Elle n'avait pas tant l'habitude que ça de sortir a l'extérieur des remparts la nuit. Parce qu'elle n'avait plus ou moins rien a y faire. Et qu'elle y passait déjà de nombreuses heures de la journée, quand ses contrats l'emmenaient dans ces terres éloignées. Mais parfois, pour trouver une bete, pour déceler une plante, la lueur de la lune était la meilleure amie qu'un explorateur pouvait avoir. Dire qu'elle etait une exploratrice, c'etait peut etre un grand mot, cependant. Elle préféra se dire qu'elle etait simplement quelqu'un qui pouvait aider le bien commun.

Elle se souvenait, généralement, des années dans son bidonville. De sa musique, qui avait aidé a rendre l'endroit un peu plus beau. Aujourd'hui, elle n'avait plus le physique faible d'adolescente qu'elle avait en Pologne. Non, malgré sa taille moyenne, elle était svelte, sèche, tracée, musclée. Elle savait mieux se battre que la plupart des gens d'ici. Alors même a cette heure tardive, sans aucune crainte, elle avait franchit les remparts sans même prévenir qui que ce soit, faisant un bref signe de la main a l'une des vigies, et avait disparue entre les arbres.

C’était une petite plante brune qu'elle avait passé plusieurs heures a récoltés. Et suite a ça, elle avait pu remplir la sacoche qui se retrouvait en bandoulière au niveau de ses épaules. Pour le reste, elle ne portait clairement pas une tenue de combat. Un haut de tunique large, dont les deux premiers boutons étaient ouverts. Un pantalon bouffant, assez chaud, allant jusqu'au dessus de ses chevilles, dissimulés par des bottes de marches en cuir souple. Si il y avait bien une chose pour laquelle elle était assez douée, c’était s'habiller.

Au détour d'une clairière, elle avait été séduite par une lumiere agréable se frayant un chemin au milieu des branchages. Plus que la densité touffue qu'on atteignait vite en s'éloignant d'a peine quelques minutes des murs, ici, on retrouvait une certaine respiration, après avoir étouffé dans la canopée feuillues. Elle décida d'y faire une pause, et se dirigea tranquillement vers le centre de l'endroit. Elle déposa son sac avec précaution, et se mit a genoux sur une petite butte, comme un présentoire au milieu du rien.

Elle resta silencieuse un petit moment, sans vraiment avoir la notion du temps. Durant ces instants, elle parvenait a développer toujours un peu plus ses sens. Son odorat, son ouie. Toute la foret sembla lui parler, et ca lui donna envie, soudainement de lui répondre. Une des vieilles chansons de sa mere lui revint en tete. Celle qu'elle chantait quand le cabaret ce vidait des badauts, pour ne laisser que les habitués.

- Mmmmh...mmh mmh...

Quelques vagues paroles s'échaperent de ses lèvres, encouragée par le silence et la certitude d'etre seule. Une chanson, ou plutot une histoire, racontant dans sa langue natale comment une jeune femme d'une quinzaine d'années tombait amoureuse d'un adolescent de son voisinage, mais qu'elle se rendait compte en grandissant que les émotions de jeunesse était fréquemment très volatile.

Elle redressa la tete. Plus qu'entendue, elle avait senti l'odeur de la vampyre approcher. Elle ne l'avait pas reconnue d'un simple renifflement, mais elle n'avait, étrangement, pas spécialement besoin de quoi que ce soit pour savoir que ce n'etait pas un danger. C'etait une femme sans aucun doute, a la peau froide, comme Amélia dont elle avait plus l'habitude.

Elle avançait avec la retenue de la discretion et pas du prédateur. En clair, elle écoutait sans se mettre en avant. Et pour une fois, Emilia ne s'arreta pas en sursautant. Elle jeta un bref coup d'oeil, tout en achevant sa chanson, qui finissait de façon dramatique, avec la pauvre adolescente, pétrie de chagrin, qui s'otait la vie. Définitivement, sa mere avait toujours aimé chanter des chansons tragiques.

- ...Bonsoir.

Elle avait répondue naturellement au compliment. Elle se passa la main sur la gorge sans y penser, en songeant qu'elle etait loin d'avoir ses anciennes capacités vocales. Mais elle sentait aussi que dans ce nouveau corps, son potentiel etait bien plus élevé. Si elle avait commencé aussi jeune, elle aurait pu grimper encore plus. Dépasser sa mere connue mondialement comme pianiste, avant sa déchéance.

- ...Vous etes...Mélusine, je me trompe ?

Elle l'avait reconnue sans trop de soucis. Elle avait l'habitude de connaître absolument tout le monde. Que cette derniere en soit consciente ou non, c'etait une autre histoire. C'etait une partie de son travail, encore plus depuis qu'elle etait devenue la garde du corps d'Arakyel, de connaître l'identité des puissants. Elle se redressa debout, et s'inclina respectueusement.

- ...Je ne chante pas a Azamyr. C'est sans doute pour ça.

Elle hocha la tete en l'entendant évoquer les dangers environnant. Elle aurait pu lui retourner la remarque. Elle avait l'air seule aussi, et elle ne se concentra pas sur les alentours pour le vérifier. Elle lui laissait la confiance. C'etait une chef. Ou une sous chef. Bras droit ? C'est comme ça qu'ils s'appelaient ? Elle n'avait pas spécialement l'arbre hierarchique des maisons en tete, elle s'e tenait très loin.

- J'allais rentrer bientôt. Je me suis...perdue en chemin, dans la contemplation du temps.

