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J'suis pas venu ici pour enfiler des perles ! [Mélusine]
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Affalé les deux coudes sur la table poisseuse, le coccyx maltraité par le tabouret branlant, je me surprends à regretter, pour la première fois depuis mon arrivée, il y a un mois environ, quelque chose de l’ancien monde : les coussins à mémoire de forme… Mon esprit dérive. D’une pensée à l’autre, sans lien logique, sans volonté assumée de forger la moindre réflexion utile. Ma voix intérieure se mêle à celles, bien plus tangibles, qui se réverbèrent sur les poutres massives qui soutiennent l’architecture moyenâgeuse de l’auberge. Un concert dissonant aux multiples tessitures, du grave rocailleux à l’aigu nasillard. Un magma sonore indéchiffrable, dont l’intensité varie gré du tapage ambiant : grincements des chaises, accolades bruyantes, rires graveleux, quintes de toux. Il me vient l’image d’une onde déchainée, en creux et en crêtes écumeuses. Et moi, sur une barque, au milieu… Je soupire. Comment une dizaine de personnes peuvent-elles faire un tel barouf ? Ce monde est bien plus… Vivant que le précédent. A tous les niveaux. L’excitation constante et simultanée des sens siphonne mon énergie vitale. Je suis vanné.
« Non, Cazymir… Non, non et non ! Y’a pas moyen ! » La supplique d’Erwin fend le brouhaha, pour happer mon attention anesthésiée. « Bordel, Fay ! Dit quelque chose ! » Je relève la tête, cligne des yeux. J’éructe un « Hein ? » pâteux. La réplique est instantanée, et cinglante :
« En fait t’écoute rien ? Ça fait cinq minutes que je me bats seule contre ce… » Je me racle la gorge et demande :
« Et c’est quoi le sujet ? Parce que si tu m’engueules, essaye au moins de me mettre dans le contexte… » Le troisième larron de notre trio dysfonctionnel, un colosse vampyre prénommé Cazymir bombe le torse, bras massifs croisés sur sa poitrine, la mine sombre. Il est vexé, aucun doute là-dessus. Il ouvre la bouche mais se fait aussitôt clouer le bec par la paume ouverte d’Erwin, à quelques centimètres seulement de son visage.
« Môsieur Cazy s’est mis en tête de baptiser notre bande… » Je hausse les épaules. Qu’est-ce que j’en ai à foutre… Si ça lui fait plaisir… « La team Newbie ! » Ils me fatiguent avec leurs expressions de geek oldshool. Mais parce que je suis pour la paix des ménages, je vais dans le sens de la Nécromancienne au corps d’homme dans la fleur de l’âge :
« Erwin a raison… D’un je ne sais même pas ce que ça veut dire. Et de deux, c’est complètement débile. On est juste trois… types que le hasard a réuni. Y’a pas de groupe, de team, d’équipe ou je ne sais quoi. On se retrouve ici pour décompresser un peu, et voilà… » S’ils continuent à se prendre le chou pour des conneries, je vais aller décompresser seul, et ailleurs. Ouais je les aime bien, mais bordel qu’ils m’agacent.
« Parce que tu crois que c’est le hasard toi ? » Et merde, je viens de le relancer sur ses théories complotiste en essayant d’étreindre l’incendie. « Tu ne crois pas qu’on a tous été choisi ? Que y’a aucun hasard là-dedans… » Erwin lève les yeux au ciel, avant de me gratifier un regard sombre qui signifie : pourquoi tu as dit ça ?! Par chance, la parfaite parade me saute à la gueule sans prévenir, au bon moment, et il me faut moins d’une fraction de seconde pour la décocher :
« T’as pas entrainement toi d’ailleurs ? » Cazy sursaute, regarde idiotement autour de lui comme s’il cherchait une horloge. Il a rejoint le rang des Veilleurs peu de temps après son arrivée sur Ozéna.
« Déjà ? Il est quelle heure ? » Je me pose continuellement la même question depuis un mois… Bordel, sur Terre on était tellement habitué à avoir un écran dans la poche, qu’on n’arrive plus à se repérer dans le temps sans artifices technologiques. J’esquisse un sourire moqueur :
« Attend, je vais te le dire… » Je lève la main, à plat… Et redresse bien droit, juste sous ses yeux, un bon gros majeur aussi insolant qu’insultant. Je reste ainsi quelques secondes, feignant d’observer son ombre projetée sur ma paume. « Désolé, y’a pas assez de lumière… Mon cadran solaire est en rade. » J’explose de rire. Erwin aussi. Cazy se relève bruyamment :
« Vous êtes qu’une bande de connards ! » Ses colères mémorables explosent aussi vite qu’elles se dissipent. Sous son air de monstre de conte se cache un agneau inoffensif. Il hésite à se rasseoir, mais le doute lui noue les entrailles. « Bordel… Je vais y aller, tant pis si je suis une heure en avance… » Contre toute attente, sa moue contrariée éveille une pointe de culpabilité en mon for intérieur. Je suis bien plus… Emotif qu’avant. J’ai du mal à m’y faire. « Bah le prend pas mal, tu sais que j’aime bien au fond. Si t’es en avance, t’as cas cogiter sur le nom de l’équipe, tu vas trouver un truc mieux j’suis sur… » Un éclair d’excitation illumine ses pupilles alors qu’il se précipite dehors, par la porte saloon. Je récolte un douloureux coup de coude dans le foie.
« Merde Fay ! Tu devrais pas l’encourager ! Il va nous pourrir la soirée avec ses idées foireuses… S’il propose les trois petits pédestres, je t’en colle une ! » Son sourire en coin trahit, encore une nébuleuse référence cinématographique.
« Si tu le dis… Tu sais bien que je pige rien à tes vieilles ref… Avant de te connaitre, je ne savais même pas qu’il restait encore des gens fans des vieux films et séries du vingt et unième siècle… »
« Mon dieu, toute une éducation à refaire. »
« Ouais, mais pas aujourd’hui. » Je me lève à mon tour. L’après-midi commence tout juste : l’astre diurne, très haut dans le ciel d’azur, entame lentement sa lente plongée vers la silhouette rectiligne des remparts d’Azamyr. « J’ai un truc à faire ! »
« Je croyais que c’était ton jour de repos ? Tu fais des extra pour la Guilde des Explorateurs ? »
« Non m’dame. J’ai réussi à avoir une entrevue notre chef ! »
« Davian ? Sérieux ? »
« Enfin, oui et non. Davian n’est pas dispo. C’est son bras droit qui va me recevoir. »
« Mélusine ? »
« C’est ça ! »
« Pourquoi ? » Elle est sacrément curieuse d’un coup.
« C'est pas tes oignons ! »
« Suce boules. »
« En plus il parait qu’elle est canon… » Je fais mine de me recoiffer. « Je ressemble à quoi ? »
« A un connard, comme toujours. »
« Héhé. Bon, je file, je ne veux pas être en retard… » Son regard assassin m’arrache un frisson alors que je quitte l’auberge attenante au quartier général de notre Maison.
Il ne me faut qu’une poignée de minutes pour rejoindre l’antichambre où l’on m’a demandé d’attendre patiemment. Dans la semi-pénombre, la décoration pourrait paraitre lugubre. Adieu les néons fluos allumés à toute heure du jour et de la nuit, au revoir l’électricité accessible d’une simple pression de l’index sur un interrupteur, ciao tous ces artifices technologiques qui nous a fait oublier pendant des millénaires ce que signifiait le cycle naturel du jour et de la nuit, celui des saisons. Les fenêtres, habillées de lourdes étoffes, peinent à illuminer les recoins anguleux formés par le mobilier en bois sombre et les bibelots divers et variés. Et à mesure que la luminosité déclinera les ombres s’épaissiront, jusqu’à prendre vie, à la lueur fluctuant de torches, des âtres et des bougeoirs.
Il y en a qui appellent ça l’ambiance cocooning. Moi je dis : une atmosphère oppressante… J’ai vu passer dans ma vie trop de murs nus et fissurés, de béton brut, gris et poussiéreux pour déjà me sentir à l’aise dans un tel cadre. Je ne goute ni n’apprécie réellement cette débauche de bois et de tissus. Même les plantes en pot me foutent mal à l’aise… J’ai l’impression que leurs pistils m’observent, qu’ils me suivent du regard. J’inspire rapidement, expirent lentement. Plusieurs fois. Je ne m’attends pas à ressentir pareille tension. Mon cœur bat bien trop vite. Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre de cette entrevue, mais mon instinct la juge déjà déterminante… Pour le reste ma seconde vie.
