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Saison froide ☃︎ Azamyr • An 118 — Novembre à Décembre

Imaginez un monde dans lequel votre avenir est incertain, la fin se rapprochant de plus en plus, sans que vous puissiez changer votre destin. Un jour, une solution est trouvée, vous permettant d’espérer, de croire en la possibilité d’une autre vie, une nouvelle vie. Il vous faut trouver une clé, vous permettant de traverser le portail menant à un nouveau monde. Là, tout est possible, vous naissez à nouveau, différent. Vous devrez faire face aux dangers, aux complots, aux découvertes. Mais l’avenir s’étend devant vous. Le petit journal d'Azamyr

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Morts et vivants ont tant de chose à se dire ! / Ft Galatéa

Frédéric LaFleur
Maison de la Flamme et de l'Ombre

La vilaine s'est mise à l'aise. Voilà qui expliquait d'autant plus la confusion de sa chère Cassandre. Ah, les simples cœurs perturbés par le chaos des esprits libres... ! Ajoutez à cela la mention de la 'sortie' du Temple d'Enos et... Le spectre éclata de rire. Un rire fripon, qui sembla retirer un peu la nappe de fatigue qui lui tirait les traits. Une sorcière perdue au milieu des morts, et pas un pour se relever et lui indiquer le chemin. Quelle déchéance !

"Je- J'aurais dû - ha ! - verser un peu de vin vers la sortie. Ha ha !" pouffa-t-il un peu.

Un petit Poucet alcoolisé, voilà qui ferait parler un bout de temps les prêtres ! Et encore, ils devineraient vite la source de la farce. Au sein de la maison qui les accueillait, les pouvoirs des spectres étaient bien - trop, au goût de Frédéric - connus.
Ayant comme oublié leur but, ses doigts délaissèrent ses boutons de chemise, tandis qu'il se tapotait la lèvre d'un air songeur.

"Il me semble, par contre, que nous disions qu'en échange de ma 'magie', vous enchanteriez gratuitement le moindre objet à ma demande. dit-il, faisant semblant de se rappeler. Mais ! Nous pouvons nous tromper tous les deux ! Et, à l'attention de la porte. Chère Cassandre ! Avant votre départ, un peu de thé je vous prie !"

Une réponse étouffée annonça l'arrivée prochaine d'un supplément du chaud breuvage. Il ne devait plus manquer qu'un peu de rangement et de nettoyage, il n'y avait pas eu de cas particulièrement 'salissant' ce jour-là.

"Je vous saurais gré de ne pas me parler de médecine ce soir, j'en ai eu mon content pour la journée." souffla-t-il sans regarder la sorcière, ses mouvements en suspens, alors qu'il réfléchissait.

Du moins avait-il pu renvoyer 'rapidement' le dryade, dont la branche cassée nécessitait les compétences d'un jardinier à la rigueur, et non pas d'un médecin, et la vieille enrhumée. Mais, si l'annonce de la présence de Galatéa l'avait ravi au premier abord, il se trouvait désormais contrarié. Ce n'était pas le meilleur moment, il n'était pas dans son meilleur appareil et... Par Enos, ce qu'il donnerait pour un bon bain !

"Vous n'auriez pas un sort qui fasse disparaître la fatigue d'une longue journée, par hasard ? D'un petit symbole de rien ? dit-il, avant de lever un doigt pour l'interrompre aussitôt. Ne répondez pas. Ce genre de demande n'a jamais abouti à quelque chose de recommandable, dans l'ancien monde. A tous mes défauts, je ne souhaite pas ajouter ce vilain invité : addict. Nouveau tapotement de lèvre. Enfin, ce n'est pas une consultation pour des essayages, après tout... Hmmmm... Une dernière minute de patience... Vous ne le regretterez pas, Sorcière."

Et, non sans un sourire mystérieux, le LaFleur s'anima enfin, retrouvant la célérité du l'instant pleinement vécu. A grands gestes il fouilla dans un amoncellement de tenues derrière son bureau, puis disparut derrière les lourds 'rideaux' servant de cabine d'essayage. Des murmures de tissus glissant sur la peau suggérèrent sans jamais révéler, et finalement... Le spectre reparut. Au revoir vêtement du jour, bonsoir vêtements de nuit ! Un pyjama fort lâche - sauf à la ceinture - tombait sur les fines épaules et la silhouette longiligne de l'homme, n'ayant rien à envier à la longue chevelure lâche. Et le torse avait un col en V tombant, qui chez une dame eut laisser voir la vallée de rêve de ses charmes, et qui chez ce monsieur-la, montrait une simple plaine au duvet sombre. De celle qui ne connaisse pas le dur labeur des champs, ni la violence des combats.

On toqua à la porte. Frédéric ouvrit.

"Monsieur LaFleur, voilà pour v- hmmm... Vous allez attraper froid. dit une Cassandre d'abord prévenante, puis confuse.
- Merci très chère, que ferait ce cabinet sans vos soins ! sourit l'intéressé, parfaitement conscient de son effet, tout en réceptionnant théière fumante et tasse, sur leur petit plateau. N'ayez crainte, mon invitée s'est chargée du feu."

Sans pitié, mais avec un grand sourire de reconnaissance, il referma le battant sur les milles questions qui se bousculèrent dans les yeux doux et grand ouverts de la dryades, tout en lui souhaitant une bonne soirée et un bon repos. Ravi, apaisé, il vint s'asseoir près de la sorcière, non sans avoir récupérer une épaisse couverture sur son fauteuil. A moitié allongé, le spectre au torse aéré inspira le parfum du breuvage fumant qu'il versait, appréciant la chaleur du feu, repoussant une mèche qui manqua tremper dans sa tasse.

"Bien... Quelques souffles sur le liquide. Un regard amusé en coin à sa visiteuse. Nous disions donc... De la magie. Vos symboles. Une douce gorgée, inutile à son organisme, et pourtant appréciée par l'ancien humain. Aaah... Et mon torse."
Frédéric LaFleur
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Galatéa
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Il était décidément beaucoup moins en forme que la veille mais au moins la mésaventure de la sorcière perdue dans les catacombes avec le couperet de se faire surprendre, juste au-dessus de la tête l'avait bien fait rire. Sa journée à elle avait également été passablement épuisante, mais la chaleur, un coup de propre et un bon thé dans le silence avaient eut le temps de la requinquer un peu.

Se voyant interdire de répondre à la question intéressé du tailleur, elle leva les main, le laissant seul maître de son savoir. De toute façon, il avait raison. Les seules choses qu'elle avait à lui conseiller contre la fatigue seraient mauvaises, soit pour lui, soit pour les autres. Elle le laissa disparaitre derrière le rideau, remis une buche dans la cheminée, alla prendre le plateau sur lequel reposait à l'origine sa tasse et revint s'asseoir en tailleur près du feu. L'une de ses jambes était presque entièrement dénudée, l'autre parfaitement couverte. Elle avait toujours trouvé au feu quelque chose de magnifique. L'église était le seul endroit où ils avaient le droit d'allumer un véritable cierge une fois de temps en temps pour les fêtes annuelles. Sinon c'était un luxe qui gaspillait de l'air. Leurs factures étaient déjà assez élevées concernant ce genre de produits de première nécessité. Mais ici, il flambait et dansait dans chaque foyer. Toujours en mouvement. Magnifique.

En entendant le raclement des anneaux sur la tringle à rideau, elle se retourna, déjà souriante à l'idée du costume étrange qu'il devait avoir eu l'idée de... Ses yeux s'arrondirent un bref instant et quelques éclats d'un rire léger saluèrent l'apparition du tailleurs en pyjama. Un vrai pyjama oldschool comme jamais elle n'en avait vu ailleurs que dans une vitrine en allant faire ses courses ou dans un holo qu'elle n'aurait pas du regarder.

- Monsieur est élégant jusque dans le déshabillé. " s'amusa-t-elle juste avant que Cassandre ne les trouve dans cette drôle de disposition. La pauvre dryade avait l'air un peu perdu par ce qui s'était passé depuis l'arrivée de la sorcière. " Je ne vous imaginais pas avec une assistante de cet acabit... Je ne vous imaginait pas avec une assistante tout court il faut dire. " Objectivement rien ne se déroulait comme une visite de courtoisie convenable. Et on ne pouvait même pas attribuer ça à une passion torride... Il était quand même en pyjama.

- Est-ce que je devrais vraiment m'étonner qu'un tailleur aime autant les effets de manche ? " rit-elle. Elle se poussa sur le côté en étendant les jambes pour le laisser trouver sa part de chaleur sèche. Trop près, ils cuisaient d'un côté tout en restant froid de l'autre, en attendant que toute la pièce ne se réchauffe encore et encore. Vu le tissus, qu'il y avait partout, il y avait de quoi espérer qu'elle soit plutôt bien isolée. Elle tendit sa tasse pour qu'il la resserve en même temps que lui. " Vous n'auriez pas quelque chose de plus confortable qu'un peignoir à me prêter ? Puisque votre Cassandre m'a demandé d'abandonner toute ma boue à l'extérieur de votre atelier. "

Ils se retrouvaient plus ou moins tête bêche, elle assise et appuyée sur un bras, les jambes allongées devant elle. Lui trônant tel un romain de l'ancien temps sur son lit dinatoire. Elle soupira, regardant tantôt le spectre, tantôt le feu.

- Moi qui était venue parler de fil. Et voilà que vous vous mettez à nu. " soupira-t-elle, joueuse. Elle trempa les lèvres dans sa tasse de nouveau brûlante, l'air innocent et la reposa près d'eux. " Blague à part, j'ai amené quelques objets qui pourraient vous intéresser. Et un ancien cahier de recherche concernant les symboles que j'utilise. Ils sont dans mon sac. " Elle désigna le dit sac d'un mouvement de bras mais n'était visiblement pas pressée de se lever pour aller les chercher. Plus exactement, elle n'avait pas envie de se lever et retourner si loin de la cheminée. " Je suis curieuse. C'est vous qui tissez tout ça ? " Les nombreux rouleaux de la pièce les observaient silencieusement. Elle ramena sa longue tresse blanche sur son épaule. Dans cette position, elle glissait jusqu'au sol. " Et plus important. Est-ce que vous serez capable de rester concentré deux minutes si nous ne commençons pas par regarder les motifs qui pourraient vous intéresser ?

Il était charmant dans son pyjama et la vue que la coupe dégageait sur son torse n'était pas désagréable. Elle n'avait pas trouve de raison de se priver de la vue, surtout lorsqu'il l'avait évoqué directement. Avec sa crinière noire bien trop soyeuse, il attirait l’œil pour tout un tas de raisons diverses et variées. Mais certaines personnes étaient encore plus fatigantes quand elles étaient fatiguées. Il lui avait déjà prouvé qu'il pouvait être les deux...
Galatéa
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Frédéric LaFleur
Maison de la Flamme et de l'Ombre

"Que voulez-vous... Les langues se délient, comme les tissus." sourit-il en la réservant, le timbre aussi doux et suave qu'une bonne couverture chaude un soir d'hiver.

Si la situation avait fait rougir la délicate Cassandre, les petits 'jeux' de la sorcière l'aurait transformée en tomate ! Quant au spectre... Il s'en amusait, renvoyant tranquillement la balle avec l'aisance de l'habitude, le naturel du libertin et la tranquillité du travailleur qui, après une longue journée, a laissé ses préoccupations à la porte. Tant de suspense... Mais, face à la sorcière bien à son aise, dans sa grande mansuétude, Frédéric consentit à se lever en abandonnant sa couverture.

"Remettriez-vous en question mon savoir vivre dans un rapport d'employeur et d'employée ? Quelle idée incongrue ! s'amusa-t-il tout en s'approchant du sac de la dame. Puis-je ? Avec son approbation et une indication, il en tira le carnet évoqué. A la vérité, sans ma chère Cassandre, il me faudrait me préoccuper des rendez-vous, du rangement et de l'accueil des patients. Je l'ai souffert les premiers temps, mais ce n'est pas pour moi. Quand bien même j'ai un don certain pour le tri des patients, ah ah !"

Dans ses mauvais jours, il eut pu dire qu'il avait mis à rude épreuve la motivation des patients à se faire soigner chez lui. Peste, elle m'y a quand même fait penser. Mais cela était de l'histoire ancienne ! Maintenant, il avait une douce dryade pour garder son entrée. Appréciant le cuir du livre, il le rendit à sa propriétaire comme à regret, avant d'aller farfouiller dans un placard, sa chevelure coulant lascivement dans son dos, ses pieds nus chatouillés par la caresse du tapis.

