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Bienvenue sur Ozéna

Saison froide ☃︎ Azamyr • An 118 — Novembre à Décembre

Imaginez un monde dans lequel votre avenir est incertain, la fin se rapprochant de plus en plus, sans que vous puissiez changer votre destin. Un jour, une solution est trouvée, vous permettant d’espérer, de croire en la possibilité d’une autre vie, une nouvelle vie. Il vous faut trouver une clé, vous permettant de traverser le portail menant à un nouveau monde. Là, tout est possible, vous naissez à nouveau, différent. Vous devrez faire face aux dangers, aux complots, aux découvertes. Mais l’avenir s’étend devant vous. Le petit journal d'Azamyr

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Laisse moi contempler l'inconnu [ft Séléna]

Zohar Crowe
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Laisse moi contempler l'inconnu.

29 septembre 118 - Matin ✶ Les remparts

L’inconnu.
Un mot porteur de milles images, et pourtant, évocateur de rien du tout. Capable d’envoyer les plus sages se rompre le cou, d’enjoindre les plus braves à pisser dans leur froc, et autre joyeusetés qu’évoquent les images de l’ailleurs. Pour la plupart des habitants, pensait Zohar, sauter à travers le portail était assez d’inconnu pour toute une vie. Désormais, une petite vie tranquille au sein de se nouveau monde leur suffisait, et parfois connaître une nouvelle saveur, ou croiser une souris aux allures exotiques était bien assez pour satisfaire leur pauvre curiosité.

Idiots.

Leur inactivité, leur manque d’appétit pour la découverte donnait à Zohar au mieux des démangeaisons imaginaires à la base du crâne, au pire l’envie de leur tordre promptement le cou, pour le simple crime d’être aussi ennuyeux.

Heureusement, il restait parmi cette masse de feignasses quelques âmes avides d’aventure. Mais ces quelques âmes avaient eu le défaut de se réunir entre elles pour former leur guilde stupide en l’excluant lui. Lui, alors qu’il était peut-être le plus intéressé d’entre eux, le plus motivé, le plus assoiffé d’ailleurs et de nouveauté. Mais ils l’avaient rejeté sur la base de rumeurs peut-être vraies, peut-être fausses, juste parce que voilà.

Bref, Zohar était dégoûté.

N’empêche qu’il en fallait plus pour le mettre au placard. Bien loin de le décourager, cette porte qu’on lui avait claqué au nez n’avait fait qu’attiser les braises de son indignation et son besoin de réagir comme un gamin de quatre ans à qui on refuse un tour de manège. Séléna refusait qu’il rejoigne la Guilde des Explorateurs ? Bien. Comme s’il en avait quelque chose à foutre de l’avis de Séléna. Juste parce que son nom n’était pas inscrit de son écriture de coincée dans le registre des membres, ou peu importe comme ils se débrouillaient, cela ne voulait pas dire qu’il allait abandonner l’idée comme ça.

Pour cette raison, il se trouvait désormais au pied des remparts, près de l’une des portes, le dos appuyé contre un mur, la capuche relevée sur sa tête, observant le petit groupe d’explorateurs qui se préparaient à partir. Certains vérifiaient leur paquetage pour la vingtième fois, annotaient furieusement leur cartes, discutaient de leur plan de route avec leurs compatriotes. Une bonne douzaine d’aventuriers de toutes races, genres, horizons qui n’avaient qu’une idée en tête : franchir ces grandes murailles.
Zohar avait évité de trop se mêler à eux. Il n’aurait pas dû être là, normalement, et sa stratégie se résumait pour l’instant à se faire remarquer le moins possible. Pas si simple que ça. Il fallait trouver l’équilibre entre ne pas être trop bruyant en parlant à tous les monde, et ne pas être l’homme mystérieux et silencieux qui attirait tous les regards en restant dans son coin. Zohar alternait donc entre les deux. Arriver en saluant naturellement les personnes présentes, puis être mystérieux pendant quelques minutes, puis râler en choeur avec les autres du temps gris et annonciateur de pluie, pas idéal pour la journée, avant de se détourner et faire semblant de prendre des notes. Facile. Personne ne le connaissait, et il ne connaissait personne, mais les participants tournaient vite dans ce genre d’expéditions, et personne n’avait fait attention à Zohar. Il était aussi invisible qu'un carré noir sur fond noir, qu'un arbre dans une forêt, qu'un type louche parmi dix types louches à souhait.

Le départ était imminent. Chaque seconde qui s’écoulait apportait un peu plus d’excitation dans le coeur de Zohar. Il n’en pouvait plus d’être coincé entre ces hauts remparts. Derrière ses paupières, il avait des visions de paysages fantastiques, d’horizons grandioses et de scènes d’inconnu qui lui serraient l’estomac. Il fallait qu’il se sorte de là, avant que la seule solution ne soit de se jeter de la plus haute fenêtre qu’il pourrait trouver pour enfin s’échapper.

« Merde… » grommela-t-il en se détournant légèrement et en tirant un peu plus son capuchon sur ses yeux. Son regard venait de capter un éclat argenté de mauvais augure. C’était donc Séléna, qui allait mener cette troupe ? Zohar eut un sourire fugace et amer. Il fallait que ça lui tombe dessus. Qu’est-ce qu’il avait fait pour mériter ça, à par avoir envie de voir le monde extérieur ? Ça n’était quand même pas sa faute s’il refusait de s’encroûter, comme tout les autres.
Cette malheureuse coïncidence, ça lui filait la rage. Il ne pouvait pas s’aventurer seul hors des murs, c’était bien trop risqué, et se mêler à une bande de clowns pour avoir une chance de survie était déjà assez pénible comme ça. Mais c’était ce qu’il voulait, là, maintenant. Et l’idée de se faire recaler par Séléna était inacceptable.
Brièvement, l’idée de faire oublier à Séléna qu’elle l’avait gentiment prié de rester tranquille -ou quelque chose du genre- jusqu’à ce qu’ils soient en dehors de la ville et qu’il ne puisse pas faire demi-tour lui traversa l’esprit. Mais il y avait cinq pour cent de chances que ça fonctionne, et cent pour cent de chances de se faire griller.

