Affaissé dans son fauteuil, Viktor regardait le plafond, perdu dans ses pensées. Cela faisait déjà plusieurs minutes qu'aucun mot n'avait franchi ses lèvres, qu'aucun mouvement n'avait fait bouger la paperasse qui gisait sur son bureau. Ces lettres qu'il n'ouvrait qu'à contre-cœur et si vous lui demandiez son avis, il vous répondrait sans doute que retourner à une communication aussi austère et officielle l'agaçait profondément. Sur Terre, échanger s'apparentait presque à un plaisir alors qu'ici…Revenir à une époque aussi lointaine comportait autant d'avantages que d'inconvénients, et dire que Viktor n'aurait pas parfois tué pour se faire délivrer un repas en quelques secondes aurait été mentir.  Il poussa un léger soupir, reprenant pied avec la réalité, se redressant doucement alors que des pas résonnaient dans le couloir adjacent. Personne ne viendrait le déranger, encore moins une fois le soleil aussi bas dans le ciel azuré d'Azamyr. Tout du moins, c'était ce qu'il espérait et à moins qu'il ne s'agisse du joli minois d'une sylphe, l'élémentaire ne brûlait pas d'impatience à l'idée de croiser un autre visage dans la pénombre. Pourtant, à sa grande surprise, plusieurs coups retentirent sur sa porte. Un sourcil légèrement plus relevé que l'autre, Viktor se leva enfin de son assise pour s'approcher d'un pas lourd de l'origine du bruit, ouvrant la porte sans crainte, un sourire de circonstance plaqué sur le visage.


Devant lui se trouvait une de ses nombreuses soigneuses. Nombreuses, c'était beaucoup dire, car elles ne dépassaient pas la dizaine, mais pour un labeur aussi épuisant que celui qui leur était proposé, Viktor se félicitait déjà d'avoir réussi à en trouver plus d'une. Il se pencha lentement pour être à sa hauteur et attendit plusieurs secondes que la demoiselle trouve ses mots. « Désolée de vous déranger, je… ». Il la coupa dans son élan. « Vous ne me dérangez pas. Dites-moi tout. ». La nymphe marqua un temps d'arrêt avant de reprendre, plus en confiance. « Nous avons un problème d'approvisionnement concernant les remèdes délivrés au Raboth. Je tenais à vous tenir informé, étant donné que c'est le dernier spécimen qui reste au Refuge.  ». L'élémentaire plissa les yeux doucement, cherchant dans sa mémoire les bribes de cette conversation qu'il avait probablement écoutée distraitement d'une seule oreille. Un animal malade ne survivait que rarement dans la nature, dépourvu d'aide. Ici, dans ce havre de paix qu'il avait bâti, il lui restait une chance. Moindre, minuscule, mais une chance.  Quand cela lui revint enfin, son sourire s'élargit progressivement et une pointe de fierté absurde s'empara de lui. « C'est surprenant. J'ai croisé l'alchimiste qui s'occupe de ces mixtures il y a peu, et elle ne m'a fait part d'aucune difficulté à ce sujet. ». La demoiselle à la chevelure rosée se gratta nerveusement le bras avant de laisser un petit soupir s'échapper de ses lèvres. Si Viktor paraissait accessible et le cœur sur la main, il n'en demeurait pas moins son supérieur et devoir annoncer de mauvaises nouvelles à son patron n'était guère aisé, dans ce monde comme dans l'ancien.


« Ce n'est pas notre alchimiste. C'est l'herboriste qui lui fournit les ingrédients. Elle s'est cassée la jambe et elle ne peut plus aller récupérer les herbes en forêt. Je… Je voulais juste vous prévenir. Nous faisons de notre mieux mais sans les décoctions, la survie du Raboth s'avère plus complexe que prévu. ». Dans son grand égoïsme et surtout son pur désintérêt d'autrui, l'élémentaire en avait oublié que certains venaient ici à … coopérer. Une riche idée que celle-ci. « C'est malheureux. Vous m'en voyez profondément navré. ». Si l'envie de se retourner en fermant la porte ne manquait pas, Viktor restait conscient de l'image qu'il devait renvoyer à autrui. De cet altruisme débordant dont il se targuait, dont tout le monde le félicitait. Il aimait les compliments, l'attention, savoir que sa couverture demeurait parfaite. Au fond de lui, il espérait qu'à force de convaincre tout le monde, il parviendrait à se convaincre lui-même qu'il méritait plus qu'une vie malhonnête. Il était hors de question que cela s'arrête aussi vite, pour si peu. « J'irai voir ce qu'il en est demain matin. Ne vous en faites pas pour la suite. ». Il la gratifia d'un clin d'œil empli d'assurance. « Vous avez bien fait de venir me voir, Martha. Allez vous reposer. ». Après quelques minutes passées à débattre sur le bien fondé d'être venue le déranger alors que la nuit approchait dangereusement, Viktor regarda longuement la silhouette de la nymphe disparaître dans les couloirs, ses jambes frêles flanchant presque sous son propre poids, entendant son souffle reprendre un rythme acceptable alors que le stress la quittait enfin. Pour lui, cela ne faisait que commencer.