"Une partie est de mon fait... dit-il tout en faisant le tri dans les robes, les jupes et les vestons serrées à l'intérieur. Quelques-uns sont de Cassandre. Au bout de quelques mois j'ai dû lui mettre une aiguille entre les mains, elle n'avait de cesse de me gaver comme une oie de gâteaux pour venir voir encore et encore mon travail de plus près ! Hmmm celui-ci... Il tira un long manteau d'une laine rouge, aux bordures brodées de noir. Mais la plus grande partie vient d'une grand-mère de ma connaissance. La mémoire aussi fine que ses motifs."

L'air concentré, il revint avec le manteau dans une main, et une couverture dans l'autre.

"Une préférence ?"

Tel un valet de chambre, il entreprit ensuite de la vêtir de son choix - si elle le laissait faire -, prenant même le temps de passer un coup de main sur ses épaules pour en enlever les plis. Puis, il se recula, l'observant avec un intérêt... Artistique. La vision de la mystérieuse sorcière aux yeux d'ombres, se prélassant dans la chaleur d'un feu, dans le confort de ses tissus. Son cœur se serra devant cette vision.

"Ah, quel drame que la perte des appareils photos, des caméras et des hologrammes ! Soupira-t-il. Ne nous reste que notre mémoire... Et le coup de pinceaux des artistes. Avec un sourire pour le sujet. Vous êtes splendide, très chère !"

Si j'en trouvais un, d'artiste, pour me couvrir ces murs... Voilà, ses doigts lui quémandaient ses crayons et son carnet, mais l'occasion avait déjà été manqué une fois. Alors, enfant sage - pour une fois -, Frédéric vint se rasseoir auprès de son invitée, savourant son petit havre de paix et de chaleur.

"Vous m'en demandez beaucoup, pour une invitée arrivée à l'improviste. sourit-il derrière sa tasse. Mais n'ayez crainte, l'esprit de la danse ne m'habite pas ce soir. Plutôt celui de la curiosité. Une gorgée apaisante. Vous aviez pu me poser votre question, et mon torse est à votre disposition, tant que vous ne sortez pas un couteau sacrificiel de votre poche. J'aurais encore besoin de mon cœur, quand bien même certains sont convaincus de son absence. Il la dévisagea d'entre ses cils, avec le regard d'une biche et un sourire de galopin. A moins que votre regard 'magique' ne vous montre le contraire ?"

A son grand regret il avait renoncé à son droit de question indiscrète. D'où lui venait ce regard ? De mémoire, il ne lui semblait pas en avoir croisé de semblable.
Frédéric LaFleur
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Galatéa
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Lorsque le spectre tout équipé pour aller se glisser dans ses draps soyeux se leva, Galatéa profita de la vue. De l'homme comme du tissus riche et lâche qui était néanmoins parfaitement coupé. De sa première vie, elle ne voyait jamais des gens aussi bien vêtus. De sa deuxième... Il y avait bien Chandler qui aimait se la péter, mais elle ne le côtoyait pas et c'était un renard. Littéralement. Étant donné la difficulté à faire un tissus régulier et en quantité, les gens avaient plus tendance à faire attention et à opter pour de l'utilitaire, à quelques exceptions près du style bondage et jupette en cuir ou châtelain claquant tous ses azys dans des teintures rares. Frédéric était plutôt du second genre, à ceci près que... Et bien de toute évidence, ça lui allait bien.

Le livre en main, elle le regarda retourner vers ses placard et fouiller, s’agiter, nimbé de la cascade d'encre qui soulignait ou floutait ses contours selon les moments. Il avait des cheveux de femme. Soyeux et lisses. Lors de leurs précédentes rencontres, elles n'avait pas eu le temps de l'observé à ce point. Rien que pour cela, elle ne regrettait pas d'avoir poser la question. C'était un comble de devoir attendre de voir un type en pyjama pour réaliser que lorsqu'ils savaient en prendre soin et le mettre en valeur, le corps des homme pouvait être une œuvre artistique d'une certaine sensualité. Original et fluide, l'agaçant spectre avait même quelque chose d'éthéré, dans ses couleurs et dans ses gestes. Ses cheveux si noirs qu'ils en avaient des reflets bleutés. Ses yeux bleu clairs. Sa peau halée. Il s'entretenaient. Il se connaissait comme les femmes se connaissent d'ordinaire et savait ce qui lui allait, ce qu'il aimait. Où attirer l’œil et comment.

- Ce sont des grand-mères qui m'ont tout appris. " ricana-t-elle à l'annonce de sa fournisseuse principale. Réalité ou bon mot ? Qui pouvait savoir ?

Un moment, elle se demanda si sous cette étoffe se cachait la force sèche de muscles aussi finement ciselés que ses vêtements où si ses bras et ses mains avaient la faiblesse molle de ceux qui ne cherchent jamais à aller au-delà de leurs limites. Il ne lui laissa cependant pas le temps de laisser ses yeux et son imagination vagabonder trop longtemps sur les contours de son dos et de ses hanches qu'il revenait armé d'un... costume somptueux ?

Elle cilla et pour une fois, une très rare fois, elle eut l'air sincèrement soufflée. La laine épaisse et régulière, d'un rouge aussi soutenu que les flammes de sa magie, était coupé pour créer un manteau long couvrant sûrement les pieds de sa porteuse. Ses manches dégoulinaient en deux magnifiques gouttes brodées de motifs noirs et de petites dentelles noires en agrémentait tout le bord. Il était régalien. Magnifique. Simple et pourtant d'un luxe indécent. Elle n'avait jamais vu un vêtement aussi splendide.

Il lui demanda sa préférence entre ce chef d’œuvre et une couverture épaisse à la couleur incertaine. Elle cilla en revenant à ses yeux clairs.

- Vous osez vraiment faire la comparaison ?  "  Sa préférence allait au manteau bien sûr. Elle se releva, prête à le prendre, mais lorsqu'elle compris qu'il était bien décidé à l'aider à revêtir cet habit, un sourire appréciateur revint. Elle lui tourna lentement le dos, mais avant de glisser les bras dans les immenses manches rouges, elle les extirpa du peignoirs sans délasser la ceinture. Le tissus fait pour être porté par dessus des vêtement et tenir chaud n'était pas particulièrement doux sur la peau, mais l'idée du contact d'une telle pièce ravissait la jeune femme. Elle se laissa faire lorsqu'il ajusta le tout et jeta un regard par dessus son épaule lorsqu'il passa les mains sur ses épaules pour en retirer les plis. Elle ne trouva rien à dire ni à redire. Une respiration d'une seconde et elle s'éloigna d'un pas.

Puis, une fois installée, bien au chaud à côté de la cheminée et la seconde couverture à portée de main, il y porta encore une attention étrangement captivée sur elle. Elle sourit, sibylline.

- Bientôt peut-être auront nous d'autres supports pour immortaliser quelques souvenirs... " Loin des holos et des vidéos. Le souvenir à l'état brut était quelque chose d’accessible ici. Avec ses ressentis, ses couleurs, ses odeurs. Mais cela devrait attendre que la ville soit en sureté. Peut-être pourrait-elle se pencher sur la question à l'arrivée des beaux jours. Elle espérait en tout cas que d'ici là, Frédéric lui aurait apprit encore bien des choses sur la nature de leurs arts respectifs.

- Dommage. L'un n'exclus pas toujours l'autre."
Elle aimait danser. Les choses avaient seulement été trop soudaines et bien trop loin de ses préoccupations dans ces catacombes auprès d'un étranger. Elle but un peu de thé pour laisser son regret plané avec le même jeu douillet qu'ils avaient posé entre eux. Ces expressions, ces pics et ces regards appréciateurs qui avaient tant l'habitude de s'amuser des réactions des autres. " Ce sera un plaisir de profiter de vos largesses. En l'occurrence de son torse puisqu'il le proposait si gentiment.

L'hôpital se fichait bien de la sorcière pour le reste. Enfin surtout pour cette histoire de cœur absent. Si ce n'était pas là l'attribut qu'on lui prêtait le plus souvent, ça ne devait pas être loin. Guillerette, elle tapota sa pommette, juste sous son œil, attirant inconsciemment l'attention du tailleurs sur les fines cicatrices qui barraient verticalement chacune de ses paupières.

- Souvenez-vous. Je suis une dentelière aveugle. Et puis poignarder un sacrifice rituel dans le cœur, c'est d'un cliché. " Elle haussa les épaules. Elle était plus originale que ça, non ? " Et vous êtes un tailleurs qui voulez comprendre. "

Elle ouvrit plutôt le livret relié de cuir et en tourna les pages. Certaines étaient couvertes d’annotations de plusieurs couleurs et de schéma repris tant de fois qu'on ne voyait presque plus le blanc de la feuille. D'autres, bien plus nettes ne représentait qu'un symbole en grand, ou une suite complexe, entremêlée avec précision. On y retrouvait des cercles, des boucles, des points formant des rosaces ou des mandalas compliqués. Parfois en noir. Parfois en rouge ou au crayon. Elle se rapprocha du spectre, contre son flanc pour poser l'ouvrage sur ses genoux tout en pouvant le suivre avec lui. Elle lui montra des formes de bases et des schemas bien plus complexes, lui expliquant d'un mot bien insuffisant leurs usages mystérieux. Ici une ligne qui contraignait la magie. Ici qui la clarifiait. Là elle l'apaisait, la tintait, la ralentissait pour pouvoir la tisser avec d'autres magies. Là elle la focalisait à un point du corps. Ouvrait ou fermait une porte. Et en les agençant, parfois avec d'autre dont l'utilité était de connecter et d'éviter les interférences, les vitraux devenaient plus complexes.

Sa voix chaude se faisait velours et patience. Loin de se montrer volontairement charmeuse ou séductrice, elle prenait un plaisir sincère à partager tout ça avec lui. Le monde qu'elle avait l'habitude d'arpenter n'était pas facilement accessible aux nouveaux venus. En réalité, il était rare que qui que ce soit lui pose des questions sur ses façons de faire en toute amitié, pas pure curiosité. Encore moins sur le détail de ses motifs.

- Ceux que je crée pour les enchantements sont plus spécifiques et souvent plus compliqués. La plupart du temps, il faut les penser en trois dimension et non à plat. Avec le temps je raffine aussi les anciennes versions pour mes sorts les plus classiques.

Finit-elle avec un sourire passionné. Reposant les doigts sur le papier, elle passa quelques pages de plus pour s'arrêter sur un autre dessin bien précis vers la fin du livre.

- Ce sont ces deux là que j'ai tracé sur vos mains hier. Enfin en partie. Je trace une partie sur votre main, une partie sur la mienne. Le fait de lier les mains clos le sigile. ça forme comme un conduit qui facilite la connexion et permet à ma magie de trouver plus facilement la votre sans trop de perte d'énergie. Une astuce que j'ai trouvé il y a un peu plus d'un an. Comme un motif qui ne serait pleinement visible que lorsqu'un vêtement est boutonné. " Elle lui tendit un sourire particulièrement complice, et tourna la page. " Celui-ci, se trace au niveau du cœur. Il canalise et encadre la magie rouge quand j'utilise les émotions des autres comme matière première. Il agit de façon à ce que le contact de ma magie soit plus... hmmm... je ne sais pas exactement comment expliquer. Doux n'est pas le terme mais je n'ai pas de meilleur mot. " Elle tourna encore quelques pages, son sourire devenant plus joueur. " et c'est une variante de celui là que je vais tracer sur votre torse, puisque vous l'avez si gentiment proposé. Pour m'aider à cibler plus facilement un pouvoir précis et à calmer la magie que contient le corps.



Galatéa
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Frédéric LaFleur
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"Dois-je comprendre qu'aucun sacrifice d'enfant ne sera nécessaire ? Ni de bain dans du sang de vierge ? Rien que des motifs ? Fichtre, l'imaginaire en prend un coup !"

Et pourtant tel était leur étrange réalité. Dans ce nouveau monde, les morts s'occupaient des vivants, un vampyre pouvait vous voler un souvenir d'un sourire coquin, et un minotaure pouvait vous souhaiter le bonjour au détour d'une rue. Incroyable, d'après d'anciens standards. Tellement banal, pour les nouveaux. Avec un peu moins de fantaisie et d'exubérance peut-être. Cela dit, il en est bien des facettes qui me sont encore méconnues. Alors, quand la sorcière se pressa contre lui pour lui montrer son livre, il n'y eut d'yeux que... Pour ses pages.