Heureusement, il y avait un grand malakim aux ailes gigantesques devant lui. Un gabarit parfait pour se cacher derrière. Zohar, lui n’était pas très volumineux. Ça avait ses inconvénients, mais aussi ses avantages, notamment celui de pouvoir se planquer derrière les géants.
Ce qu’il fit donc. S’avançant naturellement, se mêlant aux autres qui se préparaient à écouter les instructions, il se positionna derrière les ailes avec désinvoltures, assez pour qu’une grande partie de sa personne soit dissimulée, tout en restant assez visible pour ne pas avoir l’air de quelqu’un en train de se cacher. Il fallait juste rester discret le temps de partir, et une fois dehors…
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Les veilles de départ en exploration, souvent synonyme de beuverie pour bon nombre d’explorateurs, n’auguraient rien de bon pour la sentinelle. Prise entre la paperasse administrative nécessaire à l’excursion et l’angoisse de ne pas revenir avec son groupe entier, Séléna ne s’était jamais réellement faite aux émotions qui venaient avec ses responsabilités. Son passé de militaire lui octroyait un visage impassible, un sang froid de maître, une main de velours dans un gant de fer, toutefois ceci demeurait une façade. Fragile, chancelante. Depuis son arrivée en Ozéna, la nymphe avait perdu plus de compagnons qu’elle ne pouvait en compter aujourd’hui encore présents dans la guilde. Et si elle refusait de créer du lien avec eux, de s’y attacher par crainte de les voir disparaître sans laisser de traces, sa culpabilité restait présente. Infime, discrète, lancinante, prête à frapper et à s’immiscer dans la moindre faille de sa carapace. Les lèvres pincées, les sourcils froncés, la jeune femme à la chevelure dorée s’éloigna progressivement de son bureau pour laisser ses bras bailler le long de son fauteuil. S’inquiéter ne rendrait pas la tâche moins difficile. Se perdre dans les méandres de ses angoisses ne l’aiderait point à devenir meilleure. Un soupir franchit l’entre ouverture de ses lèvres rosées et son regard erra jusqu’à la fenêtre, par laquelle elle ne discernait que les lumières dansantes de quelques torches qui éclairaient les ruelles vides d’Azamyr. Lentement, la nymphe saisit ses affaires et se leva de son assise, approchant sa main de la dernière bougie qui résistait encore aux affres du temps, saisissant la flamme entre deux doigts pour l’étouffer. Le silence régnait dans les couloirs de la guilde et bientôt, la porte se ferma sur la silhouette droite et fière de la nymphe qui s’éclipsait en direction de la Maison des Maintes Eaux.


A l’aube, Séléna attendait son groupe près des remparts. Si la plupart de ses collaborateurs savaient que la sentinelle abhorrait le retard, certains pensaient encore pouvoir jouer au plus malin avec leur supérieure en se permettant de prendre leur temps. Les sermonts se répétaient sans se ressembler, teintés de la même colère, de ce sentiment aigü d’irrespect qui chatouillait les nerfs de la nymphe. Nul ne passait entre les mailles de son filet, et aujourd’hui ne ferait pas exception à la règle. Un sourire absent plaqué sur ses traits concentrés, elle comptait les têtes méthodiquement, s’assurant que si, inévitablement, des explorateurs s’étaient désistés, ils restaient assez nombreux pour que l’exploration soit faisable dans de bonnes conditions. Ses yeux ambrés parcouraient l’assemblée avec minutie et bientôt, elle se frotta les mains avant de se racler la gorge, prête à donner les dernières instructions avant de prendre la route. Un coup d’oeil vers les veilleurs lui permit de s’assurer qu’aucun civil n’avait échappé à leur surveillance et c’est sans savoir qu’elle faisait une grossière erreur qu’elle leur accorda une confiance aveugle. Le brouhaha provoqué par la dizaine d’explorateurs qui s’amoncelait devant elle lui arracha un minuscule rictus, avant qu’elle ne se place légèrement en arrière, laissant le silence s’installer pour le saisir et le briser.


« Nous n’avons qu’un seul objectif aujourd’hui. Néanmoins, j’attire votre attention sur le fait qu’il doit être pris au sérieux. Si j’en vois un seul de vous lésiner, je n’hésiterais pas à appliquer des sanctions. Si vous craignez ces dernières, gardez en tête que la mort se trouve dans chaque recoin en dehors de ces murs. ». Fidèle à elle-même, Séléna préférait penser au pire en oubliant le meilleur. Rien ne valait une préparation méthodique et une petite pression pour rassembler les troupes. « Lors de notre dernière exploration, des traces de pattes d’animaux inconnues ont été étudiées par certaines de nos collaboratrices ainsi que par des dresseurs du Refuge d’Antan. Les recherches n’ont malheureusement pas été concluantes. Aussi, notre tâche aujourd’hui est de retourner à cet endroit et d’y camper, en récupérant un maximum d’informations qui pourraient nous être utiles. Le trajet devrait nous prendre une bonne journée. Il va de soi que je compte sur vous pour rester attentif au moindre élément qui sortirait de l’ordinaire. Qu’il s’agisse de flore, de faune, d’objets ayant appartenu à vos prédécesseurs ou à d’autres populations vivant sur Ozéna, nous nous devons de traiter chaque information comme si elle déterminait l’avenir d’Azamyr. ».


Ferme, la voix de la nymphe descendit doucement dans les graves tandis que sa sévérité semblait lentement s’atténuer. Devant la douzaine de collaborateurs et d’explorateurs entraînés, sa peur s’atténuait faiblement. Le groupe s’organisa par lui-même, Séléna préférant vagabonder de l’avant à l’arrière de la marche pour s’assurer que tout le monde se portait bien. Après une vingtaine de minutes, la nymphe renifla bruyamment. Une odeur lui chatouillait les narines. Particulière, presque familière. Celle de la tromperie, de la trahison. Lentement, elle se retourna et croisa un regard qu’elle n’aurait jamais voulu croiser dans de telles circonstances. Sans dire un mot, la sentinelle alla trottiner dans ses bottes myriennes juste à côté de celui qu’elle avait rejeté quelques années plus tôt, entre la rage et l’incompréhension. Il était trop tard pour faire demi-tour. Elle allait devoir faire avec. « Une dérogation personnelle d’Adrastos, peut être, Zohar ? Je ne vois rien d’autre qui puisse expliquer votre présence ici. La moindre des choses aurait été de me prévenir. ». Ainsi elle aurait pu lui fermer la porte en plein visage. Visiblement agacée, les sourcils froncés et la voix sèche, Séléna se mit à marmonner, refusant que les autres explorateurs entendent que les veilleurs et leur supérieure avaient pu louper une infiltration aussi grotesque. « Peut-être que le sens de mes mots vous a échappé la première fois, auquel cas les répéter devrait vous rafraichir la mémoire. Vous ne pouvez pas participer aux explorations. J’en ai trop entendu à votre sujet et je ne peux pas me permettre de prendre un tel risque. Alors à moins que vous ayez de nouvelles informations à me soumettre qui pourraient me faire changer d’avis, vous repartirez à la première pause. Je vous raccompagnerais personnellement. ». Perdre du temps sur une exploration était un cauchemar pour la sentinelle, sans compter la dangerosité de se trouver avec un individu inexpérimenté dans sa troupe. Son regard parcourut le jeune homme de haut en bas, et pendant une fraction de seconde, une pointe de compassion traversa l’esprit de la nymphe. Elle aussi avait été un jour rêveuse. Ici, l’inconscience prenait le pas sur la raison. « Je ne vous ai pas rejeté par plaisir malsain, Zohar. Mais si je fais une exception pour vous, je dois la faire pour tout le monde. ». Azamyr était jeune, fragile. Elle ne pouvait se permettre d’être l’instigatrice de sa descente aux enfers. Peut-être que le vampyre comprendrait. Sans doute l’enverrait-il paître. Le fait est que Séléna ne pouvait plus le quitter des yeux une seconde, refusant de lui laisser le champ libre. Qu’avaient-ils tous, à courir vers une mort certaine ?



