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Saison froide ☃︎ Azamyr • An 118 — Novembre à Décembre

Imaginez un monde dans lequel votre avenir est incertain, la fin se rapprochant de plus en plus, sans que vous puissiez changer votre destin. Un jour, une solution est trouvée, vous permettant d’espérer, de croire en la possibilité d’une autre vie, une nouvelle vie. Il vous faut trouver une clé, vous permettant de traverser le portail menant à un nouveau monde. Là, tout est possible, vous naissez à nouveau, différent. Vous devrez faire face aux dangers, aux complots, aux découvertes. Mais l’avenir s’étend devant vous. Le petit journal d'Azamyr

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Blood red rose [Ft. Amelia Gouttenoire]

Aurelion Lysargent
Maison de la Flamme et de l'Ombre



Blood red rose [Ft. Amelia Gouttenoire] Fjuv


Blood red rose

feat Amelia Gouttenoire


23 Octobre 118

Ta première fois avait été très difficile. Tu avais beau te répéter que c'était comme déguster un bon gros steak bien saignant, tu n'arrivais jamais à t'en convaincre. Mais au fil des années tu avais fini par t'en accommoder, de toute façon tu n'avais pas vraiment le choix si tu voulais vivre. Ton nouveau corps vampirique dépendait entièrement de sang animal pour perdurer. Et puis c'était tellement ironique mais tellement mérité vis à vis des fautes que tu avais commises sur Terre, que tu n'avais pas matière à te plaindre. Mais pour ingérer du globule rouge encore fallait-il s'en procurer. Alors à défaut de pouvoir boire à l'œil à l'Auberge Hurlante tous les soirs, tu te rendais régulièrement chez le boucher local pour renflouer tes réserves personnelles. Et puis tu le payais moins cher au litre en allant le chercher toi-même plutôt qu'en t'offrant une tournée au bar qui allait encore finir sur ton ardoise. Tu n'aimais pas avoir d'impayés et mieux valait éviter d'avoir des ennuis dans les lieux où tu jouais souvent quelques sérénades si tu voulais continuer à le faire. Même si ces établissements pratiquaient un savant mélange de sang et de vinasse de maigre qualité pour aider à faire passer la pilule.

Le quartier central était l'endroit incontournable d'Azamyr, tu t'y rendais presque tous les jours pour diverses raisons, notamment pour gratter de ton luth sur la grande place ou parcourir les étales du marché. Même si le côté nourrissant des fruits qui y étaient entreposés n'était pas suffisant pour redonner des couleurs à ton teint blafard, tu aimais sentir le goût juteux et sucré de leur chair sur ton palais. Leur effet rafraîchissant était toujours un plaisir peu importe le moment de la journée. Bien que tu n'étais pas la plus grande célébrité du coin, tu faisais déjà jaser autour de toi et fréquemment les passants les plus courageux venaient à ta rencontre pour discuter et apprendre à te connaître pour ta plus grande satisfaction. Tu ne cachais jamais ton beau minois car la vérité c'est que tu aimais ce sentiment de reconnaissance et de joie que te procurait ta petite notoriété public. En fait, tu faisais généralement tout pour être vu et admiré de long en large, même quand tu ne faisais que te rendre à la boucherie pour faire le plein.

La tintement de la cloche avait avertit le tenancier de ta présence au moment même où tu avais ouvert la porte et franchis le seuil d'un pas assuré. Son échoppe était étroite et encombrée. Le sol et les murs étaient recouverts d'un carrelage crasseux qui faisait penser à de la céramique, mais dont tu ignorais tout des matériaux utilisés pour sa fabrication, puisqu'ici la céramique n'existait pas et visiblement le ménage non plus. L'air empestait la viande séchée que l'homme avait suspendu au-dessus de son comptoir, mais tu ne savais pas dire de quelle bête il s'agissait surtout maintenant qu'elles étaient sous forme de saucisson. Le gérant prenait tout son temps pour venir te saluer, sans doute était-il occupé dans l'arrière-boutique et qu'il devait avoir mieux à faire que de s'occuper de toi dans l'immédiat. Ne pouvant évidemment pas te servir seul, tu devais prendre ton mal en patience et comme tu en étais tout à fait incapable, tu fis la seule chose pour laquelle tu étais doué. Râler.