Des motifs divers à l'esthétisme qu'il pourrait incorporer dans ses travaux, et aux sens, à l'usage bien mystérieux pour lui, quand bien même Galatéa le lui expliquait sur le ton de l'évidence et qu'il écoutait avec toute l'attention d'un élève studieux, ayant mis de côté sa tasse pour en protéger le précieux papier. Elle peut... Raffiner ses motifs ? Rien de surprenant en vérité. Le cuisinier optimise et affine ses recettes. Le dentelier fait des points de plus en plus précis. Le forgeron a le geste plus juste. Tout cela il le comprenait. Mais pour la magie, cela restait... Intangible.

"Dentelière aveugle, l'expression est bien trouvée vu vos explications, alors que vous ne pouvez pas voir ce que vous manipulez. Le sentir d'une certaine manière, du moins, si je comprend bien ? Comme si vous mettiez la main dans un cours d'eau. Il pinça l'air au dessus des pages. Pour elle, il n'y avait que du vide. Pour lui... Il y avait quelques minces fils, que son geste laissa inchangés. Mon état quant à lui me permet de voir... Sans pouvoir les modifier. Les choses sont étrangement faites tout de même. Il eut un sourire de connivence. En tout cas, vous me voyez rassuré d'apprendre que vous avez déjà pu mettre à l'épreuve vos techniques. Pas trop de cadavres dans le placard j'espère ? Au moins, j'aurais moins de raison d'hurler à la mort. Savez-vous ce que cela fait, alors ? D'avoir votre 'magie' ainsi utilisée... Sur une échelle de un à dix, qu'elle serait la douleur - pardon, mauvais contexte -, quel serait le type de sensation ? Chatouillement, piqûre, coupure ? Ou cela n'a rien à voir avec des sensations physiques ? Son débit s'était quelque peu accéléré, laissant entendre sa curiosité devant cette nouvelle approche du sujet. Il soupira. Enfin, le plus simple reste de se prêter à l'expérience. Un cobaye propre et volontaire, votre matériel et votre esprit... Et bien, qu'attendons-nous ?"

Impatience et nervosité se disputaient la part belle, mais le LaFleur n'en resta pas moins maître de ses émotions. Avec des airs d'agneau se demandant un peu avec quel couteau on l'allait l'éventrer, il observa avec curiosité la sorcière. Dans son grand manteau et avec ses yeux elle eut pu présider quelque messe noire sans crainte de faire tâche. Quant à lui... Il semblait plus prêt à aller au lit après une bonne histoire - ou à poser pour un magazine de lingerie masculine - qu'à faire office de... Quoi ? Source de magie ? Quel potentiel voit-elle en chacun de nous ? Une infinité de questions, qui attendraient leur heure, sinon, le jour viendrait qu'il n'aurait toujours pas la réponse à la première de toute : comment oeuvre une Enchanteresse sans interruption de sa part ?
Frédéric LaFleur
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Galatéa
Maison de la Terre et du Sang


- Les bains de sang et les sacrifices, c'est pour le plaisir. Pas pour le travail. " plaisanta-t-elle, histoire de soigner un peu son imaginaire, puisqu'il semblait l'affectionner.

Le temps fila en suite, entre la douceur du vêtement riche sur sa peau et l'enthousiasme de la magie sur ses lèvres. Le niveau de sa tasse était rapidement descendu avant que le précipitant vide ne soit délaissé. Elle s'était détendue et avait parlé avec plus de sincérité, se surveillant moins. Pensant peu à l'endroit ou à l'occasion, seulement à la personne et au partage présent. Au bout du compte, la main qui montrait la courbure d'un symbole se laissa aller à se reposer sur la page opposée.

- S'il faut choisir entre regarder le monde par une fenêtre ou sortir les yeux fermés, j'ai choisi mon mal.

Un sourire sibyllin ourla ses lèvres. Oui, elle ne voyait pas la magie, mais les lunettes lui allaient bien. Quant à toutes les questions qu'il posait en rafales de plus en plus serrées, elle avait bien trop de réponses pour pouvoir le satisfaire. Elle reconnaissait la curiosité qui montait, l'envie de savoir quelle sensation cette énergie inaccessible pouvait procurer. Alors qu'il en était remplit, qu'il ne vivait que grâce à elle, nourrit par elle, il restait incapable de sentir le rythme et la vibration du pouvoir en lui. Si en tant que sorcière, elle avait du apprendre sans posséder de pouvoir par l'instinct, elle n'aurait pas échanger cette capacité. Pour aucune autre. Même celle des Faucheur ou des Malakims, et pourtant elle l'avait longtemps désiré.

Elle ne lui coula qu'un regard de chat, lorsqu'ils en revint aux faits. Le livre fut refermé et elle se releva, plus alerte qu'à son arrivée. Le repos du corps avait fait des merveilles, tout comme le thé. " Si vous voulez évité de tâcher votre joli haut, je vous conseille d'ouvrir encore quelques boutons. " Après tout, pourquoi pas joindre l'utile à l'agréable ? De toute façon elle savait qu'une fois lancée, ça n'aurait plus la moindre importance pour elle. Elle posa avec attention son ouvrage sur le bord de la table où s’étalait celui du tailleurs et revint vers lui après avoir récupérer le même petit étui de bois que la veille. Celui qui ressemblait à un tube de rouge à lèvre et contenait un bâtonnet de pastel rouge dont la matière donnait une impression de chaleur glacée.

Dans un mouvement de son long manteau - elle avait l'habitude de gérer des robes longues, c'était évident - elle s'agenouilla en face de son hôte puis s'assit plus confortablement en tailleurs, les pans du vêtement formant une corole sanguine plissée de vagues et de courants à l'agitation immobile. Puisqu'elle avait le temps, elle ne comptait pas se gêner pour rendre la chose la plus confortable possible pour elle. Et pour Frédéric ? Le fait qu'il accepte également le temps et la marque sur le torse signifiait que ce serait à priori plus facile pour lui aussi.

Elle tendit la main, paume vers le ciel, attendant qu'il y dépose la sienne, pour y tracer avec précision un ensemble de symboles entremêlés et d'espaces qu'ils pouvaient identifier comme les fameuses boutonnières dont elle avait parlé.

- Chacun ressent les choses à sa manières. Comme croquer dans une pomme. Certains aiment, d'autres non.

Elle passa à l'autre main. Des formes qu'il n'avait pas vu dans son carnet. Plus denses. Sans espace. La régularité à main levé de la jeune femme était digne de mention. Elle s'était entrainée durant des années avant de parvenir à de tels résultats sur un terrain aussi accidenté qu'une main.

- Si je la coupe ou si je la cuis, je peux rendre le goût plus simple, plus abordable. Mais cela restera fondamentalement une pomme.

Des aides que ça ne gênaient pas ou qui étaient suffisamment conscients de leurs pouvoirs, suffisament matures pour accompagner la danse, elle en avait connu. Deux jours plus tôt, elle avait même découvert que certains pouvaient trouver la sensation grisante et même peut-être un peu plus. Il n'était pas une référence, loin de là, mais ça l'avait confortée dans son opinion : apprécié ou non l'incursion dans sa magie était plus une question de caractère que d'acte.

Elle traça les glyphes nécessaires sur ses mains, avant de se pencher vers lui. " Je peux ? " demanda-t-elle sans manière mais sans brusquerie non plus. Ce ne fut qu'avec son autorisation qu'elle sembla chercher du bout des doigts un endroit bien précis. Il n'était pas si fréquents que ses nouveaux assistants accepte ces marques là. D'ordinaire ce n'était qu'après quelques sessions qu'ils se détendaient quand ils n'étaient pas partis. Aussi se concentra-t-elle un moment sans parler, et comme elle l'avait prévu, le torse du spectre perdit tout aspect tentateur pour être sous ses doigts un canevas tout aussi inspirant. Sur son pectoral gauche, vers le centre de son torse, autour de l'endroit où se trouvait son cœur, elle posa le pastel pour tracer quatre formes tout en longueur.

Puis elle reposa le petit étui refermé, défit deux boutons de son propre col et pris avec précaution l'un de ses poignets pour l'amener à poser la main bien à plat sur sa poitrine à elle, à la naissance de son sein gauche, presque au milieu. Puis elle vint poser sa main à l'endroit qu'elle avait préparé sur le torse de son reflet, se positionnant de façon à ce que les symboles passent entre ses doigts écartés.

- Vous n'avez qu'à vous laisser aller et quand je vous le dirai, concentrez vous sur ce que vous voyez. Les fils que vous percevez. Leurs formes, leur densité. Cherchez à les comprendre, démêler leur forme. Détaillez tout ce que vous avez envie de regarder.

Tout en expliquant, elle présenta sa paume vers lui, l'invitant d'un mot à placer la sienne en miroir. Ses gestes et ses mots coulaient à un même rythme avec quelque chose d'hypnotique. Attentive à lui, à ses réactions, prête à expliquer ou à s'arrêter au moindre signe de refus, et pourtant dans le flux de quelque chose qui le dépassait. Elle s'y posa, paume contre paume, et vint entrecroiser leurs doigts fermement, de façon à ce que le sceau créé par l'apposition des traces sur leurs deux mains ne bouge pas. Elle inspira profondément et ferma les yeux.

- Vous pouvez y aller. " Lentement, la main posé sur son torse se mis à irradier d'une lueur rouge. Les traits sur sa peau et celle de spectre s'éclairaient de l'intérieur. La lueur glissa vers sa main, remonta sur son poignet et bientôt un gant liquide et miroitant, arborant le rouge du sang frais, enrobait entièrement sa jolie main. Entre leurs deux paumes pressées, un cercle complet se mis a briller en transparence, d'un rubis sombre.

Le long des glyphes, elle laissa couler son propre pouvoir, discret. Juste pour voir le ressac de la magie qui émaillait le corps de son compagnon. Elle prenait la mesure de son rythme, de cette légèreté éthérée, de cette odeur d'antiquité, de poussière d'or, de cette froideur. Un regard extérieur, avant de se glisser plus près en un souffle léger. Loin d'être coulante, la magie du spectre avait la rigidité de la mort. L'immobilité absolu de ce qui dure et la discrétion d'un souffle de vent qui agite un rideau de dentelle devant un carreau cassé. Elle eut l'impression de passer à travers de nombreuses toiles d'araignée qui pouvaient s'étirer à l'infini sans se rompre. Une infinité de fils comme autant de contacts invisibles sur sa peau.

Lui ne pouvait pas sentir la magie à proprement parler, ni la sienne, ni celle de la femme en train de le sonder de plus en plus profondément. Mais il pouvait sentir sa présence. D'abord un regard sur sa nuque, puis quelque chose de plus intime. Quelqu'un se trouvait tout près de lui, dans son espace personnel. Intrusif mais pas foncièrement inquiétant. L'impression se fit plus présent, douce, toujours plus proche. Quelque part dans cette approche il eut soudain l'impression qu'il ne pouvait s'en défaire. La présence était là, dérangeante, capable de tout voir, de le percevoir, lui, sous ses plus infimes coutures. Mis à nu, il n'avait aucune prise, aucun recours pour l'éloigner, choisir la distance, encore moins pour se cacher. Cette présence lui arrachait la notion même de solitude.

Elle ne cherchait pas à posséder. Elle observait. Elle sentait, comprenait, et appréciait cette nouvelle magie. Ce nouvel être. Elle y passa un moment, finissant par trouver la magie qu'elle cherchait. Celle de ses yeux. Avant de se retirer, elle s'enroula autour de cette magie qu'elle serait amenée à décortiquer à diriger. Sa poigne éthérée se referma sur le pouvoir de Frédéric. Sa vision devint flou comme s'il n'arrivait plus totalement à accommoder à la bonne distance. La présence s'était fait contrainte. Lente mais implacable. On cherchait à faire bouger quelque chose en lui, à tirer quelque chose qui n'avait jamais bougé. On tirait les fils qui le constituaient, lui, et elle aurait pu les tirer encore. Elle aurait peut-être même pu les arracher. Mais elle s'arrêta bien avant. Juste au début de la tension. Pour une première fois, c'était suffisant. Certains ne supportaient déjà pas cela, que ce soit physique ou mental.

Elle retraita, sans empressement. La présence disparut, laissant le vide et la paix derrière elle. Le gant de sang se dissipa. Le cercle entre leurs paume perdit toute lumière. Enfin elle rouvrit les yeux et lâcha son cobaye consentant. Le vague mirage de sourire qu'elle gardait sur ses lèvres en savait bien plus qu'il n'en disait. Elle le laissa reprendre ses esprit, scrutant son état autant que ses réactions.