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29 septembre 118 - Matin ✶ Les remparts

Regard fixé sur le sol, Zohar comptait les rares brins d’herbes qui s’acharnaient à pousser à travers les pavés. Une goutte se sueur froide lui coula le long de la nuque, et la voix claire de Séléna qui s’adressait au groupe lui fila la chair de poule. Il devait avouer qu’elle avait une certaine prestance, malgré tout. Et dire qu’ils auraient pu être amis, si elle ne s’était pas avéré être une experte en couteaux dans le dos. Mais elle avait choisi la voix de la traîtrise, et il était désormais difficile de faire demi-tour.
Il ramena une main à sa bouche, et amorça une destruction minutieuse de l’ongle de son pouce entre ses dents. La perspective de se retrouver face à un monstre terrifiant ne provoquait en lui qu’une légère inquiétude, parfaitement valable, et tout à fait dérisoire face à l’idée de se faire prendre en flagrant délit de sortie par Séléna. Une frousse juste et franche qui lui agitait le palpitant et lui tordait délicieusement l’estomac. Mais il n’y avait pas que ça. Il le sentait dans chacune de ses cellules, la chaleur sourde de l’anticipation, l’excitation, l’interdit. Une véritable fringale qui agitait toutes ses fibres et qui exacerbait tous ses sens, agrandissant ses pupilles, dilatant ses poumons, lui permettant de vivre, brièvement. Il espérait presque se faire prendre. Être là en y ayant droit n’aurait jamais eu la même saveur.

Pourtant, il n’était pas là que par simple défi. Derrière sa présence se cachait une raison bien plus pragmatique, centrée sur le nerf de la guerre. Une créature encore non identifiée était potentiellement une vraie mine d’or. Avec un peu de chance, on découvrirait que sa bave avait des propriétés médicinales, ou que ses écailles étaient plus solides que l’acier, et pour peu qu’il réussisse à récolter quelques échantillons… Bien entendu, tout cela n’étaient que suppositions. Il avait entendu quelques membres de l’expédition en parler la veille, à l’Ours Beurré. Les explorateurs, abrutis par l’alcool dans l’espoir de passer une bonne nuit, discutaient de leurs préparatifs sans se soucier de qui pouvait bien les entendre. Ils étaient peut-être fiers, même, de faire partie des troupes, et tenaient à ce que tout le monde le sache. Les quelques chopes que Zohar leur avait gracieusement offertes -merci de faire ce dur boulot !- leur avait délié la langue, et pour finir, il aurait tout aussi bien pu être présent aux réunions de préparation de l’expédition, tant il connaissait désormais les détails de la mission sur le bout des doigts. C’est à dire, pas grand chose, au final. C’était une mission de recherche, après tout.

En attendant, Zohar écoutait le discours de Séléna d’une oreille distraite, frétillant d’impatience. La fin de sa tirade lui sembla longue, très longue à arriver. Mais quand enfin le point final fut marqué alors que sa nervosité était à son plus haut point, et que la nymphe se détourna pour annoncer le départ, il ne put s’empêcher de laisser un frisson de joie le parcourir. De joie, seulement ? N’y avait-il pas également un peu d’amertume là dedans ?
Il n’eut pas le temps de continuer à se poser la question. La troupe se mit en marche, et elle marchait vite. Toujours sur les talons de son grand malakim, Zohar s’appliqua à se faire remarquer le moins possible. Son capuchon toujours sur sa tête, il se fondit dans la masse, calant sur pas sur celui de ses compagnons. Derrière eux, les remparts de la ville rapetissaient à vue d’oeil, jusqu’à disparaître derrière les collines. A chaque pas qu’il effectuait, Zohar sentait sa tension s’envoler doucement, laissée derrière lui avec l’ordinaire du quotidien. Il osa même un rire discret à une plaisanterie du malakim, et une suggestion de stratégie une fois arrivés sur les lieux de leur investigation. On y répondit à l’affirmative, et Zohar se laissa envahir par ce merveilleux sentiment qu’était l’appartenance. Il avait peu l’occasion de se sentir comme part entière d’un groupe, et il comprenait pourquoi certains recherchaient activement ce plaisir, quitte à oublier tout le reste.

Il avait baissé sa garde, peut-être un peu trop. Un éclair mordoré le foudroya presque, amollissant ses jambes et lui coupant momentanément le souffle. Cette sensation, celle d’avoir été pris la main dans le sac, il ne la connaissait que trop bien. Sentant l’heure de l’engueulade arriver, il déglutit difficilement, tout en piochant dans son sac un bonbon au miel de mielochat qu’il glissa entre ses lèvres. Le goût du sucre l’aiderait à calmer ses émotions, à parler calmement, espérait-il.
Sans ralentir son pas, il observa silencieusement Séléna qui s’approchait, comme un gamin parfaitement conscient de sa bêtise. Mais loin de se défiler, il se redressa au contraire, redressa le menton et planta son regard clair dans celui de la nymphe. Il ne poussa pas le vice jusqu’à sourire, mais tout dans ses yeux indiquait qu’il était prêt à accepter les remontrances… tout en étant prêt à se défendre. Il accueillit les premières paroles de la sentinelle d’un air faussement tranquille. « Vous connaissez le dicton. Mieux vaut demander le pardon que la permission, n’est-ce pas ? Je n’avais pas très envie d’être accueilli par une dizaine de veilleurs dès le matin. » murmura-t-il en réponse aux sourcils froncés de Séléna. Prévenir, et puis quoi encore. Zohar n’était pas si stupide. Mais la nymphe avait définitivement l’air de le penser. Il détourna le regard avec un ricanement dédaigneux, sentant l’agacement monter dangereusement en lui. Fermant brièvement les yeux pour se concentrer sur le goût du miel, il soupira faiblement. « Un risque, moi ? Je ne suis plus un gamin qui a besoin d’être surveillé. J’ai beaucoup progressé depuis… avant. » déclara-t-il. C’était vrai. « Quant à ce qu’on peut entendre… » Il releva le regard pour fixer Séléna. « Il paraît que vous êtes une statue froide et sans coeur, une rose bourrée d’épines, une main de marbre dans un gant de fer, et je passe sur tous les surnoms dont tous ces petits compagnons présents ici même peuvent vous affubler le soir, dans les tavernes. Pourtant, c’est faux, non ? » demanda-t-il d’un air innocent. Lui, il pensait que c’était vrai, dans une certaine mesure. Elle n’avait pas l’intention de lui laisser sa chance, cela se voyait dans ses yeux. Elle était inflexible, incorruptible, aussi droite et ennuyeuse que possible. Pourtant, il réajusta la lanière de son sac sur son épaule, comme pour affirmer sa prise de position, et se mit à sourire. Pas de bêtise, Zohar. Concentre toi sur le miel. « Même s’il n’y a rien que j’adorerais plus que de vous avoir pour moi tout seul le temps d’une promenade, je pense que je ne vais pas faire demi-tour. Je ne fais peut-être pas partie de la Guilde, mais à ce que je sache, j’ai encore le droit d’aller où je veux. Donc je viens. Et puis si je meurs, ça sera mon problème. Si vous voulez absolument garder un truc en cage, prenez un canari, ou je ne sais quoi d’autre. » ajouta-t-il d’une voix forte.