« Bonté divine, n'y a t-il personne ici pour daigner montrer un peu d'intérêt envers sa clientèle ? »


Tu pestais tout haut pour être certains d'être entendu par le patron qui t'avait répondu aussi sec sur un ton on ne peut plus familier et agacé. Si tu n’avais pas toute la journée, il semblait que lui non plus n’avait pas plus de temps que ça à te consacrer.

« Ça va y' a pas l'feu, j'arrive. Y a pas moyen d'être peinard deux minutes dans ce trou à rat... »


Tu l'avais même entendu ronfler dans un long soupir tant il était exaspéré par ton attitude quelque peu hautaine, pour ne pas changer de d'habitude. Loin de toi l'intention d'être grossier, mais tu avais toujours cet air arrogant sur le visage et même dans ta posture desquels tu ne te rendais pas compte. Une sorte de dédain naturel tant dans ta ponctuation que dans ta gestuelle mais c'est aussi ce qui te caractérisait tant, d'ailleurs tes goûts vestimentaire suivaient aussi cette règle, comme si ta tenue servait d'avertissement pour autrui. Dans ton cas l'habit faisait carrément le moine à n’en pas douter. Et alors que tu t'apprétais une fois de plus à faire honneur à ton image, le tintement de la cloche t’avait coupée la chique en résonnant à nouveau. Vous étiez maintenant deux dans un espace plutôt restreint avec toujours aucun signe du charcutier à l'horizon.

La femme qui venait de franchir le pas de l'entrée semblait rustre et si elle répondait aux même préjugers que toi, alors ses linges couverts de sang en disaient long sur sa personne. Un simple coup d'œil suffisait pour affirmer qu'elle devait avoir un caractère de cochon, enfin si il y avait eu des cochons sur cette planète. Elle portait sur ses épaules des créatures de ce monde tout ce qu'il y avait de plus mort. La vision de ce tableau ensanglantée t'avais presque forcé à rendre ton petit déjeuné sous une forme beaucoup moins appétissante qu’il ne l’était plus tôt dans la matinée, si tu n'avais pas eu le réflexe de fermer la bouche en apposant ta main sur ton nez pour empêcher l'odeur nauséabonde d'aggraver les faits. Tandis que tu la dévisageais, tu préférais éviter de lui adresser la parole de peur de perdre le contrôle de ton estomac. Tu avais tendance à juger les gens à leur apparences ou leur façon de se tenir en public et clairement celle-ci n'avait que faire de l'opinion que tu pouvais bien lui porter. Et alors que ton visage affichait toujours un expression de dégoût à son égard que tu essayais de cacher tant bien que mal, le boucher se pointait enfin pour l'accueillir et la libérer du poids de tout ce gibier. Tu ne savais pas si l'homme au tablier t'avait fait volontairement attendre une éternité suite à ta remarque déplacée, si il l'a connaissait bien ou si par pure coïncidence il venait tout juste de terminer ce qu'il faisait derrière, mais tu tu étais vexé de ne pas être prioritaire étant légitimement arrivé avant. Décidément tu trouvais que le patron n'était pas très commerçant et avait une idée un peu trop hasardeuse d'un bon service client. Quoi qu'il en soit tu t'étais enfin remis de tes émotions et dans un moment de lucidité, tu te rendais enfin compte que sans sa contribution, le tenancier n'avait sans doute pas de quoi te fournir en hémoglobine. Tu pris donc sur toi et fis l'effort de faire la saluer.

« Bien le bonjour madame. C'est un bien joli... trophée que vous avez la... »


C'était des salutations aussi polies que solennelles mais que dire d'autre à une dame aussi atypique que celle qui se tenait devant toi. Tu avais un peu perdu ton sens des longs discours en t'adressant à elle, puisque tu ne pouvais t'empêcher de penser à comment elle en était arriver là. Tu avais même finit par avoir pitié du pauvre animal, mais après tout, tu lui était tout de même reconnaissant. En effet, elle venait d'épargner à ton pourpoint de finir dans le même état que son bustier et de t'éviter un traumatisme de plus par la même occasion. Tu avais déjà suffisamment de démons sur la conscience et de cauchemars qui hantais tes nuits pour te permettre d'encore en rajouter. Tu préférais laisser ce rôle à de plus brave que toi pendant que tu conterais leur hauts-faits. Et puis, elle était plutôt belle en dessous de tous ce rouge qui la recouvrait, tu l'avais bien remarqué même si tu ne mangeais pas de ce pain la. Tu avais hâte de récupérer ce pourquoi tu étais venu et de repartir aussitôt.
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Aurelion Lysargent
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Amelia Gouttenoire
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Blood red rose
Octobre 23, 118