Galatéa
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Frédéric LaFleur
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Avec la docilité d'un agneau, le spectre s'était défait de quelques boutons supplémentaires, son vêtement s'écartant et glissant d'autant plus sur ses épaules minces et nues, dénuées de marques d'un dur labeur, tout en révélant davantage son torse légèrement velu. A vrai dire, la situation commençait à prendre des airs irréels : la sorcière, sublimée par son aisance comme sa longue tenue, présidait avec naturel, dans l'atelier éclairé par le feu, dont les reflets laissaient tout juste deviner, avec la fin de journée, les rouleaux de tissus calés dans les recoins, par delà son bureau et ses placards, tandis qu'il se mettait tout juste à nu, frisant l'indécense sans y plonger tout à fait . S'il avait l'habitude de recevoir ses clients ici avec une certaine familiarité pour l'amélioration de leur garde-robe, celle-ci était d'un tout autre acabit : Galatéa détenait la connaissance, et il lui donnait quelque chose. De son temps - comme à l'ordinaire -, de sa personne - en bonne compagnie, qui s'en priverait ? -, et de sa magie - voilà le mystère -. Les symboles étranges sur sa peau, que la main de la jeune femme traçait sans hésitation ni luxure - le médecin reconnut bien là la concentration d'une artisane à l’œuvre - ne cessaient de le laisser perplexe, si ce n'est, peut-être, ceux qu'elle chercha à placer au niveau de son cœur, près du plexus solaire. Cela prit une autre ampleur quand la sorcière se marqua aussi la poitrine, et y apposa sa main à lui.

D'une manière surprenante, il n'eut pas envie de prononcer le moindre mot sulfureux. Nul remarque quant au risque à toucher ainsi les charmes interdits d'une Sorcière, ni compliment sur l’atmosphère mystérieuse qui ne cessait de s'épaissir à chacun de ses surprenants gestes. La situation le dépassait, réalisa Frédéric. Il n'avait pas la moindre idée de ce qui allait se passer, ni de l'étendu du pouvoir des Sorcières. Sans qu'il y fasse attention, le sourire en coin séducteur qui rodait sur ses lèvres avait disparu, ses yeux s'arrondissant d'une légère incertitude. Je pourrais lui demander d'arrêter... Songeur, il refusa bientôt cette possibilité. La curiosité prenait le pas, face à la peur de l'inconnu. Et dans un monde où la magie prenait le pas sur la science... Il avait intérêt de se mettre à la page. Sa poigne entremêlée à celle de Galatéa se raffermit.

"Comprendre l'incompréhensible ? Voilà qui ne m'épargnera pas quelques maux de tête... souffla-t-il avec un faible amusement. Mais puisque Madame la Sorcière le demande..."

Alors, faisant fi de ses incertitudes, il s'exécuta, se concentrant sur ces fils aussi fin que ceux d'une araignée, disparaissant et réapparaissant au gré de courants d'airs invisibles. Des ratures d'enfants courroucés à certains endroits, qui, s'il les fixait suffisamment, commençaient à prendre un sens autre. Des motifs, lui au rythme et à la logique lui échappant sans cesse, au point qu'il lui aurait été difficile de les tracer par la suite. Certes, sa perception s'était améliorée avec le temps, et il s'était même pris au jeu, à l'occasion, d'en gribouiller quelques-uns, sans jamais véritablement comprendre s'il y avait vraiment quelque chose à y lire... Un dialecte nécessitant simplement sa pierre de Rosette ? Les délires visuels d'une créature morte dont l'existence même est une aberration ? Ou simplement les émanations d'une 'énergie' propre à ce monde ? Quoique faisait la sorcière, les lignes devenaient plus denses et chaotiques entre eux. Qu'espérait-elle en tirer... ?

Une présence. Pourtant, face à lui, la Sorcière avait les yeux clos. Pourtant, le spectre se sentait épié, comme si quelqu'un attendait, aux limites de sa perception, pour surgir et pointer du doigt... Persistante, la sensation lui faisait perdre le gênait, faisant fuir ses pensées vers d'autres sujets. Ce devait être Galatéa, elle l'avait prévenu. Avez-vous déjà tué... ? Que percevait-elle, finalement ? Qu'y avait-il à percevoir ? D'hésitation et d'indécision, le LaFleur en fut soudainement gavé. Dans un soupir, il se relâcha. Il n'avait rien à cacher.

Une armure. Une armure d'arrogance et d'exubérance, de désir affiché et de peurs combattues, entourant des braises de passions, avivées par le souffle des regrets. Des ombres hallucinées au regard dur rôdant, à l'orée de la vision, apportant avec elle le froid et l'épuisement. Au rythme de leur approche et de leur retraite, l'armure se hérissait, vibrante de moquerie et fourbe, rendue ardente par les flammes de la défiance et du rejet. Autrement dit, le garçon docile s'était fait adolescent éteint, puis l'adulte fonceur, qui se tenaient par la main dans une danse changeante autour du feu. Là où l'enfant pleurait, l'adolescent se détournait, et l'adulte paradait exagérément. Il n'avait rien à cacher, surtout pas ses déboires.

Que sa vue se brouille le tira brusquement du miasme de sensations étranges où il s'était retrouvé plongé. La sensation d'un fil tiré dans sa tête le prit par surprise, et il se raidit, saisis par sa propre vulnérabilité. Frédéric ne chercha pas à se débattre, tant il lui semblait que ce qui était touché pouvait céder d'une simple pression. Il lui sembla que l'instant s'étira cruellement... Jusqu'à ce qu'enfin, la sorcière rouvrit les yeux, la présence - sa présence - s'évanouissant. Alors, Frédéric se rappela de respirer. De rapides inspirations qui agitèrent son torse luisant d'une fine pellicule de sueur. Sa main se porta à son visage, à ses yeux. Il cligna des yeux précipitamment.

"Eh bien... dit-il avec un petit rire forcé. ... Je... Ha..."

Cherchant ses mots, le spectre se passa une main dans les cheveux, et étala inconsciemment les symboles de sa main sur sa tempe gauche. A la stupeur suite à l'expérience, des réflexions prenaient le relais, et après quelques instants de respiration rapide, il parvint enfin à constituer une phrase décente :

"Je me demande... Si la magie est liée à nos capacités... Vous pouvez la modifier, n'est-ce pas ? La réparer comme... L'endommager ? Il souffla par le nez. A croire qu'il faudrait... Aller voir sa sorcière plutôt qu'un ophtalmologiste pour des problèmes de vue."

Clignant encore des paupières, il observa tour à tour le feu, puis la porte à quelques mètres, et enfin le miroir caché sous son tissu, au fond de la pièce. Comme il était plaisant de voir les choses nettement. Puis ses mires se posèrent à nouveau sur son invitée, son regard de ténèbres, sa chevelure éclatante, rehaussée par la le riche rouge de sa tenue. Et son petit sourire satisfait. Vilaine fille. Oui, bien plaisant.
Frédéric LaFleur
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La respiration ample, profonde, Galatéa n'avait pas prononcé un mot, laissant le temps à son assistant et sujet de reprendre ses esprits et de reconquérir pleinement les limites de son être physique et interne. Elle avait parfaitement conscience de toucher à quelque chose d'intime chez ceux qui lui confiaient volontairement leur magie et les sorcières n'étaient pas milions. Il n'y avait pas de fiction, pas de jolie histoire pour préparer intellectuellement les volontaires à ressentir cet état de présence et de connexion très particulier.

Il était fébrile, se jetant dans une tentative de parader une fois de plus sans y parvenir tout à fait. " Respire doucement. Tu va finir en hyperoxygénation. " lui conseilla-t-elle d'une voix basse. Trop fort, elle aurait risqué de briser quelque chose dans l'atmopshère feutrée. Le laissant reprendre pied, elle se releva souplement pour s'approcher de la théière. Elle n'était pas encore vide et le liquide encore tiède. Elle revint s'agenouiller et en servit une tasse à Frédéric. Elle versait le reste dans sa propre tasse, obtenant une demie part d'une infusion criblée de petits bouts de feuilles, quand il parvint à formuler ses pensées.

- La magie est l'un des fils de trame de toute chose. Je ne saurais pas dire si elle dépend de nos capacités ou si nos capacités dépendent d'elle. "

Elle reboutonna son manteau, couvrant sa peau de lait et la naissance de sa poitrine. Regarder Frédéric faire le tour de son expérience était quelque chose d'agréable en lui-même. Il avait véritablement toute son attention et elle voyait le chaos amener toutes sortes de détails étincelants sur sa posture ou son expression. Il s'était débattu intérieurement. ça avait été instinctif. Si elle n'avait pas toutes les explications en détail, elle avait au moins sentit ça. Son rejet. La façon dont il avait cédé, plus un abandon pour lui qu'une victoire pour elle. Il ne s'en était peut-être pas rendu compte, mais leur échange avait duré un bon moment et elle n'avait pousser que petit à petit, cherchant à suivre les pas et les hésitations du spectre plutôt que de tenter de le soumettre à sa poigne.

- Ophtalmo... Ce n'est pas vraiment ma vocation. " Elle eut un petit rire et s'assit un peu plus confortablement. " Mais théoriquement je suppose que je pourrais essayé de réparer ou de blesser la magie même d'une personne. Ce n'est que de la théorie par contre. Je doute que quelqu'un ait atteint un tel niveau ou l'atteigne d'ici de très nombreuses années. En réalité, je ne peux que prendre et comprendre que ce que vous mettez en forme. La source de votre magie se reconstitue en permanence. " Enfin, elle trempa les lèvres dans sa tasse mais le fond était vraiment trop fort et les bouts de plante trop désagréables, elle la reposa aussitôt avec une petite grimace de mécontentement. " En réalité, si j'avais poursuivi jusqu'à vous défaire du courant qui vous permet de voir la magie, il se serait immédiatement comblé. Vous auriez peut-être cessé de voir les fils pendant quelques secondes, parce que c'est une capacité passive chez vous. Et encore, ça n'a pas été tout le temps le cas pour mes précédents assistants. Mais pour une première fois, ça aurait été un peu trop intense.

Cessant de papillonner des yeux, il revint à elle. Elle ne s'était pas réinstallé plus loin que là où elle se trouvait pour le rituelle, toujours à portée de bras, bien que sa posture plus relâchée la pousse moins vers son espace personnel à lui. Par la force de l'habitude, elle avait manipuler son vêtement et la théière du bout des doigts, si bien qu'aucune des marques qu'elle portait n'avait bavé. En revanche, même si ça ne se voyait pas, elle était réellement fatiguée par ce genre de chose. Encore loin de l'épuisement ou de la compession d'un véritable enchantement, mais l'entrainement restait couteux.

- Je peux savoir ce que vous en avez pensé ? Ce que vous avez ressenti ? " Toujours attentive, elle tira sur le bord de la couverture qu'il avait abandonné au sol pour se mettre en position pour le rituel, histoire de la rapprocher suffisament de lui pour qu'il puisse la prendre au besoin. " Oh. Et tant que j'y suis. Si vous voulez me donner du Madame quelque chose, appellez-moi moi plutôt Enchanteresse. Sorcière, c'est un état de fait et une capacité latente. Le portail m'a recrachée comme ça. En vérité, très peu de sorcière savent faire ce que je viens de faire. C'est un apprentissage de longue haleine... Et si vous vous poser la question, oui on perçoit des choses aussi étranges quand on utilise nos propres pouvoirs pour enchanter un objet. Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il y a de plus simple.

Galatéa
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Frédéric LaFleur
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"Eh bien, voilà qui est rassurant..." lâcha Frédéric aux premières explications de la sorcière.

La stupeur s'en était allée, et son souffle avait repris un rythme plus régulier. A ses oreilles, le feu crépitait avec indifférence à leurs affaires. Il n'y avait pas eu de courant d'air prédisant quelque catastrophe, ni un assombrissement particulier de la pièce. Rien... Rien que la manipulation de sa magie, et un trouble personnel. Un 'Merci' accueillit la tasse, qu'il but à petites gorgées, après de profonds souffles, appliqués. Étrangement, il écoutait, mais sans la regarder, le regard ailleurs, diraient certains. A la vue de la couverture qu'elle lui tendait, il la prit, sans pour autant s'en couvrir. Caressant pensivement le tissu du doigt, un peu rêche, bien plus rude que tout ce qu'il avait pu porter autrefois, mais à la présence, au poids rassurant. De ces couvertures où il fait bon se rouler un soir d'hiver en regardant un feu, dans le silence d'une fin de journée, seulement perturbé par un discret crépitement.