En attendant de savoir si j’ai fait le bon choix de demander frontalement un entretien, je patiente sur un canapé confortable, habillés de coussins rembourrés de laines et de plumes arrachées à des bestioles dont j’ai déjà mangé les noms d’espèces. J’ai la sensation déprimante qu’il me faudra plus d’une vie pour apprendre à vivre celle-ci… Et lorsque la lourde double porte s’ouvre, je me redresse, raide comme un piquet, bras proches du corps, et lance un trop solennel :
« Bonjour, madame ! »
« Non, Cazymir… Non, non et non ! Y’a pas moyen ! » La supplique d’Erwin fend le brouhaha, pour happer mon attention anesthésiée. « Bordel, Fay ! Dit quelque chose ! » Je relève la tête, cligne des yeux. J’éructe un « Hein ? » pâteux. La réplique est instantanée, et cinglante :
« En fait t’écoute rien ? Ça fait cinq minutes que je me bats seule contre ce… » Je me racle la gorge et demande :
« Et c’est quoi le sujet ? Parce que si tu m’engueules, essaye au moins de me mettre dans le contexte… » Le troisième larron de notre trio dysfonctionnel, un colosse vampyre prénommé Cazymir bombe le torse, bras massifs croisés sur sa poitrine, la mine sombre. Il est vexé, aucun doute là-dessus. Il ouvre la bouche mais se fait aussitôt clouer le bec par la paume ouverte d’Erwin, à quelques centimètres seulement de son visage.
« Môsieur Cazy s’est mis en tête de baptiser notre bande… » Je hausse les épaules. Qu’est-ce que j’en ai à foutre… Si ça lui fait plaisir… « La team Newbie ! » Ils me fatiguent avec leurs expressions de geek oldshool. Mais parce que je suis pour la paix des ménages, je vais dans le sens de la Nécromancienne au corps d’homme dans la fleur de l’âge :
« Erwin a raison… D’un je ne sais même pas ce que ça veut dire. Et de deux, c’est complètement débile. On est juste trois… types que le hasard a réuni. Y’a pas de groupe, de team, d’équipe ou je ne sais quoi. On se retrouve ici pour décompresser un peu, et voilà… » S’ils continuent à se prendre le chou pour des conneries, je vais aller décompresser seul, et ailleurs. Ouais je les aime bien, mais bordel qu’ils m’agacent.
« Parce que tu crois que c’est le hasard toi ? » Et merde, je viens de le relancer sur ses théories complotiste en essayant d’étreindre l’incendie. « Tu ne crois pas qu’on a tous été choisi ? Que y’a aucun hasard là-dedans… » Erwin lève les yeux au ciel, avant de me gratifier un regard sombre qui signifie : pourquoi tu as dit ça ?! Par chance, la parfaite parade me saute à la gueule sans prévenir, au bon moment, et il me faut moins d’une fraction de seconde pour la décocher :
« T’as pas entrainement toi d’ailleurs ? » Cazy sursaute, regarde idiotement autour de lui comme s’il cherchait une horloge. Il a rejoint le rang des Veilleurs peu de temps après son arrivée sur Ozéna.
« Déjà ? Il est quelle heure ? » Je me pose continuellement la même question depuis un mois… Bordel, sur Terre on était tellement habitué à avoir un écran dans la poche, qu’on n’arrive plus à se repérer dans le temps sans artifices technologiques. J’esquisse un sourire moqueur :
« Attend, je vais te le dire… » Je lève la main, à plat… Et redresse bien droit, juste sous ses yeux, un bon gros majeur aussi insolant qu’insultant. Je reste ainsi quelques secondes, feignant d’observer son ombre projetée sur ma paume. « Désolé, y’a pas assez de lumière… Mon cadran solaire est en rade. » J’explose de rire. Erwin aussi. Cazy se relève bruyamment :
« Vous êtes qu’une bande de connards ! » Ses colères mémorables explosent aussi vite qu’elles se dissipent. Sous son air de monstre de conte se cache un agneau inoffensif. Il hésite à se rasseoir, mais le doute lui noue les entrailles. « Bordel… Je vais y aller, tant pis si je suis une heure en avance… » Contre toute attente, sa moue contrariée éveille une pointe de culpabilité en mon for intérieur. Je suis bien plus… Emotif qu’avant. J’ai du mal à m’y faire. « Bah le prend pas mal, tu sais que j’aime bien au fond. Si t’es en avance, t’as cas cogiter sur le nom de l’équipe, tu vas trouver un truc mieux j’suis sur… » Un éclair d’excitation illumine ses pupilles alors qu’il se précipite dehors, par la porte saloon. Je récolte un douloureux coup de coude dans le foie.
« Merde Fay ! Tu devrais pas l’encourager ! Il va nous pourrir la soirée avec ses idées foireuses… S’il propose les trois petits pédestres, je t’en colle une ! » Son sourire en coin trahit, encore une nébuleuse référence cinématographique.
« Si tu le dis… Tu sais bien que je pige rien à tes vieilles ref… Avant de te connaitre, je ne savais même pas qu’il restait encore des gens fans des vieux films et séries du vingt et unième siècle… »
« Mon dieu, toute une éducation à refaire. »
« Ouais, mais pas aujourd’hui. » Je me lève à mon tour. L’après-midi commence tout juste : l’astre diurne, très haut dans le ciel d’azur, entame lentement sa lente plongée vers la silhouette rectiligne des remparts d’Azamyr. « J’ai un truc à faire ! »
« Je croyais que c’était ton jour de repos ? Tu fais des extra pour la Guilde des Explorateurs ? »
« Non m’dame. J’ai réussi à avoir une entrevue notre chef ! »
« Davian ? Sérieux ? »
« Enfin, oui et non. Davian n’est pas dispo. C’est son bras droit qui va me recevoir. »
« Mélusine ? »
« C’est ça ! »
« Pourquoi ? » Elle est sacrément curieuse d’un coup.
« C'est pas tes oignons ! »
« Suce boules. »
« En plus il parait qu’elle est canon… » Je fais mine de me recoiffer. « Je ressemble à quoi ? »
« A un connard, comme toujours. »
« Héhé. Bon, je file, je ne veux pas être en retard… » Son regard assassin m’arrache un frisson alors que je quitte l’auberge attenante au quartier général de notre Maison.
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Il ne me faut qu’une poignée de minutes pour rejoindre l’antichambre où l’on m’a demandé d’attendre patiemment. Dans la semi-pénombre, la décoration pourrait paraitre lugubre. Adieu les néons fluos allumés à toute heure du jour et de la nuit, au revoir l’électricité accessible d’une simple pression de l’index sur un interrupteur, ciao tous ces artifices technologiques qui nous a fait oublier pendant des millénaires ce que signifiait le cycle naturel du jour et de la nuit, celui des saisons. Les fenêtres, habillées de lourdes étoffes, peinent à illuminer les recoins anguleux formés par le mobilier en bois sombre et les bibelots divers et variés. Et à mesure que la luminosité déclinera les ombres s’épaissiront, jusqu’à prendre vie, à la lueur fluctuant de torches, des âtres et des bougeoirs.
Il y en a qui appellent ça l’ambiance cocooning. Moi je dis : une atmosphère oppressante… J’ai vu passer dans ma vie trop de murs nus et fissurés, de béton brut, gris et poussiéreux pour déjà me sentir à l’aise dans un tel cadre. Je ne goute ni n’apprécie réellement cette débauche de bois et de tissus. Même les plantes en pot me foutent mal à l’aise… J’ai l’impression que leurs pistils m’observent, qu’ils me suivent du regard. J’inspire rapidement, expirent lentement. Plusieurs fois. Je ne m’attends pas à ressentir pareille tension. Mon cœur bat bien trop vite. Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre de cette entrevue, mais mon instinct la juge déjà déterminante… Pour le reste ma seconde vie.
En attendant de savoir si j’ai fait le bon choix de demander frontalement un entretien, je patiente sur un canapé confortable, habillés de coussins rembourrés de laines et de plumes arrachées à des bestioles dont j’ai déjà mangé les noms d’espèces. J’ai la sensation déprimante qu’il me faudra plus d’une vie pour apprendre à vivre celle-ci… Et lorsque la lourde double porte s’ouvre, je me redresse, raide comme un piquet, bras proches du corps, et lance un trop solennel :
« Bonjour, madame ! »
Mélusine
Bras droit du Dirigeant
Tic... tac... tic... tac... « Tu ne trouves pas cette situation étrange, Mélusine ? ». La vampyre releva à peine les yeux de son bureau, le nez enfoui dans des parchemins qui n'en finissaient plus, à croire que les corvées administratives s'étaient données comme mission de la suivre au bout du monde. Ses doigts couraient sur les lignes qu'elle devinait rédigées à la va-vite par les prêtres, un énième compte rendu des dernières arrivées, des traversées du portail dont elle n'avait cure s'ils ne concernaient pas sa propre maison. Les noms se suivaient sans se ressembler, les jours se mélangeaient, et ce fut le souffle de son dirigeant dans sa nuque qui la fit sursauter. Elle se retourna sur sa chaise, les sourcils froncés, une mine renfrognée plaquée sur le visage, comme un chat qu'on venait de tirer de son sommeil. « Tu ne m'as pas répondu. ». Un soupir s'échappa de ses lèvres rosées, sa main glissant sur son front pour plaquer une mèche rebelle derrière une des cornes de son serre-tête. « Je ne sais pas quoi te répondre. J'ai besoin d'un peu d'air. ».
