'immensité du Divin. Prêtre ou non, nous avons tous la chance de pouvoir avoir accès à bien plus que l'abandon." Puis, en tournant le visage vers la Dame. "Oh, où sont mes manières... Je suis Clemens. Enchanté."

KoalaVolant

Prières nocturnes

Kidá & Clemens

Temple de la déesse Tydea • 21 août 118

« Mon enfant... Le Prieuré... La Foi... Grande Tydea... » Les mots du jeune prêtre à la fois touchèrent Kidá et l'effrayèrent également en un sens. Mais que faisait-elle réellement dans ce temple ? Une bien sombre mascarade dans laquelle elle s'était engouffrée. Et ces ailes, immenses, caractéristiques des malakim, mais aussi impressionnantes. Le regard et le sourire du prêtre se voulaient sécurisants et c'est ce qui faisait que la jeune fae n'ait pas fui à toutes jambes hors de cette salle de prières. Perdue dans ses pensées qui fourmillaient à tout allure entre l'incongruité et la honte de la situation, Kidá restait silencieuse et captait quelques bribes des paroles du prêtre. Le visage de la rousse exprimait toujours son malaise et son mal-être. Etait-il en train de lui servir un discours de propagande ? Kidá était respectueuse des croyances de chacun, mais elle était toujours réticente face à une ferveur un peu trop prononcée et exhibée dans le but d'enrôler de nouveaux fidèles à tout prix. Instinctivement, la jeune fae se raidit et sa froideur naturelle, carapace dont elle se paraît depuis son arrivée sur Ozéna, revint. Kidá était à ce moment persuadée de subir un discours d'embrigadement de la part du prêtre.

« Restez... Oreille attentive... Pas vous obliger... Possibilité... » Le jeune prêtre continuait sa tirade tandis que Kidá n'avait toujours pas articulé de nouvelle parole. Elle était perplexe. Quelques secondes plus tôt, elle se serait presque sentie menacée par l'expectative d'être un nouvel outil pour le prêtre afin de servir sa mission divine auprès du Prieuré. Mais à présent, le fond du discours semblait différent. Etait-ce une autre technique d'approche afin d'arriver à son but pour la transformer en une nouvelle fidèle de Tydea ? Mais les yeux et l'attitude du prêtre semblaient réellement démontrer de la compassion à son égard. Kidá était perturbée, sans parler de son désespoir qui semblait s'abreuver des paroles du jeune blond. La jeune fae n'avait jamais réellement parlé à quelqu'un sur Azamyr des circonstances de son arrivée sur Ozéna, ni de l'étendue et de la complexité de son mal-être. Elle préférait garder ça enfoui au fond d'elle, de peur d'être jugée. Son propre regard dans le miroir étant déjà bien assez accusateur. Elle avait préférer se murer dans la solitude, préférer affronter seule ces démons ainsi que sa sentence. Et dès qu'elle l'avait pu, Kidá avait trouver un travail dans lequel elle pourrait se rendre utile à la communauté, une bien petite contrepartie pour essayer de soulager son âme tourmentée.

« Clemens. » Ainsi était le prénom de ce malakim. Un nom qui ne pouvait que parfaire son costume de prêtre. Pouvait-il réellement faire preuve de clémence à son égard ? Lui pardonner ses offenses de non croyante prise sur le fait à balbutier des mots dont elle ne saisissait pas toute la profondeur ? Pouvait-il, tout comme le suggéraient ses paroles, se montrer indulgent envers elle, envers son cœur meurtri et son esprit rongé de remords ? Kidá était désorientée et incrédule. Comment ces mots pouvaient-ils résonner autant en son fort intérieur pour éveiller en elle cette envie dormante de se livrer, de se libérer ? Elle ne pouvait y croire elle-même que son cerveau puisse formuler de telles pensées. Avec un regard expert, il aurait été même possible de voir que son masque d'indifférence commençait à se fissurer face à ce jeune prêtre qui ébranlait toute cette carapace qu'elle s'était bâtie ; une forteresse de protection pour elle-même et éviter d'accorder à nouveau sa confiance à tort, mais également un rempart pour se prémunir de blesser quelqu'un d'autre avec ce qu'elle jugeait comme être sa cruauté aussi incomprise qu'indomptable une fois réveillée.