"Ce ne fut pas une affaire de pensée, mais bien de ressenti... finit-il par répondre. Une présence derrière votre épaule, puis une tension sur quelque chose d'impalpable... Comme si vous pouviez jouer avec mes nerfs sans avoir besoin d'opérer. Un vague sourire, alors que ses yeux pâles se perdaient dans la contemplation des ondulations de vapeurs de sa tasse. Mais cela m'a amené à penser à... Est-ce que cela ne toucherait que la magie d'un individu ? Dans ce monde, sauf nous vivant et dotés de capacités magiques ? Ou notre vie même dépend-t-elle de cette magie ? Plus ou moins, pour certains... Il se racla la gorge en fronçant les sourcils. Pour parler franchement... De ce qu'il m'a été expliqué à mon réveil, je ne devrais pas être vivant. Pourtant je parle, je ressens, je dors... Et je peux voir la magie et devenir invisible aux yeux des vivants. Vivant, sans l'être, sans avoir besoin de me nourrir. Et si, dans mon cas... Le fait d'être vivant reposait aussi sur la magie ? Et si c'est le cas... Qu'est-ce qu'un être capable d’interagir avec cette magie pourrait faire avec cet état ? Son timbre s'était petit à petit échauffé. Le modifier ? Y mettre un terme ? Le... Raviver ?"

Soudainement, Frédéric regarda franchement dans les yeux de l'Enchanteresse. Sans malice, sans défis, bien au contraire. S'y lisait toute la confusion d'un individu n'ayant aucune emprise sur sa nature, n'en connaissant ni les limites, ni les capacités, ni les espoirs, et espérant trouver, peut-être, de nouvelles réponses chez quelqu'un y comprenant - peut-être - quelque chose. Des réponses plus plaisantes qu'un 'C'est ainsi, faites avec.' Une vulnérabilité, un espoir fou luisant sans détour dans son regard troublé et brusquement plus brillant, qui fut direct pendant d'étranges secondes... Avant qu'il ne se détourne et éclate de rire.

"Mais écoutez-moi ! A délirer en un instant sur ce que je ne peux maîtriser, dans un monde qui nous dépasse encore grandement... ! Ici, il n'y aura point de scientifique fou pour créer un Krankenstein, par contre, Merlin, c'est une autre affaire... ! pouffa-t-il, avant de retrouver un semblant de sérieux, plus terre à terre. Il rigola encore un peu contre le bord de sa tasse, avant d'en boire une gorgée, la couverture oubliée le long de sa jambe. Non, en réalité, ce n'est que ma vision qui fut perturbée par votre manipulation. Désagréable expérience pour qui mise une grande partie de son existence sur ce sens ! Parbleu, si la faim était encore de mes problèmes, je me jetterai sans doute sur un bon rôtis après tout cela ! Il eut un soupir de soulagement. Et vous, qu'en avez-vous retenu, Enchanteresse, de ce contact ?"
Frédéric LaFleur
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Galatéa
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Ce regard précisément. C'était ce regard qu'attendait Galatéa. Ce moment, parfois très fugace, lors duquel un morceau de masque tombait après une expérience nouvelle et profonde. Intense et indéfinissable autrement qu'en la vivant. Les concepts et les ressentis qu'amenaient la magie n'étaient pas faciles à digérer. D'une façon ou d'une autre, elle demandait de se dévoiler. Pour Khaïr ça avait été une part des mutilations de son passé. Pour Neldris une soif de lâché prise qu'il ignorait lui-même. Chacun avait son propre chemin. Ses propres écueils. Dans son art, écouter sans juger, se taire et parler avaient la même importance. Peut-être était-ce pour ça que la magie rouge était un si bon tremplin vers l'enchantement. Peut-être seulement que la jeune femme était faite pour ça.

Face à ses yeux luisant, elle sourit rien qu'un peu, de nouveau sibylline et un brin taquine. Elle l'avait entendu. Vraiment entendu. Et elle avait des réponses qui n'allaient pas lui plaire. Mais elle ne se précipita pas sur la réponse et il éclata de rire.

-  Imaginez si j'avais décidé de me faire appeler Morgane. " railla-t-elle. Repoussant sa tasse bien plus loin. Elle poussa un peu la couverture pour s'étendre sur le côté, appuyée sur un coude, entre lui et la cheminée le temps qu'il termine. Un instant de réflexion, son regard d'encre se baladant dans les recoins obscures de la salle avec une moue exagérée avant de revenir à son hôte. Elle avait retenu plusieurs détails personnels qu'il n'avait certainement pas envie de l'entendre énoncer avec nonchalance.

- Principalement que vos perceptions sont d'une grande subtilité. Votre magie est légère et toute en nuance comme un rayon de lune à travers une toile d'araignée. Précise aussi, et pourtant encore très emmêlée. Il y a là un grand potentiel encore inexploité. Vous pourriez faire plus avec vos pouvoirs. Et vous êtes du genre têtu. " Elle rit à voix basse et se laissa aller sur le dos, un bras sous la tête et l'autre sur son ventre. Elle inspira profondément, les yeux vers le plafond. Pourtant, il pouvait être certain que c'était à lui qu'elle s'adressait. " C'est drôle de voir comme chaque maison hérite d'un certain type de personnes. Changer cette nature demanderait un prix que vous ne pouvez imaginer. A terme, vous perdriez tout ce qui fait de vous ce que vous êtes. Votre personnalité. Votre humanité. Votre apparence. Vos souvenirs. Votre longévité. Tout. Ce ne serait plus vous. Seulement une coquille basé sur ce que vous êtes aujourd'hui. Un être gauchit qui finirait surement par emporter des dizaines de personne dans la tombe. "

Elle aurait pu simplement ne rien dire. Mais si jamais un jour quelqu'un tentait de lui faire croire l'inverse... Ou s'il souhaitait réellement le faire. Les deux gouffres abyssaux qui avaient pris places dans les yeux de la sorcière se posèrent sur le spectre dans qu'elle ne bouge la tête. Ses pupilles invisibles léchaient chaque infime détail de l'expression. Dans un soupire à peine audible, elle ne réussit pas à s'empêcher d'ajouter comme on plante une graine de noirceur. " Mais c'est possible. " Car oui, la magie pouvait théoriquement aller jusque là.

Elle n'aurait pas du. Les murmures obscures qui susurraient à l'oreille de la sorcière espérait voir les cicatrices de ses mots pourrir sur le long terme jusqu'à ce qu'il fasse quelque chose de véritablement stupide et sans retour. Galatéa espérait surtout qu'il trouverait le prix trop cher payé et ne s'attarderait pas sur la question. Elle espérait qu'il serait plus intelligent que la plupart des gens lorsque cela touchait à quelque chose d'aussi intime que leur identité et qu'elle avait suffisament tempérer ce besoin pressent de le faire trébucher. Il fallait qu'elle passe à autre chose.

Un sourire félin se dessina pourtant sur ses traits et un petit éclat de rire changea l'atmosphère de la pièce. Il y avait bien une autre question qu'elle avait envie de poser. Elle tourna la tête vers lui.

- Mais c'est vrai que les spectres n'ont ni faim ni soif, aucun style d'appétit ?

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Frédéric LaFleur
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Aucune question, aussi innocente soit-elle, n'aurait pu distraire le spectre des révélations de la femme aux yeux d'encre. Tandis que le feu jetait des reflets ondoyants sur la robe rouge de la sorcière alanguie, l'écho de ses mots faisait son bout de chemin en l'esprit du spectre, avec le poids d'une richesse de possibilité difficilement concevable pour un inculte... Et le poids du danger qu'elle mit en avant. En l'instant, l'expérience de Frédéric comme les propos de Galatéa lui faisaient miroiter la vision des sorciers comme des façonneurs de magie, cette énergie mystique défiant la science du monde dont ils étaient issu. Défiant, ou prenant le relais, le LaFleur n'aurait su dire. En tout cas, il réalisait toujours plus qu'il n'avait pas la main sur le sujet. Rageant.

"Voilà... Qui est bon à savoir. dit-il après un temps. Quand bien même ce sont là des possibilités... Un vague souffle amusé. Je laisse à autrui le plaisir de se prêter au jeu des essais magiques modifiant la nature humaine. Le portail m'aura suffit, et je ne crois pas m'en tirer si mal. Une dernière gorgée, et il déposa la tasse, refroidissant, vide. Quand bien même vos explications me feraient presque regretter de ne pas être devenu sorcier."

Disant cela, il réalisa qu'en vérité, il ne serait pas contre l'idée d'observer et d'étudier les essais de quelqu'un d'autre. Ah, l'instinct de préservation... ! Avec un sourire secret pour lui-même, il observa un instant son invitée, se posant d'autres questions sans pour autant les poser, appréciant simplement l'instant. La présence pleine de mystères et de réponses en amenant d'autres, de la sorcière, comme le calme d'une fin de journée, et le confort d'être chez soi, à son aise... A un détail prêt. Ayant remis un peu de bois dans l'âtre, cherchant du regard, tenant sa couverture d'une main, Frédéric choisit finalement le plus évident : "Puis-je ?" Et, avec l'autorisation de la jeune femme, le spectre s'allongea sur son tapis, posant sa tête sur l'une des cuisses couverte du rouge de son tissu épais, chauffé par le corps qu'il enveloppait comme le feu, si près. A cela, Frédéric ajouta la couverture qu'il tira sur lui. Loin des appartements chauffés du monde technologique, l'austérité de la pierre et d'un feu de cheminée refroidissaient rapidement l'idiot au torse en partie nu.

"Il me faudra bien ce confort pour parler de cela. dit-il avec amusement. Après un temps, à savourer le confort de sa position, sa chevelure ruisselant contre la jambe de Galatéa, il reprit, doucement. J'en fus le premier surpris, à mon arrivée. Les premiers jours je cherchais bien à manger mais... Je me rendis rapidement compte que c'était davantage par habitude. Que mon esprit m'agitait encore sous le nez le souvenir de la faim et de la soif. Il m'est arrivé plus d'une fois de sauter un repas dans l'autre monde, occupé par autre chose. Le poids de mon ventre creux me rappelait à l'ordre peu après. Ici... Tout juste. J'y pensais plus que je ne ressentais, la faim. Alors, j'ai arrêté de me sustenter. Et je vais... Bien ? Un petit rire, désabusé. Cela n'a pas de sens, mais ici, l'expression "Vivre d'amour et d'eau fraîche" est une réalité viable. Pour les dryades, sans aucun doute. Pour moi-même aussi, à peu près. Rire devant l'inexplicable, il en était là. Oui, cela est complètement aberrant. Et vrai. Manger relève du divertissement culinaire plutôt que de l'impératif, pour moi."

Du coin de l'oeil, il nota que les symboles sur sa main s'effaçaient... Alors qu'il en étalait un peu partout sur le tissu, la régularité des motifs se perdant avec l'irrégularité des tâches apparaissant à chaque passage de sa mimine crasse. Calvaire ! Il questionnerait la sorcière sur son produit... Plus tard. Pour l'instant, il ne voulait pas penser à ce genre de désagrément.

"Quant au reste... Si vous avez une idée de comment traverser les murs sans tâter de leurs aspérités, je suis tout ouïe." souffla-t-il, en rêveur éveillé.
Frédéric LaFleur
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Galatéa
Maison de la Terre et du Sang


Pour une part déçue. Pour une part, soulagée. Galatéa sourit en l'entendant refuser, même pour le principe, l'idée de se prêter au jeu et d'essayer de changer sa nature. " Ne regrettez rien. Les sorciers que je connais sont ennuyeux. Des chevaliers ou des médecins. " lança-t-elle, l'air de rien. Pourtant, ce n'était que pure vérité. Étendue sur le tapis devant l'âtre, elle n'avait jamais connu un tel confort que depuis qu'elle était arrivée dans ce monde. Les couleurs, les odeurs, la douceur des tissus, la chaleur des cheminées et le moelleux des lits. A chaque fois, c'était un fragment de l'Eden à porté de main. L'ambiance cosy de cet atelier plein de tissus, le parfum des textiles et de la poussière, des teintures et la fine poussière de fil qui donnait à l'air une texture particulière. Elle s'étira sur le sol avec autant d'embarras qu'un chat heureux pendant qu'il ravivait le feu. Un bras au-dessus de sa tête, l'autre étendu au sol en direction des flammes. Elle avait peut-être trouvé une nouvelle cheminé auprès de laquelle elle se sentait agréablement bien.

- Je vous en prie. " Le fait même qu'il demande avant de s'affaler lui aurait fait pétiller les yeux de contentement s'ils n'avaient pas été incapables de scintiller pour quoi que ce soit. Le détail fini de la mettre à son aise, délassant quelque peu les tensions habituelles du jeu qu'elle imprimait avec les gens. Sans se dévisser le cou, pendant qu'il préparait sa niche, elle voyait surtout les vagues son pyjama flottant qui parvenait à la fois à être ridicule et particulièrement élégant. Elle sourit pour elle-même, l'observant bouger tout en le sentant s'installer. Le poids incongru de sa tête sur sa cuisse et ses légers mouvements. Pas désagréable. Rapidement une chaleur douce vint compléter celle des flammes là où il était collé à elle.