Chasser, ce plaisir trivial que la vampyre avait fini par accepter comme étant sa lourde besogne. Elle qui avait toujours tout vu lui être servi sur un plateau d'argent se voyait désormais contrainte d'aller, au mieux, chercher elle-même sa nourriture, au pire, devait de toutes façons sortir pour se rendre dans une échoppe vendant quelques bouteilles de sang. Et si à première vue, l'héritière au palais fin avait répudié profondément cette nouvelle alimentation, elle n'avait eu d'autre choix que de s'y faire, frôlant la mort avant d'enfin accepter de se sustenter. Alors certes, le jus de spitmon, biquelly et autre herbivores n'était pas du domaine des grands crus qu'elle avait siroté sur Terre, mais peu à peu, elle avait fini par accepter cette particularité, finissant même par définir quels mets sanguins elle préférait.

Et celui du jour était particulièrement satisfaisant. Après avoir marché une heure à peine derrière les remparts, elle avait fini par trouver un troupeau de pandamel, agglutinés les uns aux autres dans un instinct de préservation indéniable. Cachée dans les hautes herbes, Amelia avait attendu, suffisamment pour que sa flèche soit à portée et quand après ce qui lui parut être une éternité, une fenêtre s'ouvrit, elle décocha sa flèche. Loin d'être une tireuse d'élite, elle faisait pourtant souvent mouche, surtout quand elle chassait des être aussi lents que les herbivores et la bête touché à l'épaule tenta bien de galoper, mais la puissance de l'impact l'avait suffisamment blessé pour qu'il soit incapable de galoper à toute vitesse et lâchant arc et carquois pour se jeter sur sa proie, Amelia ne tarda pas à l'immobiliser. Sans même abattre la bête, la chasseresse mordit immédiatement à la gorge, préférant se repaître d'un animal frais plutôt que de laisser le sang se gâter et la blessure à l'épaule couplée à la ponction sanguine à la jugulaire ne tardèrent pas à avoir raison du pauvre pandamel, la bête rendant son dernier soupir dans un râle déchirant qui fit sûrement geindre un peu ses congénères. Mais la sensiblerie n'avait jamais été le fort de l'héritière et déjà, s'assurant que la bête était bien morte, elle vint la charger sur son épaule, portant les quelques centaines de kilos de la bête sans forcer.

Le retour en ville fut long pour cette impatiente notoire et les vêtements dégoulinant de sang, elle avait simplement salué les veilleurs aux portes, continuant sa route jusqu'au quartier central où elle livrait sa viande à un boucher. Le sang coagulant déjà sur les plaies de la bête, l'odeur de viande fraîche la suivait à la trace et parfois quelques badauds se retournaient sur son passage, la vampyre cachant son visage de son chapeau, préférant ne pas être dévisagée.

Parfois, elle lançait un regard mauvais quand quelqu'un la regardait trop fixement et après les longues minutes de marche règlementaires en ville, elle finit par atteindre cette échoppe où le gus la connaissait. Poussant la porte non sans maugréer un peu devant l'étroitesse de celle-ci face à son chargement, Amelia fit sonner la cloche par trois fois tant elle se battait avec le battant et toute à sa mauvaise humeur naturelle, elle s'approcha du comptoir, voyant une espèce de grande gigue endimanchée s'agacer derrière celui-ci. Alors la vampyre hèle, sans grande douceur à l'attention du boucher qui prend le temps du monde pour servir le barde. « Magne-toi, ce truc pèse une tonne ! » Et le boucher déboule, à toute allure pour soulager sa livreuse de la précieuse cargaison. Car même si Amelia possédait une force surnaturelle, porter un herbivore d'un mètre au garrot pendant plusieurs heures avait de quoi la faire grimacer.

