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Saison froide ☃︎ Azamyr • An 118 — Novembre à Décembre

Imaginez un monde dans lequel votre avenir est incertain, la fin se rapprochant de plus en plus, sans que vous puissiez changer votre destin. Un jour, une solution est trouvée, vous permettant d’espérer, de croire en la possibilité d’une autre vie, une nouvelle vie. Il vous faut trouver une clé, vous permettant de traverser le portail menant à un nouveau monde. Là, tout est possible, vous naissez à nouveau, différent. Vous devrez faire face aux dangers, aux complots, aux découvertes. Mais l’avenir s’étend devant vous. Le petit journal d'Azamyr

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Un nouveau, nouveau départ [Eve]

Jeu 19 Sep 2024 - 0:36
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Fayad ! Tu couvres nos arrières ! J’opine du chef. Les silhouettes vaguement humaines s’évaporent, dans un nuage de fumée pailletée. Seul l’écho de mes pensées me répond. Je volte-face, parfaitement conscience de ce qui va arriver. La grenade. Où est-elle ? Je lève mon arme. Un fusil laser haut vélocité, capable de percer un blindage réactif de huit centimètres d’épaisseur. Son armature en nanofibres de titanium me colle aux doigts. Je grimace. Un truc cloche. Un courant d’air, à un endroit où il ne devrait pas y en avoir... Je baisse les yeux. Bordel de merde ! J’ai oublié de mettre mon pantalon ! Quel con ! Une ombre se faufile par l’entrebâillent de la porte en tôle. Sans un bruit, sans un grincement. Déjà ?! Je me suis encore laissé distraire ! Je lève le canon, presse la détente. Mais rien ne fonctionne. L’arme se liquéfie entre mes doigts, alors que la grenade roule jusqu’à mes pieds… Non ! Pas encore ! Je veux fuir. Mais mes jambes sont lourdes. Je cours sur place… Et soudain…

Un martellement.

***


Je me réveille d’un sursaut. Couvert de sueur. La fumée qui s’échappe inlassablement des pores de ma peau fait miroiter subtilement la pellicule poisseuse. Je sursaute encore : le martellement reprend de plus belle. Bordel ! Pendant d’interminables secondes, je suis incapable de souvenir où je me trouve. Une pointe de panique chatouille mon échine alors que les souvenirs récents surgissent enfin. Ozéna.

« Fayad ! Ouvre-moi ! » La phrase hachée par l’essoufflement, signe de panique, agite mes sens. Je me lève d’un bond, reconnaissant seulement coup après le timbre éraillé et juvénile d’Erwin. Qu’est-ce qu’il me veut, encore ?! Une nuée de points noirs danse dans mon champ de vision. Je jette un fugace regard sur le rideau qui occulte à peine la petite fenêtre. Je n’ai même pas pris le temps de le tirer correctement avant d’effondrer, harassé autant mentalement que physiquement. L’astre diurne n’a pas encore percé la ligne artificielle du rempart Est. Mais son galbe lumineux, d’un orange profond presque violacé, illumine déjà ses crénelures. Il est très tôt. Bien plus que si je m’étais réveillé de moi-même, c’est certain.

Ma bouche est pâteuse, mes cordes vocales engourdies. Elles refusent de lâcher autre chose qu’un râle inintelligible et glaireux, le cri d’un revenant surgit d’outre-tombe. Ou quasi d’outre-tombe. Si je n’avais pas trouvé cette clé, je serais à cet instant six pieds sous terre, une balle logée dans le lobe temporal. Je me racle la gorge, en me précipitant vers la porte : un mince panneau de bois muni d’un verrou rudimentaire digne des chiottes d’une boite de nuit miteuse de la banlieue de San Francisco. Mais alors que ma paume tendue n’a pas encore saisi la poignée, je me fige, déstabilisé par un détail qui n’en est vraiment pas un. Ma démarche. Putain de merde ! J’ai des jambes !!!

Comment j’avais pu oublier ça ! Un élan d’euphorie, dopé par l’adrénaline, illumine mes traits tirés. Les vapeurs brumeuses du sommeil se dissipent totalement. Toute ma frustration, mes doutes, mes craintes, mes colères s’évanouissent. Il ne reste qu’un sentiment grisant de bonheur. J’ouvre la porte.

Face à moi, la nécromancienne réincarnée dans un d’homme respire beaucoup moins la joie. Ses pupilles dilatées, son teint rose, les ridules crispées qui sillonnent son front trahissent un profond état de stress. Aussitôt confirmé par son flot trop rapide : « Fayad ! Je suis désolée ! » Elle me bourre l’épaule pour pénétrer de force dans la minuscule chambrette que l’on m’a prêtée. Un modeste espace individuel. Le grand luxe. La veille, je m’étais attendu à un dortoir commun. Il faut croire que la place et les matériaux de construction ne manquant pas, ou pas encore, sur ce monde. Elle fait les cents pas, gigotte les bras dans toutes les directions. Si je n’étais pas resté sur place, j’aurais probablement bouffé une mandale involontaire ou deux.

« Je ne peux pas ! »
« Tu ne peux pas quoi ? »
« Être ton mentor ! »
« Mon quoi ? »

Elle s’immobilise. Les yeux arrondis. Un regard perçant qui pourrait vouloir dire : t’es sérieux ou tu fous de ma gueule ? Elle jure.

« Si tu ne sais même pas de quoi je parle, c’est la preuve que je ne suis pas capable de faire ce boulot ! » Sensation d’avoir raté un épisode important. Mais le suspens est de courte durée : « Tous les nouveaux arrivants sont confiés à un mentor de leur maison après avoir été accueillis par les prêtes. » Ok. Et alors ? L’écho de ma pensée franchit mes lèvres pincées :

« Et alors ? »
« Et alors, je n’y arriverais pas. A être ton mentor. »
« Sympa… »
Je dois être vexé ou bien ? Elle s'empresse de se justifier :

« Ça n’a rien à voir avec toi ! » En même temps faut pas être mentaliste pour lire mon expression déconfite par l’abrupte confidence. « C’est moi le problème ! Je ne suis pas prête pour ça. Trop de… Responsabilité. Je ne suis jamais occupé d’un être vivant plus gros qu’un chat. Et encore… Je ne m’en occupais pas vraiment. » Cette remarque achève de dépeindre l’idée que je me fais de sa vie antérieure. Une gosse de riche, élevée dans un complexe tout confort, coupé du monde, respirant un air purifié auquel le commun des mortels n’aura jamais accès. Je l’imagine entouré de serviteurs, prêt à assouvir le moindre de ses caprices… Et à chercher le paquet de croquettes sur commande d’un feulement affamé. Elle interprète mon silence méditatif, un tantinet vexé, comme de la colère. Elle se justifie de plus belle « Je te jure, tout est ma faute. Je ne suis pas prête. Je suis une catastrophe avec les gens. Je ne peux pas… Je vais faire n’importe quoi… »

« Ok. Bon, bah, on fait quoi du coup ? On se serre la main ? » Sa décision est prise, c’est clair. A quoi bon débattre ? Si elle ne veut pas, elle ne veut pas. Et pour être parfaitement honnête avec moi-même, je ne comprends pas très bien les implications de prétendu mentorat. C’est quoi ? Une sorte de parrain qui va me prendre la main, me montrer où sont les chiottes et m’appeler tous les ans pour mon anniversaire ?

« J’ai déjà tout arrangé. » Elle a fait ça quand ? Cette nuit ? « J’ai prévenu le grand chef. Ils t’ont déjà trouvé un autre mentor. » C’est rapide. Ça ne rigole pas avec l’administration sur ce monde. « Faut qu’on se rende au Temple de la déesse Ekaris. »
« Pourquoi ? » La question est sincère. A quoi bon retourner là-bas ? « C’est pas un peu tôt ? Les prêtres doivent dormir. »
« Non, non, t’inquiète. Y’a des âmes qui passent le portail à n’importe quelle heure. Il y a toujours un ou deux prêtres de réveillé. » Ce ne sent pas le job de rêve. « Faut qu’on y retourne c’est tout… Je veux juste faire les choses correctement cette fois. On notifiera au Temple le changement de Mentor. Ça sera inscrit dans les registres officiels… Et on sera certain qu’il n’y aura pas d’imbroglio. » Je secoue lentement la tête. Elle est sérieuse avec ses histoires de registres ? Où est-ce la panique qui la fait vriller ? J’ouvre la bouche lui faire remarquer… Mais au lieu de cela, un sentiment étrange me noue les tripes. De l’empathie ? Je croyais la mienne morte dans les bidon-villes d’Asie du Sud-Est. Il faut croire que ce foutu portail l’a fait ressusciter. Je lui pose une paluche sur l’épaule. Et lui déclame :

« On fait comme tu préfères. Y’a zéro problèmes. Je vais te dire un truc. Ce que m’a dit un instructeur avant mon premier saut en parachute : si t’as peur, c’est normal. C’est même rassurant, ça veut dire que ton instinct de survie n’est pas mort. Si t’as besoin d’un peu de temps, prend le. Mais si t’en prends trop, alors tu laisses gagner la peur et ca sera fini. Pour toujours. T’arriveras plus à t’en débarrasser Profond hein ? »
« Heu… Ouais. »

Je lui décoche un sourire amical. « Tu me dois la prochaine tournée hein… »
« Quand tu veux ! » Le siens reste triste. Alors pour lui redonner un coup de boost, je lui lâche une vanne sortie de derrière les fagots synaptiques :
« Hey, Erwin, tu sais comment on appelle un Mentor qui a presque toujours raison ? »
« Hein ? Quoi ? Heu... Non... »
« Gérard. Gérard Mentor... »
J'ai rarement tord... Bordel qu'elle est bonne.