Lorsque le soleil se leva, Viktor se trouvait déjà devant l'établissement de l'herboriste, vêtu d'une longue cape traînant par terre, bariolée de motifs colorés. Sagement, il attendait, un parchemin chiffonné entre ses deux grandes mains, vestige du contrat qu'il n'avait pas même pris la peine de signer. Grand prince, l'élémentaire n'attendait guère de paiement, simplement la promesse d'apporter les éléments nécessaires aux remèdes du Raboth le plus rapidement possible. Et comment pouvait-il diable s'assurer que ses indications soient bien suivies ? En s'en occupant lui-même. Si cela pouvait ajouter un peu plus de crédibilité au rôle qu'il s'acharnait à jouer chaque jour, cela ne serait que bénéfique, bien qu'il ait à se salir les mains à la recherche d'une plante dont il ignorait tout, sauf le nom. Pour autant, Evienrose avait insisté sur le fait d'attendre un potentiel partenaire de route, refusant de laisser une âme esseulée risquer sa vie dans les alentours d'Azamyr.  Aussi, lorsqu'une petite tête blonde fit son apparition dans son sillage, s'approchant également des quartiers de la malheureuse blessée, il redressa la tête pour la saluer poliment. « Bonjour mademoiselle. Viktor Phaos, à votre service. J'imagine que vous venez pour aider notre pauvre Evienrose ? Je ne vous connais pas encore, mais vous m'avez l'air d'être d'une grande bonté, ne serait-ce que pour avoir fait la route jusqu'ici. Je vous accompagnerai, si vous l'acceptez, bien évidemment. Puis-je connaître votre nom ? ». Un sourire charmeur plaqué sur le visage, l'élémentaire ne déviait jamais de ses bonnes habitudes. Après tout, peut-être pourrait-il enfin baisser sa garde en cette nouvelle compagnie, si l'excursion restait sans danger… Ou peut-être demeurerait-il de glace. Seul l'avenir le lui dirait.

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Adorable. Ce fut le premier mot qui traversa l'esprit agité de l'élémentaire lorsqu'il posa ses yeux sur la tête blonde qui se dandinait de gauche à droite, sa voix peinant à quitter ses lèvres pour se faire entendre. Sans mal, Viktor reconnut au bâillement et aux cernes ornant le visage de l'inconnue tous les signes d'un manque de sommeil aggravant. Lui qui se tuait au travail accordait pourtant une importance capitale à un rythme et une hygiène de vie impeccable, tout du moins c'est ce qu'il clamait haut et fort à travers Azamyr. Un sourire adoucit ses traits et en prenant conscience de sa bêtise, il ne peut se retenir de rire nerveusement. Ainsi, il venait de prendre au piège une pauvre passante, pire, une cliente d'Evienrose qui n'avait probablement ni l'envie ni le temps de lui venir en aide. Après tout, si cela avait dépendu de lui, Viktor serait parti seul. Mais l'herboriste avait été claire : à plusieurs, ou rien. Sans l'ombre d'une potentielle culpabilité, il enchaîna de plus belle. « Enchanté de faire votre connaissance, mademoiselle Anastasia. Je m'excuse si j'ai pu vous paraître brut de décoffrage, j'ai pour habitude d'aller droit au but. J'ai conscience que cela peut en décontenancer plus d'un. ».