Déliant son épaule ensanglantée de quelques mouvements au hasard, la vampyre remarque bien que son congénère la dévisage, mais elle n'a que faire des états d'âme de quelque fragile petite chose et elle ne tarde pas à planter un regard plein de défi dans celui du vampyre face à elle. Pour l'heure, elle ne le reconnait pas encore comme étant de son espèce alors elle l'observe, de pied en cap, sans la moindre gêne comme si il était celui qui se trouvait dépenaillé devant elle. Car malgré ses airs revêches et bourrus, Amelia dégage une prestance incroyable. Qu'il s'agisse de son port de tête altier, fier ou de la façon qu'elle a de se mouvoir avec souplesse, son corps tout entier hurle à sa place ses ascendance noble et elle finit même par hausser un sourcil devant l'air rebuté qu'affiche la jolie petite fleur délicate devant elle.

Et après ce qui semble être le plus long silence de l'histoire, voilà que la jolie fleur délicate prend la parole, faisant un commentaire vague sur le trophée que venait de ramener la chasseresse. Alors elle reste pantoise, une seconde à peine, fronçant les sourcils sur ses yeux rouges sang avant de répondre, haussant les épaules. « Ouais, j'suis pas la seule vampyre à nourrir ici et j'imagine que notre gros Bob va bien trouver quoi faire avec le reste. » Le gros Bob en question ricane, tenant sa bedaine à deux mains sur son tablier couvert de sang et de graisses et tournant cette fois franchement le dos à son congénère pour se tourner vers ledit Bob qui devait sûrement imaginer pouvoir se sortir de cette transaction sans avoir à sortir un centime. Mais Amelia lui coupe l'herbe sous le pied et l'observe, rivant son regard dans le sien avec une confiance telle qu'elle le fit vaciller. « Pas d'azys pour cette fois, mais en l'échange de livraisons régulières je veux du sang, le plus frais possible, quand j'viens en chercher. Deal ? Ah et il me faudrait un truc pour protéger mes vêtements, c'est la troisième chemise que je dois foutre à la poubelle en un mois. » Elle tend alors une main ensanglantée vers le boucher qui ne tarde pas à venir la serrer avant qu'il ne hoche la tête, réfléchissant activement à comment l'aider à se protéger. Lui vient alors une phrase naturelle, de cette façon qu'il avait parfois de répondre de but en blanc à la vampyre qui fit lever un sourcil à l'opaline. « T'as qu'à pas mettre du blanc aussi pour aller chasser ! » Mais voyant bien que sa réponse ne convient pas, il ricane un peu avant de finir : « Okay okay j'te trouverais un tablier de cuir ou une connerie du genre pour qu'tu puisses la poser sur ton épaule. Reviens dans quelques jours. Et on causera d'la fréquence de tes livraisons, va falloir être plus régulière si tu veux que j'te fournisse quand tu veux ! » Et étrangement, malgré la familiarité des mots du boucher, Amelia sourit, appréciant visiblement ce côté bourru qu'avait le métamorphe ventru.

Et après cette discussion dans laquelle Aurelion n'a absolument pas été intégré, Amelia se retourne, accoudée au comptoir comme si la boutique lui appartenait avant de dire, moqueuse au possible. « Et Blanche Neige, qu'est-ce qu'elle veut ? » Avant de lui offrir un magnifique sourire de squale, oscillant entre une moquerie crasse et un brin de taquinerie sympathique.

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23 Octobre 118

Après plusieurs minutes qui t'avaient semblé être interminables et alors que tu avais commencé à te faire une raison, quelqu'un s'adressait à toi. Tu aurais préféré que le boucher s'occupe enfin de prendre ta commande, mais à la place c'était la vampyre qui daignait répondre à tes salutations par une question aussi insultante que familière. Tu avais tiqué sur ses paroles un peu trop directes à ton goût et grimaçait cette-fois non du fait de la forte odeur que le lieu dégageait, mais plutôt en signe de mécontentement quant aux mots qu'elle avait choisis pour te qualifier. Blanche Neige !? Dans ton ancienne vie tu n'aurais pas hésité une seule seconde à balancer des injures accompagné d'un langage tout aussi fleuri, mais tu ne pouvais te permettre d'entacher ton image d’autant de nom d’oiseaux qui ne seyait guère à ta nouvelle identité. Et puis il n'était pas très poli d’attaquer sauvagement des inconnus à coup de luth pour une raison aussi douteuse que celle-ci.