Le début d’une grande amitié, à laquelle se greffera Cazymir dans quelques jours… Mais ceci est une autre histoire.
Fayad Feysal
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Jeu 19 Sep 2024 - 16:31
Eve
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Un nouveau, nouveau départ



Petit Guide pour être apprécié d'Amélia.
1. Ne pas respirer trop près.
2. Ne pas sourire, ça la rend nerveuse.
3. Ne pas lui offrir d'animaux morts, même s'ils sont bon à manger. Après elle vous traite de sale chat de gouttière ou des trucs méchants.
4. Ne pas la regarder.
5. Ne pas toquer à sa porte.
6. Ne pas lui demander de boire un verre, même si c'est de la bonne.

Je regarde la liste avec un soupir. Peut-être que mes intentions n'avaient pas été comprises? Peut-être que sous le visage fermé, un brin dégouté de ma camarade vampyre se cachait un océan de chagrin et de solitude? Il lui fallait un câlin, avant que je ne lui demande de m'aider à déterrer un ou deux carrés de driwi. Le pas sûr, je m'entraine dans les escaliers pour retrouver la chambre de la boudeuse mais magnifique demoiselle quand Mamalusine m'arrête sur mon chemin: "Non, ce n'est pas une bonne idée." Mes yeux surpris se heurtent aux siens et avant même que le moindre petit mensonge sur mes intentions ne me vienne elle continue: "J'ai un travail pour toi. Je devais être mentor d'un nouveau mais j'ai trop de travail, et Erwan qui s'était proposé n'y arrive pas. Tu vas y aller, la faucheuse qui vient de nous rejoindre ne doit pas se sentir exclue." Je fais des yeux plus ronds encore et pointe mon doigt vers moi ans un angle étrange de mon poignet. "Moi? Maintenant?" Un dernier regard vers l'escalier comme pour dire "à plus tard" à ma camarade qui ne m'attends pas, puis j'ajoute, encore peu habituée à la tâche. "D'accord, j'y vais!"

Ahhh, Ekarys. La déesse-mère, la Matrice incarnée de ce monde, symbole de la vie, et de sa diversité aussi. Alors tant qu'à aller à son lieu de regard, je passe au jardin pour cueillir un bouquet de driwi avant de m'avancer jusqu'au quartier central. Il est encore très tôt, et personne n'interrompt ma course avant d'arriver, croisant à peine un vampyre revenant de chasse et un pêcheur livrant sa première commande à une auberge sur la route. Au temple, j'hésite. Ekarys en premier, le nouveau? La déesse est première dans mon cœur bien sûr, mais finalement je me détourne de la salle d'offrande, me disant que tant qu'à faire un tour autant présenter son nouveau bambin.

Je me dirige donc dans le labyrinthe en fredonnant une comptine indienne glanée quelque part dans le cerveau d'un inconnu, et finalement demande à une des silhouettes du temple la porte de "la nouvelle faucheuse qui a plus de mentor". Aussitôt on me montre une porte et je fais un petit geste de la main, non sans prélever dans les yeux verts un petit souvenir. Pas grand chose, une sensation d'amusement devant un petit chien (qui ressemble plus à un balai à frange, avouons le) dans un abribus, puis je remarque que la porte est déjà ouverte. Je m'avance donc et croise le regard d'un homme dans le petit miroir de la pièce avant de faire un geste, restant au seuil de la porte. "Bonjour, je suis la préposée au ramassage des laissés pour comptes!" Un grand sourire me prend avant de tendre la main, celle qui n'est pas occupé par le bouquet que je tiens dans mon dos: "Eve, enchantée jeune faucheuse. Tu as un prénom? Tu n'es pas obligé, avec moi." Après tout j'avais fais ma bourrique avant de choisir What Eve R. comme pseudonyme... Et personne n'avait remarqué. La loose.

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Ven 20 Sep 2024 - 13:42
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Je me retrouve seul. Dans une petite salle. Erwin s'est tiré la queue entre les jambes. Elle est à peine moins austère que la cellule d’un cénobite. Je souris. Rictus crispé inspiré par ce dernier mot. C’est plus fort que moi : Cénobite, trilobite, presbyte… Je ne sais y résister. C'est débile je sais, mais bon... Je les chasse de mon esprit suffisamment vite pour ne pas voir à me demander ce qu’en penserait un psy. Mes cent pas me conduisent devant le petit miroir. Le tain s’écaille aux quatre coins. Signe probable du manque d’expérience de l’artisan derrière cette œuvre… Ou de la méconnaissance des matériaux utilisés. Je n’ose imaginer le bordel que ça a été de fonder cette ville, sur un monde vierge, sans le soutien matériel et technique de la Terre. Même avec le savoir précieux de quelques experts, les pionniers ont dû tout réapprendre, tout réadapter à leur nouvel environnement, aux ressources inédites qu’ils ne pouvaient glaner seulement qu'à la force de leurs bras. Une aventure humaine incroyable. Une part de moi envie ces colons. Bordel, j’aurais kiffé être parmi eux… Mais une seconde ne peut s’empêcher de frémir : je n’aurais probablement pas survécu bien longtemps. Ces colons se sont sacrifiés pour que nous soyons là aujourd’hui. Et je me dis qu’il aurait été, peut-être, de meilleur ton d’accueillir les nouveaux arrivants dans le temple de la Déesse de la mort plutôt que celle de la Vie. Pour que chacun puisse s’en rendre compte.

L’activité synaptique plisse mon front, forme un bourrelet entre mes sourcils froncés. J'observe mon reflet. Une image de moi, qui n’est pas moi. Pas complètement. Mon visage est moins carré, la mâchoire moins large, les joues un peu plus creusées. Mes orbites sont plus sombres. Mon teint devenu gris… A moins que ce ne soit une illusion d’optique produite par la médiocre qualité du miroir. Quelques points sombres parsèment le bas de mon visage. Une barbe broussailleuse en devenir. Une chevelure mi-longue, sombre, indomptée. Malgré ces différences, j’arrive à reconnaitre mes traits. Suis-je toujours le même ? Ou cette mutation aura-t-il affecté aussi mon caractère, transformé les méandres de mon esprit en un nouveau labyrinthe ?

Des questions existentielles qui me ramènent à un vieux souvenir. Je devais avoir treize ou quatorze ans. Nous vivions, moi, ma famille, et d’autres immigrants sans papiers, dans la cave d’un crève-nuage peuplé de bourges. Nous étions leurs esclaves : ménage, lessive, et autres services… douteux. La menace d’être dénoncé aux autorités californiennes détruirait toute notion de consentement. La communauté s’était organisée. Nous avions une salle de cours, dans l’alcôve juxtaposant l'incinérateur d’ordures. Une femme était parvenue à dénicher les restes chiffonnés de cours par correspondance balancés sans ménagement dans les conduits d’inox menant aux bennes. Nous avions passé plusieurs semaines à parler de biologie. De l’ADN. Cette double hélice magique. Tout cela sonnait comme de la fantaisie à mes oreilles. Comment mon cerveau juvénile aurait-il pu appréhender des notions aussi… abstraites. Que cet assemblage de nucléotides présent dans chacune de mes cellules codait tout mon être, et peut-être même mon esprit. Etions-nous, au final, si différents de ces programmes informatiques antiques, assemblages de « zéros » et de « uns » ? J’avais oublié ces questions infantiles, jusqu’à ce que je traverse de foutu portail.  Jusqu’à ce qu’une force mystique, immatérielle, s’amuse à tout reprogrammer : Adénine par ici, thymine par là. Et si on inversait la cytosine et la guanine pour voir ce que ça donne ?