Elle poussa sur ses coudes, quittant sa chaise sur laquelle elle était vissée depuis plusieurs heures et prit le temps de s'étirer longuement, sa silhouette brisant la faible lumière qui traversait le bureau du dirigeant. Davian la connaissait assez pour savoir où il devait s'arrêter et que pousser son bras droit dans ses retranchements ne lui rendrait point service. Il haussa vaguement les épaules, s'affalant dans son fauteuil d'un air las. « Les geôles. Aujourd'hui, avant qu'on ne te regarde plus de travers qu'avant. ». Il opina du chef silencieusement et alors que la vampyre franchissait enfin l'embrasure de la porte, il leva la voix. « N'oublie pas ton entrev… » . De dos, Mélusine leva un bout de parchemin qu'elle tenait entre ses doigts, sur lequel on pouvait distinguer un médiocre emploi du temps, aussi précis qu'il pouvait l'être sans horloge. Elle n'oubliait rien, un comble pour une vampyre, et ce paradoxe fit rire doucement Davian alors que la porte se refermait derrière elle.
D'un pas rapide, ses talons claquant contre le plancher, Mélusine avançait dans le dédale de couloirs qui la menaient jusqu'à son propre bureau. Volontairement éloigné de celui de son dirigeant par souci de sécurité, elle y passait le plus clair de son temps. Si les longues discussions au coin du feu n'enchantaient pas la vampyre, elle se réconfortait en se rappelant qu'il s'agissait d'un des siens, aussi nouveau soit-il. À sa disposition, elle n'avait que peu d'informations. Une arrivée récente, un faucheur ayant jeté son dévolu sur la guilde des explorateurs comme tant le faisaient après leur traversée du portail. Mélusine comprenait cette folie des grandeurs, elle la ressentait aussi, cependant, elle l'enfermait entre les remparts d'Azamyr. Quelques minutes seulement passèrent dans un silence de plomb avant que le frottement des chaussures d'un inconnu dans l'antichambre ne la sorte de sa torpeur. Elle se redressa, s'approchant de la porte avec lenteur, prenant une grande inspiration qu'elle expira doucement. Ses doigts dansaient sur la poignée dans une hésitation qui ne lui ressemblait guère, et elle secoua la tête pour s'en débarrasser, poussant sur la double porte pour l'ouvrir. À l'instant où elle posa ses yeux rouges sur la silhouette raide du faucheur, elle entendit sa voix résonner dans sa tête, lui arrachant une esquisse de sourire.
De toute évidence, il respirait la nervosité, et dans une démarche emplie de délicatesse, elle réduisit la distance qui les séparait pour lui tendre la main. « Bonjour… Fayad, si je ne me trompe pas. Vous pouvez m'appeler Mélusine, je vous en prie. ». Elle ne put retenir un petit rire. « Vous me vieillissez en m'appelant madame. ». D'un démon froid en dehors des murs épais du QG de sa maison, la vampyre devenait un ange de tendresse lorsqu'un membre de son foyer se trouvait en face d'elle. Elle s'arrêta quelques secondes pour jauger le faucheur, sa chevelure noire dans un désordre ordonné, sa peau pâle qui lui ferait presque concurrence et la fumée pailletée s'échappant de ses pieds. Elle n'était pas tombée sur le portrait le plus désagréable à croquer, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle tut cette pensée qu'elle jugea inutile avant de poursuivre sur sa lancée. « Suivez-moi, allons-nous asseoir. ». Mélusine pivota sur ses talons, s'engouffrant dans son bureau à la décoration sobre, si l'on retirait les nombreux livres ouverts, certains traînant au beau milieu du tapis qui prenait bientôt toute la pièce. Elle alla s'asseoir, poussant dans la direction du faucheur un petit ramequin rempli de petites baies de paleberge. « Servez-vous. Celles-ci sont sucrées, mais je ne vous garantis pas de ne pas tomber sur une vilaine qui pourrait être trop acide. ». Elle rassembla les parchemins éparpillés sur son bureau, les rangeant dans une pile plus ou moins alignée, avant de reporter son attention sur son attraction du jour. « Je suis navrée que Davian n'ait pas pu vous recevoir. Mais dites-moi, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? ». Silencieusement, la vampyre espérait que Fayad n'était pas dans ses bureaux pour lui annoncer une nouvelle catastrophique. Elle serra le poing sous la table, attrapant de sa main libre une des baies qu'elle venait de proposer. La petite bête n'allait pas manger la grosse…
Elle poussa sur ses coudes, quittant sa chaise sur laquelle elle était vissée depuis plusieurs heures et prit le temps de s'étirer longuement, sa silhouette brisant la faible lumière qui traversait le bureau du dirigeant. Davian la connaissait assez pour savoir où il devait s'arrêter et que pousser son bras droit dans ses retranchements ne lui rendrait point service. Il haussa vaguement les épaules, s'affalant dans son fauteuil d'un air las. « Les geôles. Aujourd'hui, avant qu'on ne te regarde plus de travers qu'avant. ». Il opina du chef silencieusement et alors que la vampyre franchissait enfin l'embrasure de la porte, il leva la voix. « N'oublie pas ton entrev… » . De dos, Mélusine leva un bout de parchemin qu'elle tenait entre ses doigts, sur lequel on pouvait distinguer un médiocre emploi du temps, aussi précis qu'il pouvait l'être sans horloge. Elle n'oubliait rien, un comble pour une vampyre, et ce paradoxe fit rire doucement Davian alors que la porte se refermait derrière elle.
D'un pas rapide, ses talons claquant contre le plancher, Mélusine avançait dans le dédale de couloirs qui la menaient jusqu'à son propre bureau. Volontairement éloigné de celui de son dirigeant par souci de sécurité, elle y passait le plus clair de son temps. Si les longues discussions au coin du feu n'enchantaient pas la vampyre, elle se réconfortait en se rappelant qu'il s'agissait d'un des siens, aussi nouveau soit-il. À sa disposition, elle n'avait que peu d'informations. Une arrivée récente, un faucheur ayant jeté son dévolu sur la guilde des explorateurs comme tant le faisaient après leur traversée du portail. Mélusine comprenait cette folie des grandeurs, elle la ressentait aussi, cependant, elle l'enfermait entre les remparts d'Azamyr. Quelques minutes seulement passèrent dans un silence de plomb avant que le frottement des chaussures d'un inconnu dans l'antichambre ne la sorte de sa torpeur. Elle se redressa, s'approchant de la porte avec lenteur, prenant une grande inspiration qu'elle expira doucement. Ses doigts dansaient sur la poignée dans une hésitation qui ne lui ressemblait guère, et elle secoua la tête pour s'en débarrasser, poussant sur la double porte pour l'ouvrir. À l'instant où elle posa ses yeux rouges sur la silhouette raide du faucheur, elle entendit sa voix résonner dans sa tête, lui arrachant une esquisse de sourire.