La limite était dépassée, il l’avait senti au moment où il avait prononcé ces mots. Une tête se tourna vers eux, et il réprima l’envie de rembarrer le curieux d’une insulte bien sentie. « Qu’est-ce ça change, que je sois là ? » reprit-il à voix plus basse, les dents serrées, le sourire tendu. « Je connais l’itinéraire, je sais me défendre, et une paire d’yeux en plus ne serait pas de trop. Et le principe d’une exception, c’est que ça ne fonctionne que pour une personne, sinon ça n’est plus une exception. »
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Le comportement de Zohar sonnait étrangement familier aux fines oreilles de la nymphe qui le dévisageait, faisant transparaître toute la frustration qui la parcourait depuis qu'elle avait posé ses yeux ambrés sur sa silhouette. Ceux qui n'appartenaient à rien se débattaient inlassablement pour faire partie d'un groupe, et ceux qui s'y retrouvaient enchaînés se démenaient pour en sortir. Le serpent se mordait la queue, et le jeune homme qui tentait de la convaincre ne dérogerait point à la règle. Le dicton évoqué par Zohar fit lever un sourcil de la sentinelle. Des âneries, elle en entendait tous les jours, mais celle-ci, elle devait reconnaître que c'était bien la première fois. Comme quoi, en une carrière entière de militaire, elle pouvait encore se faire surprendre. Lentement, sa frustration se transforma en agacement et si les traits délicats de son visage restaient de marbre, une minuscule ride au niveau de ses yeux commençait à s'agiter. Presque imperceptible, témoin d'une colère grandissante qui faisait bouillir ses veines, de cette incompréhension qui lui faisait perdre son calme. Ainsi, il ne se qualifiait plus d'enfant ? Un soupir franchit ses lèvres alors qu'elle replaçait une mèche de sa chevelure argentée derrière son oreille pointue parcourue de bijoux. « Je ne connais pas d'adultes qui font le mur. ». Sans doute lui rétorquerait-il qu'elle ne connaissait pas beaucoup de gens, et il n'aurait pas tort sur ce point, mais elle n'alla pas tendre le baton pour se faire battre. Zohar devait comprendre, devait apprendre. Ses progrès, elle ne les voyait pas. La question demeurait de savoir si elle désirait les voir, si elle allait lui offrir une nouvelle chance. Les paroles d'Adrastos résonnaient dans son esprit et elle secoua la tête pour les faire disparaître. Qu'elle le veuille ou non, la décision lui appartenait, et elle était bien plus lourde que ce que le vampyre pouvait imaginer.



« Ceux qui se sont improvisés explorateurs solitaires, cher Zohar, ne font aujourd'hui plus partie de ce monde. Vous pouvez penser ce que vous désirez de moi, cela m'importe peu. Le fait est que je semble tenir à votre vie plus que vous y tenez vous-mêmes, aussi surprenant cela puisse-t-il paraître. ». Comme une minuscule percée dans sa carapace, la nymphe ouvrit la bouche en constatant la liste de surnoms dont on l'affublait. Si elle ne pipa pas mot à ce sujet, feignant le désintérêt, Séléna venait d'être touchée en plein coeur. Elle dansait régulièrement entre cette image de statue de marbre et ses tentatives médiocres d'être sociable, incapable d'aligner un pied devant l'autre sans finir la tête dans le sable. Et si elle en avait parfaitement conscience, cela n'en demeurait pas moins douloureux de se le faire rappeler. « Les rumeurs sont vraies. Navrée de vous décevoir. ». Sa voix, autoritaire, placide, ne laissait aucune place à l'hésitation où à la peine. Séléna avait été éduquée à être crainte, non à être aimée, et les habitudes ne se perdaient point aussi aisément. La détermination du vampyre était louable, mais débordait de maladresse. La bonne volonté suffisait rarement à faire un bon combattant, sans parler des rumeurs qui traînaient çà et là dans les ruelles d'Azamyr à son sujet. Brutalement, la sentinelle s'arrêta, faisant un signe de tête pour intimer au reste du groupe de continuer à avancer sans eux. Elle plaça sa main contre l'écorce d'un arbre, le bras devant Zohar pour l'empêcher d'avancer et planta son regard d'acier dans le sien.


« Si vous mourez sous ma surveillance, ce n'est plus simplement votre problème. Cela devient le mien, celui de la guilde, celle-même que vous tentez de rejoindre. ». Plus proche du vampyre qu'elle ne l'avait jamais été, elle ne put nier à son propre esprit la tentation d'utiliser la solution de facilité pour se défaire de ce garnement. Néanmoins, si Séléna possédait une qualité, il s'agissait bien de sa témérité. « Je ne vous ferais pas l'affront de souligner les raisons pour lesquelles vous avez été refusé, vous les avez bien assez entendues, et je les ai bien trop dites à mon goût. ». Une de ses mains glissa sur sa hanche, saisissant le manche d'une de ses dagues tout en maintenant l'échange de regards qui devenait de plus en plus saisissant. « Vous parlez bien Zohar. Vous parlez beaucoup, j'irai même jusqu'à dire. ». Il ne l'avait guère convaincue, mais aucune parole n'en serait capable. La sentinelle attendait des actions concrètes. Dans un mouvement agile, elle attrapa sa main et y déposa sa dague.  « Vous ne désirez pas rentrer, très bien. Vous serez avec moi, hors de question de léser le groupe plus que nécessaire. Ne soyez pas un poids dans cette expédition, peut-être que je reconsidérerais la place que je vous ai refusée. Dans le cas contraire, les veilleurs se feront un plaisir d'avoir votre visage placardé sur une affiche à toutes les entrées d'Azamyr. ». Elle se recula doucement avant de pivoter sur ses talons, gardant en vue le groupe qui poursuivait son chemin un peu plus loin avec une autre sentinelle, entrant dans les profondeurs de la forêt. « Vous venez, cher canari ? Il ne faudrait pas que votre cage se referme sur vous tout de suite. ». Une pointe d'espièglerie dans le regard, la nymphe cacha le petit sourire qui illuminait son visage. Pour la première fois de sa vie, une exploration s'annonçait… amusante.



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29 septembre 118 - Matin ✶ La forêt

Zohar commença à s’agiter, nerveux sans trop savoir pourquoi. L’appréhension de se faire raccompagner proprement jusqu’aux remparts de la ville et de se voir définitivement interdire toute sortie s’il poussait le bouchon trop loin, peut-être. Il imaginait le portrait de sa tronche balafrée passer entre les veilleurs, avec l’ordre de ne le laisser franchir les portes sous aucun prétexte, même pour chasser. Mais aussi la frustration de ne pas réussir à faire entendre son point de vue à Séléna. Il lui semblait avoir tout tenté, soufflé le chaud, le froid, avoir supplié, ordonné, exigé, négocié, présenté des arguments convaincants, appelé aux émotions, avoir usé de diplomatie, de démagogie, de chantage et d’amadouement. Mais rien n’y faisait. Séléna refusait de bouger.
Parfois, ça lui donnait l’impression d’être entouré d’une bande de singes, à qui il aurait dû parler très simplement. Moi devoir sortir, sinon moi devenir fou. Comprendre ? Chaque mot accompagné d’un martèlement de doigt sur caboche. Mais pas sûr que la nymphe apprécie le geste, aussi éloquent soit-il. Et puisqu’on voulait le considérer comme un gosse, il n’avait pas vraiment le choix que d’agir comme tel. Peut-être.