Foutaises. Si nos vies devaient se résumer à un assemblage chimique, alors bordel, nous ne serions que les esclaves de TLC, reconfigurés selon leurs bons plaisirs…

L’once de colère qui m’hérisse le poil, s’évapore soudain, alors qu’une silhouette pousse la porte laissée entrouverte. Je fais mine de ne pas l’apercevoir immédiatement. Pour me recomposer un visage moins marqué, pour prendre le temps de l’observer par le miroir interposé. Une belle blonde. Elle reste sur le seuil, et répond à ma curiosité par un signe de la main

Les laissés pour comptes ? Sympa… A moins qu’il ne s’agisse d'une tentative humour sarcastique dont je maitrise mal les ficelles. Vous aurez compris que je donne plutôt dans le jeu de mot débile, dans le premier degré frisant le raz des pâquerettes… Ou toutes fleurs locales du même acabit. Je me retourne enfin… Et me laisse aussitôt happé par son regard bleu arctique. Mon cœur accélère. Le halo de fumée pailletée s’épaissit à mesure de mes pores se dilatent, que ma température corporelle augmente imperceptiblement. Putain d’hormones. Je hausse mentalement les épaules. Au moins je n’ai pas perdu au change hein… Erwin était clairement moins mon genre haha. Je bafouille :

« Heu… Ouais, j’ai un prénom : Fayad. » Il ne me vient même pas à l’esprit de mentir. A quoi bon ? Il y a une forme de légèreté dans sa voix, une manière informelle mais poli de s’exprimer, qui inhibe ma méfiance naturelle. « Donc c’est toi mon nouveau mentor ? » Question idiote, oui. J’ai encore un peu de mal à mesurer l’importance de ce mot, ici, sur Ozéna. « Et bonjour au fait … » Même pas fichu de mettre les phrases dans le bon ordre !  Je vais passer pour un débile ! « J’imagine que t’as un prénom toi aussi ? » Je frise la catastrophe sociale. J’inspire un bon coup, et tente de reprendre la main :

« Faucheur effectivement… » En même temps avec la fumée qui se dégage de ma silhouette, difficile de se tromper. « Je suis arrivé hier. » Je n’entre pas dans les détails, probablement qu’elle connait déjà l’histoire. Je n’ai pas spécialement envie de remuer le couteau dans la plaie de mon orgueil malmené par ce petit sentiment d’abandon tenace. « Et bah… Heu… Voilà. C’est à peut-être tout. T’as besoin de savoir autre chose ? C’est quoi le programme ? » Je lui proposerai bien de discuter dehors, d’aller boire un truc, mais je ne sais même pas ce qu’on boit, ni ou on le fait… Merde. Je réalise seulement maintenant à quel point je suis… paumé.
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Un nouveau, nouveau départ



Il était remarquable que toutes les âmes errantes durant leurs premiers jours semblaient tous avoir le même regard. Un air confu qui se peignait dans leur expression faciale et les tenait parfois pendant des mois, surtout pour ceux qui avaient véritablement changé d'apparence en passant le Portail. Cette âme là ne trahissait pas la règle, et je contemple en spectatrice son désarroi, la rétine collée au miroir rudimentaire des premières chambres. Un peu de poussière magique lui passe devant le nez, et son regard finit par s'accrocher à ma silhouette dans sa vision périphérique.

Une seconde passe, puis deux, et finalement le corps sombre se redresse tandis que je le salue à ma façon. Une petite entrée en matière pour faire sourire, mais peut-être que le fait de mourir une première fois pouvait contrarier au moins un peu. Je m'avance un peu pour tendre la main, comme ça se fait dans la majorité des cas, le regard toujours sur sa mine silencieuse, juste un peu plus haute due à une taille ma foi pas défaillante. Il n'était pas le plus grand, les métamorphes avaient le chic pour prendre les tailles extrêmes, mais il était grand, plus que moi ce qui n'était pas vraiment étonnant. Un sourire et un prénom de consolation, je lui demande ensuite s'il a envie de se présenter... Ou non.

Les commissures de mes lèvres s'ourlent sur mes jolies canines affutées et je me rapproche un peu plus pour détailler les traits fins et les longs cils de mon interlocuteurs et en écho répète doucement: "Fayad. ça ne s'invente pas. Tu te souviens donc de ton prénom, n'est ce pas?" Sa question me fais glousser et je me recule en ouvrant les bras, le bouquet de baies dans la main: "Précisément! Et pas la première à ce que j'ai cru comprendre. Il faudra que tu me dises ce que tu sais déjà, que ce ne soit pas redondant." C'est maintenant que la faucheuse me salue mais au lieu d'écouter ses élucubrations je me concentre sur ses jolis yeux noirs. Un éclair étrange luit dans ses yeux et l'envie furieuse d'y voir plus ne tente un instant avant que je casse le charme qui se met en place. Non. Pas ici.

Je fais donc demi tour puis me remet à la porte avant d'entendre sa drôle de question. Ne lui avais-je pas déjà donné le prénom demandé par la populace du temple des années auparavant? Amusée, je me contente de dire: "Si je dois répéter chaque information deux fois mon grand, la journée va rapidement être longue! Allons y, j'ai quelques petites choses à faire, on apprendra en chemin!"

Je m'élance dans le couloir et fais quelques pas avant que ses questions me monte à la tête. Je me tourne vers lui, fronce le nez, regardant de nouveau son petit visage assombri de poussière en essayant de ne pas le regarder de trop dans les yeux puis lui lance un grand sourire: "Tu as envie de me raconter quelque chose?" Oh, avec de si grands yeux les histoires ne doivent pas manquer dans sa caboche surmontée de cheveux en bataille. Mais ne perdons pas patience: Je me payerais ma contribution à la fin, en espérant que le mal de tête ne me prenne pas trop vite. "Pour le programme, nous allons d'abord rendre visite à ta re-créatrice en premier. Ensuite, tu peux choisir. Tu as faim?" Les gens adorent manger. Dommage que je n'ai su recréer ce plaisir à mon espèce...

Je fais ma marche petite et agrémentée de petits regard à Fayad qui regarde de tout côté. Si les chambres qui nous accueille sont austères, peu à peu le temple d'Ekarys se dévoile, ainsi que sa verdure, ses sculptures, son architecture toute particulière. Au centre de la grande place du temple, une énorme statue de la déesse surmonte un bassin que je pointe: "C'est là où je suis née, et toi aussi. C'est le début de toute chose. C'est beau, comme endroit, pour reprendre vie... Enfin pour toi, moi je n'ai jamais perdu la mienne!" En un sens, puisque de l'ancien monde il ne me reste que les mémoires d'autrui. Mais c'était suffisant: Les Dieux ne faisaient pas les choses pour rien. "Je vais te présenter brièvement le temple, déposer une offrande et nous sortirons. Entendu, Fayad?"

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Lun 23 Sep 2024 - 13:30
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Elle volte-face. Je cligne des yeux, pour tenter de chasser les brumes qui colonisent mon esprit. J’éprouve, à l’extrême, cette sensation désagréable ne pas être totalement éveillé. J’ai du mal à focaliser mon attention… Mais le « mon grand » maternel, ou condescendant – au choix – m’arrache un frison. J’ouvre la bouche pour la contredire.

« Je… » Mais le regard étonné lancé par Erwin tout à l’heure, quand je lui ai dit ne rien savoir du rôle des mentors, me hante soudain. Un doute terrible paralyse mes cordes vocales, m’assèche la gorge. Et si le problème venait de moi ? Mon orgueil s’y oppose. Ma raison refuse de l’assumer. Aurais-je des trous de mémoire ? Des troubles de l’attention ? Face à l’évidence, j’abdique :

« Je crois que j’ai un peu de mal à me concentrer… » Un magma en fusion ravage mes liaisons synaptiques. Je dois fournir un effort conscient pour l'écouter. Dès que je le relâche, mon esprit s’échappe, dans de vieux souvenirs, sur des détails inutiles : l’architecture grandiose des lieux, l’omniprésence de matériaux naturels, les odeurs inconnues, l’étrangeté de tout ce qui devrait être normal. Je lui emboite le pas. Nous remontons le même couloir emprunté avec Erwin il y a moins d’une heure. Rien n’a changé. Mais tout est différent. A présent que le soleil tutoie la ligne d’horizon des remparts, de nouveaux jeux d’ombres et de lumière décorent les sculptures. Je laisse la pulpe de mes doigts glisser sur la pierre nue, encore fraiche de la nuit. Elle est lisse, mais irrégulière. Rien à voir avec le béton dont je n’ai que trop l’habitude. Je peux presque sentir les marques laissées par les outils rudimentaires, là où la fatigue, ou l’agacement, des artisans a pris le pas sur leur habileté.

« Je… Pardon… » J’ai encore perdu le fil. Je crois. Que me demandait-elle ? Quelque chose à raconter ? « Bah, je dois t’avouer que je ne pige pas grand-chose à ce qui m’arrive. » Je n’ai jamais été un intellectuel, mais je ne suis pas débile non plus. D’habitude. « Les maisons, les races, les pouvoirs magiques, les dieux… Bordel. J’ai quarante-sept balais... J’étais arrivé à un stade ma vie où je commençais à me dire que le plus gros était derrière moi, que je n’avais plus grand-chose à apprendre pour me satisfaire de mes vieilles habitudes… Tu vois… » Evidemment, j’évite de mes pulsions suicidaires. « Tout recommencer à zéro. Une chance inespérée ouais. Mais à tellement de… trucs… différents… ici. J’en ai la tête qui tourne. Je suis trop vieux pour ces conneries… » Un pessimisme probablement décuplé par la fatigue, le doute. Je me tais. Seul le claquement de nos pas sur le pavé lustré par des milliers de semelles me répond. Je me sens con d’un coup. Encore un peu plus. J’ai gagné le sésame vers le nouveau monde, et voilà que je me plains… Je vais vraiment passer pour un vieux connard. Alors, je reprends, avant que la jeune femme, mon mentor, ne puisse surenchérir :

« Faim ? Non, ça va… je crois. » Mais cette seule pensée éveille mon estomac. Il grogne. Suffisamment fort pour que l’écho se propage autour de nous. « Enfin. Peut-être que si. » Mon dernier repas remonte à la veille. Et je n’avais pas vraiment d’appétit. J’ai soudain l’envie irrésistible de dévorer un truc bien gras, ou une pièce de viande saignante. Putain je divague encore ! Fort heureusement, lorsque l’on pénètre sur la grande place au centre du Temple, le décor capte toute mon attention : cette immense statue de la déesse protectrice des lieux. Je laisse échapper un sifflement admiratif. Je n’ai jamais rien vu de tel sur Terre où l’utilité des volumes primait sur l’esthétique de leurs enveloppes. « Ah ouais, c’est la grande classe. » Preuve, s’il en fallait une de plus, que je suis complètement dans le gaz : je n’ai aucun souvenir de ce bassin, où je suis sensé être… re-né ?

La remarque de la blonde concernant son ancienne vie m’intrigue. Mais je n’ai pas la force morale d’épancher ma curiosité. Il y a déjà assez d’informations qui saturent mon cerveau. Je baisse les yeux sur son bouquet :

« C’était pour ça les baies ? Pour l’offrande ? » Puis je hausse les épaules. Je réprime un sourire amusé. Sur Terre, lorsque je disais aux collègues que j’allais dépose des offrandes… hum… Bref. « Tout me va. Ce n’est pas comme si j’avais un emploi du temps chargé… » Erwin m’a conseillé de ne pas me présenter à la Guilde des Explorateurs avant d’être parfaitement à l’aise avec mon nouvel environnement. Autant dire que je n’ai strictement rien de prévu. « Je te suis. Après… Bah on peut aller manger un bout… et… » Une pulsion soudain m’assaille. « Et y’a un endroit ou je peux courir un peu ? » Bordel, j’ai des jambes ! « Juste pour me décrasser, tu vois… » J’en trépignerait presque d’impatience.

Je ne la lâche pas d’une semelle. L’immense statue m’impressionne d’autant plus que nous l’approchons. La lumière matinale pénètre les jardins verdoyants par de hautes fenêtres. Elle s’engouffre entre les feuillages, se réverbère sur la surface cristalline du bassin. Une offrande du soleil à la Déesse, dont le visage finement ciselé se pare de reflets moirés.

« Vraiment la grande classe… » Un ultime éclair d’admiration aussitôt chassé par mon sempiternel pragmatisme : « Mais c'est pas un peu too much ? J'veux dire : dépenser autant d'énergie pour créer tout... ça... Alors que y'a tellement à faire, déjà, pour que la communauté survive ? » Gaspillage de temps, de matériaux… Non ? Ou pas. Peut-être, qu’au contraire, cette débauche de temps alloué à l’esthétisme prouve que les gens, ici, s’en sortent vraiment pas si mal…

« Et heu... J’ai vraiment mangé ton prénom désolé… » Moue contrite. Quitte à avoir l’air con, autant l’avoir tout de suite, et passer à autre chose.
Fayad Feysal
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Eve
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Un nouveau, nouveau départ



En effet, la faucheuse semblait tout à fait désorienté, les mots pâteux comme s'ils devaient être prémâchés au préalable à tel point que je fais un signe d'apaisement avec mes mains pour lui dire: "D'accord, on va y aller doucement. Ce n'est pas grave, ça arrive à d'autres, d'être dans cet état. Il suffit de... respirer." J'inspire un grand coup, les paupières closes avant de souffler en rouvrant mes grands yeux céruléens avant d'apposer un sourire plus doux, moins taquin pour l'entrainer hors de cette chambre qui ne donnerais rien de plus que le cafard.

Bien vite le temple et sa beauté fait son effet sur le grand nouveau qui en prend plein les yeux. Il faut dire que les temples sont d’une beauté époustouflante tous autant qu'ils sont, avec chacun leur beauté bien sûr. Traversant une allée verdoyante ou la végétation se colle aux piliers pour grimper jusqu'aux cieux, je montre un banc à l'autre bout avant de demander si en premier lieu il avait envie de parler de quelque chose. Heh, pas facile de lancer une conversation avec un inconnu qui ne se connait plus lui-même! Et ses premières impressions m'étonne tout à fait, me faisant ouvrir de grands yeux avant de dire, presque incrédule: "Tu as... Quarante sept ans?" Il faut croire qu'on vieillit super bien dans le Portail parce que pour un mi-centenaire le faucheur était bien en forme, et la réflexion me fait penser que si je ne connais pas mon âge exact il doit être plutôt éloigné de celui-ci. Intéressant...

Mais mon élève du jour avait besoin de mieux que ma surprise, et après avoir raclé ma gorge et proposé de s'asseoir au banc que nous venions de joindre je croise les jambes et éclaircit ma pensée: "Tu sais... Venir à ce monde c'est recommencer à zéro, qu'importe les années passées de l'autre côté du portail. On réapprend tous, et on créé une nouvelle vie. C'est pour le mieux, c'est ce qu'il faut se dire. Et puis tu sais... En réapparaissant dans nos nouveaux corps nous gagnons en espérance de vie, alors... Tu as des centaines d'années pour t'y faire. Dans ce monde même si tu avais 99 ans tu serais un bébé." Je glousse et pose une main bienveillante sur l'épaule de Fayad avant de proposer de manger pour le détendre un peu, non sans avoir vu Ekarys avant.

La réponse ne tarde pas, qu'elle soit de sa bouche ou de son estomac et je glousse de nouveau avant de me relever pour nous emmener à la salle d'offrande, une salle à ciel ouvert où s'entasse de la nourriture végétale fraiche, des fleurs, des graines que les animaux viennent chiper. Une énième statue pose son regard bienveillant sur nous et je lui souris comme à une mère protectrice avant de poser mon bouquet près de sa main ouverte couverte de fleurs. Fayad se tiens tranquille les petites secondes que je consacre à la déesse puis je me tourne vers lui après un dernier œil affectueux à la statue, et faisons demi tour tandis que je répond à ses questions: "Oui, Ekarys est une déesse du vivant, alors elle apprécie le végétal. Bien que ce ne soit pas obligé... Tu n'es pas obligé de croire ici. La religion est présente, mais... Personne n'est obligé de croire." C'était important, je crois, de lui dire que malgré notre aparté devant la déesse, il pouvait simplement penser que c'était une visite de courtoisie à de la pierre et des herbes.

Nous descendons quelques marches avant de passer à côté d'un bassin où les fleurs affluent, et je pense à plusieurs endroit où emmener manger le faucheur, aucun n'étant vraiment adéquat puisque manger au restaurant ne faisait pas partie de mes hobbies. Puis je finis par hausser les épaules, répondant simplement: "On mangera ce que tu veux, on ira à un endroit où ils ont du choix." Je zieute un moment le grand homme pour réfléchir à sa demande et souris. "Bien sûr, je te présenterais mon Jardin!" Une étendue géante de plantations, quoi de mieux pour se dégourdir les jambes. "Tu aimais courir dans ton ancienne vie? Si tu t'en souviens, bien sûr!"

Avant de sortir je laisse à loisir le nouveau venu contempler la bâtisse et, se rapprochant de la statue géante et son grand bassin où une vapeur douce se laisse apercevoir, je ne peux m'empêcher de dévisager le faucheur, son admiration pour l'architecture. Et puis il formule son interrogation et avec patience je lui montre la sculpture gracieuse d'une main : "Penses-tu vraiment que nous avons bâti tout ceci? Il paraît que quand les aventuriers sont arrivés, tout était déjà là. Alors... Est-ce une construction des premiers hommes... Ou est-ce encore plus mystérieux que cela?" En vérité j'avais lu quelque chose comme ça à la bibliothèque, une nuit glaciale où chasser n'avait aucun intérêt sauf celui de se blesser. Pour la survie, la vie était plutôt douce et peut-être Fayad était-il habitué à vivre à la dur pour imaginer qu'on manquait plus ici que dans l'autre monde que j'avais vu au prisme de nombreux yeux accablés.

Finalement nos pas nous amène à la sortie et, devant les énormes portes de bois et barres métalliques forgées, je me retourne avec un sourire de nouveau taquin "Eve. On m'appelle Eve." La porte s'ouvre et la lumière semble éblouir le faucheur tandis que j'offre mon regard au soleil comme s'il m'enveloppait de sa beauté. Ahhhh. Il n'y avait rien de mieux que la beauté de ce monde.

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Ven 27 Sep 2024 - 13:23
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Eve. Joli prénom. Aussi ancien que l’humanité elle-même. Est-ce que les origines de nos patronymes survivront à notre exode ? Par exemple, Fayad vient de l’arabe, qui signifie : « généreux, qui a du cœur. » Et bien, dans quelques générations… Qui se souviendra des langues parlées jadis, sur une autre Terre, gommée progressivement de l’inconscient collectif ? Ce prénom n’aura plus aucun sens. Une culture peut-être survivre si on lui arrache ses racines ? Bordel, c’est que je deviendrai philosophe… La bonne blague. Pourquoi je pense à ça déjà ? Aucune idée. Eve, c’est juste un prénom cool. Simple et efficace. Il sonne bien, voilà tout. « Eve. Merci. Je ne l’oublierai plus… »

La lourde porte d’entrée du Temple s’ouvre en grinçant à peine. La lumière crue m’arrache un rictus de douleur. Je plisse le front, ferme les yeux. L’astre diurne s’élève déjà haut dans le ciel. Une gêne de courte durée, immédiatement suivi d’un sentiment d’extase. Qu’il a-t-il de plus jouissif que de sentir les rayons brulants du soleil réchauffer tendrement son épiderme ? Je pourrais rester là des heures, à lézarder dans une chaise longue. Je ne crois pas avoir déjà ressenti cela sur Terre : toujours pressé, débordé, empêtre dans un quotidien sans queue ni tête. Nous étions des milliards comme cela : à nous débattre pour espérer survivre, plus par réflexe que par conviction. Je repense à ce que m’a dit Eve, un peu plus tôt :

« T’as raison. » Nous restons un instant sur le perron, un flux constant de fidèles traversent la haute voute qui marque l’entrée du Temple. La plupart pénètre avec des offrandes, et s’échappent avec un sourire réconforté aux lèvres. « Je pense trop à… avant. Je compare, je me fais des nœuds au cerveau. Ici tout est différent. Mais tant mieux, c’est l’occasion de toute recommencer à zéro. Il ne faut plus que je pense à ma mon ancienne vie, à ce que j’avais réussi ou raté. Ça n’a plus aucune importance… » Je commence à comprendre ce que voulait me dire Erwin lors de notre première rencontre. « Erwin m’a dit que se souvenir de son passé, c’est autant une bénédiction qu’une malédiction. Ça peut être un moteur, pour aller de l’avant, pour se motiver à ne pas reproduire les erreurs du passé… Mais c’est aussi un frein, si l’on reste enfermé dedans, que l’on sombre dans une forme de nostalgie. » C’est con à dire, mais ce petit échange m’a redonné un peu de baume au cœur. Les émotions négatives refluent derrière cet élan d’espoir inespéré. « Je suis une page vierge. Rien à foutre de la Terre. A moi de me donner à fond pour trouver ma place ici, et maintenant. » Bordel je suis remonté à bloc d’un coup ! Je pourrais bouffer n’importe qui, n’importe quoi !

« Et on va commencer par grignoter quelque chose ! J’ai l’estomac dans les talons ! J’irai courir plus tard. C’est pas que j’aime particulièrement ça… C’est juste que… Bah… Je n’avais plus trop l’occasion de le faire sur Terre. » Se faire arracher les deux jambes par une grenade, même après être équipé de prothèses, ça tue le game. « Je pense que ça me ferait du bien. Pour lâcher un peu la pression, tu vois ? » Elle m’a proposé d’aller où je veux… OK… Mais je ne connais rien de cette ville. On peut manger où ? Je connais seulement l’auberge de notre Maison. Mon regard s’égare sur l’artère qui chemine jusqu’au quartier Nord. Celle empruntée plus tôt en compagnie d’Erwin. Elle est encore plongée dans l’ombre. Elle ne m’inspire rien. Non. Je n’ai pas envie de revenir sur mes pas, de risquer de me remémorer la foule de doutes éprouvés alors que mes semelles claquaient sur le pavé boueux. « Et si on laissait le vent choisir pour nous ? » Je redresse la tête, nez dressé vers le ciel. La brise timide apporte son lot de senteurs encore exotiques. Impossible de les identifier… Mais dans ce magma, l’une se détache. Le fumet acre du poisson grillé. Une odeur typique, qui semble être la même dans tous les univers alternatifs. L’écume monte immédiatement à ma bouche. « Poisson ? » Le vent souffle d’Ouest en Est, si je me repère par rapport à la position du quartier Nord. J’indique donc, d’un index assuré, l’avenue pavée menant au quartier Ouest. « Allons par-là ! » Je descends aussitôt la volée de marches élevant de deux mètres l’entrée du Temple, tout en commentant mon choix : « Sur Terre, je n’ai jamais mangé de poisson. De vrai poisson je veux dire. Je ne parle pas des pâtes nutritives bourrées d’aromes artificiels… » Une réflexion qui s’ajoute à une autre, sans réel lien logique. « Au début, j’ai cru que mes sens étaient plus développés ici, surtout l’odorat. Mais je pense que non. C’est juste que je n’ai pas les nez détruit par la poussière et la pollution. Je respire de l’air pur, j’arrive à sentir mon repas à des kilomètres à la ronde lorsque le sens du vent le permet ! » Ouais, j’ai retrouvé un semblant de bonne humeur. Tant que je ne repense pas aux sujets qui fâchent. Tant que je ne repense pas trop à… Avant. Je dois me concentrer sur le réel, l’instant présent. Le positif. La nouveauté. Et faire taire les millions de questions qui assaillent mon esprit encore fébrile. Excepté que je repense aussi sec à un truc que m’a dit Eve, juste à l’instant :

« T’es sérieuse quand tu dis que tout ça c’était déjà là quand les premiers colons sont arrivés ? Tu parles seulement des Temples, ou de toute la ville ? » Cette réflexion m’arrache un putain de frisson dans l’échine. Du sillon inter-fessier jusqu’à la nuque. « Et qui a trouvé que c’était une bonne idée de s’installer là ? » Le scepticisme reprend le dessus. Chassez le naturel… « Déjà c’est dingue de penser qu’il y avait d’autres personnes ici, avant nous. Elles sont passées où, on sait quoi d’elles ? Parce que… Bon… Soit, elles vont finir par revenir et trouver des squatteurs d’un autre monde dans leurs maisons… Soit, elles se sont tirées pour une bonne raison en laissant tout ça derrière. J’imagine qu’on n’abandonne pas des édifices aussi… majestueux, sans un cas de force majeur du genre mortel. » Je ne suis certainement pas le premier à le penser, c’est quoi le truc ? « Dans un cas comme dans l’autre… Bah… Ca craint non ? » Cette révélation change complètement la donne. Cette histoire louche, mystérieuse, et flippante… Je dois en apprendre plus.
Fayad Feysal
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Sam 28 Sep 2024 - 16:13
Eve
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Un nouveau, nouveau départ



Quelque chose en ouvrant les portes du temple avait changé dans l'attitude du faucheur. Etait-ce le soleil sur sa peau halée, ou mon beau discours sur le nouveau départ que prenait son existence en arrivant ici?  Car comparé à la vie que je regardais sur le petit écran des mémoires d'autrui, Azamyr était concrètement un paradis, et ça avait sûrement heurté le nouveau venu comme les rayons dans ses yeux. La vie s'offre devant nous, en multitude de peuples affairés qui rentrent sortent des bâtiments énormes et majestueux, et petit à petit l'enthousiasme s'ancre dans les yeux sombres de Fayad. Loin de moi cependant d'altérer son jugement sur son ancienne vie: Elle pouvait avoir de l'importance... Si on voulait lui en donner une. Et sans avoir fait l'apologie de l'oubli, mon mentoré dit les mots que j'aurais pu prononcer des années avant lui, me faisant exploser de rire. "Et bien! Te voilà bien inspiré Je n'aurais pas mieux dit moi-même!" D'un air de confidence je dis plus bas, sourire aux lèvres: "Tu sais, quand je suis arrivée le Prieuré voulais absolument que je me souvienne de mon nom! Et bien je n'ai pas lâché, j'ai donné un prénom au hasard à ma mentor, une semaine après mon arrivée! Je n'ai jamais voulu me souvenir du passé." Finalement, nous avions plus de points commun que notre Maison.

Et après cette révélation primordiale dans la vie d'un nouvel habitant, nous prenons en compte son estomac. Et si je ne lui laisse que peu d'indices pour trouver un lieu adéquat, mon savoir à ce sujet étant clairement réduit, mais l'initiative de tendre le museau au vent étant amusante je fais de même, essayant de ne pas me focaliser sur les odeurs alléchantes des vendeurs de sang présents un peu partout pour trouver autre chose pour mon petit alimenté normalement. Un ange passe, puis deux, et au troisième malakim l'illumination vient et je fronce le nez avant d'hocher la tête: "Poisson ce sera en ce cas!" Je suis un peu curieuse du goût que du sang de poisson peut avoir...

Je prend le pas de Fayad qui, à grandes enjambées pourrait aisément me perdre dans la foule si je n'étais pas doté d'une rapidité exceptionnelle et écoute attentivement les questions du faucheur tout en regardant nos pas nous mener vers le quartier des Maintes Eaux. "Et bien... Je crois que tout était là, regarde!" malgré que le quartier central soit un des lieux regroupant le plus de monde, la place immense semble déserte... à moins que ce soit les bâtiments qui ont trop grands? "C'est un héritage..." Fayad semble tout d'un coup plus préoccupé, et j'ajoute, désinvolte: "Je pense simplement que la première génération et leurs descendants ont migrés et nous ont laissé la ville, sachant que le portail continuerait d'exister et donc l'humanité d'arriver... ça pourrait faire sens, s'ils ont trouvé mieux ailleurs, non?" Dans tous les cas Azamyr était sûre depuis onze ans, pourquoi cela changerait?

Les pavés sous nos pieds arpentent bientôt le parc de la place centrale et les arbres qui forment un peu d'ombre nous donne une fraîcheur bienvenue. Bientôt nous attendrons les premiers canaux du quartier aquatique, et enjouée je finis par hausser les épaules, puis prend rapidement la main du faucheur pour la serrer pleine d'espoir "Tu ne devrais pas t'en faire, jusqu'ici la ville a été un salut, ça ne changera pas de sitôt! Et comme tu l'as dit plus tôt... C'est une nouvelle chance. Profites en!" Je relâche aussi sec ma prise et glousse en sautant sur le côté avant de trottiner d'enthousiasme. "Regarde comme c'est beau Fayad! N'as tu jamais vu quelque chose d'aussi beau?" Les feuilles frissonnent sous un vent léger, les soleil éclaire les pavés polis par les marcheurs, la rue est grande, aérée, propre, et nous entendons déjà le glouglou du canal le plus proche.

"Bon, il faut que je t'apprenne des choses aussi, alors voilà. Nous sommes encore dans le quartier central, mais bientôt nous atteindrons les Maintes Eaux. C'est le quartier Ouest de la ville, face à la mer, avec un port, beaucoup d'eau... Et du poisson!" C'est peut-être le quartier où je vais le moins aussi, mais bon. "C'est un bel endroit, mais tous les endroits sont beaux par ici. On pourrait s'arrêter à une auberge près du port si tu veux voir la mer et les bateaux?"

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Lun 30 Sep 2024 - 23:46
Fayad Feysal
Maison de la Flamme et de l'Ombre

Les paroles d’Eve percent le cuir épais de ma conscience égocentrée. Depuis tout à l’heure je parle de moi. Uniquement de moi. Et je réalise ne lui avoir posé aucune question personnelle. Une pensé qui m’arrache une fugitive moue coupable. Ma seconde femme m’avait déjà reproché cela : de ne penser qu’à ma gueule. Accusation que j’avais balayé d’un revers de manche outré. Moi Egoïste ?! Alors que j’ai sacrifié mes deux jambes pour que les méga-corporations californiennes puissent perdurer, et ainsi maintenir le fragile équilibre économie de notre nation ?! Tout cela n’a plus aucune importance maintenant. Je n’ai plus de fausses excuses.

« Tu as donc tout oublié de ton ancienne vie ? » C’est plus une affirmation qu’une question. La manière dont elle explique s’être choisi un prénom ne laisse aucune place à l’interprétation. « Flippant. » Je lâche ce mot en un souffle, telle une pensée venue des tréfonds de mon âme, énoncée à haute voix. J’essaye d’imaginer… Mais je n’y parviens pas. Comment aurais-je réagi si je m’étais éveillé sans mémoire ? Eve a peut-être été une personne admirable, ou, au contraire, une connasse finie. Un bourreau aussi bien qu'une victime. Répète-elle, sans même le savoir, ses actions passées ? Où est-elle une page vierge qui s’écrit de jour en jour, indépendamment de ce qui fut sa vie ? Mes neurones fument. Trop de questions. Bordel, je vais devenir cinglé !

« Tu n’as vraiment aucun souvenir ? Des impressions, des sensations ? Aucun indice qui te permettrait de débloquer ta mémoire ? » Je me souviens d’un camarade de l’armée devenu amnésique après avoir pris une balle dans la tête. Il avait fini par retrouver la mémoire, un jour, comme ça, sans prévenir, seulement en sentant l’odeur d’un gâteau au chocolat industriel qui lui avait rappelé un goûter d’anniversaire. Un fragment infime avait suffi à déverrouiller des pans entiers de sa mémoire cadenassée par le traumatisme. Ce jour-là il s’était aussi suicidé. Il n’avait pu encaisser les horreurs remémorées d’une carrière de soldat. De vieilles plaies réouvertes, qu’il n’avait su cautériser. Une sale histoire. Lorsque l'on remue la merde sans prendre de gants, il ne faut pas s'étonner d'avoir le doigt qui pue. Je hausse les épaules. « Mais c’est peut-être mieux comme ça. Lorsque l’on ne peut plus regarder en arrière, on n’a pas le choix que d’aller de l’avant non ? » Ouah bordel, je sors des trucs profonds depuis ma renaissance. Il faut croire que mes nouveaux neurones cogitent mieux que les anciens ! Il me brule l’envie, maintenant que la curiosité à pris le pas sur tout le reste, de lui poser d’autres questions, sur elle, sur sa vie, sur ses premiers pas… Mais j’ai la sensation d’avoir touché une corde sensible. Peut-être que je me trompe. Je l’ignore. Je change de sujet :

« Va pour la mer ! » On croirait un gosse. « Hâte de voir à quoi ressemble un océan sans hydrocarbure et plastique. » Oui, tout semble plus beau ici. Mais j’ai toujours tendance à me méfier de ce qui semble trop parfait. « Ça fonctionne comment ? La vie ici ? Erwin m’a dit qu’on était quoi : Trois cents personnes à vivre ici ? La population d’un petit village paumé au milieu de cette grande ville abandonnée... La plupart des maisons sont vides non ? J’ai encore un peu de mal à comprendre comme tout ça s’organise. » Est-ce comme dans l’armée ? Chacun ses corvées ? « Surtout pour les vivres. » Elle va croire que je ne pense qu’à mon estomac… Mais la question est pertinente ! Ce n’est pas si évident de ravitailler et nourrir une ville de trois cents âmes, surtout dans une contrée dont on connait mal l’environnement. « Il y a des tâches d’intérêt général ? Heu… Comme le nettoyage des rues, entretien des bâtiments ? Les récoltes saisonnières ? Le travail des champs ? » Il y a des champs seulement ? Je n’ai aucune idée de comment est produite la nourriture. « La pêche ? L’élevage de bétail ? La cueillette peut-être ? » J’imagine que ce ne sont pas toujours les mêmes qui accomplissent les tâches les plus ardues. Sinon c’est l’arnaque !

Bref, je la bombarde de question… Et pendant qu’elle y répond. Je tente de ne pas me laisser distraire par le décorum. Nous avons quitté central d’Azamyr, laissant derrière nous les édifices les plus imposants de la cité. Un modeste pont de pierres nous permet d’enjamber un bras de fleuve. Les lignes sombres qui barrent ses pilliers témoignent du niveau des crues. Aujourd’hui semble être un jour banal, comme les autres, sans excès fluvial. Et une fois passé cet ouvrage, l’environnement change du tout au tout.

Les habitations sont moins nombreuses, moins hautes que dans le quartier nord. Certaines penchent ostensiblement, leurs fondations dévorées lentement par la terre meuble, imbibée d’eau. Il règne ici une ambiance étrange, par ici une petite prairie de roseaux, par là un amoncellement de barques rudimentaires abandonnées autour d’un ponton animé. Plusieurs fois je distingue des silhouettes vaguement humanoïdes se déplacer dans les eaux plus profondes que je le pensais. Il y a des constructions là-dessous ! Des édifices sous-marins déformées par le jeu de la lumière sur les eaux.

« Ah ouais, c’est typique comme quartier… » dis-je, pour rester poli. Je ne me sens pas à l’aise. Il y a trop… d’eau. Tout ce que j’observe à l’air humide, froid. Même le quartier Nord semble plus chaleureux… Non. Je refuse, une fois de plus, de me laisser dominer par mon pessimisme. Alors je tente de me concentrer sur le… positif. Les reflets du soleil sur l’eau omniprésente qui créent des caléidoscopes aux couleurs de l’arc-en-ciel. La multitude d’insectes bigarrés qui bourdonnent entre les végétaux aquatiques. Il y aussi beaucoup d’oiseaux, posés sur l’onde calme, ou décrivant ces cercles au-dessus de nos têtes, en poussant des notes stridentes. « … Un poil trop mouillé pour moi, mais ça ne manque pas de cachet. » Une sirène s’ébroue sur la rive, elle nous fait un signe de la main. Je lui réponds, machinalement, les yeux rivés sur sa queue de poisson. Purée, je vais avoir du mal à m’y faire ! Les gens ici ont l’air… serein. Rien à voir avec la vie citadine que je menais jusque-là.

Je comprends alors seulement la manière de penser de mon mentor. Cette insouciance que j’avais pris pour de la naïveté. Pourquoi s’inquiéter pour l’avenir lorsqu’on touche du doigt le paradis ? « Je vois ce que tu veux dire. Pourquoi s’en faire lorsque l’on peut profiter du présent qui nous a été offert. » Je n’oublie pas que tout cela est un cadeau d’une méga-corporation… Rien n’est jamais gratuit avec ces gens-là. « Je comprends ton point de vue… Mais je ne peux m’empêcher de penser que c’est l’insouciance qui a conduit l’humanité à son extinction, sur Terre. On devrait peut-être réfléchir sur le plus long terme… Cette fois. Mais peut-être pas aujourd’hui, je te l’accorde. »

La voie que nous empruntons longe un canal artificiel, qui s’élance entre les constructions telle une route aquatique. Il relie probablement plusieurs bras du fleuve. Des interconnexions entre les artères naturelles. Quelques ponts, très rudimentaires, l’enjambent. Mais leur état douteux ne m’inspire aucune confiance. J’imagine que les habitants de ce quartier se déplacent principalement dans l’eau, ou avec des embarcations. L’entretient de ces passerelles n’est pas leur priorité. Le pavé est laissé aux visiteurs moins aventureux. Par endroit, la nature a repris ses droits. De hautes plantes aquatiques nous barrent rapidement la route. Je désigne du menton une barque esseulée, échouée sur un haut-fond vaseux. Sa coque piquée de taches blanches et vertes, mousses et mollusques d’eau douce, semble intacte. Je souris. Et pourquoi pas ?

« On termine le chemin en barque ? J’imagine que si on se laisse porter par le courant, on arrivera à la mer ? »
Fayad Feysal
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Un nouveau, nouveau départ



Voilà donc une question personnelle de la part du mentoré, et pas des moindres. Mon opiniâtreté vis à vis de l'ancien monde est sans faille et je répond "Oui." sans difficulté. J'avais perdu la mémoire, c'était pour le mieux. Contrairement à ce que pouvait imaginer Fayad avec son "flippant". Je m'expliquerais bien, mais parler des nombreuses cicatrices que cache le tissu léger de la robe bleue que j'ai choisi pour un joli jour d'été n'est absolument pas ma tasse de thé. Il y avait des choses qui ne se racontaient pas. A moins que ce soit un complexe, mais passons. J'esquive donc le principal pour hausser les épaules. "Les Dieux m'ont permis un regard neuf sur la vie, je ne les contrarierais pas la dessus. L'ancien Monde mérite-t-il qu'on se rappelle de lui? Je ne pense pas." Laissant là cette réflexion je nous dirige vers un chemin peu fréquenter, direction le fumet de poisson que désirait la faucheuse.

Et celle-ci semble vraiment tenir à l'idée des souvenirs, ce qui est un poil irritant je dois admettre. Fronçant les sourcils, je répond simplement: "Je n'ai pas voulu retrouver mon propre prénom, Fayad. Qu'est ce que je ferais avec des souvenirs. Tout ce qui est à la Terre peut y rester, je m'en moque éperdument. Il n'y a personne ici qui n'ait pas souffert là bas. ça suffit pour ne pas vouloir déconner, tu ne penses pas?" Oh, je n'étais pas froissée: C'était plutôt normal que le nouveau venu se pose ce genre de question. Seulement il ne s'adressait pas à la bonne personne pour parler du passé.

Et comme pour acquiescer mes dires l'homme parle de la mer polluée du Là Bas, et je rétorque, un peu plus lumineuse et enjouée: "Impossible, tu remarqueras que nous sommes retombé des siècles en arrières. On a pas l'électricité, l'eau courante, ni de véhicules à proprement parler. On vit simplement, on reconstruit la technologie avec du neuf en évitant de tout remerder à nouveau, et pour l'instant on s'en sort bien. Les pouvoirs aident. D'ailleurs tu as entendu parler des pouvoirs?"

Tandis que nous marchons dans une ruelle moins bien pavée, Fayad me pose des questions sur l'organisation de la cité. Je me gratte la tête une fois, puis deux: Ses interrogations sont bonnes, et si je peux y répondre pour le moment il ne fallait pas non plus chercher trop loin. Je suis une fille simple, alors savoir tous les rouages de la ville... "C'est ça, nous sommes une petite communauté, alors il faut beaucoup s'entraider. La majorité des maisons sont vides et entretenues par les gens de leur quartier, sous la gouvernance des dirigeants qui ont pour mission de garder leur lieu propre et propice à l'installation de tous. De ce fait, lorsque tu seras prêt, tu pourras te choisir une maison et l'acheter, ce n'est pas ce qui manque. De même pour le travail, on en manque pas, alors tu pourras être ce que tu veux." Un village libéré des contraintes d'un système élitiste ou presque, l'endroit n'était pas sans faille en réalité. Mais il fallait avouer que généralement, on pouvait être ce qu'on voulait. Je continue: "Pour les tâches quotidienne de la cité les Dirigeants payent des volontaires pour le faire. Il y a des contrats mis pour les récoltes, les gens viennent donner la main à la patte et repartent souvent avec quelque chose. Je suis cultivatrice, c'est comme ça que ça marche pour moi aussi: Quand c'est les grosses saisons avant l'hiver je recrute des bras, on ramasse tout ce qu'on peux, on met en réserve, on conserve, et les gens repartent souvent avec un bocal de leur labeur ou quelque chose de ce genre." Les interrogations deviennent amusantes et je finis par pouffer. "Bien sûr qu'il y a de tout ça! Rien que moi je fais de la cueillette et de l'agriculture, et de la chasse aussi! La pêche non, mais les gens des Maintes Eaux sont plus à même de le faire, regarde on arrive d'ailleurs."

Le chemin choisit n'est pas le plus beau, peut-être le plus sauvage. Un canal laisse glisser d'étranges créatures aquatiques tandis que nous traversons par dessus, histoire de rejoindre une rue plus neuve et plus adéquat à la visite. Mais voir les dessous de la ville est aussi instructeur: Tout n'est pas fait, tout n'est pas poli, créé, civilisé. Comme le terrain que j'ai acheté, il restait des hectares entiers de zones sauvages dans la cité. La ruelle suivante est déjà moins boueuse, et le canal suivant est même doté de pavé sur ses rives. Une sirène sûrement charmée de l'allure désinvolte de Fayad lui fait coucou, et j'hésite entre lui faire un doigt en guise de réprobation ou de la siffler ostensiblement. Heureusement le faucheur ne semble pas se prêter au jeu et son mal aise me fait m'en rapprocher. "C'est le quartier des Maintes Eaux, il y a de l'eau partout. Mais c'est joli, quand on est dans les lieux habités." Il fallait admettre qu'il y avait une certaine poésie au lieu, même si ici la poésie se réduisait à du babillage de triton.

En nous rapprochant du canal-artère de la ville les chemins sont mieux tracés et plus accueillants, mais les ponts peu empruntés par les habitants ne donnent pas envie de s'y épancher, et bien vite le faucheur propose un autre moyen d'atteindre la mer: Une embarcation, laissée à l'abandon sur le rivage et criblé de tâches. Je regarde la coque moisie, puis mon mentoré, puis la barque, puis mon mentoré, et m'avance vers le bout de bois avant de le pousser avec aisance dans l'eau grâce à une force que Fayad ne pouvait s'imaginer sortant de mes petites mains frêles. Il ne faut pas cinq seconde pour que le titanic sombre dans le canal, et un triton s'exclame avec provocationde l'autre côté de la rive: "ça va pas non?! ça se voyait qu'il était mort, ce canot!" Cette fois je ne me prive pas de faire un doigt et, prenant le poignet de mon protégé me met à courir tandis que le triton furieux commence à traverser le canal. "Viens, on s'casse!"

Comme des gamins ayant fait une connerie (heh, n'étions nous pas un peu cela?), nous traversons quelques ponts, puis allons à droite, à gauche avant que je nous cache dans une impasse loin des yeux consternés ou sceptiques des passants avant de murmurer à l'oreille (ou plutôt au torse vu ma taille et la sienne) de Fayad: "On l'a semé, mais cette fois on prend la voie terrestre, pas question que je finisse au fond de l'océan, d'accord? On fera du bateau une autre fois!" Au moins le faucheur avait pu expérimenter la course en ville... Et le sentiment de liberté que cela pouvait procurer.

Zieutant si dans la rue personne ne nous recherche ou ne nous vois comme des fuyards que nous étions, je nous sors de l'impasse avant de pointer du doigt une ligne bleue lapis-lazuli. "La mer nous attends!" pour notre chance, Lysrus nous avait envoyé vers l'océan, et je songe à lui remettre un présent pour sa coopération... Et pour me faire pardonner de la barque que j'ai lancée dans ses eaux.

Il ne faut pas deux cent mètres pour rejoindre le port majestueux, et cette fois point de bateaux de merde ou de plages pourries: l'endroit est impeccable, la mer magnifiques, les navires florissants et les pêcheurs rasés de près... Non, ça c'est faux. Mais on est presque au paradis maritime. Je laisse mon regard arpenter l'endroit, pensant de plus en plus à piquer une tête, puis montre une guinguette en bord de mer d'où vient une odeur alléchante. "Fayad, on mange avant ou tu as besoin d'un moment pour la mer?" Après tout, la première fois qu'on constate un endroit épuré comme l'océan d'Ozéna l'est pouvait être un moment incroyablement fort, et je n'allais pas priver le faucheur de celui-ci.

ft. Fayad
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« Oh… Bordel… De...» Souffle court, je me recroqueville, mains posées sur les genoux. Mon cœur, déchainé, menace de me rompre les côtes. Il ne bat plus : il tonne. Ses pulsations se répercutent jusque dans mes tempes, juste dans mes orbites. « La vache… » Il me reste juste assez d’oxygène m’amuser du fait que je devrai bientôt abandonner cet idiome réflexe, pour le remplacer par des expressions plus adaptées au bestiaire du nouveau monde. Je chasse cette pensée futile, et me redresse. Eve est toute proche, je dois baisser les yeux pour me plonger dans son regard, au risque de m’y perdre. Cette course effrénée, juvénile, a achevé de briser la glace qui nous séparait encore. Nous sommes pareils à deux gosses, pris la main dans le sac de bonbons, qui ricanent la bouche pleine après avoir échappé de justesse à la correction méritée. « Et bah… » Je me force à respirer plus lentement, par profondes inspirations. Je récupère rapidement. Bordel que c’est bon d’avoir des guiboles et des poumons neufs. « Moi qui voulais courir un peu ! » Tout s’est passé si rapidement. D’abord la barque qui coule, puis… Je secoue la tête. « T’es un sacré spécimen Eve. J’sais pas, je ne te croyais pas aussi… Rock-and-roll. Tu envoies des doigts, comme ça, gratuitement, à tous les gens qui te contrarient ? » Je ricane. « Il l’avait bien cherché, l’écailleux, haha. J’espère juste qu’il n’a pas eu le temps d’imprimer nos trognes. J’imagine dans une si petite communauté les ragots circulent vite. » Ça serait con de se faire réprimander dès le premier jour. Même si je n’y suis pour rien cette fois ! A part concernant cette idée débile de finir le chemin en barque. Purée, si elle avait coulé alors que nous étions dessus, nous aurions été complètement trempés. Et je n’ai même pas de change. Seulement une chemise légère et un pantalon ample trouvé dans ma chambre. J’essuie d’un revers de manche, les perles de sueurs qui menace de dégringoler de mon front. « Ouais, la voie terrestre, ça me va très bien finalement. Je te suis. »

Alors que nous nous remettons en branle, après quelques regards furtifs, et coupables, par-dessus nos épaules, je cogite sur les derniers mots de la miss. Je décide de ne pas revenir sur sa perte de mémoire, j’ai à présent la certitude que le sujet l’affecte. Je lance un banal , mais sincère : « C’est déjà plus sympa par ici. », après avoir passé un pont mieux entretenu. Nous pénétrons dans une rue plus large, pavée. L’eau est toujours omniprésente mais contenue dans des canaux, domptée par les habitants du quartier. Il y a des draps aux fenêtres ouvertes, du linge suspendus aux cordes tirées entre les façades. Presque toutes les maisons sont habitées. Il y beaucoup de fleurs aussi, multicolores. Et des nuées d’insectes butineurs qui bourdonnent sur des rythmes endiablés. Il y a de la vie ici, à tous les niveaux. Et plus nous approchons de la façade océanique, du port, plus il y a de l’activité. Je rebondis sur une phrase laissée en suspens :

« Bah je ne suis pas vraiment objectif. C’est beau ouais… Mais, pour être, honnête, je n’ai jamais vraiment aimé l’eau… » Je hausse les épaules « J’ai vécu la majorité de ma vie dans des régions désertiques. Et la plupart des points d’eau sur Terre sont si pollués qu’une gorgée suffit pour passer l’arme à gauche. Alors bon, si l'on ajoute à ça deux mariages foireux… On va dire que j’ai développé une méfiance réflexe pour tout ce qui mouille. » Je pouffe, amusé par ce jeu de mot plus que douteux. « Mais assez parlé du passé ! T’as raison, l’ancien monde ne mérite pas qu’on s’en souvienne… Excepté si ça permet de ne pas refaire les mêmes conneries ! C’est juste que… Bah… Je ne peux pas m’empêcher de comparer. » Pente glissante. Changeons vite de sujet :

« Les pouvoirs ? Ouais Erwin m’en a parlé. Vite fait. Elle a dit qu’elle allait se démerder pour me trouver une faucheuse plus expérimentée, pour m’enseigneur deux trois trucs. Je… » J’hésite. Je baisse les yeux sur mes paumes, auréolées de fumée pailletée. « J’avoue que j’ai du mal à m’y faire. Des pouvoirs magiques ?! Sérieux ?! J’ai l’impression d’être en plein délire. Les Vampyres, la magie, les sirènes… Et les tarées qui foutent de doigts à tout le monde, haha. » Eve la doigteuse. Le sobriquet risque de rester.

J’ouvre la bouche, pour la chambrer encore un peu, entre deux phrases sérieuses sur la manière dont fonctionne la magie, mais je reste bouche-bée. Paralysé la gueule ouverte, pour le dire de manière plus terre à terre. La rue s’achève sur une pente douce qui mène à la crique où se vole le port de la cité. Des pontons, certains en en bois, d’autres en pierre, se jettent sur les eaux cristallines. Des dizaines de bateaux y mouillent paisiblement. Leurs coques en bois montent et descendent au rythme des vagues, relié au continent par d’épaisses cordes et des nœuds savants. Ils sont modestes, en apparence, mais putain qu’ils ont de l’allure avec leurs voilées carrées ou triangles, et les filets de pêches bondés de poissons frétillants. Il est encore très tôt. Ils viennent de revenir au bercail, après une nuit de pêche. La place qui nous sépare de leurs silhouettes imposantes est noire de monde. Des badauds circulent entre les étals, d’où les commerçants beuglent à qui veut bien l’entendre que leur cargaison est la plus fraiche. Un spectacle inédit. Sur Terre il suffisait d’appuyer sur un écran tactile pour se faire livrer des plats industriels prêt à manger. Je ne sais pas ce qui est le plus déstabilisant : la vue de l’océan, l’odeur iodée des poissons frais, ou le brouhaha généré par cette foule d’âmes sauvées de l’ancien monde.

« Je crois que je vais avoir besoin d’un moment. » Une boule crampe mon estomac, mes tripes. Un mélange incongru de joie, de tristesse et d’excitation. Tout s’entre-même. Les souvenirs de ce que j’ai perdu, les espoirs de ce que cet univers peut m’offrir. « Fait chier. » Je me racle la gorge. Elle est nouée par l’émotion. « Ils pourraient faire un peu la poussière, j’en ai dans les yeux. » J’essuie d’un pouce la larme naissante à la commissure d’une paupière. J’inspire. Expire. Ce paysage est pire qu’une… drogue. « Aller viens ! » Cédant à une soudaine pulsion infantile, j’attrape Eve par la main et l’entraine dans une nouvelle course folle. Cette fois personne n’est à nos trousses. Nos bottes battent le pavé, les planches, puis le sable. Mes poumons s’imbibent d’air salin. Il délasse mes muscles, chasse la noirceur de mes pensées.

Bref. On doit passer pour deux tarés qui courent comme des dératés. Digne d’un spot publicitaire pour une agence de voyage. Haha.

J’achève ma course, et libère enfin la miss, alors la pointe de mes chaussures tutoie la marque sombre laissée par les vaguelettes qui se succèdent sur le sable. Le panorama est grandiose. Je résiste à la pulsion de m’en débarrasser, pour marcher pied nu. Mais je n’ai pas envie de passer le reste de la journée avec du sable dans les grolles. C’est un coup à se faire des putains d’ampoules. Je n’ai pas retrouvé des jambes pour déjà me bousiller les extrémités.

« Je pourrais peut-être apprendre à pécher… » Et pourquoi pas après tout. C’est un loisir comme un autre non ? « Ou revenir courir ici, le matin, ou le soir. » Façon alerte à Malibu. J’inspire encore. Jusqu’à ce que mes poumons menacent d’exploser. Puis je me force à recouvrer la raison, et le sens des priorités biologique. Faut que je mange un truc. A moins qu’Eve ait autre chose en tête… Et soudain, je tilte. Merde :

« Heu attend. Minute papillon. Juste avant. Tu parlais du fait, heu, d’acheter une maison ? Y’a de l’argent ici ? Ça marche comment ? » La preuve que le capitalisme survivra à l’extinction de l’espèce humaine sur Terre. N’aurait-t-on pas pu le laisser là-bas celui-là ? « On un problème Eve… Parce que là, tout de suite, j’ai pas un seul sou en poche… Tu vas devoir payer la note… » Je suis partagé entre la gêne et l’hilarité. Je décide de le prendre à la rigolade : « Au pire on pique un poisson grillé ou deux sur un barbecue. On n’est plus à une course poursuite près, non ? »
Fayad Feysal
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