De toute évidence, il respirait la nervosité, et dans une démarche emplie de délicatesse, elle réduisit la distance qui les séparait pour lui tendre la main. « Bonjour… Fayad, si je ne me trompe pas. Vous pouvez m'appeler Mélusine, je vous en prie. ». Elle ne put retenir un petit rire. « Vous me vieillissez en m'appelant madame. ». D'un démon froid en dehors des murs épais du QG de sa maison, la vampyre devenait un ange de tendresse lorsqu'un membre de son foyer se trouvait en face d'elle. Elle s'arrêta quelques secondes pour jauger le faucheur, sa chevelure noire dans un désordre ordonné, sa peau pâle qui lui ferait presque concurrence et la fumée pailletée s'échappant de ses pieds. Elle n'était pas tombée sur le portrait le plus désagréable à croquer, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle tut cette pensée qu'elle jugea inutile avant de poursuivre sur sa lancée. « Suivez-moi, allons-nous asseoir. ». Mélusine pivota sur ses talons, s'engouffrant dans son bureau à la décoration sobre, si l'on retirait les nombreux livres ouverts, certains traînant au beau milieu du tapis qui prenait bientôt toute la pièce. Elle alla s'asseoir, poussant dans la direction du faucheur un petit ramequin rempli de petites baies de paleberge. « Servez-vous. Celles-ci sont sucrées, mais je ne vous garantis pas de ne pas tomber sur une vilaine qui pourrait être trop acide. ». Elle rassembla les parchemins éparpillés sur son bureau, les rangeant dans une pile plus ou moins alignée, avant de reporter son attention sur son attraction du jour. « Je suis navrée que Davian n'ait pas pu vous recevoir. Mais dites-moi, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? ». Silencieusement, la vampyre espérait que Fayad n'était pas dans ses bureaux pour lui annoncer une nouvelle catastrophique. Elle serra le poing sous la table, attrapant de sa main libre une des baies qu'elle venait de proposer. La petite bête n'allait pas manger la grosse…
FT Fayad
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Je tends la main pour arrêter le ramequin. Il achève se glissade, chuintement de la porcelaine sur le bois lustré, dans ma paume. Son contenu émoustille mes papilles. Des baies rondouillardes, rouge sang, dont la peau fragile menace de céder sous la pression du jus sucré. Il s’en dégage une très subtile odeur acidulée. La curiosité me pousse à y plonger les doigts. Déjà l’écume humecte ma langue. Mais d’une profonde inspiration je chasse cette pulsion. Pour le moment. Chaque chose en son temps : le devoir avant le plaisir, comme on disait jadis, sur Terre.
« Merci de me recevoir, mada… » Raclement de gorge. « Mélusine. » L’appeler par son prénom m’arrache un rictus gêné. Je n’ai pas l’habitude de m’adresser à mes supérieurs hiérarchiques avec une telle familiarité. Déformation professionnelle oblige. Le malaise est fugace, aussitôt oublié. Le chaos ambiant, que je présume trompeur, car parfaitement organisé, invite à la décontraction. Les livres éparpillés à même le sol, les parchemins étalés sur le bureau : tout cela tend à rendre l'entrevue presque... Informelle. Je lève une paume conciliante. « Il n’est pas nécessaire de s’excuser. J’imagine que vos emplois du temps sont très chargés. Qu’il y a une multitude de choses à faire pour faire tourner la Maison, et la ville. Alors je ne vais pas vous faire perdre inutilement du temps. » Des paroles sincères. Depuis que j’arpente les rues sinueuses d’Azamyr, je me prends progressivement conscience de tous les sacrifices consentis par les premiers colons, et leurs successeurs, pour que ce projet soit une réussite. J’inspire profondément. Une poignée de seconde de répit, pour recomposer mes pensées. Une respiration dont je profite pour observer, également, mon interlocutrice, maintenant que sa silhouette baigne dans la lumière chaude qui traverse les hautes fenêtres de son bureau. La Vampyre en profite pour chaparder l’une des baies. Un signe de nervosité ? Serait-il possible qu’elle redoute l’objet de ma demande ? Non, j’en doute. C’est peut-être un signe d’ennuis…
« Voilà » Putain, difficile de faire pire comme introduction. « Ça fait un peu plus d’un mois que je suis arrivé. J’ai rejoint la Guilde des Explorateurs. Recrue… » J’imagine qu’elle s’en fou de ma vie. Alors j’enchaine. « Je me donne à fond. Aux entrainements. Je compte bien gravir les échelons… Mais je sens que je pourrais déjà faire plus. » Exposé ainsi, on pourrait croire que je tente de lui extorquer un coup de pouce, du piston, pour progresser plus rapidement dans la Guilde. Mais ce n’est pas ça ! Je décide de lâcher ce que j’ai dans la tête, même s’il est probable que mes mots manqueront de tact :
« Azamyr. Franchement, c’est le pied ici. Cadre de vie nickel : pas de pollution, nourriture saine, activités physiques. Ça pourrait être le paradis s’il n’y avait pas toutes ces créatures sauvages de l’autre coté des remparts. Si l’on ne risquait pas de crever d’une indigestion, ou d’un empoisonnement, dès que l’on touche à un machin inconnu. » Je me laisse glisser sur le dossier de la chaise. Maintenant que le flot abrupt s’échappe de ma gorge, j’ai retrouvé mon assurance. « Mais voilà. On va dire que je suis plutôt quelqu’un de sceptique. Pessimiste même. Mon Mentor, Eve, m’a appris tout ce qu’elle pouvait… Mais plus les jours passent, plus j’ai la sensation tout ce qu’on voit n’est qu’un vernis, et qu’il ne faudrait pas gratter très longtemps pour voir apparaitre ce qui se dissimule derrière.
Si j’ai décidé de passer ce portail, c’est parce que je crois aux secondes chances. Mais pas aux contes de fées. Plus de nouvelles âmes arriveront, plus il sera difficile de maintenir le statu quo, entre les orgueils, entre les guildes concurrentes, entre les maisons. Déjà que sur Terre nous étions tous les mêmes… Alors je n’imagine pas les conflits potentiels ici, avec tant de… Diversité. C’est ma conviction… » Bordel, j’ai vraiment lâché ça la tronche du bras droit du grand chef, sans préliminaire ? C’est quitte ou double. Soit j’ai fait mouche, soit j’ai été trop loin. Et comme je ne suis pas du genre à faire les choses à moitié, j’enfonce le clou :
« Je ne suis pas ici pour enfiler des perles ! » J’écarte les bras, comme pour montrer le bureau, l’édifice. « Je veux en être ! je veux faire partie intégrante de cette Maison. M’investir. Bosser pour vous. Pour être du bon coté lorsque la situation dérapera, un jour ou l’autre…
Ce que vous pouvez faire pour moi ? C’est simple : Testez ma loyauté. Demandez-moi n’importe quoi, je vous la prouverai. »
Comment sauter à pieds joints dans le tourbillon sifflant du Destin ? Bah faire exactement ce que je viens de faire. Je devrais en faire un tuto… La vie m’a appris une chose : les timorés ne survivent pas. Il faut choisir son camp. Quel qu’il soit. Et se battre avec jusqu’au bout, même si l’on a fait le mauvais choix. C’est probablement cet état d’esprit qui a ruiné mes deux mariages… Mais je suis trop vieux pour changer de braquet.
Je plonge enfin la main dans le ramequin. Mon regard glisse sur Mélusine. Chevelure d’ébène, teint d’albâtre. Une silhouette fine, mais je perçois derrière cette poupée de cire une attitude prédatrice, féline. J’ai appris sur Ozéna, bien plus que sur Terre, qu’il faut se méfier des apparences. Ce qui est certain, c’est qu’elle n’est pas arrivée à un tel niveau de responsabilité par la seule force de son sourire, ou grâce à l’harmonie de ses courbes. Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort, car dessous se dissimulent les lises mortelles. Va-t-elle saisir ma main tendue, ou la mordre jusqu’à me l’arracher ?
On va vite le savoir.
« Merci de me recevoir, mada… » Raclement de gorge. « Mélusine. » L’appeler par son prénom m’arrache un rictus gêné. Je n’ai pas l’habitude de m’adresser à mes supérieurs hiérarchiques avec une telle familiarité. Déformation professionnelle oblige. Le malaise est fugace, aussitôt oublié. Le chaos ambiant, que je présume trompeur, car parfaitement organisé, invite à la décontraction. Les livres éparpillés à même le sol, les parchemins étalés sur le bureau : tout cela tend à rendre l'entrevue presque... Informelle. Je lève une paume conciliante. « Il n’est pas nécessaire de s’excuser. J’imagine que vos emplois du temps sont très chargés. Qu’il y a une multitude de choses à faire pour faire tourner la Maison, et la ville. Alors je ne vais pas vous faire perdre inutilement du temps. » Des paroles sincères. Depuis que j’arpente les rues sinueuses d’Azamyr, je me prends progressivement conscience de tous les sacrifices consentis par les premiers colons, et leurs successeurs, pour que ce projet soit une réussite. J’inspire profondément. Une poignée de seconde de répit, pour recomposer mes pensées. Une respiration dont je profite pour observer, également, mon interlocutrice, maintenant que sa silhouette baigne dans la lumière chaude qui traverse les hautes fenêtres de son bureau. La Vampyre en profite pour chaparder l’une des baies. Un signe de nervosité ? Serait-il possible qu’elle redoute l’objet de ma demande ? Non, j’en doute. C’est peut-être un signe d’ennuis…
« Voilà » Putain, difficile de faire pire comme introduction. « Ça fait un peu plus d’un mois que je suis arrivé. J’ai rejoint la Guilde des Explorateurs. Recrue… » J’imagine qu’elle s’en fou de ma vie. Alors j’enchaine. « Je me donne à fond. Aux entrainements. Je compte bien gravir les échelons… Mais je sens que je pourrais déjà faire plus. » Exposé ainsi, on pourrait croire que je tente de lui extorquer un coup de pouce, du piston, pour progresser plus rapidement dans la Guilde. Mais ce n’est pas ça ! Je décide de lâcher ce que j’ai dans la tête, même s’il est probable que mes mots manqueront de tact :
« Azamyr. Franchement, c’est le pied ici. Cadre de vie nickel : pas de pollution, nourriture saine, activités physiques. Ça pourrait être le paradis s’il n’y avait pas toutes ces créatures sauvages de l’autre coté des remparts. Si l’on ne risquait pas de crever d’une indigestion, ou d’un empoisonnement, dès que l’on touche à un machin inconnu. » Je me laisse glisser sur le dossier de la chaise. Maintenant que le flot abrupt s’échappe de ma gorge, j’ai retrouvé mon assurance. « Mais voilà. On va dire que je suis plutôt quelqu’un de sceptique. Pessimiste même. Mon Mentor, Eve, m’a appris tout ce qu’elle pouvait… Mais plus les jours passent, plus j’ai la sensation tout ce qu’on voit n’est qu’un vernis, et qu’il ne faudrait pas gratter très longtemps pour voir apparaitre ce qui se dissimule derrière.