« Mon nom est Kidá. », s'entendit-elle prononcer avec politesse. Bien que sa raison lui intimait de prendre congé du prêtre, son cœur lui alourdissait les jambes, la laissant clouée droite et stoïque face à Clemens. Fuyant le regard du prêtre, aussi bien par malaise, qu'indécision, Kidá fixa à son tour la statue de la déesse de sa maison. « Je vous remercie pour ces belles paroles, prêtre Clemens. Mais je ne crois pas que nous soyons tous égaux... » Bien que le prêtre ait fait référence aux croyances envers les divinités d'Ozéna, Kidá ne pouvait que penser à Isaac qu'elle avait laissé sur Terre. Non. Qu'elle avait lâchement et consciemment abandonné à une vie de difficultés sur cette planète mourante. La jeune fae toucha du bout de ses doigts son pendentif bleu qui lui faisait tant penser aux yeux d'Isaac. Ce collier représentait sa croix qu'elle devait porter chaque jour durant. Kidá ne pouvait penser qu'à l'atrocité de son geste qu'elle considérait comme impardonnable. Il n'y avait pas d'égalité qui pourrait balayer le poids de ces remords, car face à un tel égoïsme malveillant Kidá considérait ne pouvoir réclamer aucun pardon. « Les divinités peuvent peut-être faire preuve de miséricorde, mais elles ne peuvent nous contraindre à nous pardonner nous-mêmes. Nos actes nous définissent et nous devons en subir les conséquences... Quoi qu'en pense les cieux ! » Kidá s'étonna elle-même de ses paroles. Elle qui n'était habituellement pas du genre à échanger sur ses différents points de vue, histoire de ne pas lancer de débat auquel elle ne pourrait se soustraire aisément.

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Clemens a écrit:

Prières Nocturnes

Kidá et Clemens / Le 21 Août 118

La... Discussion semblait des plus difficiles pour Clemens. Il avait beau donner tout ce qu'il pouvait dans l'espoir d'offrir à cette âme en peine le moindre des réconforts, il n'y avait pour le moment rien. Aucune réponse, pire, il semblait ressentir encore plus de gêne, peut-être même de la peur ou de l'esquive. Il semblait presque que la pauvre Fae resterait à jamais silencieuse. Pourtant, à un moment, un seul, le Malakim eu l'impression de voir une entité prête à se fissurer au moindre mots qui pourrait être un peu violent. Que pouvait-il bien se cacher derrière tout cela? Quel genre de terribles démons pouvaient alors résider en une Dame comme elle? Se sentant un peu plus embêté, après avoir terminé ce qu'il avait eu à dire sans réelle réaction ni réponse, le prêtre eu l'envie de réessayer quelque chose, mais fût interrompue par la voix renaissante de son interlocutrice.

Ainsi se nommait-elle Kidá? Original. A n'en point douter. Nord de l'Europe? Pensa un moment l'Allemand qui y avait passer quelques années de doutes et d'errances avant d'arriver sur ce nouveau monde... Avant de rejeter cela de sa tête, à quoi cela pourrait bien lui servir de savoir cela? Comme avec la prière, l'esprit de l'ancien pêcheur était trop facilement parasité par des absurdités. La peur, le doute, la sottise... Comment voulait-il réussir à tendre une main convenable à cette pauvre personne en détresse avec cela? Il ne pouvait se le permettre. Pas en tant que prêtre du Prieuré. Surtout qu'en plus, elle s'était même mise à détourner son regard, refusant tout contacte visuelle possible en reprenant sur un thème plus difficile, celui de la non égalité des gens.

Voir ainsi la Fae observer la statue tout en prononçant des mots aussi lourds de sens avaient pour but de le chagriner, mais ce n'était rien à côté du coup de massue qui vint lui arriver des mots de sa compatriote. Les mots qu'elle venait de prononcer raisonnait bien trop fortement en lui. Comme si c'était quelque chose qu'il aurait pût dire lui même. Le genre de pensées qu'il avait depuis si longtemps... Subir les conséquences de ses actes, ne pas se pardonner, et continuer de porter un tel fardeau malgré la vision des Dieux. Le genre d'horreur qui nous fait cruellement nous dire, si jamais le Divin nous pardonnait pour nos erreurs, combien de temps nous pardonnerait-il de souffrir aussi futilement?