La proximité soudaine de Séléna le mit mal à l’aise, et s’il n’avait pas eu le coeur et l’esprit embrumé de rage, il en aurait flanché. Mais il tint bon, les deux pieds fichés dans le sol. Ses bras se croisèrent sur sa poitrine, pour se sentir plus solide, mais aussi pour faire barrage au contact. Parce qu’il savait ce qui arrivait lorsque les gens se rapprochaient trop. Lorsqu’il pouvait commencer à voir le grain sur leur peau, à sentir la chaleur, à humer. Il fallait, en bon citoyen, mettre de la distance, malgré tout ce que le corps dictait, même quand la raison s’embrumait et laissait délicieusement la place à l’instinct. L’appétit était inévitable, mais on pouvait l’ignorer en se fondant dans tout le reste.
Zohar revint brutalement à lui en sentant la main de Séléna toucher la sienne, et si un spasme involontaire contracta brièvement son bras, il ne le retira pas de cette prise, plus douce qu’il ne l’aurait cru. Ses doigts se refermèrent autour du manche de l’arme qu’elle venait de poser dans sa pause. Avait-elle même conscience de ce qu’elle venait de faire ? Sa poigne se crispa sur l’arme, tandis qu’il en imaginait la lame glacée courir sur son cou fin et blanc, et des rivières vermeilles imbibant tout, brûlantes, dans lesquelles il plongeait son visage.

Il était un monstre et il détestait cela.

Peu de chose auraient pu le faire sortir de cet état, ce mélange d’apitoiement personnel et de soif de sang, et pourtant… pourtant, les mots de Séléna ouvrirent une brèche dans ses sombres pensées. C’était une demi-victoire, mais une victoire quand même. Ou plutôt, une non-défaite, ce qui à ses yeux était immense. Les nappes de colère qui avaient pu lui serrer les côtes s’évanouirent instantanément, remplacées par une excitation fébrile et enfantine. « Hein ? C’est oui donc ? » balbutia-t-il, ignorant les menaces qui venaient avec cette approbation. L’occasion semblait piégeuse, trop belle. Mais Zohar aurait préféré crever que de ne pas y sauter à pieds joints. Séléna, d’un coup, lui sembla moins revêche, moins laide, moins haïssable. En fait, il se demandait même comment il avait pu être tant en colère contre elle, à peine quelques minutes plus tôt.

D’un bond, Zohar s’élança à la suite de la nymphe, ne relevant pas la pointe d’insulte qui traînait derrière le nouveau surnom dont elle l’affublait. Un canari, lui ? Il se sentait plutôt comme le tigre prêt à dévorer le canari. « Séléna, tu sais, tu n’es pas si horrible que ça parfois. » déclara-t-il avec un sourire.  « Je n’irai pas jusqu’à dire gentille, mais… pas horrible, c’est déjà bien. En tous cas, moi je ne suis pas du genre à croire aux rumeurs, surtout qu’il se pourrait bien que quelques unes viennent de moi…» ajouta-t-il sans embarras et sans regret apparent, alors qu’ils franchissaient à leur tour les limites de la forêt.

Sous le couvert des arbres, l’air semblait plus lourd mais plus frais. Même si on n’était plus sur terre, la forêt faisait le même bruit que là-bas, avec ses bruissements de feuilles, et ses craquements de branches, et ses crissements d’insectes. Des sons étrangements familiers qui, si on ne faisait pas attention, avaient tendance à faire baisser leur garde aux plus habitués.
Mais Zohar ne pouvait pas s’en empêcher. Chaque fois que le soleil disparaissait derrière la cime des arbres, un frisson lui parcourait le corps. Un frisson d’excitation, bien sûr. Mais de trouille, aussi. L’inconnu n’avait pas que du bon, et il pouvait surgir de derrière un rocher pour vous couper en deux d’un coup de griffe. « Séléna, je t’ai déjà dit que tu pouvais me faire confiance ? Je ne sais plus, alors je te le dis maintenant, et prépare toi à entendre quelque chose que tu n’entendras pas souvent, mais je te promets de me tenir à carreaux et d’obéir… cheffe. » chuchota-t-il avec une grimace. Reconnaître l’autorité n’était pas son truc s’y plier encore moins, et il n’avait jamais su pourquoi. Pourtant, il voulait faire l’effort cette fois.

Tout à ses pensées, il ne remarqua pas tout de suite le silence qui s’était emparé de la forêt. Pourtant, on n’entendait que ça. Son pas ralentit, pour finalement s’arrêter au milieu des troncs. « Tu entends ? » murmura-t-il à Séléna, alors que précisément, il n’y avait rien à entendre. Plus de bruissement de feuilles, de craquements de branches et de crissements d’insectes. Plus d’oiseaux. Plus de vent. On n’entendait ni la vie de la forêt… ni le groupe d’explorateurs qui les précédait, malgré leur nombre et le fatras qu’ils trimballaient.
Zohar parcourut les environs du regard. Il y avait des troncs noueux et tordus, des rochers couverts de mousse et des toiles d’araignées tendues entre les arbres, brillantes. Et, à quelques mètres d’eux, un affaissement du sol, protégé par un entrelac de racines emmêlées prêtes à faire trébucher les inconscients pour les faire dévaler le talus et les projeter dans le ravin. « Il y a quelque chose, en bas. » souffla Zohar. Il en était certain. Il avait peut-être tort. « Tu veux que j’aille voir ? » demanda-t-il, alors qu’il n’en avait pas la moindre envie.
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À peine la nymphe avait-elle tourné les talons qu'elle sentait une pointe de regret l'envahir. Cette décision, irresponsable, incompréhensible, allait à l'encontre de tous ses principes. Elle qui se targuait de respecter les règles, de ne jamais faire aucun écart et de ne pas jouer au favoritisme venait de tordre ses valeurs une par une, et tout ça pour quoi ? Pour un jeune homme au sourire rêveur, aux yeux emplis d'espoir caché derrière une colère maladroite. Les pensées de la sentinelle l'emmenèrent brièvement sur Terre et elle alla se demander à quoi avait pu ressembler la vie de Zohar là-bas. Etait-il aussi jeune et impétueux qu'a Azamyr ? D'où venait cette volonté féroce de se faire un nom, de mettre sa pièce à l'édifice peu importe le prix à payer ? Elle détestait l'admettre, et elle ne le ferait sans doute jamais, mais au fin fond d'elle, Séléna savait parfaitement pourquoi elle avait accordé une seconde chance à l'explorateur en vadrouille. Il lui rappelait ce qu'elle avait été, ce qu'elle n'était plus. Peut-être pouvait-il encore être sauvé de la monotonie qui rythmait ses journées. Peut-être même réussirait-il à lui faire relever la tête une seconde fois ? Elle en demandait sans doute trop. Beaucoup trop, d'un damoiseau qu'elle connaissait à peine et dont peu de gens tarissaient d'éloges. Le fait est qu'elle put le sentir aisément se détendre en comprenant qu'elle acceptait sa proposition et que le minuscule sentiment d'avoir pu commettre une bonne action la fit doucement sourire.