Il pivota les talons vers l'établissement d'Evienrose, affichant un air navré frôlant la comédie. « Malheureusement, notre très chère herboriste est souffrante. Plus précisément, elle se serait malencontreusement cassé la jambe. Entre vous et moi, je ne suis pas médecin, mais cela me semble bien plus sérieux qu'une chute maladroite. ». Si lui n'avait pas pitié d'elle ou de sa blessure, alors sans doute Anastasia aurait-elle assez d'inquiétude pour eux deux. Une de ses mains alla gratter le haut de son crâne, faisant danser ses longs cheveux noirs devant le nez de l'inconnue qu'il venait d'embrigader. « Si vous n'aviez rien de prévu. Voyez-vous, j'irai bien m'occuper de la récolte de plantes par moi-même, mais notre capricieuse amie en commun s'est mis en tête qu'il serait trop dangereux que j'y aille seul. ». Il laissa un silence planer, soulignant le ridicule de la situation, le fait de seulement imaginer qu'un homme de plus de deux mètres de haut et dont le métier se trouvait être de s'occuper des créatures sauvages à l'extérieur pouvait craindre quoi que ce soit. Encore une fois, Viktor brillait par son égo, non pas par ses capacités de déduction. « Je ne voudrais pas vous importuner, vous pensez bien. ». Il était trop tard, et il le savait pertinemment. Anastasia lui semblait être la victime parfaite et maintenant, elle ne pouvait plus faire machine arrière. Cruel destin que celui-là, d'avoir croisé le chemin d'un profiteur professionnel.


« Pour être tout à fait franc avec vous, nous avons besoin d'Evienrose et de son talent. Ses remèdes et ses tranquillisants sont d'une qualité absolument phénoménale au Refuge et… ». Il allait la perdre à force de déblatérer des inepties pour s'attirer sa sympathie. Il secoua la tête, reportant son attention sur la jeune demoiselle qu'il était en train d'enterrer sous une tonne d'informations. « Elle nous a fait une petite liste de ce dont elle aurait besoin. Trois fois rien, vous verrez, ce sera fini en un rien de temps. ». Il lui tendit un parchemin griffonné de partout, où des noms de plantes étaient vaguement reconnaissables entre deux bavures d'encre. Puis il se redressa, posant ses mains sur ses hanches, un sourire radieux, presque charmeur, plaqué sur le visage. « Si vous n'êtes jamais allée au-delà des remparts, c'est une expérience. Et dans le cas contraire, parfait, vous serez une guide idéale. Je n'ai aucun doute sur vos capacités. ». Plus le temps passait, plus Viktor allait placer du poids sur les frêles épaules de la distillatrice. Et au moment le plus opportun, il le lui retirerait, reprenant la place de bon samaritain qui lui allait comme un gant. « On y va quand vous voulez, Anastasia. Très joli prénom par ailleurs, si je puis me permettre. D'origine grecque, si je ne me trompe pas ? ». Il ne se trompait pas, mais mieux valait laisser planer l'illusion qu'il pouvait, de temps à autre, avoir tort...

J’ai répondu trop vite…Il aurait mieux fallu que je prenne mon temps, que j’écoute ce qu’il a à dire avant de m’avancer à proposer mon aide. Je ne sais même pas si je vais réellement pouvoir lui apporter quoi que ce soit… La carrure ne fait pas tout mais entre ça et sa verve j’ai du mal à penser qu’il puisse être des situations qu’il ne peut gérer seul… Ce qui est fait est fait, de toute manière je me connais, j’aurais bien été incapable de dire non en temps normal alors après une nuit blanche… Maintenant que j’y suis il est trop tard pour faire demi-tour et si effectivement Evienrose est souffrante, d’une jambe cassée ou peu importe, en échange de ce qu’elle fait pour nous ce n’est pas cher payé que d’aller récupérer quelques ingrédients… En y repensant… Depuis combien de temps ne suis-je pas sortie de la ville ? Ça doit faire des années… Une fois ou deux lors de mon arrivée, peut-être à une reprise ou deux ensuite, avant que je sache qu’il est parfaitement possible de me fournir en ville pour avoir ce que je veux… Même les plans de paleberge n’ont pas été visités depuis une éternité… Je me ferais taper sur les doigts si on savait que je travaille sans inspecter le lieu de production…