Si j’ai décidé de passer ce portail, c’est parce que je crois aux secondes chances. Mais pas aux contes de fées. Plus de nouvelles âmes arriveront, plus il sera difficile de maintenir le statu quo, entre les orgueils, entre les guildes concurrentes, entre les maisons. Déjà que sur Terre nous étions tous les mêmes… Alors je n’imagine pas les conflits potentiels ici, avec tant de… Diversité. C’est ma conviction… » Bordel, j’ai vraiment lâché ça la tronche du bras droit du grand chef, sans préliminaire ? C’est quitte ou double. Soit j’ai fait mouche, soit j’ai été trop loin. Et comme je ne suis pas du genre à faire les choses à moitié, j’enfonce le clou :
« Je ne suis pas ici pour enfiler des perles ! » J’écarte les bras, comme pour montrer le bureau, l’édifice. « Je veux en être ! je veux faire partie intégrante de cette Maison. M’investir. Bosser pour vous. Pour être du bon coté lorsque la situation dérapera, un jour ou l’autre…
Ce que vous pouvez faire pour moi ? C’est simple : Testez ma loyauté. Demandez-moi n’importe quoi, je vous la prouverai. »
Comment sauter à pieds joints dans le tourbillon sifflant du Destin ? Bah faire exactement ce que je viens de faire. Je devrais en faire un tuto… La vie m’a appris une chose : les timorés ne survivent pas. Il faut choisir son camp. Quel qu’il soit. Et se battre avec jusqu’au bout, même si l’on a fait le mauvais choix. C’est probablement cet état d’esprit qui a ruiné mes deux mariages… Mais je suis trop vieux pour changer de braquet.
Je plonge enfin la main dans le ramequin. Mon regard glisse sur Mélusine. Chevelure d’ébène, teint d’albâtre. Une silhouette fine, mais je perçois derrière cette poupée de cire une attitude prédatrice, féline. J’ai appris sur Ozéna, bien plus que sur Terre, qu’il faut se méfier des apparences. Ce qui est certain, c’est qu’elle n’est pas arrivée à un tel niveau de responsabilité par la seule force de son sourire, ou grâce à l’harmonie de ses courbes. Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort, car dessous se dissimulent les lises mortelles. Va-t-elle saisir ma main tendue, ou la mordre jusqu’à me l’arracher ?
On va vite le savoir.
Mélusine
Bras droit du Dirigeant
Les jambes croisées sur son fauteuil, une baie roulant entre ses doigts fins, Mélusine restait muette. Son regard dévalait la silhouette du faucheur, autant curieux que perplexe, cherchant à déceler une émotion qu'il s'acharnait à enfouir. Nerveux, Fayad l'était, jusqu'à dire qu'il pouvait l'être, il n'y avait qu'un pas. En dehors de ces murs, la vampyre ne s'embarrassait guère de faux sourires hypocrites ou de tendresse, encore moins de considération envers ceux qui ne le méritaient pas. Il ne lui fallait que quelques instants pour jauger un individu, pour le ranger dans une case de laquelle il mettrait des mois, des années à sortir, tout du moins s'il essayait. Mélusine croyait en son instinct plus qu'en sa raison, et si son intuition l'incitait à faire preuve de méfiance, elle ne tenterait pas le diable en s'y opposant. Une esquisse de sourire naquit sur ses traits alors que son invité s'évertuait sur un emploi du temps dont il ne connaissait ni la teneur ni les enjeux, allant des simples entrevues comme celles-ci aux réunions du Conseil dont la seule pensée arrivait à lui donner la nausée. Les sujets l'intéressaient, les personnes avec qui elle devait échanger pour arriver à ses fins, beaucoup moins, et elle ne s'en cachait pas. Alors que le discours s'étiole, elle se contente d'opiner du chef, ponctuant les pauses du faucheur par des inspirations lentes, l'invitant à poursuivre sans jamais l'interrompre.
Le parcours de Fayad l'impressionnait et ce n'était pas peu dire ; un mois seulement et il crapahutait derrière les remparts. Fou à lier ou terriblement courageux, elle n'osa pas tout de suite faire ce pari avec elle-même, il finirait bien par lui donner la réponse. Elle se souvenait de sa propre arrivée, de sa recherche insensée, de cette blessure béante qui peinait encore à se refermer. Mélusine détestait penser au passé, aussi les perspectives que le faucheur soulevait, la sortirent de ses songes aisément. Ses paroles s'accéléraient, sa posture se redressait, moins raide et bientôt, Fayad prit possession de l'espace, se donnant une grandeur qui arracha un soupir de satisfaction à la vampyre. Ils étaient nombreux, à se bousculer dans son bureau à la recherche d'une voie qu'elle pourrait leur offrir, un chemin tout tracé qu'ils se contenteraient d'emprunter. Mélusine ne possédait que les clefs de sa propre réussite, et elle ne partageait pas même le butin avec Davian, cependant il aurait été mentir qu'un tel déferlement de loyauté la laissait indifférente. Sa poitrine la chatouilla, ses épaules se détendirent et son sourire se fit plus franc. « Vous avez survécu à notre chère Eve, mes félicitations. J'ai moi-même été son mentor, à son arrivée. Vous avez été entre de bonnes mains. ». Sa jeune protégée dansait entre ange et démon, inconsciente des dangers qu'elle bravait, parfois étrangement éclairée sur des sujets qu'elle n'avait pourtant jamais étudiés. Un mystère que tous n'osaient pas braver, elle la première avait eu plus de difficultés qu'elle ne l'aurait imaginé à dompter la demoiselle.
Elle marqua un silence d'une dizaine de secondes avant qu'un soupir ne franchisse ses lèvres. « Vous avez raison. ». Un constat simple, que tous ignoraient par facilité ou par stupidité. « Je ne parlerais pas de pessimisme vous concernant, mais de réalisme. La Terre a été, un jour que ni vous ni moi n'avons connu, un havre de paix comme celui-ci. Nous savons tous deux comment l'histoire s'est terminée. ». Le Conseil ne l'entendait pas de cette oreille. « L'idée de collaboration éternelle est un beau mirage. Il est plus facile de se bercer d'illusion que de faire face à la réalité, mais je ne vous apprends rien. ». Qu'il était agréable de ne pas perdre son temps en explications, d'être comprise en un claquement de doigts. « Vous venez d'arriver, Fayad. Si vos convictions sont aussi fortes que vous le clamez, alors votre loyauté se prouvera d'elle-même. ». Il en voulait plus. Elle le savait, elle l'entendait rugir, mais le lion ne pourrait trouver sa proie, pas tout de suite. « La paix dont nous profitons aujourd'hui doit être chérie, car il n'existe pas de meilleur moment pour préparer la guerre. ».