Mettant sa main sur sa poitrine, sentant alors son coeur battre correctement, symbole qu'il vivait encore, symbole de son existence et symbole de ne pas être un oublié de l'univers, le jeune homme prit une profonde respiration avant de s'avancer. Se mettant cette fois-ci aux côtés de la jeune femme. Toujours avec une certaine distance d'elle. Le but n'était pas de la faire fuir, ou de la déranger. Juste de se mettre sur un pied d'égalité face à la Déesse. Prenant le temps de chercher ses mots, de savoir ce qu'il pouvait dire ou ne pas dire... Devait-il s'ouvrir à elle? Impossible d'en dire trop. Pour quoi passerait-il, d'admettre avoir abandonné femme et enfants, puis le monde tel le lâche qu'il était? Mais il pouvait tout de même offrir une légère vision de tout cela afin de montrer à Kidá que lui aussi, même en tant que prêtre, avait encore des démons en son sein qui l'empêchait de se pardonner.

"Je vous comprend, sachez le." Dit-il alors pour commencer. "Vous avez raison, nous ne sommes pas tous égaux." Continua t'il alors, plus lentement, haussant légèrement les épaules alors que son regard se perdait vers un des détails de la statue de la Déesse. "Les Dieux nous voient comme des égaux, sans aucun doute, nous sommes après tout des créations de la vie, cherchant à se mouvoir, évoluer, vivre... Mais au fond... La vie fait que nous ne le sommes pas. Et c'est un terrible aveux, vous savez?"

Tout le monde souffrait dans la vie, bien entendue. Surtout lorsqu'on avait grandit sur Terre. Même sur le nouveau monde, finalement il continuait d'y avoir un peu de souffrance. Les Explorateurs, les Veilleurs connaissaient les blessures, les contrats stupide et le danger. Les gens pouvaient avoir le cœur brisé ou s'embrouiller... Mais au fond, certains souffraient moins que d'autres. Certains avaient moins d'embûches que d'autres.

"Cela peut sembler injuste, mais j'espère savoir que, même s'ils nous voient égaux, les Dieux sauront faire la part des choses à notre mort. J'en suis même sûr." Un léger sourire, suivit d'une douce prière en direction de Tydéa, et il reprit. "Si vous voulez savoir, même moi, je possède un terrible fardeau qui m'empêche de me pardonner. Une chose de la terre que j'ai... Fuit..." Une façon d'avouer son pêché, sa faute sans aller plus que cela dans les détails. "C'est quelque chose qui m'a suivit sur Terre et qui me suit encore aujourd'hui. Quelque chose dont j'ai payé le prix mais..." Et à cet instant, il se tourna vers la Fae, un visage sérieux, ses traits fins étant alors tirés par le froncement de ses sourcils. Malgré ses paroles, le Malakim semblait avoir réussie à garder la force de caractère. "Je peux vous assurer que malgré tout, à chaque pas en avant, chaque prière, chaque action que je fais, cela devient moins lourd. Même si cela semble insignifiant à chaque fois, quand on essaye de se racheter, quand on essaye de faire la bonne part des choses... Notre âme se sent plus léger. Ce n'est pas que aux Cieux de nous ouvrir la voie de la rédemption, Kidá, c'est à nous avant tout... Par contre, je peux vous assurer qu'ils nous aident bien. Comme une douce lumière au loin qui nous guide, ou juste comme le petit soupçon de courage qu'il nous faut pour faire le plongeon dans le grand bain."

A cet instant, il était encore terriblement difficile de savoir si ses mots seraient utile ou non, si cela offrirait à la Fae un quelconque espoir, une quelconque sortie pour, juste faire un nouveau pas en avant... Mais c'était tout ce qu'il pouvait faire sans avoir à s'ouvrir lui même encore plus, et de sûrement, en souffrir par le regard de l'autre...

"Un fardeau se porte toute sa vie, mais on peut espérer réduire sa charge sur notre âme... Pour avancer enfin libre."

Obtenir une liberté que lui même, n'avait pas... Donner l'espoir d'un poids dérisoire quand ses propres épaules ne supportaient pas celles de sa culpabilité... Tel le plus grand des hypocrites...

KoalaVolant

Sam 30 Mar 2024 - 16:53

Prières nocturnes

Kidá & Clemens

Temple de la déesse Tydea • 21 août 118

Kidá écouta le prêtre reprendre la parole après ses propres mots qu'elle s'étonnait toujours d'avoir prononcé. En temps normal, la jeune fae s'en serait voulu d'avoir lancer cette discussion. En effet, lorsqu'elle se retrouvait dans une de ses périodes sombres, Kidá souhaitait le moins possible se mélanger aux autres, avoir des échanges, se construire une vie sociable. Non. Elle préférait alors s'isoler, rester dans sa solitude et à bonne distance de la vie, renfermée dans ses idées noires, son chagrin et ses remords. Clemens s'était rapproché d'elle pour être à sa hauteur. Son corps semblait hésiter à se confier à elle, Kidá le percevait mais ses mots était prudent. « La vie fait que nous ne le sommes pas. Et c'est un terrible aveux, vous savez? ». Une bien dure réalité qu'il venait d'énoncer là... Kidá ne pouvait qu'approuver en son fort intérieur. Pour preuve, tous les habitants d'Azamyr n'était pas arrivés en Ozéna dans les mêmes conditions. Chacun avait sa propre histoire, et toutes n'étaient pas tragiques, cruelles, détestables.