- Profitez tout votre saoul. Je ne savais pas qu'il était possible de faire des tapis aussi épais ici. " s'amusa-t-elle en retour. Elle l'écoutait, une main se tendant vers lui pour caresser le revers de son pyjama du bout des doigts pour ne pas le tâcher, curieuse de la texture. Sur ses mains, les motifs étaient intacts. " C'est le plus intéressant de toute façon. Manger pour survivre ça n'a rien de bien intéressant. Mais j'imagine que sans le besoin, ça ne doit pas exactement avoir le même goût. ça avait de quoi rendre pensif.

Elle relâcha le tissus et reposa la main au sol, le visage tourné vers les flammes mais les yeux clos pour les protéger de la morsure de la chaleur trop intense. Du bout du pied, elle se frotta la cheville opposée pour chasser une démangeaison passagère. Un léger rire dévoila ses dents blanches entre ses lèvres noires. Il n'avait même pas viré au graveleux alors qu'elle lui avait tendu une perche pour mieux le battre avec.

- J'aimerai bien vous donner un joker, mais c'est une question de travail. " Comme la plupart des choses. " Apprivoiser les émotions et les sensations de vos pouvoir et les renforcer pour mieux comprendre leur fondement et imaginer comment étendre ce que vous sentez déjà... " Elle releva la tête pour le regarder un instant. " Après je n'ai entendu que des rumeurs sur les pouvoirs supposés de chaque espèce alors je ne peux pas vous garantir ce que vous allez trouver. " Elle reposa la tête. " Chacun a ses bizarreries. Vous saviez que les Vampire ne ressentent aucun besoin de dormir ? Et les Sirènes ne peuvent quitter l'eau salée plus de quelques heures ? ... ça vous manque parfois ? De ressentir la faim ? "

Galatéa
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Frédéric LaFleur
Maison de la Flamme et de l'Ombre

"N'exagérons pas l'invitation, ou vous pourriez de nouveau avoir matière à me taper sur les doigts... s'amusa le spectre, au souvenir d'une dance mal accueillie. ...Quand bien même cela met en valeur une part de votre charme."

Et, en fripon content de se retrouver, finalement, la tête sur la cuisse de celle qui lui avait fait des remontrances, Frédéric rit de bon cœur, au souvenir de l'embarras de son invitée. Que voulez-vous, il trouvait que son audace lui réussissait bien.

"Enfin... Qu'est-ce que le goût sans l'appétit ? Un verre d'eau dans son bain ? Une étreinte sans désir ni plaisir, si ce n'est un vulgaire état physique, un contact sans attrait, une bouchée fade et superflue... Je mange, et perçois les goûts. Mais sans la faim pour me rendre leur souvenir lancinant... Ils ont perdu de leur saveur, je le crains. Rien de tel que le repas, aussi frugale soit-il, qui survient après une bonne fringale. Un bout de pain avec un peu de beurre, peut-être du jambon, et une pomme, devient un met de roi, pour le palais affamé. Sans le manque, qu'y a-t-il à combler, au final ?"

Et de manque, il en ressentait soudain, de l'évoquer ainsi. Quelque chose qu'il n'avait plus, qu'il se souvenait avoir savouré, et qui maintenant... N'existait plus. Sauf, dans son souvenir. Aux mystères des nouveaux êtres il prêta l'oreille, néanmoins distrait, un long soupir lui vidant le corps et l'âme. Du moins, avait-il le plaisir d'être au chaud, en bonne compagnie, sur quelques chairs douces qui lui distrayaient l'esprit par son verbe comme sa plénitude. Il eut presque voulu se lever pour regarder de nouveau le spectacle de la sorcière alanguie auprès du feu mais, ah... ! Il était très bien là où il était. L'imaginer lui convenait aussi. Au moins, le goût pour les corps, cet attrait là son être ne l'avait pas perdu.

"Ah oui, le manque de sommeil des Vampyres... Peut-être est-ce pour cela qu'ils sont particulièrement sensibles, ces gens-la, ha ! s'amusa-t-il. Il se devait de respecter le secret professionnel, mais... Quelques anecdotes ne pouvaient pas faire de mal, n'est-ce pas ? J'eus l'occasion d'avoir un Fae en consultation, qui eut la bonté que de jouer avec la lumière pour me donner une meilleure vision de ses plaies. Très pratique pour un travail de précision. Une autre fois, une sang-mêlée n'arrêtait pas de corriger les suppositions que je n'avais pas encore énoncé, tandis que je l'auscultais. Fascinante capacité, sans doute gênante à l'occasion mais... Quelle bénédiction pour qui apprécie se mêler des pensées des autres ! Et nous ne sommes ici que depuis peu encore, des anciens maîtrisant leur nature, nous n'en avons guère ! Comme c'est étrange que cet inconnu, après un monde où le moindre art, la moindre connaissance, la moindre compétence a déjà été développé et perfectionné encore et encore par d'autres... Fascinant, n'est-ce pas ?"

Et, avec un soupir songeur, il s'étira un peu. De son épaule, son pyjama glissa, et Frédéric tourna légèrement la tête et le remit en place... Se faisant, il avait une meilleure vue, du coin de l’œil, par delà un pan de rouge, sur l'angle d'une mâchoire détendue, et les yeux clos de la sorcière, pareille à un lézard goûtant en toute simplicité à la caresse de l'éclat chaleureux. A même le sol, dans un atelier étriqué... C'est un monde se simple plaisir. Et de cela, il ne savait encore s'il se réjouissait ou non.
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Galatéa
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Le sourire de Galatéa se fit plus prononcé et finalement, elle ne put s'empêcher de rire à l'explication du "repas frugale" que décrivait Frédéric. Soit la France était un pays bien plus riche et gourmet que le sien, soit il faisait parti d'une telle élite qu'il n'avait plus du tout la notion du monde commun. En tout cas le monde qu'elle avait connu.

- Oh Frédéric, vous avez tellement baigné dans le luxe. J'aurais aimé pouvoir manger ce petit repas frugal une fois dans ma vie d'avant ! " ne put-elle s'empêcher de le taquiner, sans en prendre ombrage pour autant. Il avait une telle façon d'en parler, de s'en amuser et de le regretter qu'elle ne pouvait pas lui en vouloir. Les regrets et les mauvais souvenirs ne semblaient pas avoir prise longtemps avec lui. A croire qu'il avait mis quelque chose dans son thé. Elle l'écoutait et souriait sincèrement. Entendre quelqu'un aussi enthousiasmé qu'elle par de petits détails incongrus, des nouveautés subtiles et d'incompréhensibles étrangetés n'arrivaient pas souvent. La main abandonnée près de lui, les symboles de son revers rendu un peu flou par le mouvement qu'elle venait de faire sur le tapis, elle soupira d'aise. " Plus que fascinant même. C'est exhaltant. Je pourrais passer des heures à vous entendre en parler. " Elle fronça finalement les sourcils. " Hmm... Vous voulez bien remonter un peu, vous me coupez la circulation... "

Une bien piètre réponse à ses souvenirs partagés mais elle n'allait tout de même pas bouder un moment aussi agréable. Lorsqu'il avait tempéré son invitation un peu plus tôt, elle lui avait lancé un regard taquin. Voilà qu'il la mettait en garde ? Il s'assagissait. S'il s'était éloingé maintenant, elle serait surement venu se pelottonner contre ses jambes à lui... Ce qui n'était pas vraiment une habitude la concernant. Mais comme un chat mis en confiance, elle profitait des caresses. Tout le contraire de ce qui avait eu lieu à son atelier deux jours plus tôt.

- J'ai aidé un vampire à trouver le sommeil pour quelques nuits, une fois. Et plusieurs à gérer leurs nouvelles émotions. J'ai permis à une chimère a pouvoir s'endormir une fois dans les bras de sa compagne contre l'abandon de tous ses pouvoirs pour trois jours. Et j'ai masquer les cicatrices de guerre d'un vétéran pour qu'il n'ait plus honte de son corps. " Elle gloussa et détourna le visage de l'âtre pour baisse les yeux sur le spectre. " Biensûr la plupart viennent me demander de petites choses mesquines ce qui est aussi particulièrement drôle. Faire tomber un amant infidèle amoureux de chauque plante verte qu'il voit ou donner une leçon à un macho en le poussant à vouloir rendre heureuse toutes les femmes qu'il croise sous peine de fondre en larme, ça a quelque chose d'assez excitant. Mais quand les gens sont au bord du gouffre, c'est aussi moi qu'ils viennent voir. Il n'y a pas de mot dans l'ancien monde pour décrire mon travail, mais je l'aime si vous saviez. La magie est capable de tant de choses, alors que je ne la travaille que depuis quoi ? six ? sept ans maintenant ? "

ça laissait rêvé à un monde tellement plus grand et plus intense que le terne betton terrestre. Plus chaleureux également. Comme maintenant. Une connivence qui se mettait en place. L'atelier immense qui leur laissait la place de s'étendre. Combien de babioles magiques auraient leur place dans un tel endroit d'ici quelques années ?

- Sur terre, j'étais malade. On me donnait vingt-cinq ans à vivre et tous les médecins m'ont toujours dit que je n'atteindrais pas trente ans. " Elle sourit comme une gamine, se redressant sur un coude pour le voir plus clairement sans le déloger.  " J'aurai trente ans dans un mois. Presque jour pour jour. Et des dizaines d'années derrière pour découvrir ce monde où tout est à faire. Comprendre ses lois, ses limites, ses failles. Les pouvoirs de chacun. Nous n'avons aucune idée d'à quoi ressemblera le monde, ne serait-ce que dans un an. Une telle perspective me donne le vertige quand j'y pense trop souvent.

Galatéa
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Frédéric LaFleur
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Que mangiez-vous alors ? eut envie de demander le LaFleur. Mais, heureusement pour la tranquille ambiance au coin du feu, il n'en fit rien, car il avait suffisamment d'idées de ce qu'elle pouvait avoir consommé, si cette 'simplicité'-la lui semblait si étrange. Ration transformées, peut-être ? De quoi se nourrir, mais sans plaisir. Ce n'était que l'une des nombreuses - et peu satisfaisante - solution d'alimentation pour le quidam d'un monde trop transformé. Un rappel du moment, où il déplaça bien volontiers sa tête, davantage dans le giron de Galatéa, et les anecdotes de cette dernière lui firent oublier le sujet.

"Voilà un métier qui permet d'en apprendre beaucoup sur ses concitoyens. s'amusa-t-il avec un regard de fausse innocence. 'Sorcière' le définit bien il me semble. Par magie, vous pouvez guérir comme maudire les indigents et les inconscients."

C'était à son tour d'apprécier les anecdotes de son invitée et, c'est bien installé, qu'il pouvait voir la figure aux yeux d'ombres s'animer de passion pour son métier. Sans mystère ni moue mutine, rien que le sourire sincère de la découverte, et l'appréciation d'un mode de vie épanouissant. Un souffle joyeux lui éclairait le visage et lui emplissait le torse d'un enthousiasme chaleureux. L'Enchanteresse aime les petites mesquineries comme les grandes questions. Du premier il avait pu en goûter l'ironie, songea-t-il, comme en attestait le miroir couvert dans la pièce.

A l'appréciation succéda la stupéfaction, alors que le mouvement de Galatéa attirait l'attention du spectre, et ses mires pâles s'écarquillèrent d'une certaine surprise. Elle était de ceux-la pour qui la clé n'avait pas représenté un simple 'passe' vers une nouvelle vie, mais littéralement la voie du salut, et de la survie. Une part de lui manqua s'échauffer - Quoi ? Comment ?! Un trépas si vite annoncé malgré les progrès de la science ?! Mais quels imbéciles avaient... - mais... La réalité qu'elle avait rapidement évoqué le tint coi. Tout simplement, très cruellement, elle n'y avait sans doute pas accès. Tous ne peuvent être sauver. Une vérité qu'avait suffisamment entendu le médecin, mais le dandy, lui... C'était autre chose que de le penser avec l'une des victimes collatérales face à lui.