L'avis du vampyre sur sa personne fluctuait énormément, et sa loyauté vacillante fit lever les yeux au ciel à la sentinelle. Oh, elle ne le pensait pas malhonnête, simplement plus prompt au pardon qu'elle ne le serait jamais, ce qui constituait une qualité de taille. « Je ne suis pas stupide, Zohar. ». Toujours aussi sèche et autoritaire, elle passa une main dans sa chevelure argentée pour l'accrocher avec un bandeau en tissu, dévoilant sa nuque qui commençait à bien trop chauffer à son goût. « Mais j'apprécie votre honnêteté. Que cela soit clair, vous êtes bien libre de faire courir des rumeurs à mon sujet si cela vous permet d'extérioriser… ». Elle le détailla de haut en bas. « Ce que vous avez à extérioriser. Je n'ai pas de problème à passer pour la méchante. ». Elle se souvenait encore de sa venue à la guilde des explorateurs, du refus tonitruant qui avait passé ses lèvres avant d'arriver directement dans ses oreilles. Quelqu'un devait prendre une balle en plein cœur pour la guilde, pour éviter que le moindre engrenage ne cesse de fonctionner pour une bête erreur, et ce n'était guère par plaisir que la nymphe s'était précipitée pour protéger ses collaborateurs d'une mauvaise réputation qui lui pendait aujourd'hui au nez. « Mon image ne m'importe pas. ». De façon presque imperceptible, sa voix flancha, comme brisée par ce mensonge qui ne lui ressemblait pas. Avec les années, Séléna avait appris à adopter les adjectifs par lesquels on la définissait. En tant que telle, elle n'existait pas, et elle n'avait pas prévu de changer sa manière de faire. Puis, comme un coup transperçant sa carapace, le petit diminutif accordé par le vampyre lui provoqua un rire nerveux. L'idée qu'il puisse lui faire confiance aussi aisément ne la surprenait guère, pour autant Zohar aurait mieux fait de se méfier de l'eau qui dort. Elle ne lui ferait rien, tout simplement car elle en était bien incapable mais il aurait été sot de penser que toutes les âmes d'Azamyr pensaient comme elle. « Faites attention, je risquerai de m'y habituer. ». L'envie de lui dire qu'elle ne le considérait pas comme un mauvais garçon lui brûlait les lèvres mais elle s'y refusa. Il était hors de question de faire du sentimentalisme alors que le reste du groupe les attend…


Personne ne les attendait. D'un geste brusque, Séléna s'arrêta en constatant que les bruits de la forêt faisaient à leur tour l'école buissonnière. Elle pesta contre elle-même. Quelle idiote. Perdue dans ses pensées, elle avait laissé sa garde se baisser et elle se retrouvait loin de son groupe, prise au piège avec Zohar qu'elle avait promis de protéger. Ses yeux ambrés erraient sur les toiles d'araignées brillantes, sur la mousse sur laquelle elle pouvait observer plusieurs traces de ce qui ressemblait vaguement à des griffes. Son groupe… Les yeux écarquillés par une panique qu'elle peinait à cacher, la nymphe resserra sa prise sur son épée et laissa échapper une grimace de mécontentement. Ahurie, elle pivota vers Zohar après sa proposition. Descendre ? Aller voir ? Lui, seul ? Son courage lui plaisait, son inconscience beaucoup moins. Quant à parler de la culpabilité qui rongeait l'esprit de la sentinelle, c'était encore une autre paire de manches. « Je n'aime pas ça. ». Elle se pencha en avant, passant un bras autour du tronc d'un arbre pour assurer son propre équilibre, quand un bruit sourd retentit au fond du ravin. Une chute. Sans prendre le temps de réfléchir plus que de raison, elle plongea sa main dans sa sacoche pour en sortir une corde et commença à la rouler autour du tronc sur lequel elle s'appuyait précédemment. Puis, naturellement, elle vint la passer autour de ses hanches, puis autour de son épaule et son regard se planta dans celui de Zohar. « Hors de question que tu y ailles seul. Le groupe n'aurait jamais avancé sans nous. J'ignore ce qui se passe ici, mais cela n'a rien de naturel. ». Jouxtant sans s'en rendre compte du vouvoiement au tutoiement, elle lui tendit la corde pour qu'il s'attache également. Si la pente n'était pas impraticable, elle n'en restait pas moins dangereuse, et l'esprit de la nymphe tournait à mille à l'heure. Où était le reste du groupe ? Pourquoi la forêt était-elle soudainement devenue silencieuse ? Elle porta ses doigts à ses lèvres, à deux doigts de commencer à se ronger les ongles tant la nervosité la gagnait, mêlée à une frustration dévastatrice. L'envie de paraître faible aux yeux de celui qui la considérait tant ne fit qu'amplifier ses émotions et elle poussa un long soupir d'exaspération tandis qu'elle commençait à amorcer la descente dans le talus, passant inévitablement en première. « J'espère que tu sais aussi bien grimper que parler. ». Car elle détestait cette pratique au plus haut point.




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29 septembre 118 - Matin ✶ La forêt

Zohar fixait Séléna du regard, dans l’attente des mots qui l’enverraient ou non vers son possible trépas. Il avait dit qu’il obéirait quoi qu’il arrive. Cela voulait dire que si Séléna lui ordonnait la bouche en coeur d’aller descendre vérifier ce qu’il pouvait bien se tramer dans les profondeurs de la forêt, il irait. De là où il était, on ne voyait rien d’autre que des racines moussues et couvertes de champignons qui recouvraient on ne savait quoi.

Malgré la pointe de curiosité dangereuse qui chatouillait son cerveau, le refus de Séléna à l’idée de l’envoyer seul vérifier ce qui se tramait en bas lui arracha un soupir de soulagement involontaire. En temps normal, il aurait préféré s’y rendre sans la protection de quelqu’un qui le considérait comme un bambin casse-cou à surveiller, mais Séléna avait raison. Rien de tout ça n’était normal. Dans le silence surnaturel, la forêt semblait se refermer au-dessus d’eux.

Sans un mot, Zohar attrapa le morceau de corde que Séléna lui tendait, et le passa autour de sa taille, ignorant la pique -gentillette- qu’elle lui lançait. Même lui savait parfois reconnaître les moments où il fallait mieux la boucler et faire ce qu’on lui disait. Il observa Séléna s’engager dans le ravin en se demandant s’il ne fallait pas mieux rester en haut, au cas où le groupe se montrerait de nouveau, mais après quelques secondes d’hésitation, il se lança à sa suite.

