Ce matin-là, Séléna fut réveillée par les rayons du soleil traversant les fenêtres de son bureau. Les membres engourdis, elle poussa sur ses coudes pour se redresser faiblement, son regard errant sur cette pièce qu'elle connaissait comme sa poche. Puis un soupir s'échappa de ses lèvres, long, empli d'une frustration profonde. Dans sa volonté de bien faire, dans son incapacité à se mettre des limites saines, la nymphe venait une fois encore de tomber de fatigue sur sa paperasse. Une de ses mains alla frotter son œil droit un peu trop fort, jusqu'à ce que des petites lumières s'imprègnent dans sa vision et lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle constata que ses doigts étaient recouverts d'encre. Ce qui voulait dire que son visage venait de subir le même sort. Passablement agacée, la sentinelle quitta son fauteuil pour traverser le couloir qui la séparait du point d'eau le plus proche : la salle d'entraînement du QG de la guilde des explorateurs. Elle se pencha en avant, prenant l'eau entre deux mains avant de se nettoyer les joues méthodiquement, priant pour qu'il n'y ait pas âme qui vive pour la voir ainsi. Fort heureusement, aussi tôt, personne n'était là. Et bientôt, plus personne ne serait là, car Séléna était attendue ailleurs.


Quelques jours auparavant, une lettre s'était faufilée entre les formulaires de recrutement et les préparatifs d'exploration que la nymphe devait traiter. La jeune femme avait toujours trouvé curieuse cette facilité à revenir à la communication d'antan, à reprendre l'écriture et les correspondances alors que si peu de distance séparait les citoyens d'Azamyr. Il aurait été aisé de passer d'un bout à l'autre de la ville pour trouver son destinataire. Pourtant, lorsqu'elle posa les yeux sur les lignes qui dansaient sur le parchemin, elle ne put que comprendre. Khioné Skogstad. Une de ses plus anciennes connaissances. Connaissances, car Séléna regrettait de ne pouvoir la qualifier d'amie, simplement parce que leurs chemins s'étaient séparés bien plus vite qu'ils ne s'étaient croisés. La missive était brève, une demande concise et éclairée comme la dryade avait l'habitude de communiquer. Les deux jeunes femmes s'étaient bien trouvées en ce sens, car elles étaient toutes deux très mauvaises pour converser. Aussi, le malaise n'existait pas entre elles. Si rien ne se disait, alors rien n'était à dire. La nymphe ne réfléchissait pas lorsque son aide était quémandée, encore moins de la part d'une bras droit. Elle ne craignait ni son courroux ni celui de Feyre, son sens du devoir suffisait amplement à guider ses pas vers l'atelier de la dryade.


Aucune date n'avait été fixée pour leur rencontre, néanmoins Séléna avait rapidement pris ses dispositions pour se libérer une journée. Silencieusement, elle s'aventura dans les ruelles dont le calme lui fit le plus grand bien, et elle se dirigea vers les quartiers de la Maison des Maintes Eaux. Le pas rapide, ses bottes lui retirant le poids de la moindre fatigue, elle se retrouva au bout d'une quinzaine de minutes devant les épaisses portes de l'antre de l'alchimiste la plus réputée d'Azamyr. La nymphe ne craignait pas de la réveiller, car Khioné ne dormait jamais. Un des avantages de sa nouvelle race, que Séléna jalousait férocement. Ce qu'elle aurait donné pour ne jamais avoir à se reposer. Par une des fenêtres, elle décela de la lumière et après avoir rapproché ses pieds pour les joindre, elle remonta le menton, prit une grande inspiration et toqua. Il ne fallut pas longtemps à la dryade pour la rejoindre et c'est avec un sourire entre la nervosité et la timidité que la sentinelle s'inclina en guise de salutations. « J'espère que je ne te dérange pas. Mes excuses pour le délai, la guilde des explorateurs est en ébullition ces derniers jours, tu en connais probablement la raison. ». Son regard erra à l'intérieur un bref instant, et elle plaça ses mains dans son dos. « Surtout, si tu étais déjà occupée, termine ton ouvrage. Je ne voudrais pas être responsable d'une décoction mal préparée. ». Ses traits se fondèrent dans un sourire plus franc. « En quoi puis-je t'aider, Khioné ? »