Son silence me tire de mes pensées, il semblait perdu dans une tirade et je n’ai pas fait attention à ce qu’il disait… Quelque chose en rapport avec la récolte il me semble et… Le danger ? Si lui est mit en danger alors je voudrais bien savoir ce qui m'attend… “Oh euh… M’importuner… Ce… Ce n’est rien… Enfin si… Si vous pensez qu’il est nécessaire que je vienne alors… Bien… Vous… Vous savez ce que nous cherchons comme plantes ?” Je dois me battre avec moi-même pour ne pas m’étirer ou bailler de nouveau. Sans compter ces picotements dans mes yeux… Mon seul espoir est que si Evienrose était prête à confier cette tâche à n’importe qui alors il ne s’agit pas de plantes rares ou compliquées à chercher… Et de ce qu’il me semble avoir compris au milieu de mon absence, elle a cependant quand même demandé à ce que les volontaires soient au moins deux…

Comme en écho à mes pensées, une feuille de papier termine entre mes mains. La fameuse liste… Effectivement rien de bien rare ou compliqué à trouver… C’est même surprenant que deux personnes soient demandées pour remplir sa demande… Je n’ai jamais réellement parlé avec Evienrose et finalement je la connais assez mal, peut-être est-elle plus soucieuse de la sécurité et des risques que ce que je pensais… Mais à ce point ? “Oh euh les remparts… Une fois, il y a longtemps… J’ai bien peur de ne pas pouvoir vraiment vous guider… Au… Au mieux je peux vous dire ou ils sont susceptibles de pousser mais…” Je m’arrête un instant et reporte mon attention sur le papier avant de soupirer doucement. À la première lecture je n’avais fait attention qu’aux deux premières plantes, deux plantes aquatiques, et je pensais naïvement que la troisième ne serait pas différente. Un Dagnon, pas vraiment le même coin… Cependant, quitte à devoir faire un détour… Il serait peut-être d’accord pour passer par les champs à l’aller… À moins que ce ne soit pas un détour et qu’il s’agisse du chemin le plus direct… j’espère vraiment qu’il connaît mieux les environs que moi, notre expédition risque de s’allonger inutilement si ce n’est le cas… “Enfin tout ça pour dire que je ne connais pas vraiment l’extérieur… Si… Vous avez l’air de mieux connaître que moi tout ça… Alors… Je peux vous dire grossièrement ou trouver… Ou trouver ce qu’on cherche… Pas vraiment ou chercher, plus… Dans quel milieu ces plantes ont l'habitude de pousser…”

De nouveau une question qui tombe à l’improviste. Ma présence risque de le gêner plus qu’autre chose… Et je ne sais pas si nous aurons beaucoup de sujets de discussion à aborder… “Euh… Oui, il me semble je… Je ne me suis jamais vraiment posée la question… Merci… Et… Nous… On peut y aller… Il faudrait…” Rapide vérification sur la feuille, deux plantes de rivières… “Un milieu aquatique. Une rivière ou un lac… Je… je vous laisse nous guider… Si… Si vous connaissez une rivière proche d’une bordure de forêt nous… Nous devrions pouvoir trouver le Dagnon aussi…[/i][/color]” Je commence doucement à avancer vers les portes de la ville à sa suite, traînant des pieds de fatigue. Pour la énième fois je relis le document, plus comme un moyen de m’occuper l’esprit que pour vraiment mémoriser ce qui est noté dessus avant de réaliser. “Evienrose vous a dit ce qu’elle désire pour le Dagnon ? La version mature ne propose pas du tout les mêmes vertus qu’une version plus jeune, il serait dommage que quelqu’un se retrouve cloué au lit alors qu’il pensait prendre une tisane relaxante…”

La timidité d’Anastasia, loin d’être contagieuse, ne restait pas moins un obstacle de taille. Face à la cette petite tête blonde pourvue d’un chapeau, Viktor n’avait jamais été aussi mal à l’aise. D’ordinaire, les réponses à son enthousiasme débordant étaient manichéennes. Certains ne pouvaient pas l'encadrer et ne s'en cachaient guère, l'idée de pouvoir être heureux sans aucune raison leur semblant tout à fait loufoque, d'autres se baignaient dans la sérénité que l'élémentaire apportait partout où il allait. Anastasia, elle, restait bloquée dans un entre-deux étrange qui perturbait considérablement Viktor. Incapable de savoir sur quel pied danser, il commença même à perdre patience et à se sentir lui-même gêné. Après tout, elle n'était qu'une inconnue qu'il venait d'importuner dans la rue, et tous n'avaient pas à cœur d'entretenir une réputation aussi impeccable que la sienne. Les bonnes gens se fichaient bien d'être considérés, tout simplement, car ils n'avaient rien à cacher, ce qui était loin d'être son cas. Son sourire se mit à trembler légèrement et il passa sa main sur son front pour en dégager quelques mèches de sa longue chevelure noire. Cette journée venait à peine de débuter, pourtant elle s'annonçait terriblement longue et il ne pourrait s'en vouloir qu'à lui-même. Au moins, la demoiselle n'y mettait pas de mauvaise volonté et il allait se servir de cette ouverture comme d'un tremplin. « Ne vous méprenez pas, je ne vais pas très loin des remparts. À vrai dire, il est extrêmement rare que je dépasse le QG d'Ozénys ou mon refuge, tout d'abord, car les veilleurs me surveillent, ensuite parce que je fais un bien piètre combattant.  ». Voilà qui devait rassurer la sorcière sur ses capacités à la protéger en cas de danger. Parfois, Viktor oubliait que ses mots avaient un poids et avait la fâcheuse tendance à se comporter comme si rien n'avait d'importance.