« Ce que je suis venu acquérir ne vous regarde en rien et je vous serais gré de ne pas me surnommer ainsi. Et si je puis me permettre très chère, vous devriez brûler cet affreux accoutrement que vous portez, il est tout bonnement répugnant. »


Et c'était peu dire ! Ce vieux torchon était aussi sale qu'il empestait la bête sauvage morte et à raison. Et puis ce n'était qu'un conseil comme un autre après tout, tu ne comptais pas la revoir après ce bref entretien, tu n'avais que faire de ce qu'elle ferait ensuite, simplement tu n'aimais pas qu'on te manque de respect de la sorte, alors tu t'étais sentis obligé de faire une remarque désobligeante sur sa personne.

Une fois l'inspection du nouvel arrivage effectuée et une bonne poignée de main pour sceller leur accord oral de paiement, le boucher se tourna enfin dans ta direction pour t'accorder un peu d'attention. Tu ne tardais pas à lui demander les quelques bouteilles de sang dont tu avais besoin et dont la fraîcheur de certaines laissait un peu à désirer. Tu pesta et aligna quelques Azys supplémentaires pour t'assurer d'un breuvage de qualité. Car tu devais bien admettre que si boire de ce breuvage dans sa forme la plus pure t'écœurait visuellement, rien que de savoir ce que c'était et de connaître sa provenance, en revanche tu en appréciais fortement son goût depuis que ton corps avait été génétiquement modifié façon Dracula. Tu avais du mal à l'admettre mais tu n'avais pas pour autant le courage d'aller chasser toi-même. Et tout comme le vin, le sang était meilleur selon le cru, la cuvée et son affinage, si on pouvait le décrire ainsi. Sauf qu'à l'inverse du jus de raisin alcoolisé, les globules rouges se consommaient de préférence immédiatement et vieillissaient assez mal dans le temps. C'est aussi pour cette raison que tu allais souvent chez les bouchers locaux pour remplir ta réserve, que tu faisais exprès de ne pas saturer pour éviter une éventuelle détérioration prématurée du liquide carmin.

Toujours accoudée au comptoir du patron comme si la boutique lui appartenait, la vampyre semblait te dévisager de haut en bas. Elle te paraissait être le cliché du démon aux grandes dents, assoiffé de sang et aux répliques tranchantes comme des rasoirs. Est-ce qu'elle se donnait un genre ? Ou est-ce qu'elle était naturellement barrée ? Tu te posais sérieusement la question, en détaillant chaque trait de son visage qui avait tout de celui d'une tueuse. Tout sur son faciès était dérangeant, de son large sourire carnassier jusqu'à son regard noir et persant. Pourtant tu n'avais pas peur d'elle, en fait tu avais même un sentiment de pitié quand tu la voyais. Comme si toute cette mise en scène cachait quelque chose, une sorte de carapace qu'elle se serait construite pour se protéger du monde extérieur. Tu étais presque triste pour elle, après tout tu avais connu assez de tourments et de nuit agitées pour comprendre la nécessité de devenir agressif, tu l'avais été et maintenant tu ne pouvais que regretter tes décisions passées. Tu repensais une fois de plus a Bryon et poussais un long soupir désespéré. Tu n'étais plus le même homme désormais, alors tu prenais sur toi en essayant d’effacer ta rancune et tentais un nouveau dialogue avec elle en espérant qu'elle saluerait tes efforts sociaux.

« Navré, je ne me suis pas encore présenté. Je m'appelle Aurelion. Aurelion Lysargent. Je ne suis qu’un humble barde d'Azamyr parmi tant d’autres. »


Au fond de toi, tu espérais qu'elle avait déjà entendu quelques louanges à ton égard tout en faisant des courbettes aussi théâtrale que respectueuses. Finalement, tu étais toi aussi un cliché dans ton genre. Tu faisais partis de ces musiciens aux tenues tape à l'œil qui en faisaient toujours trop sans même s'en rendre compte. Tu avais hâte que le boucher termine de préparer les quelques litres que tu lui avais payés un peu plus tôt et tu surveillais toujours du coin de l'œil, la porte qui se trouvait presque derrière toi, ne pensant qu'à rentrer chez toi pour te reposer et siroter tranquillement ton hémoglobine assis devant l'âtre pour réchauffer ton corps froid.
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Amelia Gouttenoire
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Blood red rose
Octobre 23, 118

