Son arrivée

Toute sa vie lui apparaissait soudain comme un long rêve, ses souvenirs sur le bout de la langue, il ne sut pas répondre aux questions de la prêtresse, lorsque celle-ci lui demanda son nom pour le recensement des nouveaux arrivants, son mutisme persista, mais ne dérangea pas. Face à son anxiété apparente, elle le rassura avec bienveillance et lui répondit que les voyageurs amnésiques n'étaient pas rares, qu'il devait prendre son temps pour se souvenir, qu'il était libre de se choisir un nouveau prénom, que sa vie d'avant Ozéna ne comptait plus désormais. Il se sentait comme un poisson d'eau douce sur la terre ferme dans son nouveau corps, gêné par toute l'assistance que ces demoiselles lui portaient, le voyageur muet se confondait en maladresses sous le regard de pierre de la déesse Ekaris. Mais très vite grâce à l'assistance des prêtresses et des prêtres du temple, la peur du voyageur se métamorphosa en curiosité. Bientôt, il demanda le nom de ce fruit dont il se délectait, de l'origine de cette eau avec laquelle il s'abreuvait, le nom de cette statue qui le toisait d'en haut, la raison de la présence de ce temple (même s'il se doutait de la réponse), de la situation de la ville, de son fonctionnement et de ses règles. Ne souhaitant pas rencontrer son mentor tout de suite, il demanda l'autorisation à un aîné de sa maison pour rester quelques jours de plus au Temple d'Ekaris. Au vu de sa politesse, de son respect envers les croyances et les traditions locales, les prêtresses ne trouvèrent rien à y redire. Avant de se confronter au monde extérieur, le voyageur continua de satisfaire sa curiosité en se plongeant dans quelques livres écrits par des anciens soucieux de donner des conseils aux nouveaux-arrivants. Il eut la chance de voir l'arrivée d'une autre personne, trois jours après lui, qui se montra bien moins consciencieux dans son apprentissage et impatient de découvrir la nature après une vie morose dans une mégapole de fer et de béton. Lui aussi avait envie de découvrir à quoi un arbre ressemblait, la sensation de l'herbe fraîche sur son corps, la vue d'un animal en chair et en os, le soleil sur sa peau. Le voyageur déclina son nouveau nom à la prêtresse du temple, Veyn Mornerune avait-il choisit après mûre réflexion. Ainsi débuta sa nouvelle vie auprès de son Mentor dans la Maison de la Terre et du Sang.

De sa vie sur Terre, au fur et à mesure que les jours passaient, une partie de sa mémoire lui revenait sous forme de souvenirs confus et morcelés pendant ses rêves. Il s'était d'abord souvenu du visage et du sourire de sa mère, ensuite le rire gras de son père marqua son esprit, une dispute stupide avec sa sœur cadette au sujet d'une peluche perdue, mais aussi l'immense fierté lorsqu'il reçut son diplôme d'avocat après avoir réussi l'université. Il exerçait dans une mégapole en Angleterre et se montrait impitoyable dans son métier, un vrai serpent, prêt à tout pour obtenir les contrats les plus juteux, à défendre les pires crapules quitte à relâcher des tueurs et des violeurs dans les rues pour se remplir les poches, et à mettre des innocents derrière les barreaux. Il mena une vie immorale et cupide, avide, avare, égoïste, prêt à tout pour remplir son compte en banque dans l'espoir de pouvoir finir sa vie dans l'oisiveté et la débauche. Son vœu fut exaucé par "Last Cured" lorsqu'il s'acheta une clef en or au marché noir. Mais depuis son arrivée à Ozéna, il avait changé, si bien que toute sa vie terrestre lui paraissait désormais futile, comme s'il avait laissé tous ses bagages d'une autre vie en franchissant le portail vers le paradis pour en commencer une nouvelle, meilleure et plus propre.

Son apprentissage

Elle, sa première rencontre, portait le nom Eluane avec élégance, il s'agissait d'une sorcière, elle pratiquait la magie blanche et avait apprit à se défendre avec une épée, ancienne depuis plusieurs années, son souhait de faire profiter la jeune génération de son expérience se concrétisa lorsque la Maison lui attribua la responsabilité de la formation de Veyn. Une tâche prise très au sérieux par la sorcière, elle accepta de le loger chez elle, de le nourrir, de lui faire subir un entraînement physique rigoureux et un régime spécial pour forger son corps dans la sueur, de l'aider à découvrir, et à maîtriser son pouvoir puis, de lui apprendre les bases du maniement de l'épée. Les premiers mots d'Eluane sonnaient comme un avertissement que le jeune voyageur sous-estima au début de sa formation : tu vas souffrir, avait-elle dit, mais je ferais de toi un survivant. Six mois plus tard, il pouvait affirmer qu'il avait souffert à ses côtés, mais la métamorphose de son corps, de brindille à bûche d'arbre, témoignait de l'efficacité de l'entraînement de la sorcière. Eluane et Veyn se découvrirent peu à peu l'un à l'autre, ils devinrent d'abord des amis, de cette proximité naquit de la confiance, de cette confiance, des confidences. Sa rencontre avec elle se révéla être une mauvaise blague du destin, si Ekaris existait, son humour noir dégoûtait Veyn. Eluane était, sur Terre, une jeune fille brisée par un criminel que la justice avait relâché à cause d'un avocat crapuleux de son genre. Il vit en elle une des victimes de sa cupidité, il savait avoir détruit la vie de plusieurs Eluane, mais pour se racheter et par honte de ses actes passés, il proposa à la jeune femme de devenir son chevalier, de la protéger jusqu'à sa mort comme son vassal. Depuis, Veyn, un étrange homme (au regard des autres) la suivait partout en portant une armure épaisse et lourde, en mauvais état, l'équipement ne le protégeait que trop peu pour son poids, mais il insistait pour la porter, en secret, comme un fardeau et la matérialisation de ses remords. Un an après son arrivée, Eluane était une rare personne à l'avoir vu sans son armure.

Il entra dans la guilde des Explorateurs presque au même moment que celle qu'il allait bientôt considérer comme sa première amie en ville, Amelia, avait un caractère bien à elle et une verve à faire rougir les téméraires qui se frottaient à elle. Lui-même jalousait ce qu'il considérait comme être de la spontanéité de la vampire, elle donnait l'impression de n'être gênée par rien, tel qu'aucun mur ne se dressait devant elle. Toutefois et malgré le caractère autodestructeur de sa collègue, son empathie presque naïve poussa Veyn à ne pas abandonner Amelia quand bien même tout les opposaient. Elle était la première à lui avoir tendu la main à la Guilde et il lui en était reconnaissant.

Palier de pouvoir:

Chronologie générale:

Inventaire: