Le bois du pommeau de sa canne vint frapper quatre coups rapides sur celui de la porte close de la boutique. Quelques dizaines de secondes s'écoulèrent sans qu'aucune réaction ne se fasse entendre dans la pièce. Perplexe, Khioné leva les yeux vers le soleil, qui approchait de l'apogée de sa course. Si Anastasia n'était pas dans sa boutique ou son atelier alors que midi approchait, il y avait fort à parier qu'elle soit sortie, probablement pour s'enquérir de l'état de ses plantations, se dit-elle. Après tout, elle aussi profitait de la douce chaleur du soleil au zénith pour s'acquitter, parmi ses diverses obligations, de celles qui nécessitaient qu'elle quitte son laboratoire.


Tiraillée entre l'idée d'attendre quelques temps, ou de rentrer chez elle, le regard de la dryade se posa sur l'arbre nain qui ornait, dans son pot, le rebord d'une fenêtre du bâtiment. Sa jambe la faisait souffrir aujourd'hui, et après avoir marché jusqu'au quartier Sud, il serait dommage de rentrer les mains vides, d'autant plus que l'affaire pour laquelle elle venait voir la jeune sorcière était d'une certaine importance... Sans doute ne lui en voudrait-elle pas si elle utilisait la clef de secours ?


Ce fut lors d'une situation passée, aussi cocasse qu'impromptue, qu'Anastasia lui avait fait part de l'existence de cette clef, et de son emplacement. Une idée d'ailleurs fort judicieuse, autant par la perspicacité dont la jeune femme avait fait preuve en jugeant nécessaire de conserver une seconde clef près de sa demeure, que par l'ingéniosité de sa cachette : il était impossible à qui ne maitrisait pas la magie verte de mettre la main dessus. A moins, bien sûr, d'être une brute sans scrupule ni remords.


Khioné laissa l'index de sa main gauche courir doucement le long de l'arrière du tronc du petit arbre, et dans son sillage, celui-ci s'ouvrit lentement pour révéler un intérieur creux, où était logée une petite clef dont elle s'empara délicatement, avant de déverrouiller la porte menant à la boutique de la distillatrice. Après avoir replacé la clef en sécurité dans son écrin vivant, elle offrit à la plante un peu de sa propre force vitale, comme pour s'excuser de l'avoir dérangée de la sorte. Si elle n'était d'ordinaire pas la plus empathique ni la plus attentionnée envers les individus qui croisaient sa route, elle était bien plus délicate envers la flore depuis sa transformation en dryade, étonnamment.


Elle entra alors dans la boutique, aussi déserte que silencieuse, ne s'attardant pas sur les nombreux liquides aux couleurs variées qui se côtoyaient sur les rayonnages. Elle n'était pourtant pas insensible à ces plaisirs, bien qu'elle soit réticente à l'admettre à presque quiconque, mais ce qui l'intéressait si elle venait à flâner parmi ces étagères, c'était l'expertise de leur propriétaire. Une analyse sensorielle, des petits détails de composition, des anecdotes de fabrication, elle se délectait tout autant de ces connaissances que du breuvage en lui-même ; il s'agissait là d'un des derniers vestiges de sa curiosité insatiable, un des seuls conservé intact plutôt que mué, comme tout le reste, en obsession pour ses travaux, ce qui en faisait un instant de répit rare et rafraichissant.


Ses pas la menèrent jusqu'à l'escalier, qu'elle gravit en emplissant la pièce du son caractéristique de sa démarche ponctuée par l'impact léger mais net de la canne sur le bois de chaque marche. L'atelier d'Anastasia était pour elle probablement plus intéressant encore que sa boutique. Les appareils et instruments qui s'y trouvaient n'étaient pour une bonne partie pas si différents des siens, et elle trouvait en cette familiarité tout juste légèrement altérée la source d'un certain contentement. Elle passa quelques minutes à errer entre les alambics, la verrerie et les instruments de mesure en assouvissant sa curiosité, même s'il lui arrivait néanmoins de temps à autre de lever un sourcil un brin réprobateur devant ce qui serait à ses yeux, une entorse au protocole dans son laboratoire. Loués en soient tous les dieux, de ce monde comme de l'ancien, tout le monde n'était pas aussi inutilement inflexible qu'elle-même.


Sur une table proche de l'atelier, le bleu luminescent unique qui se dégageait d'une fiole attira son attention. La dryade pensait bien le reconnaitre, mais était-ce possible ? Elle n'avait jamais entendu parler de l'existence d'une telle boisson, certes, mais Anastasia n'était pas des plus farouches quand il s'agissait d'expérimenter de nouvelles recettes, alors tout était possible. Elle prit avec grand soin la fiole entre ses doigts fins avant de la déboucher, de la porter à une dizaine de centimètres de son visage, et de battre doucement de sa main droite l'air, au dessus du goulot, en direction de son nez pour y apporter subtilement les effluves. Hors de question de renifler tel un sauvage la première bouteille venue sans une once de prudence, d'autant plus dans l'atelier d'une distillatrice reconnue pour ses expériences osées ! Le protocole, voyons.


Malgré toutes ses précautions, la puissance et l'amertume du breuvage lui firent plisser le nez, et ses yeux se mirent à piquer légèrement.

- "Hmpf..." Elle eut un petit mouvement de recul de la tête. "Ca m'apprendra. Au moins, j'avais raison, c'est bien de l'algue-plume..." marmonna-t-elle, se pensant toujours seule.

“Je ne peux pas proposer ça à la vente… Et encore moins partager la recette… En tout cas pas comme un alcool… Un produit médical ? Vu la concentration d’alcool il devrait faire un désinfectant efficace je suppose…” Fiole à la main j’arpente l’atelier en faisant les cent pas. Ça aura pris du temps mais finalement j’ai bien réussi à faire un alcool à base d’algue-plume… Enfin, plus précisément je suis très proche de réussir… Le souci, et ce constat me fait soupirer à chaque fois, est qu’il est impossible de faire disparaître l’amertume de l’algue. Cette maudite plante a la mauvaise habitude de prendre ce goût horrible dès qu’elle est mise en contact avec le feu. C’est peut-être ça qui m’a fait insister pour réussir à créer un alcool avec elle comme base. Le fait qu’elle me résiste… Maintenant que j’y pense c’est bien probable… Mais au final j’ai réussi. Et sans utiliser la magie… Pas que ça aurait changé grand-chose… Quoi que… “C’est un contrôle des plantes… Sans chercher à mettre de la logique dessus, jusqu'où ce contrôle pourrait aller ? À quel niveau de précision ? J’ai déjà vu ce qu’est capable de faire la magie verte mais… Qu’en est-il de ce qui ne se voit pas ?”

Naturellement mes pas me guident vers le bureau et rapidement les pages d’un carnet commencent à se noircir d’écritures, de questions et d’hypothèses en tout genre. C’est l’un des soucis de travailler seule, personne n’est là pour dire de prendre du recul et quand on a une idée en tête, une manière de travailler, il est bien trop dur de changer d’angle de vue. Dans cette situation le faire ne m’aurait sûrement rien apporté d’autre que du travail en plus mais pour la suite… “En soit il n’est pas dur de contrôler la croissance des plantes… Pincer au bon endroit, enlever les bourgeons qui dérangent… Ça ne doit pas être si différent… Juste… Plus précis.” L’idée me semble improbable et pourtant couler de source. Jusqu’à maintenant j’ai traité les choses séparément, la magie d’un côté, les sciences, ou ce qui s’en approche, de l’autre. Un point de vue sensé mais finalement réducteur. Les sciences nous ont apporté de précieuses connaissances, il serait idiot de s’en passer. “Sauf que je peux ressentir la croissance d’une plante avec la magie… Mais pas ce qui la compose. Quelle niveau de précision faut-il pour aller jusqu’à modifier l’essence même d’une plante ? Au niveau moléculaire probablement… Ma maîtrise n’est pas suffisante mais avec du travail… Même comme ça, comment faire pour être sûre du résultat ? Ou juste être sûre qu’il y a un résultat…” Le carnet continue de se remplir au fil de mes pensées, des croquis et des noms de plantes plus susceptibles de me permettre d’expérimenter viennent s’ajouter au reste des questions.

Un bâillement vient me surprendre durant une phase de réflexion. Encore une fois je n’avais pas fait attention à l’heure et si l’idée de continuer à réfléchir à tout ça est grande je sais aussi qu’elle est mauvaise. Ma journée à été bien remplie, j’ai eu des résultats, de très bons résultats si on les compare au reste et je sais maintenant vers quoi mes prochaines expérimentations vont porter. Il est temps de dormir. Sans compter qu’aussi bons soient les résultats sur l’algue-plume on ne peut pas encore parler de réussite. Il reste quelques retouches à faire, rendre la recette plus stable et réalisable par le plus grand nombre et ensuite seulement cette histoire sera terminée… D’ailleurs… “Si je commence à modifier des plantes par magie… Les produits pourraient ne pas être réalisables par d’autres… Ça ne va pas…” D’une petite claque sur les joues je chasse les pensées intrusives. Demain. Pas maintenant.

Avec cette résolution en tête je me glisse dans la chambre et après avoir jeté mes vêtements dans un coin de la pièce, j’aime mon travail mais ce n’est pas pour autant que j’aime dormir avec des vêtements empestant l’alcool, en particulier l’alcool d’algue-plume, je m’écroule sur le lit. Le deuxième meilleur moment de la journée… Le premier étant quand je me rendors le matin après m’être réveillée. Cette pensée me tire un sourire et l’instant d’après je sombre dans le sommeil.


Je pousse un léger grognement en entendant le tintement de la clochette de la porte d’entrée. Ils ont fait du bon travail, juste assez forte pour que je l’entende depuis n’importe ou et pas assez pour être dérangeant pour les gens passant la porte… Cette porte que j’avais fermée hier… Ou plutôt que je n’avais pas ouverte… L’aurais-je rêvée ? Probablement… Oui, j’ai du entendre un bruit dans la rue et… Bon non, le doute n’est plus permis, les bruits à l’étage ne laissent pas beaucoup de place au doute. Et je connais cette démarche… Ce n’était peut-être pas une bonne idée de lui indiquer où se trouve la clef finalement… Étouffant un bâillement je glisse hors du lit, attrape rapidement de quoi me couvrir et me dirige vers l’étage, ne retenant pas mon sourire en la voyant sursauter légèrement en sentant mon expérience de la veille.

“Il reste encore quelques retouches à faire. Pour l’instant disons que… C’est potable et si jamais je venais à me blesser avec des morceaux de verres je pourrais l’utiliser pour éviter une infection… C’est à peu prêt tout ce qu’elle a pour elle. Ce qui est déjà bien mieux que les premières expériences.” Un nouveau bâillement vient ponctuer ma phrase alors que je m’étire en avançant dans la pièce. “Bonjour Khioné… Pardon, la nuit a été courte… En partis la faute à cette fiole et… À d’autres idées que j’ai hâte d'expérimenter une fois cet alcool terminé. Je ne sais pas ce que j’en ferai d’ailleurs… Je ne me vois pas en faire une grosse production, il a plus été fait pour… Le défi ? Et il était de taille… Il n’est pas terminé d’ailleurs…” Je m’arrête devant l'alchimiste, un grand sourire sur le visage, malgré mes yeux rouges, mes cheveux en bataille, et une tenue indiquant clairement un réveil en urgence, je suis contente de la voir. Si elle a pris la peine de venir jusqu’ici alors il est certain que la journée va être sous le signe des expériences et découvertes. Bonnes ou mauvaises.

Elle avait beau avoir été formée pour l'exploration de la nature sauvage d'Ozéna, ses sens n'étaient visiblement pas assez affûtés pour entendre l'arrivée de la propriétaire des lieux derrière elle. Absorbée par sa propre curiosité et ses réflexions, elle sursauta quand celle-ci prit la parole et manqua de laisser tomber la fiole d'alcool qu'elle rattrapa in extremis de ses deux mains, en laissant échapper un cri qui exprimait un mélange de surprise et de panique à l'idée de laisser le contenant s'écraser sur le sol.

- "Ouuuh !" Elle reposa la fiole à sa place, en sécurité sur la table. "Grands dieux, je ne vous avais pas entendu entrer... Bonjour Anastasia." la salua-t-elle en se retournant dans sa direction.


Heureusement que la jeune sorcière avait laissé échapper un bâillement, sans quoi Khioné n'aurait probablement pas remarqué la fatigue, pourtant évidente, sur le visage de son interlocutrice.

- "Nuit courte, vous dites ? Je vous comprends, rien de tel que de se lever aux aurores pour être productive ! Non pas que je sois la mieux placée pour discuter sommeil, cela dit." Elle détailla du regard la tenue et le port d'Anastasia, à la recherche, en vain, d'un quelconque indice sur son activité précédente. "Comme la boutique était fermée, j'ai supposé que vous étiez affairée dehors. J'espère ne pas avoir interrompu d'expérience délicate !"


Quand la distillatrice lui dit qu'elle ne savait que faire exactement de ce qui serait un jour sans doute un délicieux breuvage, une idée lui traversa l'esprit. Il n'était probablement pas encore consommable pour quiconque doté d'un sens du goût entièrement fonctionnel, même si elle ne doutait pas qu'Anastasia finirait par parvenir à produire une version aboutie, mais son degré d'alcool lui conférait un autre intérêt...

-  "Si jamais vous cherchez une utilité à certains résultats d'expérience comme celui-ci... A combien titre-t-il ? Je suis sûre que je pourrais sans grande peine en extraire de l'alcool pur, et sans trop de perte..." Elle reprit la fiole pour en observer le contenu à la lumière du soleil en le remuant légèrement, et commença à marmonner pour elle-même, se perdant dans ses pensées, comme si elle était seule. "... Deux distillations, peut-être trois... Un filtration ensuite... Au charbon ? ... Hmm, oui, ça devrait faire l'affaire..." Elle s'extirpa de sa réflexion et quitta la fiole des yeux pour se tourner à nouveau vers Anastasia. "L'alcool fait un bon solvant pour l'extraction de certaines huiles essentielles, ce n'est certainement pas l'utilisation première que vous aviez en tête pour ce produit, mais ça me serait fortement utile... Et puis si ça peut en plus vous éviter de jeter..."


Sans même se demander pourquoi faire, et surtout pourquoi ne pas simplement la reposer là où elle venait de la prendre, Khioné lui tendit le petit flacon, avant de reprendre la parole.

- "Mais assez parlé d'algue-plume. Vous avez d'autres projets intéressants ces temps-ci ? Une nouvelle découverte peut-être ?" Elle se remit à marcher lentement entre les divers instruments et les plans de travail. "Oh, je ne crois pas vous en avoir parlé précédemment, mais j'ai parmi mes expérimentations en cours une substance qui accélèrerait grandement le processus de fermentation. Au conditionnel, j'insiste. Les résultats sont encore quelque peu ... inconstants." Elle laissa s'écouler quelques secondes de silence en replaçant quelques flacons sur une étagère qui n'étaient pas rangés avec un espacement parfaitement symétrique. "Mais rien là qui puisse vous être utile pour l'instant, hélas. Je doute que le résultat final soit consommable d'une quelconque manière : au moins deux des ingrédients présentent une toxicité remarquable, et je leur ai d'ailleurs découvert la fâcheuse tendance d'engendrer ensemble un dégagement gazeux particulièrement nocif, dont un récent arrivage d'odazohars que j'avais commandé a fait les frais, d'une manière aussi tragique que peu ragoutante... J'ai du quitter mon laboratoire pendant presque une semaine, le temps que les émanations se dissipent. Une sombre histoire, vraiment..."

Comme à son habitude quand il s'agissait de travail, Khioné était inarrêtable, ce qui pouvait déjà provoquer, selon les individus, une variété de réactions allant de l'admiration à l'amusement en passant par toutes les nuances d'agacement plus ou moins véhément; mais pour quelqu'un de fraichement tiré du lit, dans des circonstances pouvant même, éventuellement, être perçues comme aggravantes, cela constituait sans doute une épreuve pour les nerfs que l'on ne souhaiterait pas à qui que ce soit. Ajoutez à ceci qu'elle était aujourd'hui étonnamment volubile, au point que beaucoup jureraient ne pas la reconnaitre, et il devient impossible de ne pas compatir avec la malheureuse sorcière.


- "Maintenant que j'y pense, il s'est passé un certain temps depuis la dernière fois que nous avons échangé sur nos travaux et nos expériences respectives. C'est regrettable. Il est rare de rencontrer quelqu'un avec votre niveau d'expertise, encore plus dans des domaines aussi proches des miens, même à Ozénys."

Expérience délicate, clairement pas mais, je ne peux pas nier que j’aurais définitivement préféré que mon sommeil ne soit pas interrompue de la sorte. Et en même temps ça ne me dérange pas totalement. J’aurais été un peu plus efficace si elle était passée quelques heures plus tard, ou même soyons folle en pleine nuit, mais je sais que ce qui nous attends aujourd’hui va en valoir le coup. Peut-être même que mes interrogations nocturnes pourraient déjà voir une nette évolution… Ça me semble optimiste, nous parlons de théorie sur la magie, l’un des seuls moyens d’avoir de réelles réponses consiste à expérimenter directement mais si au moins des pistes de réflexion et des idées d’expériences s’en dégagent nous aurons un bon début. “Non rien de bien important, la plupart de mes travaux actuels sont déjà bien avancés, hormis trouver les dosages il n’y a pas grand chose de plus à faire. Pas la plus intéressante mais une partie indispensable.” Et en réalité même sans être captivant, beaucoup d’attente pour peu de résultats, c’est l’une de mes parties préférées. Le moment où l'artisan met sa signature sur sa création.

Sa question me tire un sourire, la réponse risquerait bien de la surprendre. “Tu risques de ne pas avoir beaucoup de distillation à faire. L’algue-plume devient amer en étant cuite, ça je ne te l’apprends pas, et je voulais jouer la dessus. Sauf qu’au fil des expériences je me suis retrouvée à augmenter le dosage pour essayer de cacher ou limiter un peu son amertume. C’était ça ou la noyer avec d’autres essences.” Et au final c’est bien ce que les gens risquent de faire, même une fois terminée cette boisson risque bien de devenir une base à cocktail plus qu’un alcool qu’on déguste entre deux plats. “En tout cas comme je n’avais pas envie de perdre son goût il ne restait qu’une solution. Celle que tu tiens est dosée à quatre-vingt pourcent, j’ai des flacons à quatre-vingt dix pourcent et les plus bas tournent autour de soixante. Comme je disais, on est plus proche d’un désinfectant que d’un alcool pour l’instant.” Néanmoins, je serais honorée si l’une de mes créations servait en médecine. Comme elle le souligne, on serait bien loin de l’utilité première, mais je préfère ça à me dire qu’un produit sur lequel j’ai passé du temps tombe dans l’oubli.

Une création autour de la fermentation… Pas vraiment mon domaine de prédilection, je sais comment faire avec le vin mais les céréales sont dans un monde bien éloigné du mien cependant… On retombe sur mon idée d’utiliser la magie d’une manière plus… Créative. En attendant, à l’entendre et d’après sa petite mésaventure, le projet risque de prendre du temps. Je me félicite d’ailleurs de ne pas travailler avec des produits toxiques, je ne sais pas trop ce que je ferais dans une situation comme la sienne… Une semaine entière sans travailler ? Quel enfer. “Et comment t’es-tu occupée pendant cette semaine ? Juste imaginer que je ne puisse pas travailler pendant autant de temps m’ennuie… Pour le reste… Hm… Je n’ai pas tous les tenants et aboutissants concernant la fermentation mais peut-être existe-t-il des éléments qui pourraient, une fois mis en contact avec les produits nocifs les annuler… Ou alors, si ce n’est pas compliqué à produire et que la vapeur est vraiment nocive, je ne doute pas que la guilde des explorateurs serait heureuse de compter une nouvelle arme à donner à ses membres.” On revient sur l’idée de détourner des produits de base pour le bien commun… Si, dans son cas comme le mien, on peut parler de produits de base.

En quelques enjambées je rejoins le bureau, souriant en l’entendant parler de nos travaux respectifs. Maintenant qu’elle le dit, il est vrai que ça fait longtemps que je ne l’avais pas vu. Nous passons en même temps toutes les deux trop de temps dans nos ateliers pour prendre le temps d’aller voir des gens…  Et même si je ne lui ai jamais posé la question je ne pense pas qu’elle voit beaucoup plus de monde que moi… Ce n’est peut-être pas un mal, nous avons toutes les deux ce même syndrôme d’aimer notre travail plus que de raison. “Quelques idées de-ci de-là. Une en particulier qui m’a frappée cette nuit.” Je regarde distraitement les notes griffonnées sur le carnet, juste des idées en vrac, rien d’utilisable. Pour l’instant. “Et dans un sens, cette idée pourrait bien aller dans le même sens que ton projet de fermentation. Je me demandais dans quelle mesure la magie blanche pouvait être poussée. Nos connaissances actuelles nous permettent de dire que c’est une magie en lien avec les plantes permettant d'accroître leur croissance ou de les utiliser de différentes manières. Grossièrement c’est ça.” Je referme le carnet, laissons les idées de cette nuit de côté, repartons de zéro pour voir jusqu'où tout cela pourrait nous mener. “Mais est-ce qu’on ne pourrait pas être plus précis avec cette magie ? Agir jusqu’à la base, jusqu’à l’essence ou au niveau moléculaire d’une plante ? Prenons un exemple, je rêve de créer un alcool à base de Dendin mais ce satané fruit à la mauvaise manie de changer de goût de l’un à l’autre. Quand ce n’est pas sur le même fruit directement. Autant dire qu’il est impossible de faire un alcool avec quelque chose d’aussi instable. Et les dieux savent que j’ai essayé.” Avec un sourire et un petit rire, je désigne de la main l’étagère sur laquelle elle s’est attardée quelques instants plus tôt, le deuxième étage étant rempli de fioles portant la même étiquette avec le même nom de fruit dessus. “Mais si avec la magie je parvenais à agir sur la raison de son changement alors les problèmes seraient réglés. Enfin… Non, sûrement pas, mais en tout cas celui-là serait réglé. De la même manière tes produits, s’ils sont végétaux pourraient se voir enlever ce qui les rends nocifs. Et ne pas condamner de nouveau un pauvre laboratoire pendant une semaine complète…”