Un soupçon d'égo et d'amertume au fond de la voix, Mélusine fit glisser ses bras sur ses accoudoirs, la tête légèrement penchée sur le côté, sa chevelure noire dansant dans le vide. « Diviser pour mieux régner est une maxime qui plaît particulièrement à notre dirigeant. Nous n'avons nullement l'intention de prolonger ce… ». Elle s'arrêta, tentant de masquer le dégoût qui transpirait derrière sa phrase. « Mélange de civilisations. Les Maisons ont toutes un but différent, elles ne pourront coopérer éternellement. ». La vampyre contourna son bureau dans une démarche lascive, réduisant la distance qui les séparait autant par stratégie que par pur caprice. « Le nôtre est simple. S'arrêter à Azamyr est une hérésie, aussi grande soit-elle. Un simple quartier ne suffit pas, ne suffira plus si les arrivées suivent la tendance de ces dernières années. Nous avons besoin de notre propre ville. Adaptée à notre Maison, à nos races, à nos besoins si différents des autres. Il est temps d'aspirer à des standards plus hauts. ». Elle poussa sur ses chevilles, s'asseyant sur le bord du bureau, un parchemin glissant sous ses doigts pour finir sa route sur le tapis. Son regard écarlate se planta dans celui qu'elle voyait déjà comme un futur atout. « Vous êtes explorateur, vous dites. Alors… explorez, et ce que vous trouverez, ne le partagez avec personne d'autre que nous. En toute discrétion, bien entendu. Je peux compter sur vous, Fayad ? ». Son nom claqua sur sa langue dans un reste d'accent grec et son marché se solda par une main tendue. Elle lui demandait de faire faux bond à la guilde qu'il venait de rejoindre, de cacher des informations pouvant s'avérer cruciales à l'essor de la ville par pur égoïsme, par orgueil, par nécessité. Qu'y avait-il de plus doux comme trahison que l'omission ?
Le parcours de Fayad l'impressionnait et ce n'était pas peu dire ; un mois seulement et il crapahutait derrière les remparts. Fou à lier ou terriblement courageux, elle n'osa pas tout de suite faire ce pari avec elle-même, il finirait bien par lui donner la réponse. Elle se souvenait de sa propre arrivée, de sa recherche insensée, de cette blessure béante qui peinait encore à se refermer. Mélusine détestait penser au passé, aussi les perspectives que le faucheur soulevait, la sortirent de ses songes aisément. Ses paroles s'accéléraient, sa posture se redressait, moins raide et bientôt, Fayad prit possession de l'espace, se donnant une grandeur qui arracha un soupir de satisfaction à la vampyre. Ils étaient nombreux, à se bousculer dans son bureau à la recherche d'une voie qu'elle pourrait leur offrir, un chemin tout tracé qu'ils se contenteraient d'emprunter. Mélusine ne possédait que les clefs de sa propre réussite, et elle ne partageait pas même le butin avec Davian, cependant il aurait été mentir qu'un tel déferlement de loyauté la laissait indifférente. Sa poitrine la chatouilla, ses épaules se détendirent et son sourire se fit plus franc. « Vous avez survécu à notre chère Eve, mes félicitations. J'ai moi-même été son mentor, à son arrivée. Vous avez été entre de bonnes mains. ». Sa jeune protégée dansait entre ange et démon, inconsciente des dangers qu'elle bravait, parfois étrangement éclairée sur des sujets qu'elle n'avait pourtant jamais étudiés. Un mystère que tous n'osaient pas braver, elle la première avait eu plus de difficultés qu'elle ne l'aurait imaginé à dompter la demoiselle.
Elle marqua un silence d'une dizaine de secondes avant qu'un soupir ne franchisse ses lèvres. « Vous avez raison. ». Un constat simple, que tous ignoraient par facilité ou par stupidité. « Je ne parlerais pas de pessimisme vous concernant, mais de réalisme. La Terre a été, un jour que ni vous ni moi n'avons connu, un havre de paix comme celui-ci. Nous savons tous deux comment l'histoire s'est terminée. ». Le Conseil ne l'entendait pas de cette oreille. « L'idée de collaboration éternelle est un beau mirage. Il est plus facile de se bercer d'illusion que de faire face à la réalité, mais je ne vous apprends rien. ». Qu'il était agréable de ne pas perdre son temps en explications, d'être comprise en un claquement de doigts. « Vous venez d'arriver, Fayad. Si vos convictions sont aussi fortes que vous le clamez, alors votre loyauté se prouvera d'elle-même. ». Il en voulait plus. Elle le savait, elle l'entendait rugir, mais le lion ne pourrait trouver sa proie, pas tout de suite. « La paix dont nous profitons aujourd'hui doit être chérie, car il n'existe pas de meilleur moment pour préparer la guerre. ».
Un soupçon d'égo et d'amertume au fond de la voix, Mélusine fit glisser ses bras sur ses accoudoirs, la tête légèrement penchée sur le côté, sa chevelure noire dansant dans le vide. « Diviser pour mieux régner est une maxime qui plaît particulièrement à notre dirigeant. Nous n'avons nullement l'intention de prolonger ce… ». Elle s'arrêta, tentant de masquer le dégoût qui transpirait derrière sa phrase. « Mélange de civilisations. Les Maisons ont toutes un but différent, elles ne pourront coopérer éternellement. ». La vampyre contourna son bureau dans une démarche lascive, réduisant la distance qui les séparait autant par stratégie que par pur caprice. « Le nôtre est simple. S'arrêter à Azamyr est une hérésie, aussi grande soit-elle. Un simple quartier ne suffit pas, ne suffira plus si les arrivées suivent la tendance de ces dernières années. Nous avons besoin de notre propre ville. Adaptée à notre Maison, à nos races, à nos besoins si différents des autres. Il est temps d'aspirer à des standards plus hauts. ». Elle poussa sur ses chevilles, s'asseyant sur le bord du bureau, un parchemin glissant sous ses doigts pour finir sa route sur le tapis. Son regard écarlate se planta dans celui qu'elle voyait déjà comme un futur atout. « Vous êtes explorateur, vous dites. Alors… explorez, et ce que vous trouverez, ne le partagez avec personne d'autre que nous. En toute discrétion, bien entendu. Je peux compter sur vous, Fayad ? ». Son nom claqua sur sa langue dans un reste d'accent grec et son marché se solda par une main tendue. Elle lui demandait de faire faux bond à la guilde qu'il venait de rejoindre, de cacher des informations pouvant s'avérer cruciales à l'essor de la ville par pur égoïsme, par orgueil, par nécessité. Qu'y avait-il de plus doux comme trahison que l'omission ?
FT Fayad
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre
Les actes plutôt que les mots
La maxime fétiche de mon ancien instructeur, démineur émérite, me revient en mémoire. Elle tonne si fort que j’en perds presque le fil de la conversation. J’inspire profondément, et me laisse choir au fond du siège confortable. L’accueil souple des coussins délasse mon échine crispée par l’inquiétude. Ce n’est pas de la peur, pas au sens animal du terme. Plutôt la crainte d’avoir été trop direct, de finir au ban d’une société en devenir, d’avoir re-gâché ma vie.
Les actes plutôt que les mots. Voilà ce que j’entends, en substance, entre les phrases de celle qui peut se targuer d’être l’une des personnes les plus influente de la ville refuge. Ce n’est pas en ouvrant plus mon bec que j’obtiendrai plus de pain. La récompense dépendra de mes actions, pour la Maison, avec le temps. J’opine du chef, la fixant droit dans les yeux, au risque qu’elle utilise son sournois pouvoir sur moi. Qu’importe. La loyauté est parsemée d’acte de foi. Ou de démonstrations tyranniques. Les leaders manipulent les foules en excitant les espoirs, ou en entretenant les peurs.
La tension quitte lentement mes articulations. J’expire. Les propos de Mélusine confirment mes observations, mes intuitions. J’ai vu juste. L’utopie dans lequel nous nous vautrons n’est qu’une illusion seulement entretenue par manque d’opportunités. Mais tout cela ne durera qu’un temps. Un jour ou l’autre, l’une des maisons disposera des effectifs et des ressources pour asseoir son autorité sur les autres. Telle est la nature humaine. Les mutations qui criblent nos ADN n’y changent rien. Le portail n’a pas fait de nous des gens plus altruistes. Je touche du doigt l’objectif que je me suis fixé, à mon éveil. Une seconde chance. De devenir quelqu’un de plus important, d’avoir un impact sur le monde. De ne pas être une âme parmi tant d’autres : quelconque, insignifiante, interchangeable. Lorsque je ferai ma prochaine crise de la quarantaine, Enos seul sait quand, je veux pouvoir regarder par-dessus mon épaule, et être fier du chemin parcouru. Il vaut mieux regretter d’avoir osé, que de ne pas avoir essayé.
« Aahh... Eve… » Lorsque Mélusine achève son laïus, qu’elle m’autorise silencieusement à m’exprimer, je décide de rebondir sur le sujet le plus léger, pour nous laisser le temps de digérer tout ce qui vient d’être énoncer. Une boule d’excitation noue mes entrailles. J’ai la conviction d’avoir fait le bon choix, cette fois. « Un phénomène unique… Il ne vaut mieux pas se fier à son apparente naïveté. Au risque d’être dévoré tout cru. » Je ricane. « En tout cas, si je suis ici aujourd’hui c’est bien grâce à elle. Elle m’a mis dans le droit chemin, m’a ouvert l’esprit. Je n’aurais pas été capable de m’intégrer aussi vite sans ses conseils, sans son regard de glace braqué sur mon échine. » J’ai toujours l’impression qu’elle m’observe, d’une manière ou d’une autre, lorsque je dois prendre d’importantes décisions. Que dirait Eve aujourd’hui de ma prestation ? Elle me sauterait dans les bras, avant de me passer un savon, pour mes hésitations. Il est temps de revenir à nos spitmons. Au sujet qui fâche :
« Vous me demandez donc de noyauter la Guilde, pour servir les intérêts de notre Maison ? » Question rhétorique. La part la plus servile de mon être veut hurler oui. Mais celle plus retorse se demande s’il ne s’agit pas d’un piège. D’un test. Mon cœur s’emballe.