Le malakim poursuivit son discours. Ses mots pénétrèrent l'atmosphère pesante qui enveloppe Kidá. Ils étaient censés, posés... Et réconfortants dans le fond. Ils résonnaient en Kidá, comme s'ils lui ouvraient les yeux sur une vérité qu'elle se refusait de voir. Quelque chose dans la voix du prêtre, dans ses paroles empreintes de compassion et de compréhension, la touchait d'une manière inattendue. L'idée de se confier à quelqu'un lui semblait inconcevable, encore moi à un homme de foi, mais Clemens semblait trouver les mots justes, des mots qui faisaient écho à sa douleur. Au fil des mots du prêtre, une lueur d'espoir vacilla dans les ténèbres de son désespoir. Elle l'écoutait avec une attention inattendue et croissante, accrochant chacune de ses paroles comme des bouées dans un océan tumultueux. Alors qu'il évoquait la notion de rédemption, un frisson parcourut l'échine de Kidá. La rédemption ? Est-ce même possible après ce qu'elle avait fait, après avoir injustement et cruellement abandonné Isaac et laissé son cœur se consumer dans la douleur ? La jeune fae baissa le regard, se sentant soudainement vulnérable face à cette idée.

Elle se surprit néanmoins à envisager une nouvelle possibilité, même tout lui semblait hors de portée à l'heure actuelle. Et dans cette prise de conscience émergeante, Kidá trouva la flamme d'un début de soulagement face au fardeau de ses remords. Timidement, elle releva les yeux vers le prêtre, un étrange mélange d'étonnement, de questionnement et d'un début de gratitude dans son regard. Peut-être, juste peut-être, y avait-il en effet un chemin vers la rédemption, la délivrance, le pardon de soi-même Et peut-être, qu'avec sa propre volonté et éventuellement de l'aide, Kidá pourrait un jour trouver le courage de l'emprunter.

Alors que Clemens terminait son monologue, la rousse hésita un instant, ses mots semblant se coincer dans sa gorge. Elle n'avait jamais partagé son histoire avec qui que ce soit depuis le jour où tout avait basculé sur Terre. Même après son passage du portail alors qu'elle était accueilli dans le temple de la déesse Ekaris, Kidá n'avait jamais donné les raisons qui l'avaient poussée à passer le portail et d'atterrir à Azamyr. Mais la présence réellement bienveillante du prêtre semblait déverrouiller quelque chose en elle.. Le considérable et étouffant poids de son passé semblait la presser à se confier. « Merci prêtre Clemens, pour ces mots avisés et votre sincérité. », commença-t-elle doucement. Même si la situation était assez déstabilisante, voire légèrement déplaisante de prime abord, Kidá voulait en toute bonne foi remercier le malakim pour sa sympathie et sa tentative d'apaisement. La fae marqua ensuite une pause, ne savant pas s'il fallait qu'elle continue... Ne sachant pas au fond si elle le désirait.

Dans ce moment de silence, les images, les odeurs, les sensations, les émotions de ce soir fatidique sur Terre lui revinrent en mémoire. Si elle avait fermé les yeux, elle aurait pu s'y projeter avec un réalisme déstabilisant, oppressant, culpabilisant. Choisissant ses mots avec précaution, comme si chaque syllabe pesait sur son cœur meurtri, Kidá s'entendit poursuivre malgré elle. « Il y a eu... un événement... sur Terre », murmure-t-elle, ses yeux fixés sur un point invisible dans la pénombre du temple. « Une soirée tragique... qui a tout changé... ». Sa voix se mit à trembler légèrement, trahissant la douleur toujours vive de ses souvenirs. « J'ai perdu... j'ai perdu quelqu'un que j'aimais... », continua-t-elle, sentant les démons refoulés remonter à la surface malgré ses efforts pour les contenir. « Isaac... », pensa-t-elle avec remord et tristesse, le regard dans le vide. Il s'agissait là de ses touts premiers mots depuis deux ans en rapport avec son passé... Mais quel pouvoir Clemens avait-il pour la pousser à se livrer si soudainement !?

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