La descente s’avéra plus compliquée que prévu. Les racines emmêlées ne constituaient pas une bonne prise. Fragiles et peu stables, elles menaçaient de se briser sous leurs poids pour les envoyer au fond du ravin. Leurs pieds glissaient sur la terre molle et humide, leurs vêtements se déchiraient sur les ronces pointues. Zohar sentait les ampoules se former sur ses paumes déjà calleuses à force de serrer la corde qui le maintenait en relative sécurité. Pourtant, aucune plainte ne franchit ses lèvres serrées par l’effort. Il aurait préféré tout lâcher et s’écraser en bas plutôt que de donner à Séléna la moindre raison de le critiquer ou de revenir sur son accord.

Après quelques minutes à se débattre avec les racines et les lianes, ses pieds touchèrent enfin la terre ferme. La température, en bas, était beaucoup plus fraîche. L’air sentait le bois humide et les champignons, ainsi qu’une autre odeur qui sauta immédiatement aux narines de Zohar. « Ça sent le sang. » chuchota-t-il à Séléna, tout en observant les alentours. Aucune trace au sol, et pourtant, à quelques mètres de là, on distinguait les traces d’un affrontement. Branches cassées, feuilles écrasées… Zohar s’y dirigea prudemment, constatant l’odeur de sang toujours plus forte.

« Séléna, viens voir. »


Sous ses yeux, dissimulé par des fougères luisantes, gisait le cadavre d’une grande créature. « C’est une jeune racca. » ajouta-t-il en s’agenouillant proche de la carcasse. L’animal était couvert de profondes lacérations et avait la gorge à moitié arrachée. Zohar déglutit avec peine. L’animal qui avait fait ça devait être énorme. «Tu crois que c’est ce qu’on cherche ? On devrait peut-être-...  »
Zohar s’interrompit soudainement. Il venait d’entendre un bruit. Il referma les doigts sur son arme, inquiet. Il y avait quelque chose sous le cadavre, quelque chose de tapi. Quelque chose qui… pleurait ?
D’un coup de pied, Zohar repoussa les grosses pattes de l’animal qui gisaient sur le sol, avant de plonger en avant. Ses doigts se refermèrent sur une fourrure chaude, qu’il tira à lui, avant de se redresser en tenant un petit animal par la peau du coup. Un petit animal couvert de sang, qui semblait la copie minuscule de celui qui s’étalait devant eux.
Zohar le leva devant ses yeux, le tenant fermement, avant de se tourner vers Séléna. « Elle avait un petit. » chuchota-t-il, tandis que la petite créature continuait ses minuscules miaulements. Elle ne devait pas être âgée de plus de quelques semaines.

Zohar laissa le chaton tomber au sol avant de le coincer sous sa botte et de tirer sa dague de sa ceinture. « Il est trop petit. Il survivra pas sans sa mère, mieux vaut l’achever tout de suite avant qu’il crève de faim, où qu’il serve de casse-croûte à ce qui les a attaqués. Quoique, la bête a pas l’air d’avoir faim, sinon elle aurait mangé la grosse. » déclara-t-il.
Il fit tourner la dage dans sa main pour avoir une meilleure prise dessus, et s’agenouilla, plaçant la lame entre les côtes de la petite bête. « Sauf si tu préfères le faire. Moi ça me dérange pas.»

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Les doigts fermement agrippés à la corde, Séléna entama une descente aussi lente que précautionneuse. Les glissements de terrains, s'ils n'étaient guère monnaie courante, pouvaient survenir à n'importe quel moment et si la nymphe savait manier une épée, elle ne pouvait lutter contre les éléments. La boue s'accumulait sous ses bottes, rendant la prise au niveau de ses pieds moins stable et son visage se crispa. La sentinelle grimaçait, ses bras bien que musclés ne lui permettraient pas de tenir la cadence éternellement, sans compter que lorsqu'elle relevait les yeux pour observer comment Zohar se débrouillait, son anxiété grimpait en flèche. Seul le temps saurait lui dire si sa décision avait été la bonne, pour l'heure, elle espérait simplement qu'il ne perde pas l'équilibre sur la pente rocheuse. L'esprit de la nymphe tournait inlassablement, oscillant entre frustration et une myriade de questions qui n'en finissaient pas. Elle devait se ressaisir, reporter son attention sur le moment présent, sur leur objectif : retrouver le groupe sain et sauf. Un pan de sa chemise s'arracha sur une des racines épineuses, lui arrachant un grognement étouffé quand la pointe perça sa peau. Alors que ses pieds se posaient enfin sur le sol, Séléna se serait damnée pour être capable de s'envoler et de surplomber la forêt et aucun cours d'eau ne lui permettait d'user des talents que le portail lui avait conférés. Imitant inconsciemment le vampyre, elle se mit à renifler, comme si l'odeur du sang pouvait arriver jusqu'à ses narines.


Sans un mot, la sentinelle obtempéra et emboita le pas de Zohar, s'accrochant aux branches des arbustes qui avaient résisté aux affres du temps et du climat. Ses yeux ambrés suivirent ceux du vampyre qui évoluait dans l'espace avec une aisance qu'elle lui jalousait presque, emprisonnée dans son armure. Devant le cadavre de la racca, Séléna vint s'accroupir et son regard courut sur ses blessures. Nombreuses, profondes, la bête qui avait attaqué le félin ne s'était guère amusée avec sa proie. Elle visait la mort immédiate et rapide, sans prendre le temps de se repaître de ses restes. Séléna faisait la moue, perplexe, devant ce corps inerte. « Je n'ai jamais vu de racca aussi proche des remparts. Ce sont des créatures très territoriales, et nous les aurions dérangés plus d'une fois en empruntant ce chemin. ». La guilde des explorateurs marquait des sentiers qu'ils savaient sûrs, en laissant une place non négligeable à l'imprévisibilité d'Ozéna, mais l'idée qu'une racca ait pu venir s'installer aussi près de la civilisation lui paraissait saugrenue. Elle ouvrit la bouche, s'apprêtant à poursuivre sur sa lancée, à s'étrangler sur la nécessité de documenter les blessures de la créature, à tenter de déterminer ce qui avait pu lui arriver et surtout si son prédateur se trouvait toujours dans les parages quand les pleurs d'un bébé la firent s'arrêter net. Son cœur loupa un battement et elle avala sa salive, sa main se tendant naturellement dans la direction de la petite créature qui se retrouvait coincée sous une botte qui faisait presque sa taille.