Elle planta des yeux aussi rouges que celle de son homologue dans les siens. Et remarqua qu'elle n'approchait pas trop. Elle tourna la tete, comme cherchant une source de menace, puis haussa les épaules pour elle meme.

- Et vous, avez vous aussi perdue une certaine notion du temps ? Voulez vous que je vous aide a revenir ? Ou bien...attendez vous autre chose ?

Elle fit quelques pas dans la direction de la vampyre et se stoppa finalement a distance honorable.

- Emilia. C'est mon prénom.

Emilia cligna légérement des notes, puis eu un petit sourire discret. Elle ne doutait pas qu'au moins son nom soit connue d'une femme du rang de celle qui etait en face d'elle. Melusine devait etre...bras droit ? Elle n’était pas tout a fait certaine. Elle faisait surtout en sorte de ne pas se mêler des affaires de la haute hierarchie. Tout simplement car elle avait toujours pris pour actée que cela ne pouvait etre qu'un probleme que de monter trop haut dans l'importance d'une hierarchie ou d'une communauté. C'etait eux qui se faisaient assassiner. Eux qui se faisaient cibler pour tout et n'importe quoi. Elle, elle voulait vivre dans son coin, en aidant le plus possible les gens.

- ...Je les aide simplement. Je ne fais pas exactement partie intégrante des explorateurs. Mais c'est un honneur que vous connaissiez ma position.

Elle inclina la tete avec respect, comme elle aurait, cependant, fait avec n'importe qui. Elle n’était pas du genre a donner plus de respect a quelqu'un pour son rang. En revanche, elle en avait énormément pour absolument tout le monde. Peut etre parce qu’après sa première vie, elle avait cette désagréable impression d’être toujours un rat dans un ville trop grande pour elle.

- Je...j'aide les gens, de façon plus générale. C'est ça que je fais, comme activité.

Elle se sentit un peu stupide de dire ça. La femme en face d'elle ne lui avait vraiment pas demandé. Mais maintenant qu'elle avait encore une fois ouvert la bouche de façon un peu trop rapide pour ne pas rougir, elle baissa simplement la tete, légérement, et s'approcha finalement, comme si elle acceptait qu'il n'y avait rien a craindre. Sans connaître la vampire, elle avait assez confiance en ses capacités actuels pour s'en sortir en cas d'affrontement. Le plus a craindre aurait été une attaque surprise mais elle ne sentait personne autour d'elles.

Elle comprit en entendant l'explication. Elle connaissait un ou deux membres de cette race qui avait besoin de cette singulière source de nourriture pour vivre. Emilia était un peu désolée pour eux, et elle n'aurait prit leur place pour rien au monde. Elle aimait trop le goût de la nourriture, et la sensation du sommeil. Peut être qu'ils n'avaient pas ce soucis, qu'ils l'avaient oubliés. Mais ce bien être de s'allonger dans son lit était trop agréable. Mais au cas ou ce serait un sujet sensible, elle n'allait pas en parler comme ça. Surtout sans connaître son homologue.

Elle avait rougit soudainement, sous le nouveau compliment. Elle avait bien notée le premier également concernant sa voix. C’était une chose de savoir qu'on se débrouillait, une autre que quelqu'un d'inconnu et qui n'avait absolument pas besoin de vous complimenter, le fasse. Elle rougit légèrement, et espéra que dans l'obscurité, cela soit caché le plus possible. Mais il y avait peu de chance que cela soit totalement camouflé, vu la blancheur de sa peau. La dessus, elles avaient peut etre un petit point commun.

- Vous euh...vous avez aussi une jolie voix.

Elle avait bredouillé maladroitement. Melusine ne faisait que parler, mais, il fallait bien l'avouer, c’était agréable a l'oreille. Emilia avait de toute façon trop souvent l'habitude de bien apprécier la voix et la vision des femmes. Mais elle se sentit s'enfoncer encore plus dans le sol et se hata de rebondir sur le reste de la conversation. Elle était la après tout.

- Vous avez...hum...excusez moi je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais vous avez beaucoup de personnes qui attendent un ravitaillement ?

Inconsciemment, elle avait posé les yeux sur la chevelure qui venait immanquablement mettre en valeur la chute de reins de la femme face a elle, qui avait déjà commencé a se concentrer de nouveau sur sa besogne. Elle fit un pas supplémentaire, en appuyant de façon un peu exagéré sur les feuilles pour bien rappeler sa présence sans risquer d’être mal polit.

- Je ne suis pas une chasseuse hors paire mais...j'ai des sens affutés...je pourrais vous aider au moins a traquer ce dont vous avez besoin, peut etre ?

Elle leva la tete, alors que la nuit etait bien engagée. En chantant, elle ne s'en etait pas spécialement rendu compte.

- Quel type de créature chassez vous exactement ? J'avoue n'avoir aucune idée du...processus.

Est ce qu'elle cherchait des betes capables de fournir ensuite de la viande et d'autres éléments utiles. Mais ce n’était probablement pas le plus simple, et surtout, elle ne lui semblait pas extrêmement équipée pour ramener quoi que ce soit, alors peut être qu'elle allait plutôt boire sur place ?

- Enfin je...je ne souhaite pas m'imposer.

Elle tourna la tete et tendit de nouveau l'oreille :

- Vous etes seule pour cette activitée nocturne ?

C'etait peut etre une tradition...une habitude...et sans doute une facilité, de ne pas faire énormément de bruits, pas autant qu'un groupe plus large...mais elle devait avouer qu'elle trouvait ça illogique si il n'y avait personne d'autre. Alors elle lui fit un signe de tete décidée :

- Laissez moi vous remercier avec de l'aide....pour le compliment.

Et zut...elle venait de rougir de nouveau.