Amelia avait croisé tout un tas de bigorneaux endimanchés depuis son arrivée, mais celui-ci était gratiné. Avec ses grands airs et son balais dans le derrière, il avait tout de la parfaite petite victime pour la vampyre qui en oubliait presque parfois que certains pouvaient être comme elle. Mais de le voir ainsi se décomposer au petit surnom moqueur qu'elle venait de lui attribuer, le regard carmin de la jeune femme se mit à pétiller, comme de prenant de nouveau prises avec cet aspect d'elle-même qu'elle avait si longtemps laissé de côté. Elle était vilaine, moqueuse et mesquine, mais depuis son arrivée, elle avait surtout été dépressive, solitaire et taciturne, alors de trouver pareille victime parfaite semblait être un cadeau béni des dieux.
Alors quand il se vexe, la vouvoie et tente de garder la face, la vampyre sourit. Un de ces sourires de squale qui se moque, mais qui n'a surtout aucun scrupule à le faire. Un peu plus et elle imitait ses grands airs en exagérant le trait, mais la tentative de son congénère de l'humilier au travers de ses vêtements n'a clairement pas l'effet escompté et cette fois, la vilaine pouffe, lui ricane au nez du haut de son mètre soixante, abandonnant un instant le comptoir sur lequel elle était accoudée pour venir se planter devant lui, là, les yeux rivés dans les siens de cet air menaçant qu'elle savait si bien arborer. « Ah ouais ? Tu trouves que mes vêtements sont moches ? Peut-être que je devrais te faire les laver en te tenant par la nuque, si tu continues d'l'ouvrir pour m'insulter. » Elle sourit, mais son regard transpire la rage, la haine sourde qui l'anime, alors sûrement qu'Aurelion ne peut savoir si il s'agit d'une moquerie ou d'une menace sérieuse. Mais elle se recule, retrouvant son sourire matois alors qu'elle retourne s'accouder au comptoir, observant autour d'elle de cet air princier qu'elle avait parfois.

Et la peste le détaille, l'observe comme s'il ne pouvait pas la voir, reine partout où elle allait. Et clairement, si la grande gigue n'est pas vilaine à regarder, ses airs de troubadour du dimanche la répugnent. Alors quand une pensée traverse son esprit, comme une conversation qu'elle aurait avec elle-même, elle grimace un bref instant, confirmant le fait qu'il n'était de toutes façons pas son genre, sauf si elle avait dû le tuer. Là, par contre, faire éteindre ce petit sourire en lui brisant la nuque aurait pu l'intéresser. Mais puisqu'on ne tue pas ses concitoyens, blah blah blah, Amelia reste sage, voyant le boucher partir derrière, la carcasse sur l'épaule pour aller chercher le dû du barde qui continue d'attendre à ses côtés. Amelia aurait pu partir d'ailleurs, mais l'envie d'asticoter Aurelion se fait plus forte et elle se tourne finalement vers lui, adossée au comptoir alors qu'il se met lui aussi à monologuer, se présentant de cet air de nobliaud qui avait le don de l'agacer. Un peu plus et il se vautrait dans une espèce de courbette... Oh, même ça il le faisait à fond. Levant les yeux au ciel sans même tenter de s'en cacher, elle l'observe faire son cirque avant de l'observer une fois encore de pied en cap, répondant finalement sur un ton monocorde qui trahissait son ennui. « Amelia. Gouttenoire. Même si ça a plus d'importance ici. Je suis exploratrice et avant que tu t'excites, non, j'ai aucune idée de qui tu es, j'aime pas les tavernes le soir quand toi et tes potes y chantez, vous me cassez les oreilles, j'aime boire en silence ou au pire, au bruit des bagarres d'ivrognes. » Même si elle ne voulait l'avouer, il l'avait vexée avec ses paroles sur son accoutrement. Car si Amelia n'avait plus rien de l'héritière coquette qu'elle était sur terre, elle se voulait malgré tout être soignée. Bon, certes, pas quand elle était couverte de sang et de terre après une chasse fructueuse, mais tout de même. Alors, vexé pour vexée, elle essayait de taper là où ça faisait mal et clairement, avec ses airs de troubadour du dimanche, Aurelion était clairement de ceux qui vivaient pour les louanges. Alors elle l'observe un moment, allant même jusqu'à croiser les bras avant de finalement dire, sur un ton légèrement adouci. « J't'ai déjà vu à la Flamme et l'Ombre, t'es un vampyre hm ? » Comme si elle était en plein interrogatoire, la peste posait les questions qui lui chantait, quand elle lui chantait, n'en déplaise à ses vis à vis qui en seraient certainement mal à l'aise. Décidément, Amelia était vraiment une charmante personne.

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