Aussi, contrairement à ce qu'avait laissé présager son tempérament, il ne dit rien. Face à la joie de la sorcière, il fut victime d'un silence... Coupable. Ridicule, vraiment, il n'était pas responsable du monde tel qu'il était, mais le sentiment de gêne n'en était pas moins là. Soudainement, il se releva, délaissant la chaleur du contact, du feu et de la couverture, sa chemise de nuit encore en partie déboutonnée glissant sur son dos, barré de mèches sombres et libres. S'éloignant de la lumière, sans un regard pour Galatéa et son bonheur, il alla fouiller dans ses papiers, sur son bureau. Ses longues mains repoussaient avec agacement les feuilles, les carnets futiles, les carrés de tissus et les pelotes d'aiguilles égarées alors qu'il marmonnait contre le désordre, qui d'ordinaire ne le gênait pas pourtant. Mais en l'instant, il préférait ronchonner. Leur charmant moment manquait voler en éclat à cause d'un poids absurde sur son cœur. A quoi bon vraiment ? Quel intérêt ?

Trouvant enfin le nécessaire, le spectre se retourna vers son invitée, un sourire contrastant avec ses traits tirés, tandis qu'il brandissait carnet... Et fil.

"Une idée m'a saisi ! expliqua-t-il avec un enthousiasme nreveux. Puisque le destin vous a permis de faire fi de ce trépas absurde, et que la date anniversaire n'est pas loin... Pourquoi ne prendrais-je pas vos mesure ? Un clin d'oeil un peu plus vif, tout en agitant la main vers la lourde robe rouge qui avait ravi la sorcière. Celle-ci vous va très bien mais... Une robe sur mesure pour mettre en avant l'Enchanteresse Immortelle, ne serait-ce pas plus digne du sujet ?"

Une légère exagération... Les vivants heureux de l'être pouvaient se permettre ces petits excès.
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Galatéa
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- Je suis la sorcière du village oui. La vieille folle un peu étrange qui répare les holoplayers brisés et ramène les espoirs perdus.

Elle gloussa et acquiesça. Sorcière était un mot qui prenait bien des sens, perdus entre ce qu'il voulait dire dans l'ancien monde et la réalité du présent. Une femme qui avait vendue son âme au diable et corrompait les âmes pures. Une jeteuse de sort. Une femme sauvage et indépendante combattant pour la nature. Une membre du quartier sud. Une vieille chose jalouse de la jeunesse qui lançait de mauvais sorts dans les contes de fée. Une voisine bizarre qui résout les problèmes du village avec ses mixtures. Elle était un peu de tout ça à la fois et elle n'avait pas trouvé de meilleur titre, de meilleur mot, si ce n'était celui d'Enchanteresse pour ajouter cette maîtrise qu'elle était presque la seule à avoir dans toute la cité.

La petite fierté de son art, tout comme celle de son âge, elle n'en parlait que peu. Cela faisait tellement partie d'elle qu'elle n'y pensait pas vraiment. C'était toujours présent. La surprise de Frédéric, après la compréhension si simple des sujets précédents, en fut une également pour la jeune femme. Quoi ? Elle paraissait si jeune ? Ou si vieille ? Son âge avait-il de quoi être choquant ? Le vertige qu'elle avait révélé lui paraissait-il si puérile ? Elle soutint son regard, de plus en plus incertaine.

- Qu'est-ce qu'il y a ? "

Pour toute réponse, il se leva seulement, sans un regard de plus et elle se redressa, assise en le regardant s'éloigner sans comprendre. Il y avait un... quelque chose qu'elle ne sentait pas dans le regard qu'il lui avait lancé juste avant de se lever. Le tissus fluide glissa dans le dos du spectre, suggérant la forme d'un omoplate et le dégradé de sa peau halée entre ses mèches noires tout en gommant tout le reste de sa silhouette. Une fraction de seconde, elle crut qu'il filait droit vers la porte et se fit plus droite, son visage virant en quelque chose de bien plus inquisiteur et froid, un sourcil levé. Mais non. Avec humeur, il fouillait dans ses papiers, repoussait les piles et les pelotes sur la table.

Elle repoussa sa crinière défaite derrière son oreille et passa plusieurs fois les doigts dedans pour lui faire retrouver un peu d'ordre sur son épaule. Lâchée, elle cascadait jusqu'au sol. En se repliant sur le côté pour lui permettre de tenir droite, un genou et les marges de peau qui l'entouraient se dégagèrent des plis du long manteau, blanc sur rouge dans les flammes juste derrière elle.

- Peut-être voulez vous un peu d'aide ? " Le railla-t-elle, de nouveau une pointe de cynisme pour cacher la façon dont il l'avait désarçonnée.

Intérieurement elle se repassait les mots qu'elle avait prononcé -pour une fois - sans y penser à deux fois. Mais elle ne voyait toujours pas. Avait-il un passif qu'elle ignorait ? Un proche mort d'une façon similaire ou à un âge similaire ? Une expérience qui le mettait mal à l'aise à l'évocation d'une maladie chronique ? Il était médecin pourtant, il devait en avoir vu son lot. Enfin peut-être pas tant vu qu'il avait l'air passablement riche, mais tout de même. A moins que l'idée qu'à l'époque elle ait put être décharnée et difforme lui ait donné envie d'aller voir ailleurs s'il y était ?

Le carnet qu'il brandit ne la laissa que plus dans l'expectative. Tendu, fébrile, comme s'il était rempli d'un trop plein d'énergie dont il ne savait que faire, il n'y avait pas que l'excitation d'une nouvelle idée. Elle connaissait trop bien ce genre d'état pour se laisser...

- ... Pour moi ? " articula-t-elle sous le choc.

Un cadeau... Une robe. Spécialement pour elle... Le seul vêtement qui avait vraiment de la valeur pour elle était sa cape doublée de fourrure et elle lui avait été donnée en paiement d'un travail effectuée. Le reste était surtout fonctionnel, sans couleur, sans teinture. Robustes et confortables, proches des bures qu'elle mettait autrefois ou des robes qu'elle voyait les profanes porter en été. Mais quelle drôle d'idée de vouloir faire une robe à... elle. Enchanteresse immortelle... Pour rien ? Sans qu'elle demande. Un cadeau. Elle rougit et détourna les yeux vers le premier point d'intérêt qui se trouva être la théière abandonnée sur le sol.

- Vous en faites beaucoup. " souffla-t-elle en souriant tout bas, avant de se décider à le regarder à nouveau, les pommettes encore un peu roses. Le sourire félin se fit plus ouvertement caressant et vorace. " Mais j'aime que vous en fassiez beaucoup. "

Elle se releva, gérant assez bien l'ampleur du vêtement, habituée à porter des robes longues même pour des activités physiques et des promenades en pleine nature. Elle rayonnait.

- L'idée est très... " Elle ramassa la théière et les deux tasses pour les ramener vers la table et en profita pour se reprendre encore un peu plus. Son ton moins échevelé quoi que toujours aussi intense. " ... Très intrigante. Je n'ai fait appelle à une couturière amatrice qu'une fois pour me constituer mon actuel garde robe. Elle me fait des reprises et des retouches quand ils s'usent de trop, mais la longévité des tissus d'ici n'a rien à voir avec ce qu'on connaissait sur terre. Je n'ai craqué qu'une robe d'été. Elle me sert encore de chiffon pour mes outils. Mais j'ai tout de même une question, vous permettez ? " Elle passa derrière lui pour poser la porcelaine. " Pour prendre les mesures... "

Elle se glissa de nouveau vers l'âtre, face au feu et de toute évidence prête à coopérer. Lorsqu'elle jeta un regard par dessus son épaule pour accrocher celui de Frédéric, son expression taquine ne se cachait pas le moins du monde. " Devrais-je retirer le manteau ? " Le plaisir était dans le simple fait de poser la question. Une danse dont elle connaissait les pas, les refus et les acceptations. Heureuse comme une gamine à laquelle on venait d'offrir sa première barbapapa, elle ne pouvait s'empêcher de tirer la queue du chat. Elle voulait tout et ça ne changeait pas.

Galatéa
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Emporté, il n'avait pas prêté attention à la confusion de son invitée, encore moins à ses questions. En revanche il eut tout le loisir de voir l'effet de sa proposition. Et, en vérité, son propre trouble s'évanouit à la vue de celui de Galatéa. Après les attitudes suaves et les sourires sincères, c'était une figure de surprise suivi d'un empourprement digne d'une jouvencelle sensible. Bien sûr, son petit manège avec la théière ne suffit pas à cacher son émoi, et le LaFleur fut tout heureux de son effet, allégé par ce plaisir si simple, du plaisir de la proposition qui surprend et plaie, au plaisir du créateur qui anticipe d'avance bien d'autres joies, dont celle de la création comme de la réception de celles-ci. C'était là une petite 'magie' qui au moins, lui était accessible.

Avec un sourire de nouveau taquin, Frédéric attendit tranquillement qu'elle se fasse à l'idée. Tels de petits instants volés, il fut même amusé de la voir rapidement afficher à nouveau ses airs de séductrices. Trop tard, j'ai tout vu. Mais il n'en dit rien, le vilain. "La modestie n'est pas le moindre de mes charmes." A la manière d'une danseuse guidant son partenaire, elle l'avait ramené dans ce jeu, après un faux pas... Et le spectre l'y suivait bien volontiers. Après tout, qui s'encombrerait ainsi de désuètes culpabilités ?

Au tintement délicat de la porcelaine sur le bois, succéda un autre geste, un autre mouvement, et un autre ton. La sorcière revenait auprès du feu... Si nous étions élémentaires, nous pourrions nous y coucher. Et... Telle une bulle remontant à la surface, d'enthousiasme et d'émotion soudaine, ce fut au tour du spectre de prendre quelques couleurs. L'image lui étant venue, l'inspiration venant avec elle, et la tentatrice aux reflets flamboyants, un instant plutôt jeune fille fébrile, cela fut trop de charme tout à coup. D'amusement, d'appréciation et d'une once de gêne, le LaFleur rit, d'un rire feutré qui se voulait discret, à peine remarqué, faisant ondoyer les mèches sombres lui encadrant le visage. Pire... ! Lui faisant monter de petites larmes aux yeux. Ah ! C'était parfait, il avait besoin de cela après sa déconvenue !

Quelques instants furent nécessaire pour qu'il s'en remette... De nervosité, il n'y en avait plus. C'est à pas lents qu'il s'approcha de la dame au long vêtement, et c'est avec un petit claquement de langues faussement moqueur qu'un Frédéric au sourire fripon répondit :

"A l'austérité succède l'exubérance... ! Une robe adéquate marquera d'autant ceux qui viendront toquer à votre porte... ! Pour votre 30eme années, très chère... Vous méritez bien cela. Sa tapotant le menton de son carnet, son fil dans l'autre main, il ajouta avec une fausse désinvolture. Quant aux mesures... Je peux les prendre comme cela, ou avec moins de tissu pour en fausser les chiffres. Je saurai m'adapter. Donc... Un murmure, alors que le bleu de ses yeux ne perdait pas une miette du spectacle, à travers un rideau de cil. ...Cela sera fait selon votre bon plaisir."
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Un rire doux, à peine laissé éclaté mais qui était si bien monté aux yeux du spectre que l'homme en avait sentit les larmes montées. Galatéa s'était à demi retournée, amusée par sa réaction. Il avait un peu rosi non ? Si vite désarçonné par si peu de mots de sa part ? Faisait-il parti de ceux qui en disaient bien plus qu'ils ne faisaient ? Avec ses effets de manche aurait-ce été très étonnant ?

Il s'approcha enfin et elle se tourna doucement pour lui faire face, éparpillant sa propre chevelure blanche sur ses épaules et dans son dos. Mérité ? Elle ne savait pas si elle méritait grand chose mais l'idée lui plaisait autant que les compliments précieux du tailleur. Elle glissa les mains dans son dos, le laissant approcher autant qu'il le voulait sans s'approcher elle-même. Ses beaux yeux bleus semblaient plus intense ombragés par ses longs cils noirs, sa voix également, en baissant le volume. Elle soutint son regard. Le noir de ses lèvres laissa deviner quelques quenottes blanches lorsque son sourire gagna en intensité, avant de se refermer en un rictus malicieux et satisfait, pétillant d'un orgueil naïf. Selon son bon plaisir... Ce n'était pas si souvent.

- Dans ce cas, montrez-moi donc votre talent. " S'ils n'était pas déjà indécemment près d'elle au point qu'elle doive lever le nez pour lui parler dans les yeux, elle couvrir à petits pas la distance qui les séparait. Les bras toujours dans son dos, elle ne fit pas même mine de le toucher. " Prendre des mesures exacte sur un corps habillé avec un tissus si épais ne doit pas être si simple. Nous verrons à l'arrivée si vous avez besoin de corriger certaines d'entre elles pour arriver à la perfection.