« Désolé... Mais je suis dans l’obligation de refuser. » Bordel, j’ai vraiment dit ça ? Merde alors ! Je doute que Melusine soit le genre de femme à qui l’on peut dire non, sur un coup de tête. J’enchaine rapidement, pour me justifier : « Si j’acceptais de trahir la Guilde aussi facilement… Que penseriez-vous de la valeur de ma loyauté ? » Traite un jour, traitre toujours. « Non. Je suis quelqu’un de fidèle. Aujourd’hui autant à la Guilde qu’à notre Maison. » J’évolue sur une corde lisse et lubrifiée, au-dessus d’un précipice. « Je ne crois que les Explorateurs représentent une menace, ou une entrave, pour nos plans à courts ou moyens termes. Un jour, il est certain, je devrai faire un choix. Je devrai trahir l’une ou l’autre. Mais ce jour-là, j’aurais prouvé ma valeur. Alors la trahison sera justifiée. Pas comme aujourd’hui. Et alors mes actes auront prouvé que vous pouvez me faire pleinement confiance. » Mon sourire s’étire. Un tantinet fébrile. Mon insolence payera-t-elle ? Instinctivement je me referme, en croisant les bras sur ma poitrine. Peut-être qu’à cet instant, je la teste autant qu’elle me juge. Seule cette idée empêche mon assurance de façade de voler en miles éclats acérés.
La maxime fétiche de mon ancien instructeur, démineur émérite, me revient en mémoire. Elle tonne si fort que j’en perds presque le fil de la conversation. J’inspire profondément, et me laisse choir au fond du siège confortable. L’accueil souple des coussins délasse mon échine crispée par l’inquiétude. Ce n’est pas de la peur, pas au sens animal du terme. Plutôt la crainte d’avoir été trop direct, de finir au ban d’une société en devenir, d’avoir re-gâché ma vie.
Les actes plutôt que les mots. Voilà ce que j’entends, en substance, entre les phrases de celle qui peut se targuer d’être l’une des personnes les plus influente de la ville refuge. Ce n’est pas en ouvrant plus mon bec que j’obtiendrai plus de pain. La récompense dépendra de mes actions, pour la Maison, avec le temps. J’opine du chef, la fixant droit dans les yeux, au risque qu’elle utilise son sournois pouvoir sur moi. Qu’importe. La loyauté est parsemée d’acte de foi. Ou de démonstrations tyranniques. Les leaders manipulent les foules en excitant les espoirs, ou en entretenant les peurs.
La tension quitte lentement mes articulations. J’expire. Les propos de Mélusine confirment mes observations, mes intuitions. J’ai vu juste. L’utopie dans lequel nous nous vautrons n’est qu’une illusion seulement entretenue par manque d’opportunités. Mais tout cela ne durera qu’un temps. Un jour ou l’autre, l’une des maisons disposera des effectifs et des ressources pour asseoir son autorité sur les autres. Telle est la nature humaine. Les mutations qui criblent nos ADN n’y changent rien. Le portail n’a pas fait de nous des gens plus altruistes. Je touche du doigt l’objectif que je me suis fixé, à mon éveil. Une seconde chance. De devenir quelqu’un de plus important, d’avoir un impact sur le monde. De ne pas être une âme parmi tant d’autres : quelconque, insignifiante, interchangeable. Lorsque je ferai ma prochaine crise de la quarantaine, Enos seul sait quand, je veux pouvoir regarder par-dessus mon épaule, et être fier du chemin parcouru. Il vaut mieux regretter d’avoir osé, que de ne pas avoir essayé.
« Aahh... Eve… » Lorsque Mélusine achève son laïus, qu’elle m’autorise silencieusement à m’exprimer, je décide de rebondir sur le sujet le plus léger, pour nous laisser le temps de digérer tout ce qui vient d’être énoncer. Une boule d’excitation noue mes entrailles. J’ai la conviction d’avoir fait le bon choix, cette fois. « Un phénomène unique… Il ne vaut mieux pas se fier à son apparente naïveté. Au risque d’être dévoré tout cru. » Je ricane. « En tout cas, si je suis ici aujourd’hui c’est bien grâce à elle. Elle m’a mis dans le droit chemin, m’a ouvert l’esprit. Je n’aurais pas été capable de m’intégrer aussi vite sans ses conseils, sans son regard de glace braqué sur mon échine. » J’ai toujours l’impression qu’elle m’observe, d’une manière ou d’une autre, lorsque je dois prendre d’importantes décisions. Que dirait Eve aujourd’hui de ma prestation ? Elle me sauterait dans les bras, avant de me passer un savon, pour mes hésitations. Il est temps de revenir à nos spitmons. Au sujet qui fâche :
« Vous me demandez donc de noyauter la Guilde, pour servir les intérêts de notre Maison ? » Question rhétorique. La part la plus servile de mon être veut hurler oui. Mais celle plus retorse se demande s’il ne s’agit pas d’un piège. D’un test. Mon cœur s’emballe.
« Désolé... Mais je suis dans l’obligation de refuser. » Bordel, j’ai vraiment dit ça ? Merde alors ! Je doute que Melusine soit le genre de femme à qui l’on peut dire non, sur un coup de tête. J’enchaine rapidement, pour me justifier : « Si j’acceptais de trahir la Guilde aussi facilement… Que penseriez-vous de la valeur de ma loyauté ? » Traite un jour, traitre toujours. « Non. Je suis quelqu’un de fidèle. Aujourd’hui autant à la Guilde qu’à notre Maison. » J’évolue sur une corde lisse et lubrifiée, au-dessus d’un précipice. « Je ne crois que les Explorateurs représentent une menace, ou une entrave, pour nos plans à courts ou moyens termes. Un jour, il est certain, je devrai faire un choix. Je devrai trahir l’une ou l’autre. Mais ce jour-là, j’aurais prouvé ma valeur. Alors la trahison sera justifiée. Pas comme aujourd’hui. Et alors mes actes auront prouvé que vous pouvez me faire pleinement confiance. » Mon sourire s’étire. Un tantinet fébrile. Mon insolence payera-t-elle ? Instinctivement je me referme, en croisant les bras sur ma poitrine. Peut-être qu’à cet instant, je la teste autant qu’elle me juge. Seule cette idée empêche mon assurance de façade de voler en miles éclats acérés.
Mélusine
Bras droit du Dirigeant
Dans le droit chemin… Mélusine était parfaitement incapable d'imaginer Eve orienter qui que ce soit autre part que dans un mur. Oh, elle appréciait sa congénère, sans doute plus que de raison, cependant elle ne la voyait pas plus grandie que le jour où elle était allée la cueillir au Temple d'Ekaris. Tempétueuse, la jeune fille lui avait donné du fil à retordre et il y avait fort à parier que ses turbulences ne s'arrêteraient pas de sitôt, entre sa langue bien pendue et sa tendance à toquer à chaque porte tant que le danger ne s'abat pas sur elle. Distraite, la main de la vampyre jouait avec une mèche de sa chevelure noir corbeau, les yeux rivés dans ceux de l'explorateur qui essayait de faire ses preuves sur des paroles, sur du vent. Sur des promesses qui ne valaient rien. Mélusine avait été trahie à de maintes reprises, autant sur Terre qu'à Ozéna. Sa confiance n'était que rarement accordée, et il aurait été mentir de dire qu'elle ne s'attendait pas perpétuellement à ce qu'un couteau s'enfonce dans son dos. Par précaution, par folie peut-être, la vampyre frappait toujours la première et dans le regard du faucheur, elle ne lisait qu'une volonté immuable de trouver sa place. Un sentiment qu'elle connaissait mieux qu'elle n'oserait l'admettre, qui la ramenait des années en arrière et qui lui arracha un minuscule sourire, une petite ridule apparaissant sur sa joue gauche tandis que ses canines se dévoilaient à peine.