« Non ! ». Sa voix, d'ordinaire autoritaire et emplie de confiance en elle, devint chevrotante. Au fond d'elle, Séléna savait que Zohar avait raison. Que le bébé ne survivrait pas sans sa mère, qu'ils risquaient d'attirer l'attention s'il continuait à pleurer. Que garder un animal sauvage constituait bien plus de risques que de bénéfices, qu'elle allait passer pour un cœur d'artichaut auprès d'un homme qui l'estimait sans doute bien plus que ce qu'elle méritait réellement. Pourtant, elle n'arrivait pas à accepter de mettre un terme à une vie innocente et lentement, elle s'agenouilla au niveau de la petite créature avant de planter ses yeux ambrés dans ceux du vampyre. « Nous n'allons pas le tuer. ». Ses sourcils se froncèrent. Si elle ne pouvait être vulnérable, alors elle laisserait place à une émotion qu'elle ne connaissait que trop bien : la colère. « Il existe un refuge à Ozéna qui pourrait le prendre en charge. ». Ses doigts s'approchaient doucement du poignet de Zohar, hésitants. « Je refuse de prendre une vie tant que je n'y suis pas obligée, la faune d'Ozéna ne fait pas exception. ». Il ne l'écouterait jamais. C'était peine perdue. Elle le savait, alors pourquoi essayer ? « Subir le courroux d'Ekaris n'est pas un sort que je te souhaite, quand bien même nous avons nos différends. ». Enfin, sa main agrippa sa poigne et avec une tendresse insoupçonnée, la nymphe essaya d'écarter la dague du chaton qui se noyait dans ses pleurs. « Je t'ai donné une deuxième chance, Zohar. Fais preuve de la même miséricorde envers un être qui n'a encore rien vu, rien vécu. Prouve-moi que les rumeurs à ton sujet ne sont que des paroles en l'air. ». Et quand elle posa enfin ses doigts sur le pelage du bébé racca, un faible sourire étira ses traits. Séléna détestait tuer, et refusait d'être complice de sauvagerie, persuadée que le retour de bâton ne serait que plus puissant. « Ne me force pas à t'en donner l'ordre. ». Le vampyre avait promis de suivre ses instructions, mais la demande de la sentinelle dépassait ses fonctions. Elle agissait sous l'émotion, dans l'impulsivité. Cette décision irrationnelle pourrait lui coûter cher, pourtant elle semblait prête à prendre le risque. Dans l'ombre, une centaine de mètres seulement, une autre créature les attendait au tournant. Dans sa précipitation, sa bêtise et probablement son élan de bonté, la nymphe avait fait omission d'un point important concernant les raccas. Ils ne vivaient jamais seuls, et si le mâle les croisait devant le cadavre de sa femelle, son enfant dans les bras, il n'hésiterait pas à les déchiqueter. Séléna pouvait seulement prier de ne pas tomber sur le monstre, et de ne pas s'être alliée à un autre. Le chaton, lui, avait miraculeusement arrêté de pleurer.




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29 septembre 118 - Matin ✶ La forêt

Les raisons qui auraient pu expliquer la présence d’une telle créature à un tel endroit étaient nombreuses, mais peut importe laquelle était la bonne, elles avait toutes quelque chose en commun : elles impliquaient la présence d’un danger plus ou moins immédiat. Chaque seconde passée là à discuter de l’avenir d’une ridicule bestiole semblait une vraie perte de temps aux yeux de Zohar.

La véhémence avec laquelle la nymphe s’opposa à l’idée de tuer le chaton étonna Zohar. Ce qui le surprenait vraiment n’était pas la décision en elle-même -personne n’assassinait de bon coeur un bébé-, mais le trémolo d’émotion qu’il perçut dans la voix de celle qui s’était un peu plus tôt targuée d’être un véritable coeur de glace. Ainsi, il y avait de la compassion derrière ce masque ?

Zohar fronça les sourcils. Séléna avait beau l’agacer, il ne la détestait pas. Ça le tuait de l’admettre, mais il admirait même pas mal de choses chez elle. Son pragmatisme, entre autre. Même si l’idée lui faisait grincer les dents, il ne pouvait pas s’empêcher d’admettre que lui non plus n’aurait pas accepté quelqu’un comme lui dans la guilde, si la décision avait été la sienne.
Alors, la voir ainsi rejeter l’idée qui faisait le plus de sens, simplement pour ne pas avoir à voir ses mains tâchées du sang d’une bête qui n’avait probablement même pas conscience d’exister, ça avait quelque chose d’étrange. D’humain, presque. Zohar l’observait silencieusement, alors qu’elle plaidait pour la vie du petit félin. Il se laissa faire lorsqu’elle écarta sa main, qui tenait toujours sa dague. Immobile, il jaugeait cette situation inédite. Séléna qui demandait de lui une faveur, si on pouvait appeler ça comme ça.

Un instant, il fut tenter d’éclater soudainement le chaton sous sa botte, pour lui montrer ce que ça faisait. Pourtant, il fit l’inverse. Il souleva son pied et recula d’un pas, libérant le chaton racca à contrecoeur. Mal à l’aise, il réajusta son sac en regardant ailleurs, partout sauf sur la scène qui se tenait devant lui, avant de souffler dédaigneusement. « On aurait pu lui filer une mort rapide et sans douleur, plutôt que de le condamner à mourir de froid ici, ou… Tu vas quand même pas le ramener ? T’as vu comment il chouine ? On va avoir toute la forêt au cul. » commença-t-il d’un air agacé, ignorant délibérément le fait que le chaton s’était tu quelques secondes plus tôt. « Et ton refuge là, c’est le truc du hippie aux cheveux longs ? J’ai pas confiance. Donne lui le chaton et je te parie que bizarrement, l’année prochaine, on le verra se promener avec un nouveau manteau en fourrure de racca. »
D’un coup sec, il remit sa dague dans son fourreau. « Je savais pas que tu défendais à ce point la cause animale. C’est juste un chaton. Au pire je l’aurais saigné, comme ça non seulement on lui épargnait de crever de faim, mais à moi aussi. » reprit-t-il après quelques secondes. Il avait remarqué que certaines personnes se trouvaient soudainement très mal à l’aise quand les vampyres évoquaient leur régime alimentaire peu ragoûtant. Il espérait que c’était le cas de Séléna. Et en même temps, il espérait que non.

La décision était donc prise. Zohar ramassa le chaton et le fourra sans ménagement dans les bras de Séléna. « C’est toi qui t’en occupe. Et s’il recommence à pleurer, je me taille. Je sais que tu penses que je suis stupide à vouloir risquer ma vie en exploration, mais je le suis pas assez pour le faire à cause de… de ça. » lâcha-t-il en désignant la boule de poils. Ça l’énervait de voir que la bestiole était en fait plutôt mignonne. « Si ça avait été un truc horrible, avec pleins d’yeux et à la peau visqueuse, est-ce que tu aurais fait preuve d’autant de compassion ? Je pense pas. C’est toujours comme ça, y’en a que pour les trucs mignons. Nous, les horreurs de la nature, on se fait jeter de partout, personne se gêne pour flanquer des coups de pieds, et personne se précipite pour nous aider. » ajouta-t-il en touchant brièvement son visage de sa main, avant de se détourner précipitamment. « Faut retrouver le groupe. » dit-il, avant de pointer du doigt la végétation qui leur faisait face, et là où, sans qu’il le sache, les attendait une mauvaise rencontre. « Soit on remonte par là où on est venus, soit on essaye de se frayer un chemin dans la forêt pour rejoindre la route. C’est toi la cheffe. » dit-il en haussant les épaules, attendant les instructions.
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