Une rivière proche d'une bordure de forêt, cela ne devait pas être si compliqué à trouver. Le cerveau de l'élémentaire se mit à carburer, à la recherche d'un endroit pouvant correspondre à la demande d'Anastasia, qui ne nécessitait pas de s'éloigner des remparts plus que nécessaire. Il haussa vaguement les épaules. Le bosquet Est ferait l'affaire, après tout il s'agissait du lieu de récolte de prédilection des herboristes. Une chance qu'Ozénys lui ait permis d'en apprendre un peu plus sur ses collègues, quand bien même certaines qu'il ne citerait pas à la peau bleue et à la tête de chou-fleur réussissaient à lui taper sérieusement sur le système. « Vous êtes formidable, Anastasia. J'ignore comment je m'en serais sorti sans vous. Ekaris vous a placé sur ma route, j'en suis persuadé. ». Encore une fois, il ne tarissait pas d'éloges à l'égard d'une jeune fille qu'il venait à peine de rencontrer, persuadé qu'insister de la sorte la ferait sortir de sa carapace. Il commença à avancer à ses côtés, la démarche dansante, un air guilleret plaqué sur le visage quand la remarque de la sorcière le fit s'arrêter net, un pied encore dans les airs. « C'est… Une excellente question. ». Il prit son menton entre son pouce et son index, perplexe. Faire demi-tour leur ferait perdre un temps considérable, sans compter qu'Evienrose devait se reposer. De plus, Viktor n'avait pas réellement envie de passer une énième fois pour un imbécile et Anastasia devait déjà se poser des questions à propos du bien fondé de leur petite excursion. « Dans le doute, prenons un de chaque. Ils ne doivent pas pousser si loin l'un de l'autre. Une fois cloué au lit, le pauvre malade sera relaxé après tout. ». Oh, il se trompait probablement, mais cela ne l'empêcha pas de reprendre la route en se retournant régulièrement pour s'assurer qu'Anastasia n'avait pas profité d'une seconde d'inattention pour s'éclipser.


Ils passèrent enfin les remparts, Viktor s'arrêta un instant pour saluer les veilleurs et les informer de la raison qui les poussaient à s'éloigner de la cité avant de reporter son attention sur la jolie petite blonde à ses côtés. « Qu'est-ce que vous faites dans la vie, Anastasia ? Pour être tout à fait sincère avec vous, votre nom me trotte dans la tête depuis que vous me l'avez donné, et je ne peux m'empêcher de penser que j'ai déjà entendu parler de vous. ». La jeune fille était aussi discrète qu'une musaraigne et aussi fatiguée qu'un lendemain de soirée. « Vous avez l'air de vous y connaître en plantes. En tant que zoologiste, je connais uniquement celles qui servent à nourrir les animaux du refuge, les remèdes me sont parfaitement inconnus. Vous êtes une collègue d'Evienrose, peut-être ? ». Une concurrente venue lui prêter main forte, cela l'aurait étonné, mais l'élémentaire se sentait assez audacieux pour tenter sa chance. Ses pas l'amenèrent jusqu'à un cours d'eau où il vint s'accroupir, toisant chaque brin d'herbe avant de laisser un long silence planer sur la forêt. Il n'avait aucune idée de ce à quoi la plante pouvait ressembler. Un sourire gêné et un grattage de tête nerveux plus tard, il croisa les bras devant Anastasia, la toisant de ses deux mètres de haut, espérant qu'elle était plus instruite sur les herbes qu'ils étaient venus chercher que lui. Ce qui, en soi, ne constituait en rien un exploit.