Le visage délicat à une courte distance du sien, les yeux de la sorcière s'attardèrent sur les lèvres parfaitement dessinées du tailleur et remontèrent à ses yeux ourlées de longs cils. Les lignes franches de son visage étaient tout aussi élégantes vues de près. L'envie de l'embrasser lui brûlait les lèvres et lui chauffait le corps. Mais elle ne bougea pas, souriant toujours, mutine. La tension de l'instant la grisait. D'ordinaire, lorsqu'elle jouait ainsi avec un homme, elle savait très exactement jusqu'où elle voulait ou non aller et si elle voulait ou non en obtenir quelque chose. Quand elle avait envie, elle prenait. Quand la limite était atteinte, elle coupait net et s'en allait. Elle ne se répandait pas en discussion ou en sentiments. Ici et maintenant, les choses étaient peut-être un peu différentes. Elle n'avait pas envie d'avoir à couper net et cela changeait la définition même de la limite et leur précédente conversation avait plus de franchise qu'il n'y en avait en général entre elle et ses connaissances. " Alors ? par quoi commençons-nous ? "
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Frédéric LaFleur
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"Par un miroir." souffla Frédéric à l'audacieuse figure levée vers lui.

Se tenir si proche à se frôler s'il inclinait un tout petit peu la tête, ou s'il s'emplissait totalement du souffle qu'il retenait, juste ce qu'il faut pour respirer, sans pour autant s'étourdir d'une odeur de femme, de feu de bois et de plantes qu'il aurait été en peine de reconnaître... Repousser les limites de la décence, c'est cela ? Et le pauvre spectre en aurait bien ri s'il ne devait tenir la bride à ses envies, après s'être lui-même mit dans le pétrin. C'était une chose que de séduire une demoiselle que le moindre compliment faisait rose, empourprée et douce entre ses mains, c'en était une autre que de danser avec une sorcière jouant avec le feu. Mais... Lui aussi pouvait jouer à ce jeu-la.

Une petite inclinaison de la tête, de fines lignes noires glissant autour du visage de Galatéa... Alors que Frédéric faisait un pas sur le côté, abandonnant les mires noires où il s'était plongé tranquillement, pour mieux ramener le miroir  à pied, couvert, en question. Une main se porta vers le tissu mais, avec une hésitation, le LaFleur n'en tira qu'un coin, y jeta un regard, et retira finalement le tout, rassuré. "Je crois savoir à qui je dois quelques fous-rires à mon retour, hier soir." sourit-il à l'intéressée, avant de mettre aussi sec l'anecdote de côté. Car il avait à faire... Et cela, ironiquement, le tranquillisa, à la manière d'un acteur nerveux avant la scène, qui une fois dessus, acte, et ne s'interroge plus.

Dans le miroir jouaient les reflets dansants de sages flammes, flamboyants sur le flanc de la sorcière dans l'attente. Prenant tout son temps, le LaFleur revint vers elle, tournant autour d'elle sans la quitter des yeux, son mètre ruban à la main, le carnet posé plus loin. "Tenez-vous bien droite en regardant le miroir, je vous prie..." Avec le reflet, elle n'aurait aucun problème à suivre ses mouvements. "J'aurais besoin de votre tour d'épaule, de poitrine, de taille et de hanche... Si vous permettez ?"

C'est délicatement qu'il releva la chevelure pâle, la faisant glisser le long de la nuque offerte. Peut-être pouvait-elle sentir son souffle sur sa peau ? Le LaFleur s'amusait avec les limites imposées, la frôlant à peine, bien trop proche pour être ignorer, sans jamais tout-à-fait initier un contact. D'un geste ample le tailleur plaça le mètre autour des épaules vêtues de rouge, serrant un tout petit peu pour réduire légèrement la différence de taille avec la peau seule. "Expirez..." Dans le reflet, le spectre paraissait une ombre derrière la sorcière flamboyante, plus grand et pourtant ployant, ses cheveu jetant une ombre sur son visage concentré - et subtilement amusé -, manœuvrant précautionneusement autour d'elle comme si elle était une statue de marbre, dont il suivait les courbes sans jamais les toucher, les tâcher d'un contact superflu. Traîtresses, il y eut bien quelques mèches pour venir lui effleurer la nuque...

"Levez les bras... Juste un peu..." Tandis qu'il passait son outil autour de son torse, profitant de ses longs antérieurs pour garder une indicible distance. Ses mains disparurent dans son dos, et il serra délicatement... Répétant encore et encore ces figures, pour prendre les mesures de sa taille et de ses hanches, où il se fondait dans l'espace autour d'elle sans pour autant la toucher, dans une démonstration ridiculement complexe de contrôle de ses mouvements... Et de son humeur, comme le trahissait - peut-être - l'intensité de son regard, quand il se détachait de son outil pour rencontrer celui de la sorcière dans le miroir, et son souffle bien trop posé pour être naturel.

Puis, avec une lenteur presque cérémonielle, il s'écarta, et désigna un mur nu d'une invitation du bras. "Appuyez-vous contre le mur, s'il vous plait... Droite... Les bras le long du corps..." Y avait-il quelques rires cachés dans les yeux du spectre, au haut de nuit toujours glissant, de guingois sur son torse ? Soudain il ne fut plus une ombre derrière elle, mais une silhouette lui cachant en partie la lumière, lui-même à contre-jour. Tranquillement, il tendit le mètre en parallèle de la sorcière, prenant la mesure de sa stature, puis de la hauteur entre sa taille et ses hanches, et d'autres mesures encore... Finissant par celle allant de la taille de Galatéa à ses chevilles. Et pour celle-ci, le LaFleur se mit à genoux, levant un instant ses yeux vers celle qui pouvait, en cette instant, le regarder de haut, avec un énigmatique sourire, taquin, retenu. Si surprenamment petit, il se fit de nouveau grand avec l'insolence de ceux qui vous dépassent, pieds nus. Pour ajouter à son petit jeu, Frédéric se pencha tranquillement, évitant encore de la toucher, les mains dans le dos, amenant assez près son visage pour murmurer au creux de l'oreille de la sorcière : "Enchanteresse, il me faut vous avouer, je le crains... Délicatement, le feu crépitait. Dans ce calme velouté, il n'y avait bien que leurs deux souffles pour en troubler l'écho. ... Mes mesures, elles sont faussées." Et de longues secondes taquines s'étirèrent avec malice, laissant se faire deviner, les conséquences de pareille terrible révélation.
Frédéric LaFleur
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Galatéa
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Ce fut au tour de a sorcière de laisser échapper un petit rire de gorge, retenant sa main de venir couvrir ses lèvres. " Je plaide coupable. " Elle avait vu juste en faisant le tour de la pièce un peu plus tôt. Le drap était bien un vestige du souvenir qu'elle lui avait laissé en partant. Quelques fous rires n'étaient pas chers payés et elle était plutôt fière de cette petite trouvaille.

Elle le suivit du coin de l’œil alors qu'il se glissait derrière elle, mais la voix du professionnel la retint lorsqu'elle faillit se tourner pour le suivre. Droite face au miroir. Et quel miroir. Des comme ça, il n'y en avait pas deux-cent dans la ville. Si elle n'en avait pas un dans son atelier pour certains rituels - qui avait d'ailleurs fini par s’imbiber d'une magie étrange - elle aurait déjà passé un bon moment à s'émerveiller de l'objet en lui-même. Au lieu de ça, elle en apprécia le cadre mais se focalisa surtout sur le reflet presque à contre jour. Elle... était vraiment belle en portant ce manteau. Le rouge, peut-être dans la lumière sanguine du feu, lui allait bien au teint et ses cheveux tranchaient sur la couleur. C'était étrange... Elle ne se voyait jamais les cheveux lâchés. Son visage lui semblait différent sans trop savoir en quoi. Elle ne put éviter un petit pincement au coeur face aux deux grands yeux abyssaux. Une pensée pour ses iris chocolat qui auraient sans doute été rehaussées par une telle couleur. Mais l'heure n'était pas aux regrets, car il y avait aussi cette haute silhouette sombre derrière elle. Son négligé gommait un peu de la précision de son corps et de ses gestes mais l'attention de ses yeux ne quittait pas le travail de ses mains. Ces mêmes yeux d'un bleu vif qui ne se posèrent pas un instant sur le reflet.

- Allez-y. Je vous fait confiance. " La posture droite, prête a affronté le monde, son dos était raide et ses épaules tendues. Pas par la situation, seulement parce qu'elle était ainsi la grande majorité du temps. Il passa son mètre. Elle expira et prit conscience de la tension de ses épaules qui se relâchèrent. Son menton s'abaissa dans le même mouvement. Doucement.

Au fil de gestes, elle se faisait plus attentive à ce qui se passait autour d'elle qu'à ce qui se déroulait devant ses yeux. Les mouvements de ce grand corps penché sur elle se faisaient toile de fond. Alors elle n'aurait su dire si c'était les mouvements délicats du reflet de Frédéric ou la caresse involontaire qu'elle sentit sur sa nuque qui y tracèrent une discrète vague de chair de poule. Et toujours, le tailleurs n'avait pour l'instant pas jeté le moindre regard vers leurs images côte à côte.

- Vous n'aviez pas vraiment besoin d'un miroir, n'est-ce pas ? " s'amusa-t-elle en écartant légèrement les bras pour le laisser cheminer le long de son corps. Son sourire appréciateur était à présent irrépressible. Il était autour sans jamais la toucher. Toujours présent sans jamais réduire cette distance qui ne laissait que le ruban faire pression sur elle. Une fois. Deux fois. Trois fois. La pièce était devenue plus petite. Les ombres plus joueuses. Elle se prit à guetter l'instant ou sa grande main s'égarerait, l'effleurerait le temps de récupérer le ruban ou de dégager sa manche. A surveiller sa respiration pour qu'elle ne fasse pas d'écart, devenant au contraire de plus en plus profonde. A croiser son regard dans le reflet du miroir, durant quelques instants trop bref. Et lorsque ça avait lieu, elle avait la certitude qu'il savait très exactement où se trouvait chacun de ses doigts et où il aurait aimé les poser.

Une chaleur de plus en plus prononcée irradiait la peau de la sorcière lorsqu'elle se retrouva littéralement dos au mur sans qu'il ne l'ai touchée un instant. Le tissus épais qui couvrait son corps taisait les détails qui auraient pu être bien trop visibles à une si courte distance. Elle ne put s'empêcher de lever la tête, lorsqu'il mesura très exactement son mètre soixante-neuf et demi, suivant d'un regard la ligne de sa mâchoire vers celle de sa pommette. Elle suivit également sa descente. Elle ne s'attendait pas vraiment a voir un homme à genou devant elle un jour dans sa vie, mais cette vision faisait monter des fantaisies auxquelles elle ne s'attendait pas. Se rendant compte qu'elle se mordillait l'intérieur de la lèvre, elle déglutit et posa de nouveau son regard devant elle, juste au moment où il se redressa. Aucun répit.

Ses longs cheveux noirs caressèrent l'épaule de Galatéa lorsqu'il se pencha vers elle. Il jouait éhontément de leur différence de taille. Elle gardait un sourire mutin mais la fébrilité commençait à poindre. Les doigts de la sorcière la démangèrent à l'idée de se poser sur les arpents de peau brune que dévoilait ce négligé vagabond. " Qu'y a-t-il ? "

Ô Dieu qu'il savait ménager ses effets... Elle expira un rire, la paume de sa main s'appuyant contre le mur et ses doigts s'y pressant fermement. " Quel dommage. Le Maître tailleur est moins doué que je ne le pensais. " Sa respiration à fleur de peau ponctuait ses mots. Elle reposa la tête contre le mur derrière elle mais même ainsi, elle ne voyait pas ses maudits yeux. " Le baiser du vainqueur sera pour une autre fois alors ? " demanda-t-elle avec une pointe de déception un peu trop sincère dans la voix. " Vous ne pouvez pas avoir en même temps le rattrapage et le premier prix, ce ne serait pas juste... " Sans se décoller du mur, elle avait tourner légèrement la tête pour se rapprocher de sa tempe. Un souffle de plus et elle caressait la soie noire du bout du nez, percevant les senteurs de son corps après une journée de travail. Un battement de cil et elle touchait enfin sa peau. " ... Il faut choisir. " Plus que de ses yeux sur elle, elle avait envie de le goûter. Pourquoi ne venait-elle pas tout simplement caresser sa joue du bout des doigts et ses lèvres du bout de la langue ? L'envie la taraudait. Mais et lui ? Lui en avait-il suffisament envie pour laisser les boutons de son manteau en place et s'emparer simplement de ses lèvres ? Elle l'aurait même demander directement si elle avait osé. Cela représenterait-il une défaite ou une victoire à leur petit jeu ? Elle n'en avait pas la moindre idée.
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