Son refus ne fit pas tiquer la jeune femme qui, loin d'être naïve, écoutait les paroles de Fayad défiler dans son esprit comme une douce mélodie. Le jugement dernier qu'il attendait n'arriva point, la voix de l'explorateur résonnant en écho dans son esprit qui au-delà de la surprise, s'adoucit considérablement. La loyauté n'était aux yeux de beaucoup qu'une fumisterie, Mélusine y croyait encore quand bien même l'univers s'était écorché à lui prouver que l'espoir n'était plus permis. Les êtres humains étaient corrompus, elle n'était pas l'exception à la règle, pire, elle la confirmait de plus belle. Son souffle chaud alla s'abattre sur le nez de l'explorateur tandis qu'elle se redressait lentement, faisant mine d'hésiter, ses yeux errant sur le plafond sur lequel pendaient des décorations en forme de lunes. Son silence fut long, pesant, et lorsqu'elle décida enfin de le briser, ce fut par un doux rire. « Vous êtes surprenant, Fayad. ». Les lèvres pincées, la vampyre dodelina de la tête. « Mais vous avez raison. Je serais un bien piètre bras droit que d'accorder ma confiance à tous ceux qui cherchent à l'obtenir. Vous pourriez me clamer votre loyauté que je n'en croirais pas un traître mot. ». Son honnêteté, tel un aimant, avait attiré la sienne.
Elle n'en attendait pas tant de cette rencontre, elle n'en attendait même rien. Pourtant, elle se retrouvait à en demander plus. « Vous venez d'arriver. Vos priorités sont claires, néanmoins elles devraient être ailleurs. Si vous voulez tant prouver que vous n'êtes pas là pour enfiler des perles… ». L'expression la fit s'arrêter une brève seconde, tandis qu'elle pesait ses mots avant de reprendre. « Prenez vos marques à Azamyr. Nous ne serons jamais assez préparés lorsque la catastrophe frappera à nos portes, et c'est à ce moment-là que je pourrais déterminer si vous êtes aussi motivés que vous le clamez. ». Ses doigts se mirent à jouer sur le bureau, cherchant une missive qu'elle attrapa rapidement, la déplaçant d'un bout à l'autre en la faisant passer sous le nez de Fayad, le nom du dirigeant de la guilde y figurant dans une élégante calligraphie. « Adrastos aurait été bien peiné de vous savoir si proche de la trahison, lui qui vous a en haute estime. Je ne voudrais pas chagriner le plus grand optimiste d'Azamyr. Sans explorateurs, nous n'aurons jamais la liberté dont je vous parlais auparavant, et je n'ai nullement l'intention de me frotter à l'extérieur des remparts à votre place. ». Les griffes, accrochées à ses gants qui gisaient sur la bibliothèque, laissaient pourtant sous-entendre le contraire.
Se mettre à dos la guilde des explorateurs était une décision parfaitement stupide, et Mélusine appréciait silencieusement le fait que Fayad ne soit pas tombé dans la facilité de lui promettre monts et merveilles. Le faire s'éteindre aurait été… inconvenant. « Je ne manquerais pas de faire un retour à Davian sur notre échange, tout du moins, si vous le désirez. ». Peut-être aurait-elle préféré garder ce secret pour elle, après tout. La vision laxiste de son dirigeant pesait lourdement sur ses épaules, et elle qui abhorrait la trahison n'aurait jamais daigné penser à se défaire de Davian. Pour autant, elle n'était plus autant en accord avec ses idées. Du sauvetage d'une âme en peine à la jeune femme à la limite de l'arrogance qu'elle était aujourd'hui, Davian ne pouvait s'attendre à ce qu'elle reste à son chevet. « Quant à votre demande initiale… ». Sa langue claqua sur son palet, refoulant un léger accent grec qui refusait de disparaître. « Quelles sont vos motivations ? Cherchez-vous à trouver un foyer auquel vous accrocher, des convictions que vous pourrez fièrement porter ? N'y voyez aucune malice, simplement de la curiosité. Les explorateurs ne perdent que rarement leurs temps dans les bureaux de leurs dirigeants, ils préfèrent l'extérieur. Comme je les comprends. ». Les esprits rebelles étaient plus nombreux qu'il n'y paraissait, et ceux qui se pensaient libres n'étaient finalement libres que d'un cerveau manquant. La Maison de la Flamme et de l'Ombre avait été son renouveau, plus qu'une quelconque renaissance en passant le portail. Davian lui avait offert le monde, aujourd'hui, il n'appartenait qu'à elle de faire le même cadeau. Le partage n'avait jamais été son fort…
Son refus ne fit pas tiquer la jeune femme qui, loin d'être naïve, écoutait les paroles de Fayad défiler dans son esprit comme une douce mélodie. Le jugement dernier qu'il attendait n'arriva point, la voix de l'explorateur résonnant en écho dans son esprit qui au-delà de la surprise, s'adoucit considérablement. La loyauté n'était aux yeux de beaucoup qu'une fumisterie, Mélusine y croyait encore quand bien même l'univers s'était écorché à lui prouver que l'espoir n'était plus permis. Les êtres humains étaient corrompus, elle n'était pas l'exception à la règle, pire, elle la confirmait de plus belle. Son souffle chaud alla s'abattre sur le nez de l'explorateur tandis qu'elle se redressait lentement, faisant mine d'hésiter, ses yeux errant sur le plafond sur lequel pendaient des décorations en forme de lunes. Son silence fut long, pesant, et lorsqu'elle décida enfin de le briser, ce fut par un doux rire. « Vous êtes surprenant, Fayad. ». Les lèvres pincées, la vampyre dodelina de la tête. « Mais vous avez raison. Je serais un bien piètre bras droit que d'accorder ma confiance à tous ceux qui cherchent à l'obtenir. Vous pourriez me clamer votre loyauté que je n'en croirais pas un traître mot. ». Son honnêteté, tel un aimant, avait attiré la sienne.
Elle n'en attendait pas tant de cette rencontre, elle n'en attendait même rien. Pourtant, elle se retrouvait à en demander plus. « Vous venez d'arriver. Vos priorités sont claires, néanmoins elles devraient être ailleurs. Si vous voulez tant prouver que vous n'êtes pas là pour enfiler des perles… ». L'expression la fit s'arrêter une brève seconde, tandis qu'elle pesait ses mots avant de reprendre. « Prenez vos marques à Azamyr. Nous ne serons jamais assez préparés lorsque la catastrophe frappera à nos portes, et c'est à ce moment-là que je pourrais déterminer si vous êtes aussi motivés que vous le clamez. ». Ses doigts se mirent à jouer sur le bureau, cherchant une missive qu'elle attrapa rapidement, la déplaçant d'un bout à l'autre en la faisant passer sous le nez de Fayad, le nom du dirigeant de la guilde y figurant dans une élégante calligraphie. « Adrastos aurait été bien peiné de vous savoir si proche de la trahison, lui qui vous a en haute estime. Je ne voudrais pas chagriner le plus grand optimiste d'Azamyr. Sans explorateurs, nous n'aurons jamais la liberté dont je vous parlais auparavant, et je n'ai nullement l'intention de me frotter à l'extérieur des remparts à votre place. ». Les griffes, accrochées à ses gants qui gisaient sur la bibliothèque, laissaient pourtant sous-entendre le contraire.
Se mettre à dos la guilde des explorateurs était une décision parfaitement stupide, et Mélusine appréciait silencieusement le fait que Fayad ne soit pas tombé dans la facilité de lui promettre monts et merveilles. Le faire s'éteindre aurait été… inconvenant. « Je ne manquerais pas de faire un retour à Davian sur notre échange, tout du moins, si vous le désirez. ». Peut-être aurait-elle préféré garder ce secret pour elle, après tout. La vision laxiste de son dirigeant pesait lourdement sur ses épaules, et elle qui abhorrait la trahison n'aurait jamais daigné penser à se défaire de Davian. Pour autant, elle n'était plus autant en accord avec ses idées. Du sauvetage d'une âme en peine à la jeune femme à la limite de l'arrogance qu'elle était aujourd'hui, Davian ne pouvait s'attendre à ce qu'elle reste à son chevet. « Quant à votre demande initiale… ». Sa langue claqua sur son palet, refoulant un léger accent grec qui refusait de disparaître. « Quelles sont vos motivations ? Cherchez-vous à trouver un foyer auquel vous accrocher, des convictions que vous pourrez fièrement porter ? N'y voyez aucune malice, simplement de la curiosité. Les explorateurs ne perdent que rarement leurs temps dans les bureaux de leurs dirigeants, ils préfèrent l'extérieur. Comme je les comprends. ». Les esprits rebelles étaient plus nombreux qu'il n'y paraissait, et ceux qui se pensaient libres n'étaient finalement libres que d'un cerveau manquant. La Maison de la Flamme et de l'Ombre avait été son renouveau, plus qu'une quelconque renaissance en passant le portail. Davian lui avait offert le monde, aujourd'hui, il n'appartenait qu'à elle de faire le même cadeau. Le partage n'avait jamais été son fort…
FT Fayad
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